B. DES ÉCHÉANCES ÉLECTORALES 2014 TRÈS LOURDES POUR LE RÉSEAU CONSULAIRE

1. La concomitance des élections consulaires et européennes, un véritable casse-tête pour les consulats

Les consulats français organisent aujourd'hui, pour les Français résidant à l'étranger, les scrutins relatifs à l'élection du Président de la République, aux référendums, aux élections européennes, à l'élection des conseillers de l'Assemblée des Français de l'étranger, et, depuis 2012, à l'élection des 11 députés des Français de l'étranger.

Dans cette perspective, les postes consulaires doivent tenir les listes électorales consulaires (LEC), pour plus d'un million d'électeurs inscrits.

Comme le relève la Cour des comptes dans son récent rapport précité, aucun autre État n'offre de telles possibilités à sa communauté expatriée, même si plusieurs réseaux consulaires permettent le vote de leurs ressortissants à l'étranger. C'est notamment le cas pour les Espagnols (pour toutes les élections et les référendums), les Allemands (pour les élections législatives et européennes) ou encore les Italiens (pour les élections législatives et les référendums). Mais le vote par correspondance organisé depuis le pays d'origine constitue l'unique modalité de participation à ces différents scrutins. Les services consulaires britanniques n'organisent quant à eux aucune élection.

L'organisation des élections est une charge lourde pour les consulats, surtout en cas de pluralité d'échéances, comme ce fut le cas en 2012 et comme cela le sera en 2014.

L'organisation des élections a un coût, non seulement pour le ministère de l'intérieur, qui prend en charge certains postes de dépense, mais aussi pour le ministère des affaires étrangères. Deux enveloppes, respectivement de 2 M€ et 4 M€, sont inscrites au projet de loi de finances pour 2014 dans le programme 151 en vue de l'organisation des élections européennes et des élections des conseillers consulaires dans le cadre de la réforme de l'Assemblée des Français de l'étranger.

LA POSSIBILITÉ DE VOTER AUX ÉLECTIONS EUROPÉENNES POUR LES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

La loi n° 2011-575 du 26 mai 2011 a rétabli l'article 23 de la loi n° 77-729 du 7 juillet 1977, permettant aux citoyens français établis hors de France de voter dans les centres de vote ouverts à l'étranger pour l'élection des représentants français au Parlement européen.

Cette faculté avait disparu avec la réforme du scrutin européen par la loi du 11 avril 2003 qui avait partagé le territoire français en huit circonscriptions électorales.

Les Français de l'étranger pourront donc participer à cette élection depuis l'étranger, dès lors qu'ils sont inscrits sur une liste électorale consulaire. Ils seront rattachés à la circonscription « Île-de-France ».

Le gouvernement a annoncé que les élections européennes seront concomitantes aux premières élections des 444 conseillers consulaires. Ces deux scrutins auront lieu le dimanche 25 mai 2014, ou le samedi 24 mai sur le continent américain.

On ne peut naturellement que se féliciter que les Français de l'étranger, dont environ la moitié réside en Europe, retrouvent cette faculté de vote aux élections européennes.

Toutefois, les modalités pratiques du vote pour les deux échéances étant distinctes (listes électorales distinctes, modalités de vote possible différentes...), l'organisation pratique du scrutin pèsera lourdement sur les consulats.

C'est ce que relève la commission des lois de l'AFE dans son rapport de septembre 2013 : « En effet un certain nombre d'électeurs risque d'avoir du mal à s'y retrouver parmi les nombreuses affiches, un vote pour des listes de l'Ile de France, des conseils consulaires dont ils ne connaissent rien, des délégués consulaires dont le nom prête à confusion... D'autre part on vote sous son nom de naissance aux européennes mais sous son nom d'usage pour l'AFE. La liste électorale n'est pas la même pour les deux élections selon le choix effectué par les électeurs. Enfin le nombre de personnes qu'il faudra mobiliser sera important et le dépouillement risque d'être très long (heure de fermeture à 22h pour les européennes). »

M. Robert del Picchia, co-rapporteur, souligne le casse-tête que représente la tenue simultanée de cette double élection : le jour du scrutin, il faudra compter 2 fois plus de personnels. Les bureaux de vote seront doublés : par exemple, au lieu d'ouvrir 20 bureaux de vote à Montréal, il en faudra 40. Soit 80 fonctionnaires réquisitionnés pour toute une journée pour cette seule ville, et autant d'assesseurs à trouver. La même chose est à craindre à Bruxelles, Londres, Genève, où résident des communautés françaises nombreuses...

C'est donc un tour de force que doit accomplir le ministère des affaires étrangères, en charge de l'organisation de ces deux élections à l'étranger.

2. La possibilité d'étendre le vote électronique aux élections européennes à l'étranger

Dans ce cadre, il est prévisible que des critiques se feront inévitablement entendre sur les modalités d'organisation et le coût de ces échéances électorales à l'étranger.

Ce d'autant plus que les enseignements tirés des scrutins récents en France comme à l'étranger laissent anticiper un taux de participation faible , notamment pour les élections européennes, que certains voient s'établir autour 20%.

Pour les élections à l'AFE, les taux de participation se sont également situés, par le passé, entre 20% et 30%.

Source : étude d'impact du projet de loi sur la représentation des Français de l'étranger

Dans son récent rapport précité, la Cour des comptes a déjà estimé au sujet des élections européennes que « au sein de l'Union, ce dispositif est redondant avec la possibilité pour un citoyen de voter dans le pays où il est établi et présente à cet égard trois inconvénients. D'une part, il alourdit la charge de travail des postes consulaires établis dans l'Union européenne. D'autre part, il peut sembler aller à l'encontre de l'expression d'une citoyenneté européenne pour l'occasion de cette élection. Enfin, il ne permet pas de garantir qu'aucun double vote n'est possible alors même que les contrôles nécessaires pour apporter cette garantie dans le seul cadre national sont déjà très complexes à mettre en oeuvre. ».

La Cour relève que le coût par votant à l'étranger est de 61 € aux élections législatives (contre 5 € en France ). On peut craindre que ce calcul ne soit pas meilleur pour les élections européennes.

Dès lors, dans le contexte de l'organisation simultanée de deux scrutins le même jour, votre co-rapporteur, M. Robert del Picchia, a déposé, avec plusieurs de ses collègues sénateurs 23 ( * ) , une proposition de loi 24 ( * ) tendant à permettre un vote par internet pour les Français de l'étranger pour les élections européennes.

PROPOSITION DE LOI TENDANT À AUTORISER LE VOTE PAR INTERNET POUR LES FRANÇAIS ÉTABLIS HORS DE FRANCE POUR L'ÉLECTION DES REPRÉSENTANTS AU PARLEMENT EUROPÉEN (8 OCTOBRE 2013)

L'abstention électorale est un mal endémique à l'étranger. Le vote par Internet est un outil indispensable pour convaincre des électeurs très éloignés des bureaux de vote et peu sensibilisés aux enjeux civiques de se réapproprier les scrutins français.

Dès lors, dans le contexte de l'organisation simultanée de deux scrutins le même jour, il nous paraît indispensable de proposer à ces mêmes électeurs les mêmes modalités de participation. Il faut simplifier l'équation autant que faire se peut.

Dès lors, proposer le vote par Internet aux Français de l'étranger pour les élections européennes s'impose comme une décision de bon sens.

Cela permettrait une fluidité du processus électoral qui pourrait conduire à une émulation et à un meilleur taux de participation pour les deux élections.

En tout état de cause, si cela ne devait pas permettre une augmentation de la participation, cela ne pourrait pas favoriser sa chute. Or, la chute de la participation est plus que probable si aucune mesure n'est prise.

On ne peut pas sérieusement penser encourager un électeur à voter en lui proposant une participation à distance pour choisir ses conseillers consulaires, alors que dans le même temps on lui demande de se déplacer au consulat pour choisir un député au Parlement européen.

Par ailleurs, le vote par Internet permettrait peut-être d'alléger l'organisation du vote physique.

Nul n'est besoin de rappeler l'importance des enjeux de la participation électorale pour ces élections.

Qu'il s'agisse des premières élections des conseillers consulaires, ou bien des élections européennes pour lesquelles les Français de l'étranger retrouvent enfin (après quinze années !) la possibilité de voter depuis l'étranger, la participation électorale sera un indicateur essentiel de la santé de la démocratie française à l'étranger.

L'article unique de cette proposition de loi étend aux Français établis hors de France la possibilité de voter par Internet à l'élection des représentants au Parlement européen.

Outre l'impact potentiel en termes de participation et de simplification des opérations matérielles d'organisation du scrutin, la mise en oeuvre de cette proposition permettrait de réaliser de substantielles économies ne serait-ce que par la mise à disposition en ligne de la propagande électorale , bien moins couteuse qu'un envoi postal (et plus efficace : pour certains scrutins par le passé les prospectus envoyés depuis Paris à grands frais étaient parvenus après l'élection) !

M. Jean-Marc Pastor, co-rapporteur, et l'ensemble de votre commission souhaitent que cette proposition de loi puisse être inscrite à l'ordre du jour du Sénat rapidement, puis à l'Assemblée nationale, pour un examen en temps utile pour le scrutin du mois de mai prochain.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES DANS LE CADRE DE LA PRÉPARATION DU PRÉSENT RAPPORT

M. Laurent FABIUS , ministre des Affaires étrangères ;

Mme Hélène CONWAY-MOURET, ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Français de l'étranger ;

M. François SAINT-PAUL , directeur des Français de l'étranger et de l'administration consulaire, ministère des Affaires étrangères, responsable du Programme 151 ; M. Christian REIGNEAUD , responsable de la cellule ressources humaines et formation, Mme Catherine MANCIP , sous-directrice, conseillère des affaires étrangères ;

Mme Hélène FARNAUD-DEFROMONT , directrice de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), M. Jean-Luc MARSIN, directeur des bourses et Mme Raphaëlle DUTERTRE , conseillère parlementaire ;

M. Jean-Marie BRUNO, directeur de cabinet de la ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, M. Guillaume ROY , conseiller pour les affaires consulaires, M. Dominique DEPRIESTER , conseiller pour l'éducation et Mme Annelise GARZUEL , conseillère parlementaire ;

Mme Claire BODONYI , conseillère budgétaire au cabinet du ministre des affaires étrangères.

AUDITION DE MME HÉLÈNE CONWAY MOURET

Le Mercredi 6 novembre 2013, la commission auditionne Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, sur le projet de loi de finances pour 2014 (programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » de la mission Action extérieure de l'Etat).

M. Robert del Picchia, vice-président, co-rapporteur des crédits du programme 151 . - Nous sommes heureux de vous recevoir, Madame la Ministre, chère Hélène, pour la présentation de votre budget. Bien que ces 375 millions d'euros puissent paraître modestes, les crédits alloués aux Français de l'étranger revêtent une grande importance : outre le financement de l'aide sociale et des bourses scolaires, je veux signaler combien la réactivité du réseau consulaire français, dans la délivrance des visas par exemple, contribue à l'attractivité économique de la France, aux recettes du tourisme. Le réseau est cependant sous pression et va devoir gérer une actualité dense : les élections européennes et celles des conseillers consulaires, suivies par celles de l'assemblée des Français de l'étranger ; la mise en oeuvre de la réforme du système d'attribution des bourses ; l'accompagnement de l'évolution de l'enseignement du français à l'étranger.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée chargée des Français de l'étranger . - Le budget du programme 151, « Français à l'étranger et affaires consulaires », est l'expression des priorités retenues par le Gouvernement en faveur des 2,5 millions de nos compatriotes établis hors de France. Il est préservé, malgré une double contrainte : celle de l'augmentation régulière du nombre des Français inscrits dans les consulats (sauf en Allemagne, en Israël et en Espagne) ; celle du nécessaire effort de redressement des finances publiques, auquel le ministère des Affaires étrangères apporte une contribution exceptionnelle de 22 millions d'euros.

Les dotations des secteurs et actions prioritaires n'en sont pas moins renforcées : sécurisation de nos installations, bourses scolaires, action sociale. Avec 118,8 millions d'euros, l'aide à la scolarité est la principale ligne budgétaire du programme, elle représente 75% du budget total hors dépenses de personnel. L'augmentation de 8,5 millions d'euros concrétise notre engagement, pris l'an dernier.

La suppression de la prise en charge (PEC) des frais de scolarité pour les lycéens français dès septembre 2012 - mesure que le gouvernement précédent n'avait pas financée - a été suivie par une profonde réforme des modalités d'attribution des bourses scolaires sur critères sociaux, ce qui était la moindre des choses. Notre objectif était double : répartir de manière plus juste le budget des bourses et garantir un soutien pérenne de l'État à la scolarisation des enfants dans l'ensemble du réseau. Après une année de mise en oeuvre, cette réforme répond manifestement aux objectifs poursuivis.

Pour introduire davantage de justice dans ce système, il fallait redistribuer l'enveloppe budgétaire. Une famille percevant plus de 110 000 dollars par an - plus de trois fois le revenu médian annuel des ménages français - pouvait toucher une aide de plus de 20 000 dollars ! Un léger rééquilibrage a aussi tendu à corriger des inégalités géographiques au profit du Proche et Moyen-Orient (17% de boursiers supplémentaires) ainsi que de l'Asie et de l'Amérique centrale et du Sud (3% de plus).

Alors que le nombre d'élèves scolarisés augmente continument et que les droits d'écolage se renchérissent, nous avons réussi à aider 12% de familles de plus que l'année passée - la hausse s'élève à 10% pour les familles monoparentales, infirmant l'idée que le nouveau système les défavorise. Davantage de progressivité a été instillée dans les quotités accordées. Nous continuons à prendre intégralement en charge les frais de scolarité de 43% des élèves boursiers.

La réforme donne davantage de responsabilités aux commissions locales, qui connaissent la réalité des situations sociales et ont pu ajuster les quotités au plus près des besoins. Dans tous les cas, nous procéderons aux ajustements utiles. Un bilan de la réforme sera dressé après la tenue de la Commission nationale des bourses (CNB) du mois de décembre.

Les crédits consacrés à l'aide sociale sont cette année encore préservés : leur enveloppe, la deuxième la plus importante du programme 151, s'élève à 19,8 millions d'euros, dont 16 consacrés aux plus démunis et aux handicapés. C'est bien le signe que le soutien à nos compatriotes les plus en difficulté demeure une priorité du réseau consulaire. La France est l'un des rares pays à mettre en oeuvre une telle solidarité. Le maintien de ces crédits relève d'un choix politique que je tiens à souligner.

Sur l'ensemble de l'année 2012, 5 077 Français ont bénéficié de l'aide consulaire ; 3 653 ont été aidés pour accéder au marché de l'emploi grâce à nos consulats, en lien avec les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger ; et 407 ont été rapatriés pour raisons sociales et sanitaires. Je signale que la Caisse des Français de l'étranger (CFE) a retrouvé une enveloppe d'un niveau acceptable, en hausse par rapport à l'an dernier.

L'année 2014 sera riche en échéances électorales. Les Français de l'étranger pourront à nouveau participer aux élections européennes grâce à leur rattachement administratif à l'Île de France. La dotation du programme 151 est abondée au total de 6 millions : 2 pour l'organisation de ces élections ; 4 pour couvrir les dépenses liées aux élections des conseillers consulaires. Pour la première fois, les Français de l'étranger éliront, le 24 et le 25 mai 2014, des élus de proximité, les conseillers consulaires qui, un mois plus tard, désigneront en leur sein les 90 conseillers de la nouvelle Assemblée des Français de l'étranger. Cette élection se fera à budget constant, conformément à la loi du 22 juillet 2013.

Dès ma prise de fonctions, j'ai confié à l'ambassadeur M. Daniel Lequertier une mission sur la modernisation du réseau consulaire. Ses principales recommandations ont été reprises dans le rapport de la Cour des comptes consacré à l'évolution des missions et l'organisation des consulats français à l'étranger.

Pour adapter ses moyens à ses missions, le réseau doit évoluer. Il sera recentré sur une ou deux missions prioritaires dans les treize postes de présence diplomatique à format très réduit, où une activité consulaire minimum sera maintenue : Brunei, Cap-Vert, Erythrée, Guinée-Bissau, Honduras, Jamaïque, Kirghizistan, Libéria, Népal, Papouasie-Nouvelle Guinée, Tadjikistan, Trinité et Tobago, Zambie. Trois nouveaux consulats généraux en capitale, à Libreville, Ouagadougou et Washington, seront transformés en sections consulaires, ce qui n'aura aucune incidence sur la qualité du service rendu.

Les consulats européens dits « à gestion simplifiée » seront adossés à des représentations, notamment culturelles, du réseau de l'État. Cela sera le cas à Stuttgart en 2014, à Düsseldorf, Turin et Naples en 2015. Nous veillerons néanmoins à ce qu'un guichet consulaire soit maintenu.

Enfin, certaines activités telles que l'état-civil ou l'établissement des visas pourront être centralisées sur un seul poste consulaire dans les pays européens où l'on en compte plusieurs : c'est déjà le cas en Allemagne, à Berlin.

Là où les Français sont éloignés de leur consulat de rattachement, nos consuls honoraires jouent un rôle essentiel. Leur présence assure un service public de proximité, notamment pour la délivrance de passeports. Ce réseau de relais bénévoles se verra renforcé - ainsi à Madagascar, Hambourg et dans l'Ouest canadien - au fur et à mesure de l'émergence des besoins de nos communautés. Pour partie au moins, ils pourront être dotés de nouvelles compétences en matière de prise d'empreintes biométriques, et de nouveaux moyens humains, quand cela est possible et justifié, comme à Tamatave, Majunga et Hambourg, et de moyens financiers grâce à l'octroi de subventions annuelles, proportionnées à leur activité.

Le Programme d'amélioration et de modernisation de l'action consulaire (Pamac), qui a débuté en 2012, vise à améliorer la qualité de service aux usagers et à dégager des gains de productivité en tenant compte de l'augmentation de la population des Français de l'étranger. Les procédures seront simplifiées : suppression des timbres de chancellerie, mise en place du passeport grand voyageur, rationalisation des procédures de contrôle des mariages et de transcription des actes d'état-civil. Le périmètre des missions consulaires sera redéfini, grâce à la réforme supprimant le notariat consulaire, et à l'adaptation de la journée Défense et citoyenneté aux réalités locales. La téléadministration, l'informatisation et la dématérialisation seront développées grâce à la mise en place d'un registre électronique d'état-civil et au déploiement d'Itinera.

J'en viens à la sécurité de nos concitoyens dans le monde. Comme nous l'avons fait au lendemain de l'intervention Serval en janvier 2013, nous renforçons nos dispositifs dans les zones sensibles et redistribuons les moyens ; 20 millions d'euros supplémentaires seront consacrés au plan de sécurisation de nos implantations. On ne peut ignorer le maintien de la menace terroriste au Moyen-Orient, dans la corne de l'Afrique ou dans l'arc sahélien. Les mesures de sécurité doivent en permanence évoluer en fonction des menaces. Conseils aux voyageurs et le site Ariane ont été adaptés pour un meilleur suivi et une meilleure protection des Français qui voyagent à l'étranger. Des exercices régionaux auront lieu, comme le 13 novembre prochain à l'ambassade de France à Jakarta, au consulat général de France à Pondichéry et à l'ambassade de France à Colombo. Afin de mieux répondre aux demandes des postes, le Centre de crise - d'où je suivrai l'exercice en novembre - sera doté de 800 000 euros supplémentaires et continuera d'envoyer dans les postes des missions de préparation à la gestion de crise.

Nous avons donc conservé l'essentiel en affectant à nos priorités les moyens requis, dans un contexte économique contraint.

M. Jean-Marc Pastor, co-rapporteur des crédits du programme 151. - La hausse de l'enveloppe budgétaire est justifiée, ne serait-ce que par l'obligation d'organiser des élections. Le maintien des mesures prises dans le domaine éducatif, comme le système des bourses, doit être souligné.

La Cour des comptes constate que nos consulats offrent des services plus performants que ceux de nos partenaires. Elle propose d'abandonner certaines tâches comme le notariat, voire l'établissement de la carte d'identité. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

La directive sur la protection consulaire va obliger la France à prendre en charge, dans les pays en crise, tous les ressortissants de pays européens non représentés. Le texte européen ne prévoit aucun mécanisme de financement communautaire. La charge va donc peser sur notre réseau. Quel est le coût potentiel ? Où en sont les discussions avec nos partenaires ?

En 2014, certains consulats vont passer à la gestion simplifiée. Cette évolution n'est sans doute pas achevée : cache-t-elle encore d'autres étapes, d'autres « opérations de modernisation de l'action publique » ?

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée . - Le réseau consulaire assume des tâches qui ne sont pas du ressort des affaires étrangères, comme le notariat ou l'organisation de la journée Défense. Il doit faire des économies. Or les demandes des Français sont de plus en plus nombreuses ; celles des étrangers également, pour les visas de tourisme en particulier - le consulat est alors le premier point de contact avec la France. Pour qu'il continue à offrir un service de qualité et à assurer au personnel des conditions de travail acceptables, il a fallu repenser les missions et se concentrer sur l'essentiel. Le Pamac y contribue.

Le notariat, outre la charge de travail qu'il constitue, pose un problème de sécurité et de responsabilité juridique. Au lieu des cinq années d'études nécessaires, nos agents reçoivent quelques jours de formation. C'est ce que j'ai fait valoir au président du Conseil supérieur du notariat. Nous réfléchissons ensemble à une refonte des tâches.

J'ai récemment rassemblé les ambassadeurs des pays de l'Union européenne pour une discussion franche et informelle sur la directive relative à la protection consulaire. Nombre de nos partenaires demeurent réservés à l'égard de l'évolution que nous proposons, un partage des frais correspondant au niveau réel de service rendu. La France assure en effet un service optimal, ce qui n'est pas le cas de la plupart des autres représentations. Nous nous retrouvons souvent en première ligne, alors que les problèmes de sécurité s'aggravent dans le monde.

M. François Saint-Paul, directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire. - L'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne prévoit, dans les pays tiers, la protection consulaire des ressortissants des pays européens non représentés par toute représentation d'un Etat membre. Son deuxième paragraphe prévoit l'adoption d'une directive à la majorité qualifiée après avis du Parlement européen. Or, comme l'a relevé la Cour des Comptes, les pays européens offrent des degrés de protection consulaire très différents. Les négociations ont lieu en ce moment au sein du groupe de travail « Cocon », chargé de la protection consulaire. La France, en raison de ses intérêts, y est très active. Elle défend trois principes : le remboursement de toute prestation fournie au profit d'un ressortissant d'un Etat membre ; le partage des responsabilités ou burden sharing , sur place, entre les pays représentés - sachant cependant que chaque ressortissant s'adresse à la représentation de son choix ; et le rôle de coordination du Secrétariat européen aux Affaires étrangères.

La décision du 19 décembre 1995 oblige à obtenir l'accord de l'État dont l'intéressé est le ressortissant dans le cas où la protection accordée entraîne une dépense. Dans la directive en revanche, plus besoin d'accord, la protection sera automatique : alors la facture doit l'être aussi. La négociation est difficile. Nous soulignons que nos services, rapatriements, visites aux détenus, etc. sont souvent plus larges que ceux assurés par nos partenaires. A preuve, les réactions lors de l'épisode du volcan islandais : tout le monde préférait recourir au consulat français plutôt qu'au britannique.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée . - Nous avons rompu avec la logique de la fermeture des consulats. Au moment où se met en place une diplomatie économique, il serait paradoxal de quitter des pays qui pourraient se développer dans l'avenir, et dont le potentiel n'a pas encore été exploité. Nous préférons rechercher les économies sur d'autres lignes budgétaires. Aucune fermeture n'interviendra, hors celle du poste de Calgary, et encore, il est remplacé par deux agences consulaires, une sur place et une à Edmonton, au plus près de nos communautés.

La réflexion en silo a fait long feu, nous pensons dorénavant de façon transversale. Pour préserver nos services, nous les adossons par exemple à un institut culturel - le directeur d'un Institut français devenant consul. Les économies en équivalents temps plein réalisées dans le cadre du Pamac n'amènent pas à exercer de pression indue sur les agents consulaires : ils pourront continuer à travailler correctement.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Ce n'est pas la première fois que les Français élisent des « conseillers de proximité », Madame la Ministre : ils sont déjà 155, élus au suffrage universel !

La revalorisation du rôle des consuls honoraires me tient à coeur, vous le savez. La stabilité du budget correspondant fait suite à une baisse de 6,6% en 2013. Le projet de loi de finances ne traduit donc pas vraiment la recommandation n° 9 de la Cour des Comptes, «  développer et animer le réseau des consuls honoraires ». C'est une bonne chose que de leur donner des nouvelles compétences, encore faut-il augmenter leurs moyens, or cela n'est pas inscrit dans votre budget.

Les treize postes très allégés que vous avez mentionnés compteront désormais quatre personnes contre douze auparavant. Or M. Fabius affirmait il y a quelques mois dans un twitt qu'un poste à trois ou quatre agents « ne peut pas fonctionner ».

Pourquoi le budget du poste téléadministration et accueil diminue-t-il de 12%, alors que l'on cherche à développer ce pôle ?

Le budget des bourses scolaires dans le programme 151 augmente de 8,5 millions d'euros. Pourtant l'enveloppe des bourses stagne. Le document issu de la Commission nationale des bourses (CNB) indique que le montant de l'enveloppe globale des bourses scolaires devrait passer de 101,9 millions à 90,8 millions, soit une diminution de 10%. Dans un document du ministère, celle des bourses pour les pays du rythme Nord passerait de 82,2 millions d'euros à 80, 9 millions, soit une baisse de 1,5%. Mais peut-être ai-je mal lu ?

Nos établissements français à l'étranger s'inquiètent du désengagement à l'égard de l'AEFE. La réforme des bourses comporte une révision de la pondération en fonction du coût de la vie dans les différents pays. Cependant l'enveloppe de l'indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale (ISVL) n'est pas réévaluée. De plus, la hausse de 8, 5 millions du budget de l'AEFE est corrélée à une baisse équivalente de son budget dans le programme 185. N'y a-t-il pas là un tour de passe-passe ? Quelle latitude auront les établissements pour réorganiser leur fonctionnement ?

En dépit de l'augmentation de l'enveloppe budgétaire des bourses, le reste à charge pour les parents augmente, du fait de la baisse de quotité pour les boursiers partiels et de la hausse des frais de scolarité. L'absence d'étude rend difficile l'évaluation des effets réels de la réforme. De plus, les résidents demeurent exclus de ces aides.

Vous vous étiez félicitée l'été dernier de ce que l'État prend entièrement en charge 40 % de boursiers. Mais le réseau AEFE ne compte que 9% d'élèves disposant d'une bourse totale et 11% d'une bourse partielle, soit 23 157 élèves sur 115 000. L'incohérence des chiffres appelle des éclaircissements. La prise en charge subit d'ailleurs une vraie diminution, puisqu'il y avait 24 732 boursiers l'année passée, hormis les 8 000 enfants scolarisés gratuitement.

On observe en outre une déscolarisation, 2 000 enfants cette année. Certes, des raisons financières sont invoquées dans seulement 2% des cas : mais 60% des départs ont eu lieu pour raisons « inconnues », ce qui rend les chiffres peu pertinents - certains parents ne veulent pas avouer un motif financier.

M. Jean-Pierre Cantegrit . - Le montant de l'aide sociale en faveur de nos compatriotes, maintenu à 19,8 millions malgré les difficultés budgétaires, est demeuré inchangé depuis plusieurs années : exprimé en euros constants, il est en diminution. Toutefois la France est l'un des rares pays à assurer une telle aide, gérée avec grande rigueur par la direction des Français de l'étranger, ce dont je me félicite.

Le montant de la troisième catégorie aidée, dites-vous, est en augmentation. En fait, ce n'est pas le cas : il demeure de 498 000 euros. Les avances partielles accordées d'une année sur l'autre ont pu vous induire en erreur. Ce chiffre représente un cinquième du total de la troisième catégorie aidée. Nous sommes loin du compte, par rapport à ce que prévoyait la loi de modernisation sociale, une prise en charge totale de l'aide par une ligne budgétaire. La Caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger, que je préside, a néanmoins fait face à ses obligations ; elle a dû augmenter très légèrement ses cotisations. Le recul du nombre de bénéficiaires au titre de la troisième catégorie est surprenant, compte tenu des difficultés actuelles ; c'est que la CFE et les consulats ont examiné les dossiers avec une grande rigueur.

Les sociétés de bienfaisance prennent une part de plus en plus importante dans l'aide à nos compatriotes. Il est souhaitable que nos consulats et la direction des Français de l'étranger les entourent.

Dans le projet de loi de financement tel que voté à l'Assemblée nationale, ceux des frontaliers qui adhéraient sur place à un régime étranger ou à une assurance privée seront tenus de cotiser à la sécurité sociale. Trop nombreux sont ceux qui cherchent une échappatoire en demandant à adhérer à la CFE. Plus de 110 000 personnes à la seule frontière suisse ! Nous ne pouvons faire face. Je souhaite qu'une réponse claire leur soit apportée, rappelant l'obligation de cotiser en France. J'espère que l'examen de la loi de financement au Sénat sera l'occasion de préciser les choses de façon définitive.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée . - Les futurs élus seront plus proches de la communauté dont ils sont issus : aujourd'hui, certains représentent les Français de plusieurs pays, voire d'un continent entier.

Sur la délivrance des cartes d'identité et des passeports par les consuls honoraires, nous menons une réflexion avec le ministère de l'Intérieur, qui a la compétence sur ce sujet.

Madame Garriaud-Maylam, il ne faut pas confondre des données qui correspondent à une année budgétaire et celles qui concernent une campagne de bourses, à cheval sur deux exercices budgétaires. Nous vous répondrons très précisément par écrit afin que vous puissiez communiquer sur cette question en toute clarté.

Attention, sur la réforme de l'aide à la scolarité, aux termes employés ; certains instillent la peur au sein des familles. Ma seule volonté, dans la limite de l'enveloppe attribuée, abondée chaque année, est d'être au plus près des familles qui en ont le plus besoin. Dans le passé, la Prise en charge (PEC) a donné l'impression qu'une gratuité pour tous était possible ; mais l'État ne peut plus se permettre cette générosité. Une famille qui dispose d'un revenu de plus de 110 000 dollars a-t-elle vraiment besoin de la solidarité nationale ? N'oublions pas qu'une aide à un enfant scolarisé dans tel continent représente -une dizaine ou une vingtaine d'aides ailleurs, tant les niveaux de vie et les frais de scolarité sont divers. Prudence, également, lorsque vous parlez de déscolarisation. Je voudrais bien connaître les noms de ces 2 000 élèves ! Savez-vous que 7% des enfants ayant reçu des bourses n'effectuent pas la rentrée ? Les familles sont mobiles et font parfois le choix de déménager ou de scolariser leur enfant, finalement, dans un autre établissement.

L'aide sociale est essentielle. Cela a été un choix politique que de préserver la ligne budgétaire correspondante. Son montant est inchangé depuis 2005, c'est vrai, malgré une augmentation de la population française à l'étranger. Mais grâce à une plus grande rigueur dans l'attribution, nous avons pu couvrir la totalité des demandes éligibles, et revaloriser cette année les taux de base, qui s'appliquent aux pouvoirs d'achat les plus faibles, tout en augmentant de 30% les secours occasionnels et aides ponctuelles. En 2014, nous prévoyons de revaloriser l'allocation enfant handicapé.

Oui, les sociétés de bienfaisance jouent un rôle important. Les consuls en ont pris la mesure. À Rome ou même à Monaco - où les façades opulentes cachent parfois des tragédies humaines - j'ai vu des sociétés de bienfaisance aider des personnes âgées, en difficulté notamment pour se loger convenablement. J'y suis attentive et rencontre à chaque voyage les présidents de ces associations, lesquelles gagneraient à grouper leurs forces pour lever ensemble plus de fonds et pour se faire connaître auprès des entreprises françaises, souvent généreuses.

Vous m'interrogez sur les frontaliers : j'organiserai une conférence sur les problématiques propres aux personnes qui résident dans un pays et travaillent dans un autre ; c'est un beau thème avant des élections européennes, car ce phénomène prospère grâce à la liberté de mouvement et à la monnaie unique. Certains problèmes restent à régler, nous y travaillons. Nous rassemblerons ainsi diplomates, administration française et élus. Je n'ai pas de réponse à vous apporter aujourd'hui, mais j'espère que vous participerez à cette conférence au printemps prochain.

M. Jean-Pierre Cantegrit . - J'insiste sur l'urgence de publier le texte imposant aux frontaliers de cotiser à la sécurité sociale française, car nous ne pouvons les accueillir tous.

Mme Hélène Conway-Mouret, ministre déléguée . - Je saisirai sur ce point la ministre des affaires sociales. Quant à la question de Mme Garriaud-Maylam sur les 8,5 millions d'euros : c'est par hasard que ce montant est aussi celui des économies demandées à l'AEFE. Celle-ci n'échappe pas aux efforts que doivent consentir tous les opérateurs de l'État ; elle peut s'en acquitter grâce à des économies liées notamment au déménagement de son siège et à des versements de pensions civiles inférieurs à la prévision triennale. Il s'agit de deux programmes différents, 151 et 185. Rassurez-vous, ni l'enseignement, ni les frais de scolarité ne seront touchés.

M. Robert del Picchia, vice-président, co-rapporteur . - Je vous ferai mes questions par écrit, et attends particulièrement une réponse concernant le vote par internet pour les élections européennes, objet d'une proposition de loi débattue le 12 décembre au Sénat : j'espère que vous la soutiendrez.

Nous vous remercions.


* 23 La proposition de loi est co-signée par MM. Jean-Pierre CANTEGRIT, Christian COINTAT, André FERRAND, Christophe-André FRASSA, Mmes Joëlle GARRIAUD-MAYLAM et Christiane KAMMERMANN.

* 24 Consultable à l'adresse : http://www.senat.fr/leg/ppl13-048.html

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