II. LES RÉGIMES DE RETRAITE DES TRANSPORTS TERRESTRES

Le programme 198 , consacré aux régimes sociaux et de retraite des transports terrestres, retrace principalement les subventions d'équilibre de l'Etat aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP .

Il prévoit en outre la prise en charge par l'Etat des pensions servies par quatre régimes de transport ferroviaire en voie d'extinction (chemins de fer secondaires, chemins de fer d'Afrique du Nord et du Niger-Méditerranée, transports urbains tunisien et marocain et chemin de fer franco-éthiopien).

L'Etat subventionne également deux dispositifs d'aide au départ à la retraite spécifiques au secteur des transports : le congé de fin d'activité des conducteurs routiers (CFA) et le complément de pension des conducteurs routiers.

Ce programme est doté de 4,152 milliards d'euros par le projet de loi de finances pour 2014. Ses crédits sont en légère baisse (- 0,14 %) par rapport à 2013 .

A. LES RÉGIMES DE RETRAITE DE LA SNCF ET DE LA RATP

La gestion des pensions de retraite des agents de la RATP relève, depuis le 1 er janvier 2006, de la caisse de retraites du personnel de la RATP (CRP RATP) . Celle du régime spécial de retraite de la SNCF est assurée, depuis le 30 juin 2007, par la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP SNCF) .

Dans les deux cas, ces caisses constituent des organismes de sécurité sociale de droit privé distincts de l'entreprise et dotés de la personnalité morale. Leur création a été rendue nécessaire par la mise en oeuvre des normes comptables internationales (IAS-IFRS) et l'obligation d'isoler les engagements de retraite des deux entreprises.

1. L'évolution des règles applicables

Dans le cadre de la réforme des régimes spéciaux de 2008, les régimes de la SNCF et de la RATP se sont vu appliquer par décret les principes de la réforme mise en oeuvre à compter de 2003 dans la fonction publique (hausse de la durée d'assurance requise pour un départ à la retraite au taux plein, instauration de barèmes de décote et de surcote et indexation du montant des pensions sur l'évolution des prix) 3 ( * ) . La réforme des retraites de 2010 leur sera applicable à compter de 2017 pour tenir compte du rythme de la montée en charge de la réforme de 2008.

Le décret n° 2012-847 du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse, qui prévoit l'ouverture du droit à la retraite anticipée à 60 ans pour les assurés justifiant de la durée d'assurance cotisée requise pour leur génération et ayant commencé à travailler avant 20 ans, ne s'applique pas directement aux assurés relevant de la CPRP SNCF. Il ne concerne pas davantage les agents de la RATP qui continueront de voir s'appliquer l'ancien dispositif de carrières longues jusqu'en 2017. Ces régimes seront en revanche partiellement concernés par le financement de cet élargissement à travers le relèvement du taux de cotisation sociale de 0,5 point entre 2012 et 2016.

Quant aux mesures de financement prévues par le projet de loi garantissant l'avenir et la justice du système de retraites en cours d'examen (hausse des cotisations vieillesse salariales et patronales de 0,3 point d'ici 2017 et report de six mois de la date de revalorisation des pensions), elles leur seront pleinement applicables 4 ( * ) .

a) Le régime de la SNCF

Les ressources propres de la branche vieillesse du régime spécial de la SNCF sont issues d'une cotisation salariale de 7,85 % et d'une cotisation employeur dont la composition est double :

- le taux T1 , fixé à 22,91 % pour l'exercice 2012 (et à 23,11 % pour 2013 à titre prévisionnel) de façon à couvrir le montant qui serait dû si les salariés relevaient du régime général et des régimes de retraite complémentaires obligatoires, déduction faite du produit des cotisations salariales ; ce taux est révisé chaque année au regard de la structure des salaires à la SNCF et des modifications de taux de cotisation dans les régimes de droit commun ;

- le taux T2 , fixé à 11,26 % en 2012 (11,35 % en 2013), qui vise à contribuer forfaitairement au financement des droits spécifiques de retraite du régime spécial. Ce taux évolue proportionnellement au taux de cotisation global des régimes de droit commun.

Le taux global de cotisation patronale s'élevait ainsi à 33,72 % en 2011 et s'établit à 34,17 % en 2012 , soit une hausse de 0,45 %.

Selon les estimations fournies à votre rapporteure par la CPRP SNCF fin 2012, la mise en oeuvre du décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse devrait avoir pour conséquence de faire progresser le taux T1 de 0,5 % entre 2012 et 2016, générant un produit supplémentaire d'environ 24 millions d'euros. Le taux T2 progresserait de 0,2 %, engendrant un produit supplémentaire d'environ 10 millions d'euros.

Au total, les cotisations (1 932 millions d'euros en 2012) couvrent moins de 37 % des charges de pensions (5 242 millions d'euros en 2012), le ratio cotisants/retraités étant inférieur à 0,57 en 2012. Conformément à l'article 3 du décret n° 2007-1056 du 28 juin 2007, l'équilibre du régime est assuré par une subvention versée par l'État.

La réforme des régimes spéciaux entrée en vigueur le 1 er juillet 2008 prévoit le rapprochement progressif des règles de calcul des pensions des personnels de la SNCF de celles applicables dans la fonction publique d'Etat. A ce titre, la durée d'assurance requise pour la pension à taux plein est passée de 150 trimestres au 1 er juillet 2008 à 166 trimestres au 1 er juillet 2017. Le dispositif de décote est entré en vigueur le 1 er juillet 2008 et le mécanisme de surcote le 1 er juillet 2010.

La mise en oeuvre de cette réforme a eu pour contrepartie des mesures d'accompagnement négociées entre l'Etat, les partenaires sociaux et l'entreprise : création d'un échelon d'ancienneté supplémentaire, majoration des traitements de fin de carrière, élargissement de l'assiette du salaire liquidable par l'intégration de certaines primes ou gratifications, aménagement des modalités de cessation progressive d'activité ou encore mise en place d'un compte épargne-temps.

Les dispositions de la loi portant réforme des retraites du 9 novembre 2010 seront également étendues au régime spécial de la SNCF à partir du 1 er janvier 2017 5 ( * ) . Le régime verra ainsi le recul progressif de deux ans des âges d'ouverture du droit à pension. La pension de retraite, accordée à partir de l'âge de 55 ans après 25 ans de service selon les règles actuelles, le sera à partir de 57 pour les agents nés à compter du 1 er janvier 1967, la durée de service requise étant portée à 27 ans de service à partir du 1 er janvier 2022.

La réforme de 2010 prévoit en outre un alignement progressif des cotisations salariales sur celles applicables dans le secteur privé à compter de 2017. Le taux sera ainsi porté de 8,12 % en 2017 à 10,55 % en 2026. Le taux de cette cotisation n'est pas concerné par le décret du 2 juillet 2012 relatif à l'âge d'ouverture du droit à pension de vieillesse.

La réforme de 2008 a produit des effets marqués sur les comportements de départ en retraite . En effet, selon les informations recueillies par votre rapporteure auprès de la CPRP SNCF, entre 2008 et les huit premiers mois de l'année 2013, l'âge moyen de départ des agents de conduite a progressé de 20 mois et celui des autres agents de 16 mois . Sur les huit premiers mois de l'année 2013, plus de trois agents de conduite sur quatre (78 %) ont quitté l'entreprise à plus de 51 ans, contre 54 % en 2012 et 32 % en 2011, et un sur cinq (20 %) est parti à 53 ans ou plus ; près de 60 % des autres agents ont quitté la SNCF à plus de 56 ans contre 42 % en 2012 et 30 % en 2011. Au total, le taux de départ à l'âge d'ouverture du départ en retraite (55 ans pour les sédentaires) a connu une baisse substantielle ; il été ramené de 74 % en 2008 à 15 % en 2013.

Cette évolution s'explique notamment par la suppression de la mise à la retraite d'office, les contreparties sociales issues des négociations et la montée en charge de la décote.

b) Le régime de la RATP

Le financement du régime d'assurance vieillesse de la RATP est assuré par le produit des cotisations salariales (au taux de 12 %) et patronales (au taux de 18,01 %) et, aux termes de l'article 4 du décret n° 2005-1637, par une subvention de l'Etat destinée à équilibrer les recettes et les charges de la caisse.

Le décret « carrières longues » du 2 juillet 2012 prévoit un relèvement du taux de cotisation salariale de la RATP de 0,25 point entre 2016 et 2020, le taux employeur restant inchangé.

En 2012, le produit des cotisations sociales (440 millions d'euros) couvrait environ 44 % des charges de prestations vieillesse (991 millions d'euros), le ratio cotisants/retraités s'établissant à 0,89.

Dans le cadre de la réforme des régimes spéciaux de 2008, les durées d'assurance requises pour l'attribution du taux plein ont été harmonisées avec celles prévues dans la fonction publique et des dispositifs de décote et surcote analogues ont été instaurés. En outre, les bonifications de durée d'assurance prévues ont été supprimées pour certaines catégories d'emplois pour les agents recrutés après le 1 er janvier 2009.

Comme pour le régime de retraite de la SNCF, la réforme de 2010 a conduit pour la RATP au recul progressif de deux ans des âges de départ en retraite et à la majoration de deux ans de la durée minimale d'assurance requise. L'âge légal de départ a été porté à 52 ans pour les personnels d'exécution nés à compter de 1972, à 57 ans pour les personnels de maîtrise nés à compter de 1967 et à 62 ans pour les cadres nés à compter de 1962. La durée minimale de service pour l'attribution des pensions des personnels d'exécution et de maîtrise sera progressivement portée de 25 à 27 ans entre 2017 et 2022.

En 2012, selon les informations transmises à votre rapporteure par la CRP RATP, 60 % des pensions de droit direct étaient liquidées avant l'âge de 55 ans (contre près de 64 % en 2011), 9,4 % à l'âge de 55 ans (contre 8,8 % en 2011), 20 % entre l'âge de 56 ans et 59 ans (contre 18,5 % en 2011) et 10,5 % à partir de 60 ans (contre 9 % en 2011).

2. Les perspectives financières

Compte tenu de la dégradation continue de leurs ratios démographiques, les deux régimes ont bénéficié en 2013 d'une subvention d'équilibre de l'Etat en hausse de 1,5 % pour le régime de la SNCF (3,36 milliards d'euros) et de 1,9 % pour le régime de la RATP (552 millions d'euros) par rapport à 2012. En 2014, les subventions d'équilibre seront respectivement de 3,362 milliards d'euros et de 634 millions d'euros.

a) Le régime de la SNCF

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2013, les charges de la branche vieillesse de la CPRP SNCF ont atteint près de 5,3 milliards d'euros en 2012, en progression de 1,8 % par rapport à 2011. Cette évolution reflète une hausse modérée de la masse des pensions. Malgré une baisse du nombre de bénéficiaires (- 1,3 %), les prestations sociales nettes ont en effet augmenté de 1,8 % en 2012, sous l'effet principalement d'une revalorisation plus élevée des pensions (+ 2,1 % en moyenne annuelle). Comme en 2011, l'effet prix l'a ainsi emporté sur l'effet volume.

L'exercice 2012 a enregistré une hausse des cotisations sociales nettes de 2,7 % compte tenu d'une baisse moins marquée des effectifs cotisants (- 0,7 % contre - 1,6 % en 2012), de la progression des salaires (1,3 %) et de l'ajustement à la hausse du taux T1 définitif.

De plus, en raison de l'extinction progressive de la compensation vieillesse spécifique entre régimes spéciaux (jusqu'à sa disparition en 2012), les transferts de compensation démographique reçus par la branche ont poursuivi en 2011 la forte baisse engagée en 2009. D'un montant de 56 millions d'euros en 2011, les transferts au titre des compensations généralisée et vieillesse ont été quasi-nuls en 2012.

En 2013 et 2014, la progression des prestations de droits directs devrait ralentir en raison d'une plus faible revalorisation des pensions (1 % en 2013 et 1,5 % en 2014). La hausse des cotisations sociales observée en 2012 devrait se poursuivre en 2013 (+ 3,2 %) avant de stagner en 2014 du fait d'une importante contraction des effectifs cotisants (- 1,8 %).

Selon les documents budgétaires annexés au PLF pour 2014, les charges de pensions devraient s'élever à 5,361 milliards d'euros en 2013, après 5,336 milliards en 2012.

Dans un contexte de ralentissement des charges de pension, la subvention d'équilibre versée pour 2014 à la CPRP SNCF connaît ainsi, pour la première fois depuis 2006, une baisse par rapport aux crédits ouverts en 2013. Elle devrait en effet connaître une diminution de 1,3 % en 2014 pour s'établir à 3 362,6 millions d'euros.

Il convient à ce titre de noter que les crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2013 ont fait l'objet d'une sous-consommation (de l'ordre de 1,5 %) en cours d'exercice, du fait notamment de la révision à la baisse des prévisions d'inflation.

Le décret d'avance n° 2013-868 du 27 septembre 2013 dont la ratification est demandée à l'article 6 de la loi de finances rectificative pour 2013 conduit d'ailleurs à l'annulation de 57 millions d'euros au titre du présent programme 198 dans le cadre de l'ouverture de 107 millions d'euros au titre du programme 177 « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Egalité des territoires, logement, ville », destinée au renforcement des capacités d'hébergement d'urgence et de logement adapté.

Comptes prévisionnels de la CRPP SNCF

(en millions d'euros)

Charges

Produits

2013 (Prévisions)

2014

(PLF)

2013
(Prévisions)

2014 (PLF)

Pensions

5 335,6

5 360,6

Cotisations

2 031,9

2 026,2

Compensation

1,0

3,0

Compensation

0,00

0,00

Charges de gestion

24,3

21,7

Produits financiers

1,3

1,2

Charges financières

3,9

5,1

Subvention de l'Etat

3 331,6

3 363,0

Total des charges

5 375,60

5 385,60

Total des produits

5 375,60

5 390,4

Source : Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014

b) Le régime de la RATP

Selon la commission des comptes de la sécurité sociale dans son rapport de septembre 2013, les charges du régime de retraite de la RATP se sont élevées à 1 021 millions d'euros en 2012, en progression de 5 % par rapport à 2011. La hausse des prestations vieillesse a atteint 5,8 %, tirée par l'accroissement du nombre de bénéficiaires (+ 1,6 %). Outre l'évolution démographique, l'augmentation des charges de pensions du régime s'explique par la revalorisation annuelle des pensions sur la base de l'indice des prix ainsi que les mesures salariales qui ont accompagné la réforme des retraites de 2008.

La croissance des prestations vieillesse devrait demeurer particulièrement dynamique en 2013 (+ 5,3 %) et rester soutenue en 2014 (+ 2,5 %) . On constate toutefois un léger ralentissement des départs en retraite après l'observation d'un pic de départs en 2012, lié à la fin (au 30 juin) de la période transitoire de mise en oeuvre de la réforme de 2008, qui s'était accompagnée de mesures spécifiques de la part de l'entreprise.

S'agissant des charges techniques, du fait de la disparition de la charge de compensation spécifique en 2012, les transferts versés par la caisse au titre du financement des mécanismes de compensation démographique ont baissé de près d'environ 19 % en 2012 par rapport à 2011 (après une baisse de 29 % en 2011 par rapport à 2010). En revanche, la charge de compensation généralisée a progressé de 4,5 % en 2012 et sera particulièrement dynamique en 2013 (+ 15,8 %) avant de se stabiliser en 2014.

Quant au produit des cotisations sociales, il a affiché une faible hausse en 2012 (+ 1,2 %) en raison du recul des effectifs cotisants (- 1,2 %). Ceux-ci devraient continuer de décroître en 2013 (-0,9 %) et se stabiliser en 2014.

Au total, la différence entre les charges de prestations et les recettes de cotisations continuera de se creuser . La subvention d'équilibre de l'Etat au régime spécial de la RATP atteindra ainsi 634,1 millions d'euros en 2014, en hausse de 3,1 % par rapport aux crédits ouverts en 2013 .

Comptes prévisionnels de la CRP RATP

(en millions d'euros)

Charges

Produits

2013 (Prévisions)

2014 (PLF)

2013 (Prévisions)

2014 (PLF)

Pensions

1 041,7

1 063,9

Cotisations

445,7

451,5

Compensation

22,5

21,7

Autres produits

0,4

0,4

Charges techniques

0,4

0,4

Subvention de l'Etat

618,5

634,1

Total des charges

1 064,6

1 086,0

Total des produits

1 064,6

1 086,0

Source : Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2014


* 3 Décrets n os 2008-47 pour la SNCF et 2008-48 pour la RATP du 15 janvier 2008.

* 4 S'agissant de la hausse de la durée de cotisation prévue par l'actuelle réforme à compter de 2020, elle interviendra, selon les informations communiquées à votre rapporteure, avec un décalage visant à éviter toute brutalité. Le calendrier de hausse de la durée déjà prévu est décalé afin que les personnes qui atteignent l'âge d'ouverture des droits dans un régime une année N aient la même durée requise que les personnes qui atteignent 60 ans au régime général la même année. Pour les catégories dont l'âge d'ouverture des droits est 57 ans, c'est la génération 1976 qui devra avoir cotisé 43 ans pour avoir le taux plein (et non la génération 1973 comme dans les autres régimes) ; pour les catégories dont l'âge d'ouverture des droits est 52 ans, c'est la génération 1981 qui sera concernée.

* 5 Décrets n os 2011-288 et 2011-291 du 18 mars 2011.

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