II. LE PROGRAMME « EMPLOI OUTRE-MER » : RÉFORME DU SOUTIEN AUX ENTREPRISES ET RENFORCEMENT DES CRÉDITS DEDIÉS À LA FORMATION

En 2014, les crédits du programme 138 « Emploi outre-mer » atteindront 1,404 milliard d'euros en AE et 1,388 milliard en CP, soit respectivement une stabilisation et une légère diminution (- 0,4 %) par rapport à 2013.

Ce programme recouvre principalement les crédits de l'action « Soutien aux entreprises », qui représentent 83 % du montant prévu pour le programme. En raison de la réforme du régime des exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, les CP associés sont en légère diminution de 1,44 % par rapport à 2013.

L'action « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle » bénéficie en revanche d'une augmentation notable de crédits tant en AE (+ 3,56 %) qu'en CP (près de 5 % d'augmentation), notamment du fait de la poursuite de la montée en charge du service militaire adapté (SMA).

Le montant de l'action « Pilotage des politiques des outre-mer », qui retrace les crédits affectés au ministère des outre-mer, demeure inchangé entre 2013 et 2014.

Tableau n° 5 : Évolution des crédits du programme 138 « Emploi outre-mer »

(arrondi en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action

LFI 2013

PLF 2014

Évolution

LFI 2013

PLF 2014

Évolution

01 Soutien aux entreprises

1 165

1 156

- 0,71 %

1 165

1 148

- 1,44 %

02 Aide à l'insertion
et à la qualification professionnelle

236

245

+ 3,56 %

226

237

+ 4,97 %

03 Pilotage des politiques des outre-mer

2 904

2 904

-

2904

2904

-

Total du programme

1 404

1 404

-

1 393

1 388

- 0,4 %

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

1. Le soutien aux entreprises
a) Recentrage des exonérations de cotisations de sécurité sociale sur les bas salaires

Les Dom, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon bénéficient d' un dispositif d'exonération de cotisations patronales de sécurité sociale plus favorable que celui applicable dans l'hexagone , qui doit leur permettre de faire face aux handicaps structurels qui pèsent sur leur économie en encourageant la création d'emplois dans le secteur marchand. Ces territoires, qui souffrent notamment d'un niveau de formation et de qualification des salariés inférieur à celui constaté dans l'hexagone et de la concurrence d'une main-d'oeuvre à bas coût dans leur environnement régional, sont en effet confrontés à une situation dégradée de l'emploi avec des taux de chômage massifs (atteignant jusqu'à 28,5 % à La Réunion au deuxième trimestre 2012)

Un régime d'exonération spécifique à l'outre-mer est ainsi prévu par les articles L. 752-3-1 et L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale. Ce dispositif a été réformé à plusieurs reprises ; en dernier lieu, la Lodeom est partiellement revenue sur le durcissement introduit par l'article 159 de la loi de finances pour 2009 6 ( * ) . Ces exonérations représenteront 1,13 million d'euros en AE comme en CP en 2014.

L'article 70 du présent projet de loi de finances, rattaché à la mission « Outre-mer », propose de recentrer ces exonérations sur les bas salaires , pour lesquels il apparaît qu'elles sont les plus efficaces. Elles deviendraient ainsi dégressives à partir de 1,4 Smic . Cette mesure permettra d'augmenter l'efficience de ce dispositif tout en continuant à garantir une exonération totale de cotisations patronales pour la grande majorité des salariés ultramarins. Il est par ailleurs à noter que cette réforme s'inscrit dans le contexte de la mise en place du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice), qui bénéficiera aux entreprises ultramarines à hauteur de 320 millions d'euros pour l'année 2014.

Cette réforme devrait permettre de réaliser une économie de 90 millions d'euros en 2014 par rapport à l'évolution de la dépense en l'absence de réforme, puis de 108 millions par an à compter de 2015.

Une situation de l'emploi inquiétante dans les outre-mer

Les outre-mer sont frappés par un chômage massif , qui représente plus du double du taux constaté dans l'hexagone. Selon l'Insee, il atteignait 21 % en Martinique, 23 % en Guadeloupe, 22 % en Guyane et jusqu'à 28,5 % à La Réunion en 2012.

Le chômage touche particulièrement les jeunes . Selon l'enquête Emploi de l'Insee, le taux de chômage des moins de 25 ans s'établissait en 2012 à 61,6 % en Guadeloupe, 58,9 % en Martinique, 55,4 % en Guyane, 58,8 % à La Réunion et 41,6 % à Mayotte (données 2009) contre 22,9 % en France hexagonale. Le phénomène est d'autant plus inquiétant que ce taux était en progression dans l'ensemble des outre-mer.

Il est par ailleurs à noter que le « halo autour du chômage », qui recouvre les personnes découragées par la recherche d'emploi, le temps partiel ou la précarité subis, le chômage déguisé (demandeurs d'emploi en formation ou cessations anticipées d'activité) ou encore les inactifs souhaitant travailler est élevé dans les outre-mer.

Le niveau de qualification de la population est en outre plus faible en outre-mer que dans l'hexagone. Alors que la part de la population de plus de 15 ans ne possédant aucun diplôme est d'un peu moins de 18 % dans l'hexagone, elle atteint près de 41 % en Guadeloupe, 37 % en Martinique, 52 % en Guyane et près de 50 % à La Réunion.

Source : Réponses aux questionnaires budgétaires

En application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l'Etat est tenu de compenser aux organismes de sécurité sociale les sommes qui ne leur ont pas été versées du fait des exonérations de cotisations patronales. Cette compensation est assurée par le ministère des outre-mer.

Au cours des dernières années, la sous-budgétisation chronique des crédits associés à ces exonérations en loi de finances a conduit à une forte augmentation de la dette de l'Etat envers les organismes de sécurité sociale . Ainsi, pour l'année 2013, le total prévisionnel des crédits dédiés au financement de ces compensations s'élève à 1 086,21 millions d'euros tandis que les besoins sont évalués à 1 187,34 millions d'euros. A la fin de l'année 2012, malgré les nombreux mouvements de gestion destinés à régulariser cette situation, le montant global des impayés atteignait 95,6 millions d'euros (la part principale de ce montant étant due au régime social des indépendants - RSI).

Compte tenu de l'évolution des crédits de paiement de l'action 01 « Soutien au entreprises » (- 1,44 %), votre rapporteure s'inquiète de l'inévitable persistance de cette situation pour l'année 2014.

b) Des mesures nouvelles en faveur des entreprises

Les entreprises ultramarines bénéficient par ailleurs de plusieurs aides directes visant à compenser les surcoûts et les handicaps résultant de leurs particularités géographiques et économiques.

L' aide au fret, en application depuis 2011, verra ses crédits maintenus à hauteur de 6 millions d'euros en AE comme en CP pour 2014. Instituée par l'article 24 de la Lodeom, cette aide a pour objectif de compenser le handicap d'éloignement des territoires ultramarins en abaissant, d'une part, le coût des produits importés en provenance de l'Union européenne (UE) et entrant dans un processus de fabrication locale et, d'autre part, le coût des produits de fabrication locale exportés vers l'UE. Elle bénéficie aux entreprises situées dans les Dom, à Saint-Pierre-et-Miquelon, Saint-Martin, Saint Barthélemy et Wallis-et-Futuna.

L' aide à la rénovation hôtelière , également opérationnelle depuis 2011, bénéficiera d'une reconduction de ses crédits à hauteur de 3 millions d'euros pour 2014. Créée par l'article 26 de la Lodeom, cette aide est destinée aux établissements hôteliers de plus de 15 ans situés dans les Dom, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. En 2012, 11 établissements ont bénéficié de ce dispositif pour un montant total de 1,8 million d'euros en AE et 2,8 millions d'euros en CP.

L'économie résultant de la modification du régime d'exonération de cotisations sociales sera par ailleurs compensée par des mesures nouvelles et ciblées destinées à renforcer la compétitivité des entreprises ultramarines, pour un montant de 16 millions en AE et 7,5 millions en CP . Le projet annuel de performances annexé au présent projet de loi de finances indique que le contenu détaillé de ces mesures sera défini en considération des priorités déterminées pour chacun des territoires ultramarins et qu'une action spécifique sera mise en oeuvre dans le secteur de l'économie sociale et solidaire.

2. Poursuite du renforcement du service militaire adapté (SMA) et préservation des moyens de la formation en mobilité
a) Une augmentation des investissements du SMA dans le cadre du programme « SMA 6 000 »

Le service militaire adapté (SMA) est un dispositif de formation organisé au sein d'unités militaires et offrant à de jeunes ultramarins âgés de 18 à 26 ans, le plus souvent en situation d'échec scolaire ou en grande difficulté, la possibilité de bénéficier d'une formation citoyenne et comportementale et de renforcer leur employabilité dans le cadre d'un programme effectué sous le statut de volontaire dans les armées. Il vise ainsi à lutter contre l'exclusion du marché du travail des publics les plus éloignés de l'emploi.

Cet organisme, qui constitue un important vecteur de réinsertion, a largement prouvé son efficacité au cours des dernières années. Bien qu'en légère diminution par rapport aux années précédentes en raison du contexte économique peu favorable, ses résultats sont remarquables : 73 % des volontaires sont en situation d'insertion professionnelle en fin de contrat. Le taux de sortie anticipée du dispositif sans insertion professionnelle reste stable autour de 12 % depuis 2011.

Le programme « SMA 6 000 » vise à porter à 6 000 le nombre de jeunes accueillis chaque année à l'horizon 2016. Il était initialement prévu, lorsque ce programme a été mis en place en 2009, que cette augmentation des effectifs soit atteinte en 2013 ; des questions d'infrastructures ont cependant rendu nécessaire l'ajournement de cet objectif. Celui-ci devrait être atteint en 2016 : 5 300 jeunes devraient avoir été pris en charge à la fin 2013 et près de 5 500 places seront offertes en 2014.

Ce programme a également mis en place une différenciation des formations proposées : à côté du cursus long de formation, qui accueille des stagiaires à temps plein, un cursus court d'accompagnement vers l'emploi de six mois a été créé à destination des jeunes diplômés en chômage de longue durée.

Tableau n° 6 : Evolution de la capacité d'accueil du SMA depuis 2009

2009

2010

2011

2012

2013

2014

ETPT de volontaires

2 900

2 954

3 238

3 811

4 007

4 204

Places de stage ouvertes dans l'année

2 975

3 029

4 013

4 990

5 300

5 500

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

Cette montée en puissance du SMA nécessite un effort d'investissement s'agissant notamment d'infrastructures immobilières, de véhicules et d'appareils de formation. Les crédits associés bénéficieront ainsi d'une augmentation en AE en 2014, tandis que les crédits de fonctionnement demeureront stables dans le cadre d'un effort de productivité. L'encadrement sera renforcé grâce à 220 ETP supplémentaires.

Tableau n° 7 : Évolution des crédits du SMA depuis 2009

en millions d'euros

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Autorisations d'engagement

112

140

194

186

203

208

Crédits de paiement

110

127

175

203

203

200

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

b) Les autres crédits dédiés à la formation professionnelle : une faible lisibilité des montants affectés à Ladom

L'action « Aide à la qualification et à l'insertion professionnelle » finance une partie des crédits affectés à l'agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom).

La subvention pour charges de service public versée à Ladom s'élève pour 2014 à 8,1 millions d'euros en AE comme en CP, soit une baisse de 6 % depuis 2012. Seul opérateur de la mission « Outre-mer », Ladom est en effet concernée par la norme d'évolution des dépenses applicable à l'ensemble des opérateurs de l'Etat. 11 ETP devraient être supprimés à l'horizon 2015, dont 3 en 2014, pour au total 131 ETP en 2014.

Elle finance également certaines des actions mises en oeuvre par Ladom au titre du dispositif de formation professionnelle en mobilité, dit « passeport-mobilité formation professionnelle » (PMFP). En 2014 comme en 2013, 20,3 millions d'euros permettront de financer deux aides : l'action mobilité formation emploi (AMFE), qui recouvre la prise en charge des frais pédagogiques, et l'allocation complémentaire de mobilité, qui correspond au financement des frais d'installation et au versement d'une indemnité mensuelle de formation. Mis en place par l'article 50 de la Lodeom, ces dispositifs visent à compenser le coût que représente leur déplacement pour les jeunes ultramarins souhaitant effectuer une formation qualifiante hors de leur département ou de leur collectivité d'origine.

Les crédits dédiés aux missions assurées par Ladom (formation et formation professionnelle en mobilité, aide à la continuité territoriale) se trouvent éclatés entre les deux programmes que comprend la mission « Outre-mer ». Tandis que le programme 138 porte les seuls crédits relatifs aux deux aides du PMFP , le programme 123 comprend ceux affectés à l'ensemble des autres actions réalisées par Ladom (PMFP dans son volet transports, passeport mobilité études et aide à la continuité territoriale). Votre rapporteure s'interroge sur la cohérence de cette répartition , qui rend peu lisible l'évolution des crédits affectés à cet opérateur.

L'action 02 finance par ailleurs :

- les programmes « Cadres avenir » en Nouvelle-Calédonie et « Cadres pour Wallis-et-Futuna », qui visent à assurer la formation de cadres originaires de ces territoires, pour 6,2 millions d'euros en AE comme en CP, soit un montant stable par rapport à 2013 ;

- les programmes « Chantiers de développement local », qui garantit un revenu minimum aux personnes les plus modestes en échange d'un travail d'intérêt général en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna, et « Jeunes stagiaires du développement », qui vise à favoriser l'insertion des jeunes âgés de 18 à 26 ans en Nouvelle Calédonie, pour un montant de 2,07 millions d'euros.


* 6 Loi n° 2008-1425 de la loi du 27 décembre 2008 de finances initiale pour 2009.

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