B. LES CENTRES DE SANTÉ AU COEUR DE L'OFFRE DE SOINS DE DEMAIN

Un large consensus se dégage aujourd'hui pour considérer que l'avenir des soins de ville passe par l'exercice collectif dans des conditions d'accessibilité financière. Tout en reconnaissant cette réalité, la stratégie nationale de santé reste quelque peu en-deçà de la reconnaissance d'un véritable service public territorial de santé, car, à côté de cette notion, qu'elle reconnaît en affirmant l'ambition de définir un service public « qui conduit les acteurs à remplir de manière solidaire un certain nombre d'objectifs de santé publique », elle utilise également celle, plus ambigüe, de « s ervice au public ». Le comité des sages réuni pour proposer un projet préalable à la stratégie nationale de santé, comme plusieurs autres rapports d'expert ou de groupes de travail avant lui, avait appelé de ses voeux la création du service public territorial de santé. Il relevait dans ce cadre que : « Les structures d'exercice collectif, notamment les maisons de santé pluriprofessionnelles et les centres de santé, sont une forme d'exercice qui présente un intérêt évident pour organiser la complémentarité des interventions du premier recours (médecins, pharmaciens, infirmières...) et prendre en charge des patients nécessitant un accompagnement (éducation thérapeutique, observance) 1 ( * )

L'axe 2.1 de la Stratégie nationale de santé « Soutenir une structuration des soins de proximité autour d'équipes pluriprofessionnelles » affirme que : « Le mode d'exercice de la médecine générale doit évoluer, le médecin traitant doit pouvoir s'appuyer sur des personnels administratifs et soignants pour se concentrer sur ses missions fondamentales, sur des systèmes d'information et de communication pour suivre les plans de soins des malades chroniques.

Le soutien à la constitution d'équipes pluriprofessionnelles de proximité, organisées autour du médecin traitant et en articulation avec l'hôpital et les soins spécialisés, est un des axes prioritaires d'action de la SNS. L'ensemble des acteurs des soins de proximité, médecins, paramédicaux et pharmaciens doivent trouver leur place dans ces équipes pluriprofessionnelles. Il s'agit de développer un nouveau mode d'exercice de la médecine libérale.

Elles pourront prendre plusieurs formes (maisons de santé pluridisciplinaires, pôles de santé, centres de santé...) et favoriseront un meilleur suivi des malades chroniques, ainsi que les coopérations entre médecins et autres professionnels de santé. Cette volonté de mieux coordonner les prises en charge soignantes, en amont et en aval de l'hôpital, va de pair avec l'objectif de passer à une médecine plus proactive, dans laquelle l'équipe de soins de proximité s'assure que le patient bénéficie bien d'un plan de soins et intervient auprès de lui si nécessaire.

Ces modalités d'organisation et d'exercice collectif sont en outre plébiscitées par les jeunes professionnels et ont un effet positif sur la démographie des professionnels de santé dans les zones fragiles. Le développement de ces équipes passe notamment par la reconnaissance d'une fonction de coordination du parcours et par une adaptation des modes de rémunération des professionnels en amplifiant les initiatives déjà prises en ce sens, en particulier par l'assurance maladie dans le cadre conventionnel.

Outre des activités de soin, ces équipes pluridisciplinaires doivent développer dans le cadre de leur projet de santé des actions de prévention et d'éducation à la santé, en lien avec les priorités du comité interministériel de la santé et les priorités régionales. Elles doivent également créer des liens avec les secteurs médico-social et social.

Les structures d'exercice collectif, notamment les maisons de santé pluriprofessionnelles et les centres de santé, sont une forme d'exercice qui présente un intérêt évident pour organiser la complémentarité des interventions du premier recours (médecins, pharmaciens, infirmières...) et prendre en charge des patients nécessitant un accompagnement (éducation thérapeutique, observance). »

Votre rapporteur note la priorité qui semble être accordée dans le texte de présentation du Gouvernement aux pôles et aux maisons de santé, ce qui est cohérent avec la volonté affichée de « développer un nouveau mode d'exercice de la médecine libérale ». Or, ce sont historiquement les centres de santé réunissant des professionnels de santé salariés exerçant au tarif de responsabilité qui sont les pionniers de cet exercice collectif. Il existe aujourd'hui 1 700 centres de santé répartis sur l'ensemble du territoire national contre près de 300 maisons de santé. Si votre rapporteur admet la nécessité de développer les maisons de santé et de faire évoluer l'exercice de la médecine libérale, il lui paraît essentiel de soutenir l'action de centres de santé et surtout de les aider à faire face aux difficultés financières qu'ils rencontrent.

Le rapport du groupe de travail « santé et accès aux soins » présidé par Michel Legros, présenté en novembre 2012 dans le cadre de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, soulignait que l'accès des plus démunis aux professionnels de santé « doit passer d'abord par une remise à niveau de l'ensemble des dispositifs, prestations et services dont les forces ont été trop amoindries dans la dernière décennie. Cette évolution a conduit à un affaiblissement de la première ligne d'accès à la santé que constituaient des dispositifs comme la santé scolaire, la protection maternelle et infantile, mais aussi les centres de santé ou les permanences d'accueil à la santé et aux soins, pourtant de création plus récente. Les liens avec les médecins libéraux se sont distendus et ne fonctionnent sur bien des territoires que par la volonté et la disponibilité des uns et des autres. »

Votre rapporteur regrette donc ce qui semble être une priorité accordée à la médecine libérale et la réticence à mettre en place un véritable service public territorial d'accès aux soins qui permettrait de mettre fin aux inégalités territoriales de santé - voire aux inégalités sociales de santé. Comme le notait le rapport du groupe de travail présidé par Michel Legros : « la mauvaise santé est l'une des premières causes du chômage et de sortie de l'emploi vers l'inactivité quand elle sélectionne les individus sur le marché du travail. Si la santé influe sur la probabilité d'obtenir un emploi, l'absence d'emploi influe également sur la santé et les chômeurs sont aussi en première ligne face à la maladie, confirmant l'influence de facteurs psychosociaux comme l'estime de soi. »

De fait, selon l'analyse de plusieurs professionnels impliqués tant dans les centres de santé que dans les maisons de santé, la question du statut libéral ou salarié, longtemps marquée par des a priori idéologiques, est aujourd'hui devenue secondaire pour les jeunes professionnels de santé. En effet, c'est le caractère collectif de l'exercice au sein des centres ou des maisons de santé qui motive l'installation des jeunes dans ces structures. Cette forme d'exercice permet la mise en place d'un projet médical commun, souvent porteur d'une prise en charge des patients plus globale que celle possible pour la clientèle d'un médecin exerçant seul. De plus, l'exercice collectif garantit, quel que soit le statut du professionnel, un niveau de rémunération compatible avec la qualité de vie que recherchent légitimement les jeunes professionnels. Comme le montre une étude récente de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), avec « 54 % de médecins généralistes déclarant exercer en groupe en 2009, contre 43 % en 1998, la pratique collective est désormais majoritaire. L'attrait est encore plus net chez les moins de 40 ans qui déclarent huit fois sur dix exercer en groupe, notamment en raison du meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Le regroupement est cependant moins développé et moins pluriprofessionnel en France que dans d'autres pays ; la taille des groupes est également plus modeste : les trois quarts des généralistes regroupés exercent dans des cabinets exclusivement composés de deux ou trois médecins. » 2 ( * )

Le président de la Fédération des maisons de santé envisage la possibilité de rapprocher les maisons et centres de santé au sein d'une fédération des soins de santé primaires. Votre rapporteur juge cette perspective intéressante à condition que les professionnels libéraux participent pleinement à un service public qui accueille l'ensemble de la population d'un territoire sans discrimination financière. En effet, à l'heure actuelle, ce sont les centres de santé qui prennent en charge en soins de ville les populations les plus fragiles. La recherche conduite par l'Irdes visant à explorer la spécificité de 21 centres de santé polyvalents, principalement municipaux, soit 5 %, de ceux existant en France, montre que les personnes recourant aux centres de santé en médecine générale sont socio-économiquement plus défavorisées et déclarent un état de santé plus dégradé que la population générale 3 ( * ) .

Même s'il est encore trop tôt pour juger ce que les maisons de santé apportent globalement comme évolutions en matière de prise en charge des malades, il convient de noter qu'elles semblent effectivement s'engager dans une logique d'accès aux soins. Une étude « suggère une logique d'implantation des maisons de santé qui répond à l'objectif de maintenir une offre là où les besoins sont importants. (...) De plus, le développement de ces structures semble efficace puisqu'on observe une moindre diminution de la densité des médecins généralistes entre 2008 et 2011 dans ces espaces ».


* 1 Un projet global pour la stratégie nationale de santé 19 recommandations du comité des sages juin 2013.

* 2 « L'impact du regroupement pluriprofessionnel sur l'offre de soins », Questions d'économie de la santé, n° 190, juillet-août 2013.

* 3 « Les personnes recourant aux 21 centres de santé de l'étude Epidaure-CDS sont-elles plus précaires ?», Questions d'économie de la santé, n° 165, mai 2011.

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