Avis n° 159 (2013-2014) de Mme Laurence COHEN , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 novembre 2013

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N° 159

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

DIRECTION DE L'ACTION DU GOUVERNEMENT :
MISSION INTERMINISTÉRIELLE DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LA TOXICOMANIE (MILDT)

Par Mme Laurence COHEN,

Sénatrice.

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny, rapporteur général ; M. Gilbert Barbier , Mmes Isabelle Debré, Catherine Deroche, Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Jacky Le Menn, Alain Milon, Jean-Marie Vanlerenberghe, vice-présidents ; Mmes Aline Archimbaud, Claire-Lise Campion, M. Jean-Noël Cardoux, Mme Chantal Jouanno , M. Marc Laménie, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Françoise Boog, Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, Mme Anne Emery-Dumas, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Samia Ghali, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, MM. Louis Pinton, Hervé Poher, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 9 ) (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mardi 26 novembre 2013 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente, la commission des affaires sociales a examiné, sur le rapport pour avis de Mme Laurence Cohen , les crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » du projet de loi de finances pour 2014.

Après avoir fait un état des lieux de la consommation de produits stupéfiants en France et rappelé les changements intervenus à la tête de la Mildt en 2012, la rapporteure a souligné que l'année 2013 a été, pour celle-ci, une année de réflexion sur l'orientation future des politiques publiques en matière d'addictions. La rédaction puis l'adoption du plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives pour la période
2013-2017 ont constitué la majeure partie de son activité.

Pour 2014, la baisse de 4,6 % du budget de la Mildt est un mauvais signal envoyé à tous les professionnels des addictions, qui attendent de l'Etat une nouvelle impulsion. Plusieurs initiatives vont être menées à bien, comme l'expérimentation d'une salle de consommation à moindre risque. La question du financement des mesures annoncées, en matière de prévention comme de réduction des risques, se pose néanmoins et pourrait compromettre leur mise en oeuvre. Face aux enjeux sanitaires et sociétaux des addictions, et après cinq années durant lesquelles l'accent a été mis sur la répression des usagers de drogues, une nouvelle politique des addictions était pourtant nécessaire et possible.

La commission des affaires sociales a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », contre l'avis de sa rapporteure.

Mission « Direction de l'action du Gouvernement »

Programme 129 « Coordination du travail gouvernemental »

Crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte
contre la drogue et la toxicomanie » pour 2014

Crédits de paiement (en euros)

Variation 2014/2013 (en %)

Action 15 « Mildt »

20 928 595

- 4,6 %

dont subventions pour charges de service public

Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)

3 132 000

- 4 %

Centre interministériel de formation anti-drogue (Cifad)

439 000

- 4,1 %

Liste des opérateurs

Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) : créée en 1982, son nom et sa forme actuelle découlent du décret n° 96-350 du 24 avril 1996 et ses compétences du décret n° 99-808 du 15 septembre 1999, aujourd'hui codifiés aux articles R. 3411-11 à R. 3411-16 du code de la santé publique.

Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) : créé en 1993 sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), son objet, défini par sa convention constitutive modifiée en mars 2013, est d'éclairer les pouvoirs publics et les professionnels du champ sur le phénomène des drogues en France et de contribuer à son suivi au niveau européen. Pour cela, il procède au recueil, à l'analyse et à la valorisation des connaissances sur l'ensemble des champs disciplinaires intéressés par les drogues et les toxicomanies. Il fournit des informations permettant des comparaisons objectives et fiables sur la situation de la drogue en Europe. Enfin, il apporte un concours méthodologique à la préparation et au suivi des travaux d'évaluation de certains dispositifs gouvernementaux.

Centre interministériel de formation anti-drogue (Cifad) : ce GIP créé en 2003, placé sous l'autorité de la Mildt, rassemble les ministères concernés par la lutte contre le trafic de drogues ainsi que le ministère de la santé. Basé à Fort-de-France, il offre des formations de pointe, concernant notamment la surveillance du fret et des passagers, la lutte contre le blanchiment des capitaux et l'application des conventions internationales, destinées aux agents des services répressifs français en poste dans les départements français d'Amérique et aux personnels chargés de la lutte contre la drogue des pays de la zone d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Sous l'autorité du Premier ministre, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) coordonne l'action des différents acteurs publics qui agissent dans les domaines de l'application de la législation relative aux stupéfiants, de la prévention de la consommation et des soins aux consommateurs de drogues. A ce titre, elle est chargée d'identifier les besoins et de définir les orientations d'une politique qui, relevant tout autant du maintien de l'ordre public que de la préservation de la santé publique, entre dans le champ de compétence de plusieurs ministères.

Alors que la Mildt n'était plus considérée depuis 2007, notamment par les professionnels, comme un lieu d'écoute et de concertation, les premières actions de sa présidente depuis octobre 2012, Mme Danièle Jourdain-Menninger, ainsi que ses propos semblent dénoter une volonté de corriger cette situation. La rupture avec les pratiques qui ont prévalu jusqu'à l'an dernier est sur certains points très claire ; sur d'autres elle l'est malheureusement moins.

Après une année 2012 de transition, liée à l'alternance politique et au renouvellement de sa direction, 2013 a constitué pour la Mildt une année de réflexion et d'élaboration de la politique qui sera conduite par le Gouvernement en matière de lutte contre les drogues et de prévention de la toxicomanie. Sur ce point, les attentes de tous les acteurs impliqués dans le combat contre les addictions sont, à juste titre, importantes : ils jugent indispensable d'y donner une nouvelle impulsion et d'adopter des méthodes nouvelles.

Des expérimentations sont nécessaires ici peut-être plus qu'ailleurs.

L'ouverture d'une salle de consommation à moindre risque en fait partie. Si elle a été retardée, à Paris, à la suite de difficultés juridiques, elle reste l'une des priorités affichées et est indubitablement un impératif sanitaire. Sur le terrain, la municipalité ainsi que les associations sont prêtes. Il faut désormais entamer le processus législatif nécessaire à sa mise en oeuvre sans tarder.

Malheureusement, d'un point de vue budgétaire la Mildt, rattachée à la mission « Direction de l'action du Gouvernement », voit en 2014 son budget diminuer pour la deuxième année consécutive. A 20,9 millions d'euros , il est en baisse de 4,6 % par rapport à 2013. De même, le montant des subventions versées à ses deux opérateurs, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) ainsi que le Centre interministériel de formation anti-drogue (Cifad), pour un total de 3,57 millions d'euros , est inférieur de 4 % à celui de 2013. Cette baisse a des conséquences sociales immédiates avec notamment cinq suppressions de postes à l'OFDT

Ce budget envoie donc un mauvais signal à tous ceux qui attendent une nouvelle politique des addictions et des actes forts de la part du Gouvernement. Pour la société civile, le monde médical et de la recherche mais également pour les forces de l'ordre, impliquées dans la lutte contre les trafics de stupéfiants qui gangrènent certains territoires, c'est au sommet de l'Etat qu'un renouveau de son action contre les conduites addictives doit intervenir. Une ligne claire doit reposer sur des bases incontestables. C'est la raison pour laquelle un large débat sociétal doit avoir lieu et que votre rapporteure appelle de ses voeux la tenue d' états généraux des addictions .

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. FACE À L'ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE DE LA CONSOMMATION DE DROGUES ET DES CONDUITES ADDICTIVES, LA MILDT DISPOSE DE MOYENS TROP LIMITÉS

Selon l'article R. 3411-13 du code de la santé publique, la Mildt, organisme placé directement auprès du Premier ministre, « anime et coordonne les actions de l'Etat en matière de lutte contre la drogue et la toxicomanie, en particulier dans les domaines de l'observation et de la prévention de la toxicomanie, de l'accueil, des soins et de la réinsertion des toxicomanes, de la formation des personnes intervenant dans la lutte contre la drogue et la toxicomanie, de la recherche, de l'information ». Chargée de promouvoir une approche globale des addictions, dans leurs aspects judiciaires, sociaux et médicaux, elle a été conçue pour surmonter les réponses sectorielles et disparates des différentes administrations compétentes si celles-ci se limitaient à leur domaine d'activité.

Face aux progrès en demi-teinte constatés ces dernières années en matière de consommation de drogues et à la nécessité de tirer un trait sur la philosophie qui a présidé à l'action de la Mildt entre 2007 et 2012, la présidente de la Mildt a consacré l'année 2013 au dialogue et à la réflexion sur l'avenir de la politique de lutte contre la toxicomanie, de prévention et de réduction des risques et dommages qui y sont attachés. Toutefois, les moyens octroyés pour 2014 ne semblent pas être à la hauteur des enjeux pourtant identifiés.

A. L'ÉVOLUTION DES HABITUDES DE CONSOMMATION EST MARQUÉE PAR LE DÉVELOPPEMENT DES COMPORTEMENTS À RISQUE

La consommation de drogues en France, telle qu'elle ressort des dernières données de l'OFDT, connaît une évolution contrastée. La consommation de certains produits illicites comme le cannabis poursuit son recul mais les comportements à risque se développent, en particulier chez les jeunes avec l'alcool, tandis que l'exposition de certains toxicomanes à des risques sanitaires graves ne faiblit pas.

Tableau n° 1 : La consommation de substances psychoactives en France

Produits illicites

Produits licites

Cannabis

Cocaïne

Ecstasy

Héroïne

Alcool

Tabac

Expérimentateurs

13,4 M

1,5 M

1,1 M

500 000

44,4 M

35,5 M

dont usagers dans l'année

3,8 M

400 000

150 000

//

41,3 M

15,8 M

dont usagers réguliers 1

1,2 M

//

//

//

8,8 M

13,4 M

dont usagers quotidiens

550 000

//

//

//

5,0 M

13,4 M

1 Dix fois par mois ou plus

Source : OFDT

Le cannabis est la substance psychoactive la plus répandue : 13,4 millions de personnes en ont déjà consommé. A 17 ans, 41,5 % des jeunes l'ont expérimenté, contre un tiers des 18-64 ans. Si l'usage régulier chez les jeunes est en fort recul depuis le début des années 2000 ( 6,5 % contre 12,2 % il y a dix ans), 5 % d'entre eux présentent un risque d'usage problématique ou de dépendance. C'est une consommation de masse qui, si elle est très inférieure à celle des produits licites, représente 550 000 usagers quotidiens.

La cocaïne vient ensuite et a connu ces dernières années une évolution particulièrement préoccupante. Le pourcentage d'expérimentateurs chez les jeunes de 17 ans est passé de 0,9 % en 2000 à 3 % en 2011, signe de la banalisation de cette drogue. Au total, près de 1,5 million de personnes en auraient consommé au moins une fois dans leur vie, parmi lesquelles 400 000 usagers dans l'année. Chez les adultes, ces derniers représentent 0,9 % de la population, contre 0,6 % au milieu des années 2000 : de telles proportions peuvent sembler bien faibles, mais elles traduisent une hausse de 50 % en moins de dix ans.

Quant à l'héroïne et aux opiacés, auxquels 500 000 personnes ont déjà eu recours, ils constituent un véritable problème de santé publique. On compte, chez les 18-64 ans, 90 000 utilisateurs dans l'année et un taux d'expérimentation de 1,2 % .

De par les différents modes de consommation de l'héroïne, les risques infectieux sont considérables : les hépatites B et C ainsi que le VIH peuvent être transmis en cas de partage de matériel d'injection. Par ailleurs, 392 morts par surdose ont été recensées en 2010.

L'ecstasy, première des drogues de synthèse, voit sa consommation se stabiliser, avec 1,1 million d'expérimentateurs et 150 000 usagers dans l'année. En revanche, les nouveaux produits de synthèse (NPS) fleurissent à la frontière de la légalité, en marge de la réglementation. Vendues le plus souvent sur internet, ces drogues sont très proches, par leur composition chimique, des différents produits illicites existants tout en étant suffisamment distinctes pour ne pas être illégales au moment de leur mise en vente. Leur développement est très rapide, et leur multiplicité rend leur identification difficile : une nouvelle drogue de synthèse de ce type apparaît chaque semaine. Si leur potentiel addictif n'est pas scientifiquement établi, d'importants dommages psychiatriques sont avérés. De plus, l'impossibilité de connaître leur composition réelle fait courir des risques importants aux consommateurs, l'analyse et l'interdiction intervenant toujours avec un décalage par rapport à leur arrivée sur le marché.

Enfin, le nombre d'« usagers problématiques de drogues », définis selon des critères européens 1 ( * ) comme ceux utilisant des drogues par voie intraveineuse ou, de manière régulière, de la cocaïne ou des opiacés est en hausse : 281 000 personnes sont désormais concernées, contre 230 000 auparavant. Elles sont pour la plupart dans une situation de très grande précarité : près de la moitié n'ont pas de logement stable, 25 % n'ont aucun revenu et 57 % vivent du revenu de solidarité active (RSA). Il s'agit du public prioritaire de la politique de réduction des risques.

A côté des drogues illicites, les produits licites connaissent une diffusion bien plus large. De plus, leur impact sanitaire est bien plus important que celui des substances interdites.

Le tabac est la première des causes de mortalité évitable, avec plus de 70 000 morts par an . Les 18-75 ans comptent 30 % de fumeurs et la baisse constatée au début des années 2000 n'est désormais plus visible : la consommation est remontée, en 2010, au niveau de 2000. Les jeunes sont particulièrement touchés : le tabagisme quotidien à 17 ans a augmenté de 10 % depuis 2008. Le niveau de consommation des femmes rattrape celui des hommes et soutient cette croissance.

En décembre dernier, la Cour des comptes a constaté 2 ( * ) l'échec de ces politiques de lutte contre le tabagisme et le non-respect d'interdits fondamentaux comme celui de la vente aux mineurs. En parallèle apparaissent des produits nouveaux, comme la cigarette électronique qui se situe actuellement dans un vide aussi bien juridique que scientifique. Des études commencent à voir le jour, sans permettre de tirer des conclusions définitives. La Mildt serait parfaitement dans son rôle si elle soutenait la recherche en la matière.

Pour l'alcool , l'évolution récente est mitigée. La tendance est à la baisse de la consommation générale, et ce depuis plusieurs décennies : 5 millions d'usagers quotidiens aujourd'hui contre 6,4 millions au milieu des années 2000. La France reste néanmoins l'un des plus gros consommateurs d'Europe de l'Ouest. Surtout, les comportements à risque se développent chez les jeunes. Après avoir diminué, l'usage régulier (dix fois dans le mois) chez ceux âgés de 17 ans est en hausse depuis 2008 et atteint 10,5 % . Les comportements d'alcoolisation ponctuelle importante (API, traduction française du binge drinking américain, soit cinq verres au cours d'une même occasion) touchent désormais 53 % de ces jeunes, en hausse de 15 % entre 2005 et 2011 et même de 40 % chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans.

L'impact de l'alcool sur la santé publique est majeur : 49 000 décès par an lui sont attribuables tandis que plus d'un million de personnes y sont dépendantes. Il est la première cause de mortalité prématurée, et ses effets sociétaux sont immenses.

Il est à noter que les condamnations pour des délits routiers liés à l'alcool ont représenté en 2011 25 % de l'ensemble des condamnations prononcées en France.

Enfin, au-delà de leur surconsommation, les médicaments psychotropes , utilisés par 11 millions de Français chaque année, peuvent faire l'objet de nombreux mésusages dans le cadre d'une addiction. Les anxiolytiques aussi bien que les traitements de substitution aux opiacés (TSO) sont concernés.

Ainsi que l'a souligné à votre rapporteure le docteur Ivan Berlin, l'accent mis en France sur la médecine curative plutôt que sur la médecine préventive est un handicap que les politiques de santé publique menées jusqu'à présent n'ont pas réussi à surmonter. Alors que les moyens qui y sont consacrés aux Etats-Unis ou au Canada en font une discipline médicale à part entière, qui intervient dès le plus jeune âge, elle n'est pas suffisamment structurée en France, où elle repose encore trop sur l'action volontariste d'un certain nombre de médecins. Il en résulte de lourdes conséquences sanitaires.

B. 2013, UNE ANNÉE DE RÉFLEXION ET D'ÉVOLUTION POUR LA MILDT

Nommée dans ses fonctions par un décret du Président de la République du 14 septembre 2012, Mme Danièle Jourdain-Menninger a succédé à la tête de la Mildt à M. Etienne Apaire, qui en assurait la présidence depuis août 2007. Ce dernier avait initié le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies pour la période 2008-2011, dont l'exécution a constitué, aux yeux des professionnels, un recul dans le traitement des addictions et a éloigné la Mildt de la communauté scientifique. Elle a également été concomitante à une politique du chiffre en matière de répression des usages de drogues.

La lettre de mission envoyée par le Premier ministre à la présidente de la Mildt le 17 octobre 2012 définit les contours de son action et ses objectifs. Insistant particulièrement sur la nécessité d'adopter une conception « élargie » de la prévention, aussi bien sur le plan des vecteurs que des risques, elle la charge de faire de la Mildt « une force de proposition quant aux évolutions juridiques nécessaires à l'efficacité de la lutte contre la drogue, la toxicomanie et les conduites addictives ».

Sur la base de ces principes et de l'approche intégrée qui lui est propre, l'élaboration du prochain plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives (cf. infra ) a été confiée à la Mildt. Cette tâche l'a mobilisée à la fin de l'année 2012 et durant le premier semestre 2013. La Mildt a pu s'appuyer sur plusieurs travaux préparatoires dont elle a demandé la réalisation. Le plus important, coordonné par le professeur Michel Reynaud, a consisté en la réalisation d'un état des lieux des dommages liés aux addictions et des stratégies validées pour réduire ces dommages. Un rapport a également été demandé au professeur Michel Lejoyeux sur l'enseignement, la formation et la recherche clinique en addictologie. Enfin, l'Inserm a réalisé une expertise collective concernant les usages, pratiques et addictions, chez les adolescents, aux substances psychoactives, aux jeux de hasard et d'argent, aux jeux vidéo et à Internet.

Réuni le 19 septembre 2013 sous la présidence du Premier ministre, le comité interministériel de lutte contre la drogue et la toxicomanie et de prévention des dépendances a approuvé le plan. Il s'inscrit dans le cadre plus large de la stratégie antidrogue 2013-2020 de l'Union européenne , adoptée par le Conseil de l'Union européenne en décembre 2012 et qui insiste autant sur la réduction de la demande de drogue que sur la réduction de l'offre et vise à favoriser la coopération internationale ainsi que l'information, la recherche, le suivi et l'évaluation dans le domaine des toxicomanies.

Dans le même temps, la Mildt a engagé une réforme du pilotage de son action déconcentrée , qui repose sur les chefs de projet chargés de la lutte contre la drogue et la toxicomanie , présents dans chaque préfecture. Poste traditionnellement occupé par le directeur de cabinet du préfet, il a pour mission d'assurer la coordination des services déconcentrés de l'Etat et de leurs partenaires (agence régionale de santé, collectivités territoriales, associations) et d'assurer l'adéquation de leurs initiatives avec la stratégie définie nationalement.

Jusqu'à présent, la Mildt versait à chaque chef de projet départemental une dotation, pour un budget total d'environ 10 millions d'euros , afin notamment d'expérimenter des actions de prévention innovantes. En 2013, pour la première fois, ce financement a été mutualisé au niveau régional , sur la base de critères objectifs (nombre de départements par région, population de jeunes et consommation de substances psychoactives).

Enfin, sur demande de la Mildt, une évaluation de la déclinaison territoriale de la politique publique de lutte contre la drogue et la toxicomanie est actuellement en cours dans le cadre de la modernisation de l'action publique (Map). Elle a été confiée à une mission conjointe de l'inspection générale de l'administration (IGA), de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) et de l'inspection générale des services judiciaires (IGSJ), qui travaille sur la base d'un cahier des charges préparé par la Mildt. Sur la base de ses résultats, des mesures seront prises pour améliorer l'efficacité de l'action des chefs de projet et la rendre plus opérationnelle .

C. EN 2014, DES MOYENS QUI NE CORRESPONDENT PAS À LA NOUVELLE DYNAMIQUE QU'IL FAUT IMPULSER ET FRAGILISENT LA MILDT ET SES OPÉRATEURS

Le budget de la Mildt pour 2014, tel qu'il est fixé par le projet de loi de finances, s'élève à 20,9 millions d'euros , soit un million de moins qu'en 2013 . Cette baisse de 4,6 % en un an intervient après une baisse de 5,4 % entre 2012 et 2013, que votre rapporteure avait alors dénoncée. Ses effectifs restent stables, avec un plafond d'emplois de 22 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Cette diminution budgétaire se répercute sur les deux opérateurs de la Mildt, l'OFDT et le Cifad. Il faut se rappeler que la Mildt disposait encore d'un budget de 29,8 millions d'euros en 2010 .

1. Des opérateurs fragilisés

Créé en 1993 sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) interministériel, l'OFDT a pour objet, selon sa convention constitutive, « d'éclairer les pouvoirs publics, les professionnels du champ et le grand public sur le phénomène des drogues et des addictions en France et de contribuer au suivi du phénomène au niveau européen ». Il a acquis, par le sérieux et la qualité de ses travaux, un rôle central dans l'examen de l'évolution des conduites addictives en France ainsi qu'en Europe et dans l'évaluation des politiques de lutte contre la toxicomanie. Il est dès lors difficilement compréhensible de constater que sa subvention pour charges de service public va diminuer de 4 % entre 2013 et 2014, pour s'établir à 3,13 millions d'euros , après avoir déjà été réduite de 6,9 % entre 2012 et 2013.

Comme l'a expliqué la directrice de l'OFDT à votre rapporteure lors de son audition, ces restrictions budgétaires ont d'ores et déjà eu un impact fort sur l'exercice de ses missions , avec la suppression de cinq postes, principalement dans les fonctions support jusqu'à présent, sur un effectif de trente personnes. Au-delà de ces conséquences sociales, c'est désormais sa capacité à réaliser les études nécessaires et à suivre un programme de travail complet et cohérent qui est menacée.

La viabilité de cet organisme serait remise en cause si des postes de chargés d'études devaient disparaître. Alors qu'un sentiment d'autocensure à la suite de la baisse récurrente du budget apparaît, la pérennité de réseaux d'observation comme Trend (« Tendances récentes et phénomènes émergents ») n'est plus assurée. Après les efforts déjà fournis, les inquiétudes du personnel sont légitimes, et ce d'autant que toutes les économies qui préservaient l'intégrité des outils de recherche semblent avoir été faites. L'incidence de ces choix budgétaires sur les données statistiques mises à disposition, les nouvelles études menées et même le renouvellement des enquêtes récurrentes ne peut pas être occultée, l'OFDT n'ayant déjà quasiment plus les ressources nécessaires pour faire appel à des professionnels extérieurs pour ses travaux les plus complexes. Désormais lié à la Mildt par un contrat de performance, l'OFDT se trouve confronté à des perspectives financières précaires. Il n'est pas acceptable que cette structure soit l'une des victimes supplémentaires de la rigueur budgétaire .

Il en va de même pour le Cifad, GIP implanté à Fort-de-France (Martinique) qui mène notamment des actions de formation spécialisées dans la lutte contre la drogue, les trafics de stupéfiants et le blanchiment d'argent à destination des forces de l'ordre des pays d'Amérique latine et des Caraïbes. Son budget est en baisse de 4,1 % entre 2013 et 2014, passant de 458 000 à 439 000 euros . Il dispose de quatorze agents, mis à disposition par les ministères concernés (intérieur, justice, budget).

En 2012, il a accueilli plus de 2 000 stagiaires , à 70 % étrangers, principalement originaires de Colombie, de Bolivie, du Venezuela, de la République Dominicaine et du Pérou, au cours de plus de 65 actions de formation. En 2013, il devrait mener 30 actions au profit des pays d'Amérique latine, 18 pour la Caraïbe et une dizaine en faveur des départements français. Elles contribueront tout particulièrement à la lutte contre le trafic de cocaïne à destination de la France et de l'Europe.

L'économie réalisée, 19 000 euros , peut sembler négligeable. Elle n'en affecte pas moins les moyens d'action d'un service qui contribue à renforcer la coopération politique et opérationnelle entre la France et les pays d'origine et de transit de trafics internationaux de stupéfiants. Il participe également au développement de la prévention en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane. Dans ces conditions, l'enjeu financier ne doit-il pas passer au second plan ?

2. Le fonds de concours « drogues », une ressource non pérenne

Le Gouvernement justifie la diminution du budget de la Mildt par l'existence d'une seconde ressource, un fonds de concours alimenté par le produit de la vente des biens saisis aux trafiquants de drogues. Créé par un décret du 17 mars 1995 3 ( * ) , il a longtemps connu un abondement faible en raison de la complexité des procédures de saisie et de revente de ces biens et de leur longueur. Le législateur est venu les simplifier en créant l'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) 4 ( * ) , qui gère de manière centralisée toutes les sommes saisies lors de procédures pénales, les valorise et verse au fonds de concours de la Mildt celles provenant d'infractions à la législation sur les stupéfiants définitivement jugées.

Grâce à ces mesures, le produit du fonds de concours a été multiplié par dix-sept entre 2007 et 2011, passant de 1,3 à 22,76 millions d'euros . Il a toutefois connu une baisse spectaculaire de 57,3 % entre 2011 et 2012.

Tableau n° 2 : Evolution du fonds de concours de la Mildt entre 2007 et 2013

(en millions d'euros)

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Montant

1,3

7,84

11,14

21,07

22,76

9,72

12 1

1 estimation provisoire

Source : Mildt

Les recettes du fonds de concours sont ensuite réparties entre les ministères et services concernés par la lutte contre la toxicomanie selon une clé de répartition fixée lors d'une réunion interministérielle le 15 février 2007 :

- 35 % pour la police ;

- 25 % pour la gendarmerie ;

- 20 % pour le ministère de la justice ;

- 10 % pour les douanes.

Les 10 % restants sont conservés par la Mildt pour financer des actions de prévention.

Tableau n° 3 : Répartition du produit du fonds de concours de la Mildt entre 2011 et 2013

(en millions d'euros)

Police

Gendarmerie

Justice

Douanes

Prévention

Total

Fonds de concours 2010 -

Projets financés en 2011

7,38

5,26

4,21

2,11

2,11

21,07

Fonds de concours 2011 -

Projets financés en 2012

7,96

5,69

4,5

2,28

0,49

20,9

Fonds de concours 2012 -

Projets financés en 2013 1

3,51

2,51

1,98

1,34

nc

9,34

1 Montants provisoires

Source : Mildt

Dans un contexte de réduction générale des dépenses publiques, ces recettes sont bien souvent le seul moyen qu'ont les services enquêteurs pour pallier l'insuffisance des crédits dont ils disposent et qui permettent à peine de prendre en charge leurs dépenses courantes. Tel n'était pas l'objet initial de ce fonds de concours, qui devait financer des équipements innovants de lutte contre les trafics.

Il est également nécessaire de modifier sa clé de répartition . Il s'agit d'un point sur lequel tous les bénéficiaires du fonds auditionnés par votre rapporteure s'accordent : le déséquilibre au détriment de la prévention est indéniable. Si son produit venait à se stabiliser au niveau moyen constaté ces cinq dernières années, car les pics de 2010 et 2011 seraient dus, selon la Mildt, à l'apurement d'affaires anciennes et à des saisies exceptionnelles, il serait parfaitement légitime d'augmenter la part réservée à la prévention, en contrepartie d'une plus grande souplesse de son affectation, au profit des forces de l'ordre, en cas d'urgence avérée liée à une opération en cours.

La Mildt a pris conscience des difficultés actuelles en réunissant en 2013, pour la première fois depuis 2007, le comité de pilotage du fonds. Selon l'Agrasc, les fluctuations trouvent leur origine dans la déperdition constatée entre le volume des saisies et les condamnations prononcées : moins de 20 % des biens saisis sont confisqués définitivement . Par ailleurs, les biens immobiliers ne le sont que trop rarement.

Il n'en reste pas moins que ce fonds de concours n'est pas une ressource pérenne mais au contraire aléatoire. Son évolution est imprévisible, puisqu'elle repose uniquement sur les affaires de trafic de stupéfiants résolues par la police, la gendarmerie et la douane et l'aboutissement des procédures judiciaires. Après qu'il a atteint des sommets en 2011 puis subi un fort repli dès l'année suivante, le Gouvernement en attend 12 millions d'euros en 2014. Quelle fiabilité accorder à une telle prévision ?

Dans ce contexte, votre rapporteure fait sienne la recommandation de la Cour des comptes, dans son analyse de l'exécution du budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » pour l'année 2012, selon laquelle il faut « entamer rapidement une réflexion sur la façon d'améliorer et d'abonder le fonds de concours de la Mildt et prendre, subséquemment, les mesures nécessaires pour éviter que se reproduise la rupture de 2012 par rapport à la croissance constatée depuis 2008 ». Elle suggère même d'aller plus loin encore en accordant dès maintenant une place plus importante à la prévention dans la répartition des sommes ainsi collectées. A l'heure où le budget de la Mildt diminue mais où il faut financer un plan gouvernemental 2013-2017 qui se veut ambitieux en la matière, il convient de transformer ces déclarations d'intention en actes et de ne pas les renier faute de moyens.

II. LE PLAN GOUVERNEMENTAL DE LUTTE CONTRE LA DROGUE ET LES CONDUITES ADDICTIVES : DES MOYENS QUI NE SONT PAS À LA HAUTEUR DES AMBITIONS

Après un plan gouvernemental 2008-2011 caractérisé par son prisme répressif envers les usagers de drogues et son immobilisme en matière de réduction des risques, un signe de changement politique fort était attendu de la Mildt issue de l'alternance politique du printemps 2012. La lettre de mission du Premier ministre à la présidente de la Mildt l'invite bien à combiner, en les plaçant sur le même plan, prévention, prise en charge sanitaire et combat contre l'offre de drogues.

Identifiées de longue date par les professionnels de la lutte contre les addictions , les insuffisances de la politique française envers la toxicomanie sont nombreuses et se sont aggravées ces dernières années par rapport à nos voisins européens et aux expérimentations menées à travers le monde. Les urgences restent les mêmes que l'an dernier : ouverture d'une salle de consommation à moindre risque, développement de la réduction des risques en milieu carcéral, renouveau de la prévention, meilleure reconnaissance de l'addictologie en médecine. Si elles sont présentes dans le plan, il n'est pas certain qu'elles puissent toutes être mises en application faute de moyens suffisants.

A. UN PROCESSUS D'ÉLABORATION QUI A RAPPROCHÉ LA MILDT DES DIFFÉRENTS ACTEURS DU MONDE DES ADDICTIONS

Faisant preuve, depuis 2007, d'un manque de confiance envers les acteurs médicaux et associatifs agissant contre les addictions et entretenant par son comportement un sentiment de méfiance réciproque, la Mildt n'était plus considérée par eux en 2012 comme un interlocuteur ouvert à une réflexion objective sur les toxicomanies et réceptif aux idées provenant du terrain. Il revenait à la nouvelle présidente de la Mildt de restaurer le lien fort qui avait pu exister à l'époque où Nicole Maestracci la dirigeait.

L'élaboration du nouveau plan gouvernemental a permis de mesurer l'attachement désormais affiché par la Mildt à la consultation et au dialogue. Pour votre rapporteure, ce changement de méthode constitue un progrès essentiel, car l'Etat doit reconnaître l'engagement des professionnels et la pertinence de leurs propositions sur des questions auxquelles ils sont confrontés au quotidien. Ainsi, la concertation a été permanente avec les ministères concernés, les chefs de projet dans les départements mais également avec les associations et le monde médical.

L'illustration principale en est le rapport remis par le professeur Reynaud sur « les dommages liés aux addictions et les stratégies validées pour réduire ces dommages ». Sous la direction d'un comité de pilotage pluridisciplinaire, composé de médecins, de sociologues, d'économistes, de juristes et de représentants des associations, des experts ont établi, chacun dans sa spécialité, un constat objectif de la situation actuelle. Le comité de pilotage en a ensuite fait la synthèse, démontrant la nécessité de changer de paradigme, puis a ébauché les grandes lignes d'une stratégie générale d'application de ses propositions. Travail d'étude de la littérature scientifique et des expériences menées en France et à l'étranger, il constitue la base de l'action de la Mildt et a très largement inspiré le plan gouvernemental. Après plusieurs années d'isolement qui ont contribué à décrédibiliser la Mildt auprès de la communauté scientifique, il marque surtout son rapprochement tant attendu avec les experts des addictions.

Comme l'a toutefois fait remarquer le professeur Reynaud à votre rapporteure, ces premiers signes, aussi positifs soient-ils, ne sont pas à la hauteur des défis auxquels la France doit faire face en matière d'addictions . En l'absence de mesures structurelles visant à faire diminuer la consommation de produits stupéfiants, en particulier d'alcool et de tabac, celle-ci continuera de progresser. Les solutions sont connues, comme le renforcement de la taxation des boissons alcoolisées ou la restriction de la publicité en ligne. De même, le manque de visibilité sur les financements, notamment hospitaliers, hypothèque ses chances de réussite sur le long terme, au-delà d'un simple effet conjoncturel.

B. SANS ROMPRE COMPLÈTEMENT AVEC CELLES DE SON PRÉDÉCESSEUR, LES ORIENTATIONS DU PLAN GOUVERNEMENTAL TRADUISENT UNE INFLEXION QUI L'ÉLOIGNE DU TOUT-REPRESSIF

Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives pour la période 2013-2017 se distingue de son prédécesseur sur plusieurs points.

Sur la forme tout d'abord, deux évolutions positives sont à noter . Sa durée est plus longue , puisqu'il court jusqu'au terme du quinquennat, soit les quatre prochaines années, afin de favoriser des mesures de long terme. Un changement sémantique d'importance est intervenu, puisqu'il est désormais fait référence aux « conduites addictives » et non plus aux « addictions ». C'est la reconnaissance du caractère multifactoriel des déterminants de ces comportements et leur développement au-delà de la consommation de produits stupéfiants. Aux yeux de votre rapporteure, ce mouvement aurait pu être approfondi par une réflexion prenant également en compte la pluralité des drogues . Au lieu d'utiliser la terminologie « la » drogue, il aurait été plus approprié de parler « des » drogues.

Sur le fond, sans nier la nécessité de renforcer la lutte contre les trafics et de diminuer leur emprise sur certains territoires, le plan réoriente l'action de l'Etat vers la prévention, la prise en charge des toxicomanes et la réduction des risques. Il insiste tout particulièrement sur la nécessité de fonder les politiques de lutte contre les drogues sur la recherche et la formation .

Comme l'a souligné le docteur Alain Morel lors de son audition par votre rapporteure, c'est la première fois qu'une véritable volonté de structurer la prévention est exprimée . Elle se traduit notamment par la création d'une commission interministérielle de prévention des conduites addictives, dont la mission sera de sélectionner des projets qui seront ensuite validés scientifiquement avant d'être, si les résultats sont probants, promus par la Mildt.

Un effort particulier doit être entrepris en direction de populations à risque , que le plan identifie comme telles. C'est le cas des femmes , dont les comportements en matière de consommation de drogues tendent à se rapprocher de ceux des hommes, notamment en ce qui concerne le tabac et l'alcool. Les conséquences sont nombreuses, par exemple en matière de violences sexuelles et d'exposition aux maladies infectieuses. Il est encore plus inquiétant de constater que 24 % des femmes enceintes déclarent fumer quotidiennement , ce qui est le taux le plus élevé d'Europe, et que la consommation d'alcool ne va pas en se réduisant, principalement chez les jeunes. Les effets sur le foetus et même sur les maladies de l'enfant peuvent être multiples.

Envers les jeunes , les pouvoirs publics sont confrontés à l'efficacité limitée des mesures de prévention jusqu'à présent mises en place. L'objectif est de retarder les premières consommations, de diminuer les dommages liés à celles-ci et surtout de leur faciliter l'accès aux soins. C'est notamment l'objet des consultations jeunes consommateurs, qui doivent être développées afin que l'intervention soit la plus précoce possible. La prévention par les pairs, qui a fait ses preuves à l'étranger, sera développée pour lutter, dans l'enseignement supérieur en particulier, contre les alcoolisations ponctuelles importantes.

Le plan ne fait pas l'impasse sur les trafics et toutes les formes de délinquance liées à la consommation de drogues. L'insécurité inhérente à ces comportements délictueux est durement ressentie par les habitants des quartiers où ils se développent. I l s'inscrit néanmoins dans une logique différente de celle du plan 2008-2011 en cherchant à favoriser l'acceptabilité sociale des usagers et des dispositifs de soins et de réduction des risques mais également en ne se focalisant plus sur la sanction de l'usage.

Partant du constat, largement partagé, de l'insuffisance de la formation initiale et continue en matière d'addictologie et de médecine préventive, le plan prévoit leur développement. Les médecins spécialisés en addictologie auditionnés par votre rapporteure ont fait part de leur pessimisme devant le manque de moyens et l'absence d'équipes de recherche universitaires.

Enfin, l'évaluation du plan est pensée dès sa conception, ce qui est essentiel pour qu'elle soit faite de manière pertinente et qu'elle puisse être source d'enseignements pour l'avenir. La Mildt affirme que 95 % des mesures prévues par le plan 2008-2011 ont été mises en oeuvre. Toutefois, seul un bilan quantitatif non publié a été réalisé par l'OFDT, en l'absence d'une volonté d'évaluation externe dès 2007. Ainsi que Mme Maud Pousset, la directrice de l'OFDT, l'a expliqué à votre rapporteure, il n'y a pas forcément de lien direct entre les mesures adoptées et l'évolution de la consommation durant la même période : leur impact peut se faire ressentir à plus long terme. C'est pourquoi le choix des indicateurs est délicat et les résultats obtenus parfois sujets à caution.

L'évaluation du plan 2013-2017 , qui aura lieu à mi-parcours et à terme, sera confiée à une équipe de recherche académique indépendante , en collaboration avec l'OFDT qui définira son cahier des charges. La procédure d'appel à candidatures devrait être lancée prochainement.

C. FRANCHIR UNE NOUVELLE ÉTAPE EN MATIÈRE DE RÉDUCTION DES RISQUES ET FAIRE ÉVOLUER LA RÉPONSE PÉNALE

1. Surmonter les derniers obstacles à l'ouverture d'une salle de consommation à moindre risque

Depuis plusieurs années, la politique de réduction des risques 5 ( * ) en France est caractérisée par son immobilisme. Au vu de ses enjeux sanitaires et sociaux, il est indispensable de sortir de cette situation. Le principal chantier reste l'expérimentation d'une salle de consommation à moindre risque (SCMR), que votre rapporteure appelle de ses voeux depuis deux ans. Il s'agit d'un engagement de campagne de François Hollande, auquel le Président de la République a réaffirmé son soutien le 26 novembre 2013 à l'occasion des 25 ans de l'Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales (ANRS).

A Paris, les associations ainsi que la municipalité sont prêtes. La Mildt et le Gouvernement le sont également. Plusieurs réunions de concertation ont eu lieu avec tous les acteurs concernés, y compris les riverains. Toutefois, le Conseil d'Etat a rendu le 8 octobre 2013 un avis négatif sur un projet de décret « relatif aux expérimentations locales en matière de réduction des risques en direction des usagers de drogues » qui devait autoriser l'ouverture de SCMR. Cet avis soulève une question juridique mais ne remet pas en cause le bien-fondé de cette mesure . Celui-ci est notamment démontré dans l'expertise collective qu'a réalisée l'Inserm sur la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues en 2010, à la demande du gouvernement alors en place.

Le blocage actuel n'est que temporaire, et votre rapporteure ne doute pas que les dispositions législatives nécessaires à l'ouverture d'une telle salle seront prises dans un délai qui se doit d'être court. Il faut dépassionner le débat : l'objectif est bien ici d'améliorer la situation sanitaire des usagers de drogues , en réduisant les risques de surdose et d'infections, et de diminuer les nuisances que subissent les riverains du fait d'une consommation qui, trop souvent, se fait dans l'espace public. Il s'agit également d'établir un contact avec des personnes marginalisées et les accompagner, si elles le souhaitent, vers le sevrage ou un traitement de substitution.

Contrairement à ce que l'approche de cette question par les médias pourrait laisser penser, les Français ne sont pas opposés aux SMCR ; ils y sont même favorables. Selon l'enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes (Eropp) 6 ( * ) de l'OFDT, conduite en décembre 2012, ils sont 83 % à être favorables au principe même de la réduction des risques et 58 % à soutenir l'ouverture d'une SCMR. Il est donc temps que le Parlement autorise cette expérimentation.

2. Prendre conscience du poids des addictions sans substance

La Mildt doit également faire face à de nouveaux défis en matière de lutte contre les conduites addictives. C'est le cas des addictions comportementales, « sans substance », qui ne sont véritablement prises en compte que depuis moins de dix ans.

Leur impact est pourtant loin d'être négligeable : le jeu pathologique concerne 200 000 personnes en France, tandis qu'on dénombre 400 000 joueurs « à risque modéré », soit 1,3 % de joueurs problématiques parmi la population. Les dommages individuels, familiaux et sociaux sont très importants : surendettement, séparation voire pratiques délictuelles (vol, escroquerie). Les comorbidités avec l'alcool, le tabac et des troubles psychiatriques sont avérées. Moins de 10 % des personnes concernées demandent des soins . L'absence d'évaluation du coût social du jeu problématique constitue un handicap à la définition d'une politique publique ciblée auquel il faudrait, sous l'impulsion de la Mildt, remédier.

Il en va de même pour la cyberdépendance , phénomène émergeant encore trop méconnu des professionnels. Sur ces deux points, les compétences des médecins doivent être développées.

3. Faire évoluer la réponse pénale à l'usage de stupéfiants

Le régime juridique de la consommation de stupéfiants est toujours issu de la loi du 31 décembre 1970 7 ( * ) , désormais codifiée au sein du code de la santé publique. Selon l'article L. 3421-1 de ce code, « l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende ». Quel que soit le produit, le délit est le même. Depuis la loi du 5 mars 2007 8 ( * ) , le juge a également la possibilité de condamner, à titre de peine complémentaire, tout usager de drogue à accomplir un stage de sensibilisation aux « dangers de l'usage de produits stupéfiants ».

En vigueur depuis maintenant plus de quarante ans, le traitement pénal de la consommation de drogues a démontré son échec. L'effet dissuasif de la sanction, une peine de prison ferme qui est dans les faits peu appliquée, est inexistant. Les statistiques retraçant l'évolution de cette consommation n'y sont pas corrélées. Cette infraction mobilise d'importantes ressources policières et judiciaires qui pourraient sans nul doute être utilisées à meilleur escient, et notamment dans la lutte contre les trafics. Sur les 198 000 interpellations pour des infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) réalisées en 2012, 161 500 relevaient de l'usage simple. A l'opposé, les forces de police, de gendarmerie et la douane ont saisi cette même année 51 tonnes de cannabis, 5,3 tonnes de cocaïne et 521 kg d'héroïne.

Ce système est un « échec cuisant », selon l'expression employée devant votre rapporteure par l'une des personnes auditionnées. Depuis sa mise en place, la consommation de produits illicites s'est répandue tandis que les trafics se sont développés au point d'avoir mis certains quartiers sous leur coupe.

Comme l'an dernier, votre rapporteure se prononce donc en faveur d'une dépénalisation de l'usage de drogue . Aujourd'hui, seule la Suisse continue à considérer la consommation du cannabis comme une infraction pénale, contrairement à l'Allemagne, au Royaume-Uni, à l'Espagne ou encore au Portugal. Il ne s'agit pas pour autant d'aller vers la légalisation de la vente de ces produits . L'interdit doit absolument être maintenu et articulé avec la politique de prévention, en particulier en direction des plus jeunes.

D'autres pistes ont été évoquées par les personnes auditionnées, telle que la contraventionnalisation de l'usage, qui doit être recherchée . Ainsi, le rapport 9 ( * ) sur la refondation de l'action publique, remis par la commission de modernisation de l'action publique à la garde des sceaux, ministre de la justice le 28 novembre 2013 et rédigé sous la direction de Jean-Louis Nadal, observe que la mise en place d'une amende forfaitaire pour l'usage illicite de stupéfiants serait de nature à améliorer l'efficacité de la réponse judiciaire à ces comportements. Soulignant que l'interdit pénal serait ainsi maintenu et que la sanction financière serait dissuasive pour les consommateurs, il précise qu'une telle réforme « ne serait pas susceptible de nuire, par ailleurs, aux enquêtes pour trafic de stupéfiants dès lors qu'une mesure de placement en garde à vue pourrait être prise, en tant que de besoin, sous la qualification de détention de produits stupéfiants ». L'un des principaux arguments des défenseurs de la pénalisation de l'usage se trouve ainsi invalidé. Considérant que la politique pénale en matière de produits stupéfiants doit être traitée globalement, le rapport Nadal se refuse néanmoins à aller au-delà de ce constat et à faire une proposition allant dans ce sens. Il n'en reste pas moins qu'il en démontre le bien-fondé. Votre rapporteure y est favorable.

D. UN REGRET : L'ABSENCE, AU PLUS HAUT NIVEAU DE L'ETAT, D'UNE VOLONTÉ FORTE DE MENER UNE NOUVELLE POLITIQUE DES ADDICTIONS

Par ses propos, la présidente de la Mildt affirme sa volonté de rompre avec la philosophie de son prédécesseur. Néanmoins, dans les faits, les moyens ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées .

De l'avis des professionnels auditionnés par votre rapporteure, un vaste effort doit être entrepris pour faire évoluer les représentations sociales sur les drogues et les addictions . Celles-ci ne correspondent en effet pas au point de vue des acteurs engagés sur la question et, surtout, à l'état actuel des connaissances scientifiques. Ainsi, les produits illicites sont perçus par la population comme étant ceux ayant les effets sanitaires les plus graves, alors qu'il n'en est rien : le tabac et surtout l'alcool, de par leur diffusion, ont des conséquences bien plus importantes en matière de santé publique.

Il est évident que seul un engagement fort au sommet de l'Etat, de la part du Président de la République, permettrait d'enclencher ce mouvement sociétal indispensable et de modifier des idées reçues, profondément enracinées sous l'effet de plusieurs décennies de politiques essentiellement répressives, qui associent encore trop souvent le toxicomane à un criminel. L'urgence sur ce point est réelle : il faut mener un travail en profondeur auprès de la population, permettant une prise de conscience et une mobilisation accrue de l'opinion en faveur de la réduction des risques.

Une telle initiative ne semble constituer une priorité ni pour le Président de la République, ni pour le Gouvernement. C'est d'autant plus regrettable qu'en France l'acquisition des connaissances dans le domaine des addictions par le pouvoir politique est très faible. Ce constat, présenté à votre rapporteure par une des personnes lors de son audition, expliquerait le retard de notre pays par rapport à ses voisins et le peu d'effet de la plupart des politiques menées jusqu'à présent, qui souffriraient d'une conception et d'un pilotage reposant sur des bases scientifiques fragiles. Sans véritable volonté politique, il est permis de douter que le plan 2013-2017 soit à lui seul suffisant pour mettre un terme aux errements du passé.

Par ailleurs, force est de constater les difficultés que rencontrent tous ceux qui sont amenés à intervenir auprès des personnes en situation d'addiction. L'absence quasi-généralisée de formation sur la prise en charge des toxicomanes pour les professionnels non-médicaux qui sont confrontés à cette population, en particulier les membres des forces de l'ordre et les agents de l'administration pénitentiaire ainsi que les intervenants en milieu scolaire, doit être corrigée dans les plus brefs délais.

Pour remédier à cette situation, le rapport Reynaud ainsi que la Charte « Pour une autre politique des addictions » 10 ( * ) appelaient à l'organisation d' états généraux de la réduction des dommages et des addictions , associant l'ensemble des acteurs impliqués dans la réduction des dommages liés aux addictions, afin de formuler des propositions acceptées par tous et destinées à « réduire l'ensemble des dommages liés aux addictions et à améliorer la qualité des soins et de l'accompagnement des patients, des victimes et de leurs proches ». Cette idée n'a malheureusement pas été retenue par le plan gouvernemental 2013-2017. Votre rapporteure le déplore, car le résultat de ces travaux aurait constitué le socle de la nouvelle politique des addictions qu'il est nécessaire, au vu des résultats sanitaires, sociaux, judiciaires et économiques des politiques actuelles, de mettre en place.

Après une année d'élaboration et de réflexion, l'année 2014 devait être pour la Mildt l'année de la mise en oeuvre et de l'action. Considérant les moyens qui lui sont accordés, il est permis de douter de l'effectivité des mesures qu'elle entreprendra et, plus largement, du renouveau de la politique de prise en charge de la toxicomanie qui était annoncé . Pour cette raison, votre rapporteure avait proposé à la commission d'émettre un avis défavorable à l'adoption des crédits de la Mildt. En effet, il est très important de donner un signal fort aux pouvoirs publics afin de replacer la lutte contre les addictions au coeur d'une politique de santé publique avec un développement assumé humainement et financièrement de la prévention. Elle n'a, sur ce point, pas été suivie.

*

* *

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mardi 26 novembre 2013 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente , la commission procède à l'examen du rapport pour avis de Mme Laurence Cohen sur le projet de loi de finances pour 2014 (action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »).

Mme Laurence Cohen, rapporteure pour avis . - Rapporteure pour avis du budget de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt) pour la troisième année consécutive, j'ai pu constater l'évolution que celle-ci a suivie depuis 2011. Dans leur très grande majorité, les professionnels que j'avais alors auditionnés n'y trouvaient plus un lieu d'écoute et de concertation attaché à mettre en oeuvre des mesures innovantes en matière de prévention et de réduction des risques.

Après une année 2012 de transition, liée à l'alternance politique et à la nomination tardive de Danièle Jourdain-Menninger à la présidence de la Mildt, 2013 a constitué une année de réflexion et d'élaboration de la politique des addictions qui sera conduite par le Gouvernement jusqu'en 2017. L'année 2014 devrait être celle de la mise en application de ces nouvelles orientations. La rupture avec celles qui ont prévalu jusqu'à l'an dernier est sur certains points extrêmement claire ; sur d'autres elle l'est un peu moins. Elle est pourtant indispensable au vu de la situation de la toxicomanie en France à l'heure actuelle.

Comme le montrent les dernières données de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), qui est rattaché à la Mildt, le cannabis est la substance psychoactive la plus répandue : 13,4 millions de personnes en ont déjà consommé. Si l'usage régulier chez les jeunes est en fort recul depuis le début des années 2000, 5 % d'entre eux présentent un risque d'usage problématique ou de dépendance. Il s'agit bien d'une consommation de masse qui, bien qu'elle soit très inférieure à celle des produits licites, représente 550 000 usagers quotidiens.

La cocaïne vient ensuite et a connu ces dernières années une évolution particulièrement préoccupante. Le pourcentage d'expérimentateurs chez les jeunes de 17 ans est passé de 0,9 % en 2000 à 3 % en 2011, signe de la banalisation de cette drogue. Au total, près de 1,5 million de personnes en auraient consommé au moins une fois dans leur vie, parmi lesquelles 400 000 usagers dans l'année. Chez les adultes, ces derniers représentent 0,9 % de la population, contre 0,6 % au milieu des années 2000 : de telles proportions peuvent sembler faibles, mais elles traduisent une hausse de 50 % en moins de dix ans.

Quant à l'héroïne et aux opiacés, auxquels 500 000 personnes ont déjà eu recours, ils constituent un véritable problème de santé publique. On compte, chez les 18-64 ans, 90 000 utilisateurs dans l'année et un taux d'expérimentation de 1,2 %. De par les différents modes de consommation de l'héroïne, les risques infectieux sont considérables : les hépatites B et C ainsi que le VIH peuvent être transmis en cas de partage de matériel d'injection.

Enfin, le nombre d'« usagers problématiques de drogues », définis selon des critères européens comme ceux utilisant des drogues par voie intraveineuse ou, de manière régulière, de la cocaïne ou des opiacés est en hausse : 281 000 personnes sont désormais concernées, contre 230 000 auparavant. Elles sont pour la plupart dans une situation de très grande précarité : près de la moitié n'ont pas de logement stable, 25 % n'ont aucun revenu et 57 % vivent du RSA. C'est le public prioritaire de la politique de réduction des risques.

La diffusion ainsi que les effets sanitaires des substances interdites sont sans commune mesure avec ceux des produits licites.

Le tabac est la première des causes de mortalité évitable, avec plus de 70 000 morts par an. Parmi les 18-75 ans, on trouve 30 % de fumeurs et la baisse constatée au début des années 2000 n'est désormais plus visible : la consommation est remontée, en 2010, au niveau de 2000. Les jeunes sont particulièrement touchés : le tabagisme quotidien à 17 ans a augmenté de 10 % depuis 2008. Le niveau de consommation des femmes rattrape celui des hommes et soutient cette croissance.

En décembre dernier, la Cour des comptes a constaté l'échec de ces politiques de lutte contre le tabagisme et le non-respect d'interdits fondamentaux comme celui de la vente aux mineurs. En parallèle apparaissent des produits nouveaux, comme la cigarette électronique qui se situe actuellement dans un vide aussi bien juridique que scientifique. Des études commencent à voir le jour, mais nous n'en sommes qu'au début, ce qui ne permet pas encore de tirer des conclusions. La Mildt serait parfaitement dans son rôle si elle en demandait la réalisation.

Pour l'alcool, l'évolution récente est mitigée. La tendance est à la baisse de la consommation générale, et ce depuis plusieurs décennies : 5 millions d'usagers quotidiens aujourd'hui contre 6,4 millions au milieu des années 2000. La France reste néanmoins l'un des plus gros consommateurs d'Europe de l'Ouest. Après avoir diminué, l'usage régulier (10 fois dans le mois) chez les jeunes de 17 ans est en hausse depuis 2008 et atteint 10,5 %. Les comportements d'alcoolisation ponctuelle importante (soit cinq verres au cours d'une même occasion) touchent désormais 53 % de ces jeunes, en hausse de 15 % entre 2005 et 2011 et même de 40 % chez les jeunes femmes de 18 à 25 ans.

Est-il nécessaire de rappeler que 49 000 décès par an sont attribuables à l'alcool tandis que plus d'un million de personnes y sont dépendantes ? Il est la première cause de mortalité prématurée, et son impact sociétal est majeur. Je ne donnerai qu'un chiffre assez éloquent : les condamnations pour des délits routiers liés à l'alcool ont représenté en 2011 25 % de l'ensemble des condamnations prononcées en France.

La Mildt va-t-elle être en mesure d'impulser une politique ambitieuse pour apporter une réponse à ces addictions ? L'évolution de ses ressources en 2014 n'est pas de bon augure.

Son budget s'élèvera l'an prochain à 20,9 millions d'euros, soit un million de moins qu'en 2013. Cette diminution se répercute sur les deux opérateurs de la Mildt, l'OFDT et le centre interministériel de formation anti-drogue (Cifad) : leurs dotations respectives seront en baisse de 4 %. La Mildt disposait encore d'un budget de 29,8 millions d'euros en 2010.

Le Gouvernement justifie cette diminution par l'existence d'une seconde ressource, un fonds de concours alimenté par le produit de la vente des biens saisis aux trafiquants. L'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) est chargée de les valoriser et verse à la Mildt les sommes récoltées. Celles-ci sont ensuite réparties selon une clé de répartition fixée en 2007 qui mériterait d'être revue notamment pour encourager les actions de prévention. Dans un contexte de réduction générale des dépenses publiques, ces recettes sont bien souvent le seul moyen qu'ont les services enquêteurs pour financer leurs dépenses courantes. Tel n'était pas l'objet initial de ce fonds de concours, qui devait prendre en charge des équipements innovants de lutte contre les trafics.

Ce fonds de concours est une ressource non pérenne, à l'évolution imprévisible. Il a atteint des sommets en 2011, à 22,77 millions d'euros, contre moins de 8 millions trois ans auparavant. Le Gouvernement en attend 12 millions d'euros en 2014. Il est bien évidemment difficile de se fier à une telle prévision.

Il n'en reste pas moins que plusieurs initiatives d'importance ont été prises par la Mildt en 2013 ; elles viendront définir son action l'an prochain.

La plus importante est la rédaction du plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives, qui couvrira la période 2013-2017.

Il se distingue de son prédécesseur sur plusieurs points :

- une durée plus longue, afin de favoriser des mesures de long terme ;

- un changement sémantique d'importance, puisqu'il est désormais fait référence aux « conduites addictives » et non plus aux « addictions ». C'est la reconnaissance du caractère multifactoriel des déterminants de ces comportements et leur développement au-delà de la consommation de produits stupéfiants. Il aurait d'ailleurs été intéressant que cette réflexion prenne également en compte le caractère pluriel des drogues en ne parlant pas uniquement de « la » drogue mais « des » drogues ;

- une évaluation pensée dès l'origine, qui sera réalisée à mi-parcours et à terme par une équipe de recherche académique indépendante.

Sans nier la nécessité de renforcer la lutte contre les trafics et de diminuer leur emprise sur certains territoires, le plan réoriente l'action de l'Etat vers la prévention, la prise en charge des toxicomanes et la réduction des risques. Il insiste tout particulièrement sur la nécessité de fonder les politiques de lutte contre les drogues sur la recherche et la formation.

La première illustration de ce principe se trouve dans la consultation qui a accompagné la rédaction du plan. Un groupe de travail pluridisciplinaire, composé de médecins, de sociologues, d'économistes, de juristes et de professionnels de terrain, piloté par le professeur Michel Reynaud, a été missionné pour réaliser un état des lieux sur « les dommages liés aux addictions et les stratégies validées pour réduire ces dommages ». La synthèse qu'il a réalisée constitue la base de l'action de la Mildt. Cette initiative marque surtout le rapprochement tant attendu de la Mildt et des experts des addictions, après plusieurs années d'isolement qui ont contribué à décrédibiliser la Mildt auprès de la communauté scientifique.

Dans le cadre de ce plan, il est temps de franchir une nouvelle étape en matière de réduction des risques. Le principal chantier reste l'expérimentation d'une salle de consommation à moindre risque, que j'appelle de mes voeux depuis deux ans. A Paris, les associations ainsi que la municipalité sont prêtes. La Mildt et le Gouvernement le sont également. L'avis négatif qu'a rendu le Conseil d'Etat sur le sujet soulève une question juridique mais ne remet pas en cause le bien-fondé de cette mesure. Celui-ci est notamment démontré dans l'expertise collective qu'a réalisée l'Inserm sur la réduction des risques infectieux chez les usagers de drogues en 2010, à la demande du gouvernement alors en place.

Le blocage actuel n'est que temporaire, et je ne doute pas que les dispositions législatives nécessaires à l'ouverture d'une telle salle seront prises rapidement. Il faut dépassionner le débat et faire évoluer les représentations qu'ont nos concitoyens de la toxicomanie : l'objectif est bien ici d'améliorer la situation sanitaire des usagers de drogues et de diminuer les nuisances que subissent les riverains du fait d'une consommation qui, trop souvent, se fait dans des lieux publics. Il s'agit également d'établir un contact avec des personnes marginalisées et les accompagner, si elles le souhaitent, vers un traitement.

En matière de prévention, un effort particulier doit être entrepris en direction de populations à risque. C'est le cas des femmes, dont les comportements en matière de consommation de drogues tendent à se rapprocher de ceux des hommes, notamment en ce qui concerne le tabac et l'alcool. Les conséquences sont nombreuses, par exemple en matière de violences sexuelles et d'exposition aux maladies infectieuses. Il est encore plus inquiétant de constater que 24 % des femmes enceintes déclarent fumer quotidiennement, ce qui est le taux le plus élevé d'Europe, et que la consommation d'alcool ne va pas en se réduisant, principalement chez les jeunes.

Envers ces derniers, les pouvoirs publics sont confrontés à l'efficacité limitée des mesures de prévention jusqu'à présent mises en place. L'objectif est de retarder les premières consommations, de diminuer les dommages liés à celles-ci et surtout de leur faciliter l'accès aux soins. C'est notamment l'objet des consultations jeunes consommateurs, qui doivent être développées afin que l'intervention soit la plus précoce possible.

La Mildt doit également faire face à de nouveaux défis en matière de lutte contre les conduites addictives.

C'est le cas des addictions comportementales, « sans substance », qui ne sont véritablement prises en compte que depuis moins de dix ans. Leur impact est pourtant loin d'être négligeable : le jeu pathologique concerne 200 000 personnes en France, tandis qu'on dénombre 400 000 joueurs « à risque modéré », soit 1,3 % de joueurs problématiques parmi la population. Les dommages individuels, familiaux et sociaux sont très importants. Il en va de même pour la cyberdépendance, phénomène émergeant encore trop méconnu des professionnels.

Enfin, la question du dopage, sur laquelle une commission d'enquête du Sénat s'est penchée cette année, ne doit pas être occultée car elle ne concerne pas que les sportifs de haut niveau mais de manière croissante les amateurs et les jeunes.

Dans ce contexte, le développement de la formation initiale et continue en matière d'addictologie et de médecine préventive est impératif. Les retards de la France dans ce domaine sont connus, malgré de timides progrès ces dernières années. Les spécialistes que j'ai auditionnés regrettent leur caractère limité et l'absence quasi-généralisée de formation sur la prise en charge des toxicomanes pour les professionnels non-médicaux qui sont confrontés à cette population : je pense en particulier aux membres des forces de l'ordre et aux agents de l'administration pénitentiaire ainsi qu'aux intervenants en milieu scolaire. Il faut également accroître l'effort en matière de recherche toutes disciplines confondues, aussi bien dans les neurosciences que dans les sciences sociales. La Mildt dispose à cet effet d'un budget de trois millions d'euros, et le plan gouvernemental 2013-2017 en fait une priorité. Il est désormais temps, à partir de 2014, de traduire ces intentions en actes.

L'an prochain doit être pour la Mildt une année d'action. Elle doit traduire clairement, dans les faits, les changements intervenus depuis 2012. La Mildt doit également revenir à sa vocation d'origine, qui est d'assurer le pilotage interministériel de la politique de l'Etat en matière d'addictions. Tous mes interlocuteurs sont nostalgiques d'un temps où Nicole Maestracci, qui présida la Mildt entre 1998 et 2002, savait s'appuyer sur l'expérience des acteurs de la réduction des risques et l'avis des scientifiques, dans une démarche inclusive. L'accent mis ensuite sur « l'application de la loi », euphémisme désignant le positionnement répressif adopté depuis lors, n'a pas contribué à mettre en valeur cette fonction de coordination qui est pourtant essentielle.

Dans ce contexte, la Mildt aura-t-elle les moyens de ses ambitions ? Le plan gouvernemental 2013-2017 comprend de nombreuses mesures intéressantes et la présidente de la Mildt, par ses propos, affirme sa volonté de rompre avec la philosophie de son prédécesseur. Néanmoins, cette seconde diminution consécutive du budget constitue un très mauvais signal en direction de tous ceux qui sont confrontés au quotidien à la toxicomanie et cherchent à en limiter l'impact sur la santé des utilisateurs et sur le fonctionnement de la société. Cette diminution se traduit concrètement par cinq suppressions de postes à l'OFDT, ce qui, outre des conséquences sociales, aura des incidences en termes de capacités d'intervention, sur les données statistiques mises à disposition et les nouvelles études menées.

En réalité, les moyens ne sont pas au rendez-vous des ambitions annoncées. Les équipes de liaison et de soins en addictologie (Elsa) présentes au sein des hôpitaux ne sont pas suffisamment soutenues, de même que les conditions ne sont pas réunies pour mettre en place des consultations jeunes consommateurs au sein des établissements hospitaliers.

Qui dit prévention dit formation, or rien n'est prévu au niveau des études de médecine, ni dans la nomination de professeurs. Aucune chaire de médecine préventive. Comment financer la prévention quand elle n'est pas structurée ? On sait qu'elle est souvent la variable d'ajustement des crédits publics.

Une fois de plus, la question de la toxicomanie en prison n'est pas prise en compte au niveau nécessaire.

Je crois également que la lutte contre les trafics et les dommages causés, en terme de sécurité publique, si complexe soit-elle, n'est pas non plus suffisamment prise en compte.

Enfin, de l'avis des professionnels auditionnés, il y aurait véritablement urgence à mettre en place une politique de haut niveau de réduction des risques, avec un travail en profondeur auprès de la population, permettant une prise de conscience et une mobilisation de l'opinion. Si le rapport remis par le professeur Reynaud reprenait l'idée d'organiser des Etats généraux, comme je le préconisais à la suite du travail mené autour de la charte « Pour une autre politique des addictions », ils n'apparaissent plus dans le plan gouvernemental.

En conséquence, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits de la Mildt pour 2014 car après une année d'élaboration, de réflexion, l'année 2014 devait être l'année de la mise en oeuvre et de l'action. Au regard de la baisse importante de crédits, le message envoyé n'est pas bon et l'ambition pour réduire les consommations de drogues licites ou illicites dans un double enjeu de santé publique et de sécurité publique n'est pas suffisamment au rendez-vous.

Mme Catherine Génisson . - Sans être d'accord avec la conclusion finale de la rapporteure, je salue la nomination de Danièle Jourdain-Menninger à la tête de la Mildt, qui a réussi à faire redémarrer cette institution. Il faut sortir de la logique de la coercition mais également responsabiliser davantage les jeunes, en faire des acteurs de la prévention. Ce modèle, utilisé dans plusieurs pays étrangers pour la consommation de tabac, a eu de très bons résultats. Il ne faut pas simplement chercher à leur inculquer des principes.

Je partage l'appréciation de la rapporteure sur l'insuffisance de la prévention dans les études de médecine en France. Faut-il toutefois en faire un enseignement général à part entière ou bien la traiter dans chaque discipline ? Je suis d'avis que c'est cette seconde solution qui doit être retenue.

M. Gilbert Barbier . - Je suis résolument hostile aux préconisations de la rapporteure, en particulier sur l'expérimentation d'une salle de consommation à moindre risque, pourtant repoussée par le Conseil d'Etat. En 2011, la mission commune d'information Assemblée nationale - Sénat sur les toxicomanies, dont j'étais corapporteur et que Serge Blisko présidait, avait démontré qu'une telle salle n'apporterait rien par rapport au dispositif actuel, qui repose sur les centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (Csapa). Elle ne résoudrait en aucun cas les problèmes posés par l'héroïne et ne contribuerait pas à juguler sa consommation.

Les chiffres concernant le cannabis en font la démonstration : la politique menée ces dernières années a porté ses fruits. La consommation a diminué grâce à l'alliance de la prévention et de la répression. Je suis d'ailleurs favorable à la contraventionnalisation du premier usage de cette drogue, que le Sénat a adoptée mais qui n'a jamais été soumise à l'Assemblée nationale. On constate malheureusement que pour les jeunes, consommer du cannabis n'est plus transgresser la loi mais une pratique répandue.

Il faut prendre en compte tout ce que les Csapa font au quotidien pour la réduction des risques mais également le fait que le risque infectieux lié au partage de matériel d'injection est en réalité moins important que ce qui est souvent affirmé. L'ouverture de salles de consommation à moindre risque bouleverserait l'esprit de la lutte contre les drogues illicites. Avec un tel signal, comment pourrons-nous ensuite ralentir la progression de la consommation ?

En raison de la diminution des crédits accordés à la Mildt, je ne suis pas favorable à leur adoption.

Mme Anne Emery-Dumas . - La Mildt anime et coordonne l'action publique de lutte contre les drogues, aussi bien en matière de prévention, de santé publique que d'ordre public. Le plan gouvernemental de lutte contre la drogue et les conduites addictives n'a été adopté que le 19 septembre dernier. Il s'appuie sur plusieurs axes pour la période 2013-2017 : prévenir et communiquer, accompagner et prendre en charge, réduire les dommages, intensifier la lutte contre les trafics, mieux faire appliquer la loi.

Le fonds de concours « drogues » vient compléter les ressources de la Mildt grâce au produit de la vente des biens saisis aux trafiquants. Son montant varie selon les années, mais grâce à lui la Mildt a bénéficié d'un budget de 42 millions d'euros en 2012. Pour 2014, la baisse de 4,6 % par rapport à l'année passée doit être relativisée par les prévisions annuelles de rattachement de fonds de concours : 12 millions d'euros, soit la moyenne des cinq dernières années. Le groupe socialiste ne partage donc pas l'analyse de la rapporteure et votera les crédits de la Mildt.

Mme Patricia Schillinger . - Ayant travaillé en Suisse, je peux témoigner du rôle que les salles de consommation à moindre risque y jouent. Ce sont des lieux d'accueil et de prévention des risques liés à la consommation de stupéfiants mais également à la prostitution, ces deux phénomènes allant souvent de pair. Il n'y a pas que du personnel médical mais aussi des assistantes sociales.

Par ailleurs, le public accueilli n'est pas uniquement composé de jeunes mais plutôt de personnes d'âge mur, qui ont déjà un long parcours de vie et de toxicomanie derrière elles. Je trouve très regrettable que dans notre pays il soit difficile d'avancer sur ce sujet.

M. Gérard Roche . - Les addictions sont un sujet qui peut tous nous concerner, à travers un proche ou une connaissance. Néanmoins, les salles de consommation à moindre risque doivent être l'objet d'un vrai débat et la recommandation de la rapporteure sur ce sujet nous pose problème. Pour cette raison le groupe UDI-UC s'abstiendra.

Mme Laurence Cohen , rapporteure pour avis . - Les auditions que j'ai réalisées se sont achevées hier, et jusqu'à cette date je n'avais pas d'idée préconçue sur l'avis que j'allais vous présenter. La toxicomanie est un sujet d'importance, malheureusement traité de manière sensationnelle dans les médias. Il est indispensable d'avoir un véritable débat de société informé, qui aille au-delà des passions individuelles. Tous les professionnels que j'ai rencontrés, médecins ou membres des forces de l'ordre, ont un point commun : ils attendent du pouvoir politique une véritable reconnaissance de leur travail et des moyens supplémentaires. Or les crédits ne sont pas au rendez-vous.

La cigarette électronique est un outil de réduction des risques dont on ne connaît pas tous les effets. Néanmoins, les fumeurs s'en saisissent massivement pour tenter de se libérer de leur addiction. Dans ce contexte, à quand une réflexion sur la façon dont les consommateurs se saisissent des opportunités offertes pour réduire les dommages des produits licites et illicites ?

Les drogues de synthèse constituent un sujet en soi. L'ingéniosité des chimistes leur permet de contourner les interdits et de créer de nouvelles molécules très proches de celles dont la vente est illégale.

Il ne faut pas réduire l'activité de la Mildt à la question des salles de consommation à moindre risque. Il ne s'agit pour l'instant que d'un projet d'expérimentation soutenu par le Gouvernement, la ville de Paris et les associations. Malheureusement, les arguments scientifiques ont peu de portée dans le débat passionnel qu'elles suscitent et qui a découragé de nombreux élus locaux. Cette expérimentation doit être encouragée pour renouer le contact avec une population de toxicomanes qui est jusqu'à présent livrée à elle-même.

Il y a beaucoup à faire pour la recherche sur les addictions et la formation des médecins. Je pense que la médecine préventive doit devenir une discipline à part entière, qui ensuite pourra se décliner dans tous les domaines.

Mme Catherine Deroche . - Le groupe UMP déplore la baisse des crédits accordés à la Mildt. Nous ne partageons pas l'analyse de la rapporteure, néanmoins nous aboutissons à la même conclusion et sommes donc défavorables à leur adoption.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie » du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE POUR AVIS

• Ivan Berlin , médecin au service de pharmacologie biologique de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, ancien président de la société française de tabacologie

• Yann Bisiou , maître de conférences en droit privé et sciences criminelles
à l'université Paul Valéry Montpellier III

• Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)

Maud Pousset , directrice

Julie-Emilie Adès , responsable du pôle « Diffusion de l'information »

• Fédération française d'addictologie (FFA)

Pr Michel Reynaud , vice-président

Dr Alain Morel , vice-président

• Syndicat des commissaires de police nationale (SCPN)

Emmanuel Roux , secrétaire général

Céline Berthon , adjointe du secrétaire général

• Syndicat Unité SGP Police-FO

Henri Martini , secrétaire général

Stéphane Lievin , délégué national

• Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (Mildt)

Gilles Lecoq , délégué

Jean-François Pons , secrétaire général

• Conseil national des barreaux

Carine Monzat , vice-présidente de la commission « Liberté et droits de l'homme »


* 1 Etablis par l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies.

* 2 Cour des comptes ; Les politiques de lutte contre le tabagisme, rapport d'évaluation réalisé pour le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale, décembre 2012.

* 3 Décret n° 95-322 du 17 mars 1995 autorisant le rattachement par voie de fonds de concours du produit de cession des biens confisqués dans le cadre de la lutte contre les produits stupéfiants.

* 4 Par la loi n° 2010-768 du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale.

* 5 Dont l'article L. 3121-4 du code de la santé publique définit l'objet. Elle vise à « prévenir la transmission des infections, la mortalité par surdose par injection de drogue intraveineuse et les dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie par des substances classées comme stupéfiants ».

* 6 Tendances ; Perceptions et opinions des Français sur les drogues, OFDT, octobre 2013.

* 7 Loi n° 70-1320 du 31 décembre 1970 relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l'usage illicite des substances vénéneuses.

* 8 Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, article 48.

* 9 Jean-Louis Nadal (dir.), Refonder l'action publique, Commission de modernisation de l'action publique, rapport à la garde des sceaux, ministre de la justice, novembre 2013, p. 55.

* 10 Disponible à l'adresse suivante : www.pouruneautrepolitiquedesaddictions.fr ; elle a recueilli plus de 1 700 signatures depuis juillet 2012.

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