II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le mercredi 27 novembre 2013 , sous la présidence de Mme Annie David, présidente , la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Claude Jeannerot sur le projet de loi de finances pour 2014, mission « Travail et emploi » .

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - Le budget de la mission « travail et emploi » s'élève à 12,289 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 11,143 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une augmentation de 8 % par rapport aux crédits ouverts en projet de loi de finances pour 2013.

Ce budget traduit la volonté du Gouvernement de combattre le chômage qui est la principale préoccupation de nos concitoyens. Il met en oeuvre toutes les mesures décidées par le Gouvernement depuis mai 2012, des emplois d'avenir aux dispositifs issus de la loi de sécurisation de l'emploi en passant par les contrats de génération.

Selon la dernière note de prévision de l'Unédic du 26 septembre 2013, le taux de chômage en France métropolitaine au sens du Bureau international du travail (BIT) devrait s'établir à 10,6 % en 2013, contre 10,1 % en 2012. Le chômage devrait arrêter de progresser fin 2013, et être quasiment stable en 2014, grâce justement à la politique de l'emploi du Gouvernement, mais tout dépendra du taux de croissance de l'économie l'an prochain.

Le déficit de l'Unédic devrait néanmoins s'aggraver, pour passer de 4 milliards d'euros fin 2013 à 4,3 milliards fin 2014. Conséquence : la dette atteindrait en 2014 un niveau inégalé dans l'histoire de l'Unédic pour dépasser 22,2 milliards d'euros. Bien entendu, ces estimations se fondent sur une réglementation inchangée et ne préjugent pas des négociations des partenaires sociaux, qui débuteront début 2014, en vue d'une nouvelle convention sur l'assurance chômage.

Je voudrais tout d'abord rappeler les grands axes de la mission, avant d'aborder les articles qui lui sont rattachés puis les réformes du financement de l'apprentissage à travers la présentation du compte d'affectation spéciale « Financement national du développement et de la modernisation de l'apprentissage » (FNDMA).

La mission « travail et emploi » repose sur cinq grands axes.

La mobilisation en faveur de l'accès et du retour à l'emploi à travers le programme 102, qui concentre les deux tiers des crédits de la mission, en constitue le premier axe.

Le soutien de l'Etat à Pôle emploi représente le premier volet de cette mobilisation, puisque sa subvention pour charge de service public s'élèvera à 1,537 milliard d'euros en AE et CP, en hausse de 71,3 millions d'euros par rapport au budget voté en 2013 (soit 4,9 %). Cette hausse correspond à la participation financière de l'Etat au titre du renfort de 2 000 CDI supplémentaires en 2013, décidée le 25 mars dernier par le Premier ministre, et qui a pris effet au 1 er septembre dernier. Je rappelle que 2 000 emplois avaient déjà été créés en 2012. Le coût global de cette nouvelle mesure est financé à deux tiers par l'Etat et à un tiers par Pôle emploi.

La hausse des dépenses de solidarité et de justice sociale de l'Etat constitue le deuxième volet de la mission. La dotation d'équilibre de l'Etat au Fonds de solidarité s'élève à 1,116 milliard d'euros en AE et CP pour 2014, contre 834,20 millions en 2013. Ce fonds, dont les ressources totales atteindront 2,6 milliards d'euros l'an prochain, consacre l'essentiel de ses dépenses au financement de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), soit 2,44 milliards d'euros. Le montant des dépenses consacrées à l'ASS était globalement stable depuis 2008, année où il s'élevait à 2 milliards d'euros en loi de finances initiale, et 2013, où il atteignait 2,109 milliards. Le reste du fonds finance divers dispositifs dont certains sont liés à l'ASS, comme l'Accre ASS, qui aide les chômeurs qui créent ou reprennent une entreprise.

Parmi les autres dépenses de l'Etat hors du Fonds de solidarité, je voudrais m'attarder un instant sur le dispositif d'allocation transitoire de solidarité (ATS). Le dispositif appelé ATS 2013 est important car il traduit la promesse présidentielle de ne pas pénaliser les personnes nées en 1952 et 1953, qui perçoivent une allocation d'assurance chômage et ont validé leurs trimestres de retraite à taux plein mais qui n'ont pas atteint l'âge légal de la retraite. Ainsi, 60 millions d'euros sont prévus pour financer ce dispositif de justice sociale qui bénéficiera à plus de 4 700 personnes l'an prochain.

Le troisième volet concerne les dotations de l'Etat aux maisons de l'emploi. Les crédits budgétaires de l'Etat devaient initialement s'élever à 40 millions d'euros en CP et à 26 millions d'euros en AE. Ils étaient en baisse par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, puisque les crédits de paiement atteignaient alors 63 millions d'euros et les autorisations d'engagement 54 millions d'euros.

Mais un amendement parlementaire a majoré de 10 millions d'euros les crédits des maisons de l'emploi, afin de mettre en oeuvre des actions de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) territorialisées.

Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire la semaine dernière lors de l'audition du ministre Michel Sapin, je pense qu'il est nécessaire d'éviter les doublons entre ces structures et le réseau Pôle emploi en favorisant leur regroupement et en concentrant leurs actions dans des domaines où elles apportent une véritable plus-value, comme la facilitation des clauses sociales ou la GPEC territorialisée.

Le quatrième volet vise les contrats aidés, qui demeurent la clef de voûte de la mission « travail et emploi ». Plus de 3,6 milliards d'euros leur sont en effet consacrés en AE, soit un tiers pratiquement des crédits de la mission « travail et emploi ». Les emplois aidés regroupent les contrats uniques d'insertion (CUI), les emplois d'avenir et les dispositifs d'emploi spécifiques à l'outre-mer.

Les CUI - CAE, ou contrats d'accompagnement dans l'emploi, bénéficieront d'une enveloppe de 2,2 milliards d'euros environ en AE pour accompagner les personnes éloignées de l'emploi dans le secteur non-marchand. L'objectif est de conclure 340 000 CAE en 2014 et de porter à plus de dix mois leur durée moyenne afin de favoriser l'insertion professionnelle des bénéficiaires. Les crédits prévus pour financer le CUI-CIE, ou contrat initiative emploi, sont beaucoup plus modestes (164,5 millions en AE) car l'objectif est de signer 40 000 nouveaux contrats en 2014.

Le taux de conclusion des emplois d'avenir a été finalement conforme aux attentes du Gouvernement. Après des débuts un peu plus lents que prévus, les emplois d'avenir ont trouvé leur rythme, aussi bien quantitativement que qualitativement, avec 69 700 contrats conclus au 31 octobre 2013. Le ministère table sur 100 000 emplois d'avenir signés d'ici la fin de l'année, tandis que 50 000 nouveaux contrats devraient être conclus en 2014. Au final, la dotation de l'Etat s'élève à plus de 1,2 milliard d'euros en AE et 1,29 milliard d'euros en CP pour financer les emplois d'avenir en 2014.

Par ailleurs, une enveloppe de 34,4 millions d'euros en AE et CP est prévue pour financer les contrats aidés outre-mer.

Cinquième et dernier volet : l'Etat maintient son effort pour l'accompagnement des publics les plus en difficulté. Le projet de loi de finances initial consacre ainsi 876,1 millions d'euros en AE et CP ainsi répartis :

- 304,8 millions iront à l'accompagnement renforcé des jeunes vers l'emploi. Ces crédits financeront les contrats d'insertion dans la vie sociale (Civis), le fonds d'insertion professionnelle des jeunes, les écoles de la deuxième chance, ou encore l'expérimentation de la garantie-jeunes. Surtout, 178 millions d'euros étaient prévus pour les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO). Les crédits de ces structures ont été majorés de 10 millions d'euros en AE et CP par les députés compte tenu des nouvelles missions qui leur sont confiées, comme l'accompagnement des contrats d'avenir.

- 336,9 millions sont destinés aux mesures en faveur des personnes handicapées, à travers essentiellement l'aide au poste et des subventions spécifiques ;

- 222 millions sont consacrés aux mesures en faveur de l'insertion par l'activité économique (IAE), en augmentation de 25 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2013. Les députés ont adopté un amendement du Gouvernement qui majore et sécurise de 15 millions d'euros les crédits en faveur de l'IAE, en remplacement des crédits du Fonds social européen (FSE) dont les règles vont évoluer.

- enfin, 12,39 millions d'euros soutiendront le secteur de l'aide sociale, grâce à des exonérations de cotisations sociales pour les structures agréées.

J'en viens maintenant au deuxième grand axe de la mission, l'accompagnement des mutations économiques à travers le programme 103, qui concentre un quart des crédits et compte trois actions.

La première action porte surtout sur l'effort de l'Etat en faveur des contrats de génération. Le PLF prévoyait initialement 1,2 milliard d'euros en AE et 390 millions d'euros en CP pour les financer. Ces crédits ont été fortement réduits au cours de la discussion budgétaire à l'Assemblée nationale afin de gager différents amendements. Comme vous le savez, les contrats de génération ont été conclus moins rapidement que prévu à cause du choix des entreprises employant entre 50 et 300 salariés d'attendre la conclusion d'un accord de branche intergénérationnel étendu pour pouvoir bénéficier d'une aide de l'Etat. Mais la dynamique semble désormais lancée avec plus de vingt accords de branche signés à ce jour. Le Gouvernement maintient l'objectif de 500 000 contrats de génération sur cinq ans, dont les deux tiers environ bénéficieront d'une aide de l'Etat (dans les entreprises de plus de 300 salariés, aucune aide n'est prévue, mais une pénalité peut être imposée en cas d'absence d'accord collectif d'entreprise ou de plan d'action unilatéral). Pour 2014, les crédits de paiement s'élèveront finalement à 165 millions d'euros pour financer les 20 000 contrats conclus en 2013 et les 50 000 prévus l'an prochain. Par ailleurs, les crédits pour l'aide et le conseil à la GPEC et aux engagements de développement de l'emploi et des compétences (Edec) s'élèvent à 70 millions d'euros en CP et 30 millions en AE, tandis que les contrats de professionnalisation seniors tombent en désuétude. La première action du programme finance également deux dispositifs de mesure d'âge en voie d'extinction ou peu utilisés à hauteur de 53,5 millions d'euros, ainsi que des actions en faveur du reclassement des salariés pour 308 millions d'euros en AE et CP. Parmi ces actions figure le dispositif d'activité partielle, anciennement appelée chômage partiel, qui a été largement remanié dans la loi de sécurisation de l'emploi, et qui disposera de 120 millions d'euros en AE et CP en 2014, soit 50 millions de plus qu'en 2013, afin d'aider les entreprises en difficulté.

La deuxième action du programme 103 est presque intégralement consacrée à l'alternance. Le Gouvernement estime que 450 000 contrats d'apprentissage seront concernés l'an prochain par des exonérations de cotisations sociales, d'où une dotation de 1,4 milliard d'euros en AE et CP. Par ailleurs, cette action comprend la subvention versée par l'Etat à l'Afpa, d'un montant de 76,6 millions d'euros en AE et CP, au titre du programme d'activité et de service public. Cette action ne comporte plus la dotation globale de décentralisation (DGD), d'un montant de 901 millions d'euros, qui est désormais remplacée par des recettes fiscales directes. C'est pourquoi le ministre Michel Sapin considère que, sans cette mesure de débudgétisation favorable aux régions, les crédits de sa mission auraient augmenté de 17 %. Je rappelle que le Pacte de confiance et de responsabilité, établi le 16 juillet entre l'Etat et les collectivités territoriales, avait prévu de remplacer, à hauteur des deux tiers, la DGD liée à la formation professionnelle et à l'apprentissage par une ressource dynamique dès la loi de finances pour 2014. C'est pourquoi l'article 25 du PLF 2014 supprime de fait cette DGD en prévoyant que les régions, la collectivité territoriale de Corse et le département de Mayotte se verront attribuer, à hauteur des deux tiers de la compensation, des ressources fiscales dynamiques, soit 601 millions d'euros, et pour un tiers, une fraction supplémentaire de la taxe intérieure sur la consommation de produits énergétiques (TICPE), soit 300 millions d'euros. Ces ressources fiscales dynamiques sont constituées par une partie des frais de gestion perçus par l'Etat sur les recettes de la cotisation foncière des entreprises (CFE), de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et de la taxe d'habitation (TH). Cette réforme de la DGD, qui permettra de maintenir le cap des 500 000 apprentis en 2017, sera neutre pour les régions l'année prochaine et favorable dans les années à venir grâce au dynamisme des ressources affectées.

Enfin, la troisième action du programme bénéficiera de 265 millions d'euros en AE et 257 millions d'euros en CP pour développer l'emploi, à travers notamment des exonérations spécifiques en fonction des territoires ou des secteurs d'activité et des aides à la création d'entreprise.

Le troisième axe de la mission concerne l'amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail, à travers le programme 111, doté de 123,4 millions d'euros en AE, contre 78,5 millions en 2013.

L'essentiel des crédits de la première action concerne la santé et la sécurité au travail, à travers des subventions pour charge de service public, de même montant qu'en 2013, versées à l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), à hauteur de 11 millions d'euros en AE et CP, et à l'Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), pour 9 millions d'euros en AE et CP.

La deuxième action, relative notamment à l'organisation de l'élection des conseillers prud'hommes, voit ses autorisations d'engagement divisées par deux par rapport à 2013, pour atteindre 19,27 millions d'euros. Je rappelle que le ministère souhaite à terme transformer cette élection en une désignation fondée sur la représentativité des organisations syndicales et patronales.

A l'inverse, les autorisations d'engagement de la troisième action sont multipliées par 11, pour atteindre 77 millions d'euros, afin de financer l'ouverture d'un nouveau cycle triennal de formation économique, sociale et syndicale pour 2014-2016.

Le quatrième axe de la mission a trait aux moyens humains du ministère à travers le programme 155, qui démontre sa participation à l'effort de maîtrise des effectifs de l'Etat.

Le plafond d'emploi de la mission est en effet fixé à 9 900 équivalents temps plein travaillés (ETPT), en baisse de 172 ETPT par rapport à la loi de finances initiale pour 2013.

Dans le même temps, une profonde réforme de l'inspection du travail a été initiée dans le cadre de la loi du 1 er mars 2013 sur les contrats de génération, qui consiste à transformer les postes de contrôleurs du travail en inspecteurs. Ainsi, 130 contrôleurs seront admis en formation en décembre prochain et 410 places seront ouvertes d'ici 2015. Cette réforme se fera à effectif constant, mais aboutira globalement à renforcer l'action des agents de contrôle grâce à des pouvoirs étendus.

Enfin, le cinquième axe de la mission concerne les investissements d'avenir, à travers la création du nouveau programme 412 « formation et mutation économique ». Un appel à projet permanent sera ouvert jusqu'à 2018 afin de cofinancer, à hauteur de 150 millions d'euros, une vingtaine de projets innovants, exemplaires et transposables qui facilitent les mutations économiques. Ces fonds seront confiés à la Caisse des dépôts et consignations, avec laquelle l'Etat passera une convention spécifique.

Je voudrais maintenant aborder les trois articles rattachés à la mission.

L'article 79, issu d'un amendement du Gouvernement élaboré en concertation avec l'Association des départements de France, permet à l'Etat et au conseil général de conclure une convention annuelle d'objectifs et de moyens sur les modalités de financement de l'IAE dans le département, au-delà des seuls chantiers d'insertion et des allocataires du RSA. A défaut de convention, le conseil général devrait continuer au minimum de cofinancer les aides aux postes allouées au titre d'embauches d'allocataires du RSA en ateliers et chantiers d'insertion.

L'article 78 vise à aligner les règles d'exonération des cotisations employeurs bénéficiant aux organismes d'intérêt général et aux associations en zone de revitalisation rurale (ZRR) sur les règles de droit commun en matière d'exonération en ZRR. Cet article poursuit un objectif de simplification des règles et limite les effets d'aubaine constatés pour certaines entités implantées dans des ZRR. En effet, l'aide augmente entre 1 et 1,5 Smic puis devient forfaitaire quel que soit le niveau du salaire concerné. Grâce à l'article 78, l'exonération sera croissante entre 1 et 1,5 Smic (elle passera de 416 euros à 624 euros par mois en reprenant le montant du Smic en 2013) puis décroissante jusqu'à s'annuler à 2,4 Smic, afin de cibler l'aide sur les bas salaires. Cette mesure permettra une économie de 30 millions d'euros dès 2014. Je rappelle que l'exonération ne concerne aujourd'hui que les contrats conclus avant le 1 er novembre 2007 et que nous avions déjà limité l'an passé son bénéfice aux structures de moins de 500 salariés.

Enfin, l'article 77 supprime les indemnités compensatrices forfaitaires (ICF) au bénéfice d'une nouvelle compensation pour les primes à l'apprentissage ciblée sur les entreprises de moins de onze salariés et les contrats d'apprentissage conclus à partir du 1 er janvier 2014. De nombreux rapports ont en effet mis en avant l'effet d'aubaine de l'ICF dans les grandes entreprises. Le dispositif gagnera ainsi en simplicité : la région déterminera librement le montant de la prime, qui ne pourra cependant pas être inférieure à 1 000 euros.

Toutefois, afin de ne pas pénaliser les régions, un régime transitoire de compensation sera mis en place pour les primes qui concernent les contrats d'apprentissage conclus avant le 1 er janvier 2014. Ces compensations varient selon la taille de l'entreprise et l'année de formation de l'apprenti.

Venons-en justement au compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage, qui nous permettra d'aborder la question du financement des compensations de ces primes.

Un mot tout d'abord sur l'équilibre du compte. Celui-ci bénéficiera de 774 millions d'euros de recettes en 2014, contre 688 millions d'euros ouverts en LFI pour 2013. Elles proviendront de la fraction du quota de la taxe d'apprentissage (22 % du produit total de la taxe), à hauteur de 460 millions d'euros, et de la contribution supplémentaire à l'apprentissage (CSA) pour 314 millions d'euros. Ces ressources seront insuffisantes pour couvrir les dépenses prévues, estimées à 865,7 millions d'euros, d'où un déficit prévu de 91,7 millions d'euros. Ceci dit, ce déficit devrait être couvert par le fonds de roulement qui est estimé à 100 voire 120 millions d'euros fin 2013.

Le financement des compensations des primes d'apprentissage devait initialement être intégralement assuré à partir du programme 787 du compte, à travers une dotation de 430,7 millions d'euros en AE et CP. Toutefois, à l'issue de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, ce financement sera finalement garanti en 2014 par :

- 117 millions d'euros d'affectation de la TICPE (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques), gagés par l'économie sur le crédit d'impôt pour les entreprises qui emploient des apprentis, prévue à l'article 23 bis, qui a malheureusement été supprimé hier soir en séance publique au Sénat ;

- 50 millions d'euros par mobilisation du fonds de roulement du compte ;

- 264 millions d'euros sur le budget du programme 103, en redéployant notamment les crédits prévus pour les contrats de génération.

En plus de ces 430 millions, le programme 787 versera l'an prochain 240 millions d'euros aux régions comme compensation pour les autres compétences transférées en matière d'apprentissage.

Le programme 788 financera à hauteur de 355 millions d'euros la construction, la modernisation des centres de formations d'apprentis (CFA), tandis que 5 millions financeront les CFA à recrutement national. Enfin, le programme 789 prévoit une dotation de 10 millions d'euros pour récompenser les entreprises vertueuses en matière d'apprentissage à travers un bonus de 400 euros par an et par apprenti, ainsi qu'une enveloppe de 5 millions d'euros pour la communication et la promotion de l'apprentissage.

Le projet de loi de finances pour 2014 offre donc des réponses urgentes et massives pour lutter contre le chômage, sans hypothéquer l'avenir et avec le souci constant de veiller à la bonne utilisation des deniers publics. Compte tenu de l'engagement du Gouvernement pour gagner la bataille pour l'emploi et des améliorations apportées lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits prévus pour la mission « Travail et emploi », des articles rattachés 77, 78 et 79 et du compte d'affectation spéciale «FNDMA».

M. Jean-Noël Cardoux . - Je félicite tout d'abord le rapporteur pour son travail de fond et complet, tout en étant conscient des conditions difficiles imposées aux différents rapporteurs de la commission par l'agenda parlementaire.

S'agissant des contrats aidés, je constate le semi-échec des contrats de génération, comme l'a d'ailleurs reconnu le ministre, ce qui ne surprend pas mon groupe politique qui avait mis en garde contre certaines faiblesses du dispositif dès l'examen du texte au Parlement. La courbe des recrutements d'emplois d'avenir est certes ascendante, mais c'est au prix de pressions exercées par les services de l'Etat, et notamment les préfets et sous-préfets, sur les collectivités territoriales. Pour les avoir personnellement constatés, ces procédés me semblent un peu contestables... J'ai récemment entendu un responsable d'une mission locale indiquer, lors d'une réunion publique, qu'un emploi d'avenir revient à 7 000 euros par an dans le secteur non marchand, et à 14 000 euros dans le secteur marchand. Cette distorsion de base entre ces deux secteurs, que nous avions déjà soulignée, pointe le coeur du problème de la politique publique de l'emploi dans notre pays. Il y a en effet toujours cette crainte à l'égard du secteur marchand, alors que c'est là que se trouvent les principaux gisements d'emplois. Le ministre est d'ailleurs revenu sur sa position en ouvrant les emplois d'avenir, sous conditions, au secteur marchand. Il faut démystifier certaines approches en matière de politique de l'emploi et aller davantage vers le secteur marchand.

Malgré les apports de l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances pour 2014 est un mauvais coup porté à l'apprentissage. Je regrette la disparition de la dotation globale de décentralisation. On transfère 300 millions de recettes de la TICPE vers les régions. Les montants des ressources actives qui seront affectées aux régions comme compensation de la disparition de la DGD seront-elles maintenues à moyen et long terme ? Le risque existe que l'apprentissage soit traité différemment dans les territoires selon l'approche retenue par les conseils régionaux.

Vous dites que la suppression des indemnités compensatrices de formation, prévue à l'article 77, est justifiée par les effets d'aubaine dans les grandes entreprises. Pour ma part, je ne vois pas ce qu'il y a de gênant quand un jeune décroche un emploi stable dans une grande entreprise à l'issue de son apprentissage... Vous évoquez une enveloppe de 430 millions d'euros, mais on ne sait pas exactement ce qu'elle compense. Pire, dans cette enveloppe figure une fraction de la TICPE, ce qui augmentera la pression fiscale. Vous utilisez en outre, pour boucher les trous, 50 millions d'euros du fonds de roulement du compte d'affectation spéciale. Par ailleurs, vous redéployez 264 millions d'euros essentiellement à partir des crédits du contrat de génération, ce qui prouve que ce contrat ne marche pas comme le Gouvernement l'entendait.

Il faut selon moi mettre à plat et rendre lisibles les aides à l'apprentissage, et surtout démystifier l'apprentissage auprès des enseignants, à l'instar de ce qui se passe en Allemagne. Il ne faut plus montrer du doigt l'apprentissage dans les collèges, car les métiers qui ont recours à cette forme d'alternance sont porteurs d'emplois. Le fonds du problème est psychologique à mes yeux.

Il est vrai que les élections des conseillers prud'homaux mobilisent peu les salariés et nécessitent une grande implication des services municipaux. Pour autant, je suis sceptique sur le projet de remplacer l'élection par une désignation - terme que je n'apprécie guère - fondée sur la représentativité des organisations syndicales et patronales. Sur quels critères pourrait-on établir la représentativité des syndicats par exemple, alors qu'ils sont actuellement débordés par des mouvements qui leur échappent ?

S'agissant du RSA, c'est un échec car l'incitation à reprendre une activité n'a pas fonctionné. Je plaide coupable car c'est la précédente majorité qui a institué ce dispositif. Il y aurait une réflexion à mener sur ce sujet, dans un cadre qui reste à déterminer, afin d'encourager les personnes qui acceptent de reprendre un emploi.

M. René-Paul Savary . - La bataille pour l'emploi que mène le Gouvernement devrait parvenir à inverser la courbe du chômage : s'il n'y parvient pas, il devra se remettre en question. Car si l'on cumule les CAE, les CIE, les contrats de génération et les emplois d'avenir, environ 600 000 emplois seront créés en 2014. Si l'on y ajoute les 60 000 postes d'enseignants et les 450 000 apprentis, on arrive au chiffre de 1,1 million d'emplois aidés ou soutenus. C'est un fait : la puissance publique fait des efforts significatifs dans le secteur non marchand. Je ne demande qu'à voir l'inflexion de la courbe du chômage.

J'apprends qu'un amendement adopté à l'Assemblée nationale a déterminé la place des départements en matière d'insertion par l'activité économique. J'ai déjà eu l'occasion de le dire en commission la semaine dernière : l'aide au poste va dans le bon sens, mais il est dommage que les départements n'aient pas été davantage associés au début de la réflexion sur la réforme du financement des structures d'insertion par l'activité économique. J'ai le sentiment que cette réforme répond davantage aux intérêts de l'Etat que des cofinanceurs que sont les régions, les départements et les fonds européens. J'avais eu connaissance de ce projet en tant que président de la commission d'insertion de l'ADF, mais je n'avais pas été informé sur son devenir. Au lieu d'imposer la participation des départements par voie d'amendement, il aurait fallu laisser une liberté d'adaptation aux régions et aux départements pour tenir compte des spécificités locales.

M. Marc Laménie . - Je félicite à nouveau le rapporteur pour son travail. La dotation de l'Etat à Pôle emploi augmente et dépassera 1,5 milliard d'euros l'an prochain. Le rôle de l'opérateur public est important, mais on peut s'interroger sur la qualité de l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Quant aux missions locales, on peut aussi s'interroger sur leurs rôles par rapport aux jeunes. Enfin, j'aimerais que le rapporteur nous précise ce que recouvrent les mesures en faveur de l'emploi des personnes handicapées.

Mme Chantal Jouanno . - La courbe du chômage va arrêter de progresser fin 2013 nous dit le rapporteur. C'est un peu une pétition de principe selon moi. Si l'on s'en réfère aux dernières données de l'Insee sur l'évolution de la consommation, on n'a guère de raisons d'être optimiste. Pouvez-vous préciser quelle a été l'évolution, dans le programme 102, des volets relatifs aux contrats aidés et à l'accompagnement des publics les plus en difficulté ? Enfin, je constate que les crédits consacrés aux mesures en faveur de l'insertion par l'activité économique sont faibles, alors que ce secteur a fait ses preuves pour l'insertion des personnes les plus éloignées du marché du travail.

M. Dominique Watrin . - Je ne partage pas l'analyse macro-économique du rapporteur sur l'évolution du taux du chômage. Une récente étude économique a montré que les politiques d'austérité menées partout en Europe ont coûté 4,8 % de croissance cumulée à notre pays et provoqué la suppression de milliers d'emplois. Malheureusement, ces politiques sont toujours à l'oeuvre et les plans sociaux se multiplient.

Cela dit, nous prenons acte de la hausse de 7 % du budget pour reprendre les chiffres du ministre. Ce budget finance les contrats aidés, qui sont un moindre mal, pour faire dégonfler les chiffres du chômage, mais il faut développer des emplois pérennes. Les emplois d'avenir, pour lesquels le groupe communiste, républicain, citoyen (CRC) s'était abstenu lors de l'examen du texte au Sénat, sont en train d'émerger. Notre groupe avait en revanche voté en faveur des contrats de génération et nous regrettons que certaines entreprises tardent à les mettre en oeuvre.

Nous avons deux problèmes de fond. Tout d'abord, le ministre du travail nous assure que la réforme de l'inspection du travail se fait en concertation, mais ce n'est pas ce que nous disent les différents syndicats que nous rencontrons. Quant au projet de remplacer les élections des conseillers prud'homaux par une désignation, amorcé dans le PLF 2014, ce serait un véritable recul de la démocratie, après la suppression des élections à la sécurité sociale.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je voudrais compléter les questions de ma collègue Chantal Jouanno en évoquant l'avenir des maisons de l'emploi. Alors que la subvention de Pôle emploi augmente pour faire face au chômage, les crédits de paiement et les autorisations d'engagement des maisons d'emploi diminuent, malgré l'amendement adopté à l'Assemblée nationale, avec le risque de devoir fermer certaines structures. Les maisons locales sont très critiquées, parfois injustement. Il est vrai que leur gouvernance est parfois éclatée, les dispositifs peu lisibles, et les demandeurs d'emploi, les agents et les bénévoles peinent parfois à distinguer les responsabilités des différents acteurs. Il faut revoir l'efficacité des dispositifs mis en place, car il ne suffit pas de mettre des millions d'euros supplémentaires. Il n'empêche que les maisons de l'emploi permettent d'insérer, d'accompagner, de former les demandeurs d'emploi. C'est pourquoi je souhaiterais interroger le ministre du travail sur l'avenir des maisons de l'emploi.

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - Je voudrais tout d'abord rappeler que d'un point de vue juridique, les contrats de génération ne sont pas des contrats aidés.

L'essentiel des emplois d'avenir concerne les associations et le secteur non marchand. Les objectifs en matière d'emplois d'avenir sont respectés, de même que le public bénéficiaire, notamment dans les zones urbaines sensibles.

Je fais confiance au Gouvernement pour maintenir ses engagements en matière d'apprentissage. Le remplacement de la DGD par des recettes fiscales ne se fera pas au détriment des régions. Mieux, ces recettes progresseront à un rythme évalué à plus de 3 %.

Le Gouvernement envisage de remplacer l'élection des conseillers prud'homaux par une désignation. Cette réforme ne constitue pas une régression démocratique, car cette désignation serait justement fondée sur la représentativité des organisations syndicales et patronales. Elle serait donc la stricte traduction des résultats aux élections des délégués du personnel et des membres du comité d'entreprise pour les conseillers prud'homaux représentant les salariés. J'ajoute que l'élection prud'homale peine à mobiliser les salariés, comme l'a rappelé le ministre.

S'agissant de la réforme du financement de l'insertion par l'activité économique, l'amendement présenté par le Gouvernement a été élaboré en concertation avec l'ADF, afin d'assurer la continuité du financement des conseils généraux.

M. René-Paul Savary . - Dans votre rapport, vous écrivez que les conseils généraux, à défaut de convention annuelle d'objectifs et de moyens portant sur l'IAE, devront continuer au minimum de cofinancer les aides aux postes. Il me semblerait plus exact de parler d'une faculté que d'une obligation pour les conseils généraux !

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - S'agissant du rôle des missions locales, les députés ont renforcé leurs moyens, grâce à un amendement du rapporteur spécial, soutenu par Jean-Patrick Gille, qui a augmenté leurs crédits de 10 millions d'euros, afin de prendre en compte leurs rôles d'accompagnement, notamment pour les emplois d'avenir.

Pas moins de 336 millions d'euros sont prévus pour les personnes handicapées : 289 millions d'euros d'aides au poste dans les entreprises adaptées, 40 millions de subventions d'accompagnement et de développement versées à ces entreprises, et 7 millions pour les programmes régionaux d'insertion des travailleurs handicapés.

Le programme 102 disposera l'an prochain de 7,22 milliards d'euros en CP et 7,54 milliards d'euros en AE, contre respectivement 5,71 milliards et 7,82 milliards en 2013.

Mme Chantal Jouanno . - Ma question portait plus spécifiquement sur les volets contrats aidés et accompagnement des personnes éloignées de l'emploi.

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - Ces deux lignes de crédits de paiement sont en hausse dans le PLF 2014. Vous en aurez le détail dans notre rapport écrit.

La réforme de l'inspection du travail passera d'abord par une nouvelle organisation territoriale, avec des unités de contrôle comprenant entre 8 et 12 agents, et des cellules spécialisées. Ses pouvoirs seront renforcés, par exemple en matière d'arrêt de chantier et de sanctions administratives. On ne peut pas dire que cette réforme affaiblira l'inspection du travail. Au contraire, la force de frappe du corps sera renforcée avec la transformation des postes de contrôleurs en inspecteurs du travail.

Je soutiens l'initiative du Gouvernement de réduire les dotations aux maisons de l'emploi. Dans un contexte de ressources rares, on ne peut pas accepter des doublons entre ces structures et le réseau de Pôle emploi. Le Gouvernement veut avec raison recentrer les maisons de l'emploi autour de deux axes : la GPEC territorialisée et la facilitation du recours aux clauses sociales.

Mme Catherine Génisson . - La mission « travail et emploi » comprend-elle des actions en faveur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, en aménageant des postes de travail pour celles-ci ? Il serait utile de reprendre des dispositifs de la loi « Roudy » du 13 juillet 1983 sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes pour aménager ces postes. S'agissant de la désignation des conseillers prud'homaux, je souhaiterais qu'elle respecte le principe de parité.

Mme Chantal Jouanno . - Encore faudrait-il que les syndicats eux-mêmes appliquent ce principe !

Mme Catherine Génisson . - Absolument : ce principe devrait s'appliquer d'abord aux syndicats, puis aux conseillers prud'homaux.

M. Jean Desessard . - Je voudrais à mon tour remercier le rapporteur. A l'entendre, j'ai le sentiment que nous nous acheminons vers une diminution du chômage en 2014 et une société du plein emploi...

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour avis . - La mission « travail et emploi » ne comprend pas de crédits spécifiques pour l'égalité entre les femmes et les hommes. Il existe en revanche un programme « Egalité entre les femmes et les hommes » dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Mme Annie David , p résidente. - Je souhaite maintenant mettre aux voix l'avis que nous propose le rapporteur.

M. Dominique Watrin . - Le groupe CRC ne prendra pas part au vote.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », des articles rattachés 77 à 79, et des crédits du compte d'affectation spéciale « financement national de développement et de la modernisation de l'apprentissage ».

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