Avis n° 160 (2013-2014) de MM. Vincent EBLÉ et Philippe NACHBAR , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 21 novembre 2013

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N° 160

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 1

CULTURE :
PATRIMOINES, TRANSMISSION DES SAVOIRS

Par MM. Vincent EBLÉ et Philippe NACHBAR,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : Mme Marie-Christine Blandin , présidente ; MM. Jean-Étienne Antoinette, David Assouline, Mme Françoise Cartron, M. Ambroise Dupont, Mme Brigitte Gonthier-Maurin, M. Jacques Legendre, Mmes Colette Mélot, Catherine Morin-Desailly, M. Jean-Pierre Plancade , vice-présidents ; Mme Maryvonne Blondin, M. Louis Duvernois, Mme Claudine Lepage, M. Pierre Martin, Mme Sophie Primas, secrétaires ; MM. Serge Andreoni, Maurice Antiste, Dominique Bailly, Pierre Bordier, Mme Corinne Bouchoux, MM. Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Jean-Pierre Chauveau, Jacques Chiron, Claude Domeizel, Mme Marie-Annick Duchêne, MM. Alain Dufaut, Jean-Léonce Dupont, Vincent Eblé, Mmes Jacqueline Farreyrol, Françoise Férat, MM. Gaston Flosse, Bernard Fournier, André Gattolin, Jean-Claude Gaudin, Mmes Dominique Gillot, Sylvie Goy-Chavent, MM. François Grosdidier, Jean-François Humbert, Mmes Bariza Khiari, Françoise Laborde, M. Pierre Laurent, Mme Françoise Laurent-Perrigot, MM. Jean-Pierre Leleux, Michel Le Scouarnec, Jean-Jacques Lozach, Philippe Madrelle, Jacques-Bernard Magner, Mme Danielle Michel, MM. Philippe Nachbar, Daniel Percheron, Marcel Rainaud, Michel Savin, Abdourahamane Soilihi, Alex Türk, Hilarion Vendegou et Maurice Vincent.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 7 ) (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

L'architecture du budget de la mission « Culture » distingue trois grands programmes articulés chacun en plusieurs actions : programmes 175 « Patrimoines », 131 « Création » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».

Le présent fascicule propose l'examen successif du programme 175 « Patrimoines » par M. Vincent Eblé, puis du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » par M. Philippe Nachbar.

L'analyse des crédits du programme « Création » a été confiée à Mmes Maryvonne Blondin et Corinne Bouchoux et M. Jean-Pierre Leleux qui les présentent dans un fascicule distinct.

Le programme « Patrimoines » représente 29 % des crédits de la mission et regroupe l'ensemble des moyens consacrés à la conservation et à la mise en valeur des différents patrimoines culturels : monuments historiques, architecture, musées, archéologie, archives et patrimoine linguistique.

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » représente quant à lui un peu plus de 42 % des crédits de la mission. Il regroupe à la fois les fonctions de « soutien » de l'ensemble de la mission et les moyens consacrés par le ministère de la culture et de la communication en faveur de l'enseignement supérieur, de l'éducation artistique et culturelle, des enseignements artistiques, et de l'accès du plus grand nombre à la culture.

Les trois programmes de la mission « Culture » représentent, dans le projet de loi de finances pour 2013, un montant global de 2 567 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 2 581 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ces montants, qui représentent une diminution de 1,07 % des AE par rapport à la loi de finances initiale pour 2013, et de 2,13 % des CP, montrent que la mission contribue au redressement des finances publiques.

PREMIÈRE PARTIE

_______

PATRIMOINES

I. UNE BAISSE NON UNIFORME DES CRÉDITS

A. UN BUDGET QUI REFLÈTE DES CHOIX POLITIQUES FORTS

Avec 746,15 millions d'euros en crédits de paiement (CP), le programme « Patrimoines » connaît la plus forte baisse par rapport à 2013 au sein de la mission « Culture » (- 3,94 %), suivi de très près par le programme « Création ». Les autorisations d'engagement (AE), d'un montant de 760,67 millions d'euros diminuent moins, à hauteur de 1,19 %.

Comme l'indique le tableau des crédits, le budget du programme 175 est très contrasté puisque l'on observe trois tendances :

1) Deux actions voient leurs crédits diminuer par rapport à 2013 :

- l'action n° 3 « Patrimoine des musées de France » est la plus fortement touchée avec une diminution de 9,68 % des CP (soit 339,47 millions d'euros) et de 4,88 % des AE (soit 336,57 millions d'euros) ;

- l'action n° 8 « Acquisition et enrichissement des collections publiques » voit ses crédits baisser de 2,34 % en AE=CP pour atteindre une enveloppe de 8,35 millions d'euros ;

2) Trois actions bénéficient d'une relative stabilisation de leurs crédits :

- les crédits de l'action n° 1 « Patrimoine monumental » augmentent très légèrement , (soit + 0,83 %) pour atteindre 332,06 millions d'euros. Les AE diminuent de 1,03 %, soit une enveloppe de 345,06 millions d'euros ;

- les actions n° 7 « Patrimoine linguistique » et n° 2 « Architecture » voient leurs dotations diminuer très légèrement , respectivement de 0,50 % et de 0,65 %. Ils sont fixés à 2,6 millions d'euros pour l'action n° 7 et à 27,8 millions d'euros pour l'action n° 2.

3) Enfin deux actions sont confortées avec des crédits fortement en hausse . Pour l'action n° 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » , les crédits de paiement s'élèvent à 27 millions d'euros (soit +7,56 %) et les AE à 23,5 millions d'euros (soit +11,49 %). Ceux de l'action n° 9 « Patrimoine archéologique » augmentent de 20,56 % en CP (soit 8,75 millions d'euros) et de près de 134 % en AE (soit 16,86 millions d'euros).

Dans le projet annuel de performances pour 2014, le directeur général des patrimoines note que les orientations stratégiques pour la période 2013-2015 s'articulent autour de trois axes :

- contribuer au projet national d'éducation artistique et culturelle et à la qualité d'accueil des publics ;

- veiller à se donner les moyens d'une transmission de ce patrimoine aux générations futures, en s'assurant de la cohérence scientifique et technique de la politique d'ensemble menée dans les différents domaines du patrimoine (archives, musées de France, monuments historiques, etc.) ;

- oeuvrer pour l'égalité des territoires et leur mise en valeur patrimoniale et architecturale. Les grands projets étant achevés (Pompidou-Metz, Louvre-Lens, Musée des civilisations d'Europe et de la Méditerranée - MuCEM, Centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine), « la priorité est désormais donnée à la consolidation d'une politique d'investissement soutenue en faveur des monuments historiques, du réseau des musées de France et des archives départementales sur l'ensemble du territoire ».

Les opérateurs du programme « Patrimoines » sont mis à contribution comme les autres opérateurs de la mission « Culture ». Comme l'indique le projet annuel de performances pour 2014, la baisse des subventions pour charges de service public s'explique principalement par :

- une baisse pérenne globale à hauteur de 6,5 millions d'euros ;

- une baisse exceptionnelle de 21,6 millions d'euros après 22,2 millions en 2013 ;

- une baisse de 2,5 millions d'euros liés à des transferts entre le titre 3 (Dépenses de fonctionnement) et le titre 2 (Dépenses de personnel) de l'État.

Par ailleurs, 4,1 millions sont intégrés pour la compensation de la mise en oeuvre de la loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique (« loi Sauvadet »). 1,6 million d'euros sont intégrés au profit de l'Institut national de l'histoire de l'art (INHA) .

Le montant des subventions pour charges de service public passe ainsi de 291,55 millions d'euros en AE=CP en 2013 à 282,41 millions d'euros en 2014, soit une baisse de 3 % .

Outre une baisse pérenne globale de 1,1 million d'euros ainsi qu'une baisse exceptionnelle de 0,5 million d'euros, l' évolution du montant des dotations en fonds propres s'explique, hors évolution d'investissements spécifiques pour certains opérateurs, par l'intégration en fonds propres au Centre des monuments nationaux (CMN) de 5 millions d'euros versés à l'établissement en remplacement de la fraction de la taxe sur les jeux en ligne qui lui était précédemment affectée .

Votre rapporteur pour avis souligne la baisse continue de cette fraction, qui, en 2011, atteignait 10,9 millions d'euros, puis 8 millions en 2012. La budgétisation de cette fraction de taxe affectée s'accompagne donc d'une nouvelle baisse de 3 millions d'euros , soit une division par deux en deux ans. Dans son rapport public annuel pour 2013, la Cour des comptes avait souligné « l'aisance financière du CMN liée à la sous-consommation de ses crédits d'investissement » et l'augmentation consécutive de son fonds de roulement. Toutefois, compte tenu du programme de travaux incontournables de l'établissement public, le fonds de roulement risque de passer dès 2015 sous le seuil prudentiel communément admis de 30 jours de fonctionnement.

Votre rapporteur pour avis appelle le ministère à faire preuve de la plus grande vigilance afin que les projets de rénovation essentiels tels que celui du Panthéon ne soient pas remis en cause .

Cette budgétisation de la taxe affectée au CMN explique la hausse des dotations, qui passent de 75 millions d'euros en 2013 à 77 millions en 2014 en AE, et de 70 à 73 millions d'euros en CP .

L'évolution de dotation du Centre des monuments nationaux

L'évolution de la subvention pour charges de service public entre la loi de finances initiales 2013 et le PLF 2014 s'explique en partie par un abattement forfaitaire de 2,5 % (soit - 0,2 million d'euros) et par une baisse supplémentaire non pérenne de 4,9 millions d'euros pouvant donner lieu à un prélèvement sur fonds de roulement au budget primitif 2014. La subvention pour 2014 intègre le versement de la compensation de la gratuité des 18-25 ans pour un montant de 2,9 millions d'euros. En 2014, la fraction de la taxe sur les jeux en ligne affectée au CMN (à hauteur de 8 millions d'euros en 2013) sera entièrement affectée au budget général de l'État. À cette affectation directe se substitue une subvention d'investissement de 5 millions d'euros versée au CMN en dotation en fonds propres. Le tableau ci-dessous récapitule l'évolution des crédits accordés par l'État entre 2013 et 2014 à périmètre constant :

Source : Ministère de la culture et de la communication
Réponse au questionnaire budgétaire

Enfin votre rapporteur pour avis souligne la cohérence budgétaire entre les programmes 175 « Patrimoines » et 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » qui mettent tous deux l'accent sur la politique architecturale nationale . Avec 27,8 millions d'euros en AE et CP, l'action n° 2 « Architecture » du programme 175 apparaît préservée au sein d'un budget en baisse. Outre le financement d'opérations concernant les secteurs sauvegardés, 800 000 euros de crédits centraux d'intervention et 3,5 millions d'euros en crédits déconcentrés de fonctionnement sont destinés à soutenir le réseau des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Cette priorité accordée à l'architecture est également observée au sein du programme 224 : les écoles nationales d'architecture bénéficient de la plus forte hausse de crédits au sein de la dotation consacrée à l'« enseignement supérieur culture ».

B. ARCHÉOLOGIE ET PATRIMOINE ARCHIVISTIQUE : DES HAUSSES EXCEPTIONNELLES

1. Des hausses à souligner au sein d'un budget qui baisse
a) Le patrimoine archivistique : un effort sur l'ensemble du territoire

L'action n° 4 « Patrimoine archivistique et célébrations nationales » bénéficie d'une hausse de 1,9 million d'euros, liée en particulier à une augmentation des moyens de fonctionnement qui s'élèvent à 11,08 millions d'euros en AE=CP, dont 10,9 millions en subventions pour charges de service public.

Il s'agit de couvrir les nouveaux besoins du centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine, ouvert depuis le mois de janvier 2013 . Ce nouveau centre comprend un potentiel de 600 kilomètres de linéaires dont la moitié seulement sera occupée dans un premier temps, 200 kilomètres ayant déjà été effectivement déménagés. 300 personnes y travaillent sur un plafond total de 515 emplois temps plein travaillé (ETPT).

Les crédits centraux de fonctionnement sont également destinés :

- au service interministériel des archives de France (SIAF). Rappelons que le délégué interministériel aux archives de France (DIAF) a été institué par le décret n° 2012-479 du 12 avril 2012. Il assure le renforcement de la politique interministérielle des archives de l'État ;

- au service à compétence nationale (SCN) des Archives nationales du monde du travail (ANMT) situé à Roubaix ;

- au SCN des archives nationales d'outre-mer (ANOM) d'Aix-en-Provence ;

- au centre national du microfilm et de la numérisation (CNMN), service central délocalisé rattaché au SIAF.

(en millions d'euros)

Destination des crédits (dépenses de fonctionnement courant)

AE=CP

Service à compétence nationale des archives nationales (AN)

8,88

Service à compétence nationale des archives nationales du monde du travail (ANMIT)

0,75

Service à compétence nationale des archives nationales d'Outre-mer (ANOM)

0,64

Centre national du microfilm et de la numérisation (CNMN)

0,23

Service interministériel des archives de France (SIAF)

0,40

Total

10,90

Source : Projet annuel de performances pour 2014 - Mission « Culture »

Comme l'a indiqué M. Hervé Lemoine, directeur des archives de France à votre rapporteur pour avis, l'effort de l'État vise à compenser la baisse de la participation des collectivités territoriales au projet de Pierrefitte sans que cet effort ne pèse sur les archives départementales.

En 2014, cela se traduit par une hausse des crédits destinés aux archives départementales de + 12 % en AE et +8 % en CP par rapport à 2013. Parallèlement le budget de fonctionnement des archives nationales a été revu à la hausse pour atteindre 8,88 millions d'euros en AE=CP, contre 8,15 en CP et 8,27 en AE l'année passée. Notons que l'entretien et la maintenance représentent plus de 80 % du budget des archives nationales.

Le tableau ci-dessous montre la dynamique des projets relatifs aux archives départementales.

Projets de travaux des archives départementales (AD)
Subventions de l'État en 2014

Nouveaux projets dont les travaux commencent en 2014 (engagement de l'État) :

AD de Paris (construction neuve) : 1,6 million d'euros (10 %) ;

AD de la Somme (restructuration et bâtiment neuf) : 3 millions d'euros (20 %) ;

AM de Sevran (réhabilitation) : 60 000 euros (10 %) ;

AM de Chartres (extension / réhabilitation) : 250 000 euros (10 %).

En cours de réalisation (paiement 2014) :

AD de la Marne (extension) solde des travaux : 300 000 euros de CP (2 millions d'euros au total = 27 %) ;

AD de la Guadeloupe (bâtiment + autoclave) solde des opérations : 300 000 euros de CP (10 % du bâtiment, totalité de l'autoclave) ;

AD du Val-de-Marne (SSI) : 150 000 euros en AE = CP (10 %) ;

AD du Gard (construction neuve) : 650 000 euros de CP (4 millions d'euros au total = 20 %) ;

AD de la Meurthe-et-Moselle (réhabilitation) : 1 million d'euros de CP (3,5 millions d'euros au total = 16 %) ;

AD des Vosges (extension / réhabilitation) solde des travaux : 135 000 euros de CP ;

AD du Var (construction neuve) solde des travaux : 65 000 euros de CP ;

AM de Bordeaux (réhabilitation) : 500 000 euros de CP (1 million d'euros = 10 %) ;

AM de Riom (construction neuve) solde des travaux : 57 000 euros de CP (110 000 euros = 10 %)

Études de faisabilité :

AD de Saône-et-Loire : 25 000 euros ;

AD des Ardennes : 20 000 euros ;

AD de la Lozère : 30 000 euros ;

AD du Maine-et-Loire : 50 000 euros ;

AD de la Charente : 25 000 euros ;

AM de Rennes : 15 000 euros.

Nouveaux projets prévus en 2015 :

AD de l'Ain (extension / réhabilitation) ;

AD du Loir-et-Cher (restructuration) ;

AD de Haute-Garonne (construction neuve) ;

AD de la Loire (extension / réhabilitation) ;

AD de Saône-et-Loire (extension / réhabilitation) ;

AD du Tarn-et-Garonne (extension / réhabilitation) ;

AD de la Haute-Vienne (extension / réhabilitation) ;

AD du Calvados ;

AD du Pas-de-Calais ;

AD du Maine-et-Loire (extension / réhabilitation) ;

AM de Pontarlier.

Source : Ministère de la culture et de la communication

Le ministère de la culture et de la communication soutient l'ensemble des archives territoriales (départementales aussi bien que municipales et régionales) en mettant à disposition des personnels scientifiques, ainsi que par la voie de subventions pour les projets de rénovation ou de numérisation. Les crédits déconcentrés en dépenses d'intervention représentent 6 millions d'euros en AE et 8,7 millions d'euros en CP .

Enfin 1,5 million d'euros en AE=CP est prévu en dépenses d'investissement pour financer le lancement du projet interministériel d'archivage électronique « Valeurs Immatérielles Transmises aux Archives pour Mémoire » (VITAM 1 ( * ) ) et celui du portail « France Archives ». Ce dernier consiste en la création d'un portail Internet, en lien avec les outils européens existants, permettant d'homogénéiser et d'agréger l'ensemble des données françaises actuellement éclatées entre les trois services à compétence nationale (SCN), 100 sites départementaux et 700 sites municipaux.

Le budget consacré à la numérisation des archives depuis 2012

Le budget de numérisation du service interministériel des Archives de France de la direction générale des patrimoines, pour les trois services à compétence nationale des archives nationales, s'est élevé à près de 2,9 millions d'euros en crédits de paiement en 2012.

Cette somme importante se justifie par l'ouverture du nouveau centre de Pierrefitte-sur-Seine et celle de sa Salle des inventaires virtuelle (SIV). La SIV est l'interface publique du nouveau système d'information archivistique des archives nationales qui vient d'être mis en service. Cette interface est accessible sur Internet pour les lecteurs. Elle permet à chacun de se créer un espace personnalisé à partir duquel il est possible d'effectuer les démarches nécessaires pour préparer une consultation en salle de lecture : vérifier l'existence d'une cote, constituer des listes personnelles de cotes, adresser des demandes de recherche ou de reproduction aux archives nationales, solliciter une dérogation ou une autorisation ou toute autre levée de restriction, consulter l'historique de ses demandes, suivre celles qui sont en cours et réserver un article pour la consultation à une date donnée.

En 2013, la SIV est augmentée d'un volet documentaire et porte sur l'ensemble des fonds conservés aux archives nationales. Les lecteurs doivent pouvoir bénéficier de fonctionnalités élargies avec la mise en ligne progressive de tous les instruments de recherche détaillés et le recours à un plan d'orientation offrant une description générale des fonds conservés aux archives nationales.

Pour les services d'archives territoriales (notamment les archives départementales), les dépenses de numérisation en 2012, pour 93 départements, se sont élevées à 2,95 millions d'euros, soit une somme presque équivalente à celle dépensée en 2011 (3,14 millions d'euros). Sur 93 départements, 17 ont déclaré n'avoir rien dépensé sur leur budget propre.

Pour 2013, l'effort de l'État pour soutenir les départements est particulièrement important. En effet, au titre du plan national de numérisation financé par le ministère de la culture et de la communication, les services d'archives sont soutenus à hauteur de 719 200 euros (soit une somme supérieure à celle accordée en 2012 : 536 300 euros), dont 417 500 euros accordés pour la numérisation des registres matricules de Poilus, en prévision des commémorations du centenaire de la première guerre mondiale.

Cette thématique fait l'objet d'autre part d'un soutien exceptionnel de l'État, puisque la direction générale des patrimoines (SIAF) a complété le plan national de numérisation en accordant 292 887 euros de subventions pour la numérisation des registres matricules (et dans certains cas leur indexation) à 22 services d'archives départementales, ainsi qu'aux archives nationales d'outre-mer. De même, le SIAF a soutenu, à hauteur de 46 321 euros, 4?projets portés par les archives départementales pour la rétro-conversion de leurs instruments de recherche aux fins de mise en ligne. Le soutien de l'État pour des projets de numérisation portés par des services d'archives territoriaux s'élève par conséquent à plus d'un million d'euros en 2013.

Source : Ministère de la culture et de la communication

b) Le patrimoine archéologique : deux nouveaux projets

La hausse de crédits (de 1,5 million en CP et de 9,6 millions en AE) correspond principalement au lancement, en 2014, de deux grands projets :

- le centre international d'art pariétal à Montignac en Dordogne (« projet Lascaux 4 »), qui bénéficie de 4 millions d'euros en AE et de 1 million d'euros en CP , au titre des crédits déconcentrés d'intervention ;

- le centre de conservation et d'études d'archéologie du pôle de recherches interdisciplinaires archéologiques de Moselle (PRIAM) à Metz en Lorraine. L'intégralité des dépenses d'investissement lui sont consacrées en 2014 avec 7 millions d'euros en AE et 1,5 million d'euros en CP.

2. Mais une exécution paralysée dans le domaine de l'archéologie
a) Les dysfonctionnements de liquidation de la redevance d'archéologie préventive

La hausse des crédits observée en 2014 en faveur du patrimoine archéologique ne doit pas masquer la regrettable situation dans laquelle l'archéologie préventive se trouve encore aujourd'hui, en raison de dysfonctionnements empêchant la liquidation de la redevance d'archéologie préventive (RAP) au titre des travaux relevant de l'urbanisme .

En effet, l'établissement de cet impôt dépend de deux filières de liquidation différentes qui suivent chacune des règles de calculs également distinctes.

Les règles relatives à la RAP due au titre des travaux relevant du code de l'urbanisme ont été plusieurs fois modifiées depuis 2003, la dernière modification datant de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011. Désormais, ces travaux sont assujettis à une forme de RAP adossée à la taxe d'aménagement mise en place par la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010. Les impositions sont établies par les services déconcentrés du ministère chargé de l'urbanisme, les directions départementales des territoires - DDT (« filière urbanisme »).

Pour les travaux précédés d'une étude d'impact ou soumis à un régime de déclaration préalable, ce sont les services déconcentrés du ministère de la culture et de la communication, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui assurent la liquidation de cet impôt dont le montant est relatif à la surface au sol des travaux (« filière DRAC »).

Alerté par le président et le directeur général de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP), votre rapporteur pour avis regrette profondément que le sujet du financement de l'archéologie préventive soit à nouveau une source de difficultés pour le secteur . Au cours des dernières années, les lois de finances successives avaient, à plusieurs reprises, modifié l'assiette et le taux de cette redevance, dont le rendement devait enfin atteindre un seuil satisfaisant estimé à 122 millions d'euros en 2015 après une progression étalée sur deux ans.

Malheureusement, la RAP issue de la « filière urbanisme » (soit plus de 60 % du rendement total) n'est pas perçue en 2013 en raison d'un problème informatique lié au système « Chorus » . Seule la filière « DRAC » semble aujourd'hui fonctionner, ce qui a permis à l'INRAP de percevoir un peu moins de 30 millions d'euros seulement en 2013.

Plusieurs mouvements de crédits ont dû être décidés dans l'année pour pallier cette carence et permettre à l'établissement public de payer salaires et fournisseurs. Ainsi, une subvention exceptionnelle de 10 millions d'euros a été accordée au début de l'année 2013, puis en juillet une aide de 15 millions d'euros est venue alimenter la trésorerie de l'INRAP. Au mois d'octobre, il manquait 10 à 15 millions d'euros pour que l'établissement puisse faire face à toutes ses dépenses incontournables.

Votre rapporteur pour avis souhaite que des mesures urgentes soient prises afin de remédier à ce problème informatique qui, une fois encore, paralyse l'INRAP et empêche le financement de l'archéologie préventive.

Il espère enfin que la création d'un compte d'affectation spéciale (CAS) , devant permettre un circuit de financement plus sain et plus efficace dès 2015, sera réalisée dans des délais acceptables afin de ne pas retarder davantage les bénéfices des réformes entreprises depuis plusieurs années.

b) Le référé de la Cour des comptes

La Cour des comptes a contrôlé les comptes et la gestion de l'INRAP pour les exercices 2002 à 2011. Dans le référé n° 67181 du 6 juin 2013, elle formule cinq séries d'orientations, relatives respectivement au modèle de financement de l'établissement, à l'exercice de la tutelle, à l'encadrement et au financement de la recherche archéologique, à l'évolution du cadre concurrentiel de l'archéologie préventive et à sa gestion interne. Ce référé intervient en prenant en compte les conclusions du « Livre blanc de l'archéologie préventive » rendu public le 29 mars 2013.

Sans revenir sur l'ensemble de ces sujets, votre rapporteur pour avis note que la Cour estime que la création du CAS « constituerait une avancée importante » et « invite à la poursuite de la démarche de rationalisation de la RAP en unifiant son circuit de liquidation ». Force est de constater que l'unification n'aurait peut-être pas été opportune puisque seul le produit de la RAP liquidée par les DRAC a alimenté l'INRAP en 2013.

En l'absence de pilotage national de la recherche archéologique et de financements explicitement attachés à cette mission, la Cour estime par ailleurs « urgent de mettre fin aux incertitudes sur la définition du périmètre de la recherche archéologique préventive ». Elle indique que les termes de l'alternative sont les suivantes :

- soit les activités de service public, dont la recherche, sont financées par le produit de la RAP, et elles constituent une variable d'ajustement, dans le cadre d'une enveloppe contrainte, afin de compenser les fluctuations des activités opérationnelles prescrites ;

- soit la mission de recherche est considérée comme un aboutissement logique et nécessaire aux activités opérationnelles, et il importe alors de conditionner la poursuite de son développement à une diversification de ses sources de financement, impliquant inévitablement la participation budgétaire directe du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur la base d'une estimation fine des besoins.

Un tel financement budgétaire devrait alors intervenir dans un cadre contractuel formalisé, qui précise notamment la liste et le montant des opérations justifiant une subvention et comporte des engagements relatifs aux délais et à la publication des rapports et des travaux de recherche et à leur évaluation scientifique externe.

Dernières observations de la Cour évoquées lors des auditions de votre rapporteur pour avis : l'absence de véritable comptabilité analytique des coûts et la rémunération du président de l'établissement qui apparaît « hautement contestable en l'absence de fonctions exécutives exercées par celui-ci ».

Dans sa réponse en date du 12 août 1013, la ministre de la culture et de la communication admet l'urgence d'une amélioration de la gestion interne de l'INRAP comprenant « un déploiement global du système de gestion de l'activité (SGA) afin de faciliter le pilotage de l'établissement » . Ces objectifs ont d'ailleurs été intégrés au contrat de performances 2011-2013 de l'établissement et doivent être reconduits. Le ministère de la culture et de la communication a indiqué à votre rapporteur pour avis que la révision du décret statutaire de l'établissement est en cours afin de tenir compte de la remarque de la Cour sur la rémunération du Président, qui correspond bien à la réalité de son travail mais pas à la description statutaire du poste, laquelle ne comporte pas de dimension exécutive.

Le ministère de la culture et de la communication, comme les dirigeants de l'INRAP, ont fait savoir qu'un plan de résorption de la précarité était en cours, avec pour objectif le recrutement de 140 personnes en contrat à durée indéterminée (CDI), pour un coût de fonctionnement supplémentaire de 1 à 2 millions d'euros par an. La majoration du sous-plafond d'emplois en CDI de 140 ETPT fait l'objet d'une recommandation de prudence de la part de la Cour des comptes , qui rappelle qu'une même décision avait été prise en 2007 - pour 347 agents en CDI - et qu'elle avait débouché sur une extrême rigidité de gestion interne. Une telle mesure ne devrait pas se faire sans une gestion prévisionnelle fine des emplois et compétences de l'établissement .

C. PATRIMOINE MONUMENTAL : DES MOYENS PRÉSERVÉS

1. Des crédits stables

L'action n° 1 « Patrimoine monumental », qui représente 45,4 % des moyens destinés au programme 175 , bénéficie d'une très légère hausse de ses crédits en CP. Ils s'élèvent à 345 millions d'euros en AE en 2014 (contre 348,6 en 2013) et à 332,1 millions d'euros en CP (contre 329,3 millions en 2013). Cette évolution doit toutefois être analysée en tenant compte de la budgétisation de la fraction de taxe sur les jeux en ligne affectée au CMN, à hauteur de 5 millions d'euros, évoquée en introduction. Une fois cette hausse retranchée, c'est une très légère baisse des crédits qui est observée. On peut donc davantage parler de stabilisation des crédits de l'action , ce dont les acteurs auditionnés se sont félicités.

Le tableau ci-après montre que le taux de déconcentration des crédits notifiés en faveur des monuments historiques a progressé ces dernières années dans les projets de loi de finances successifs. En revanche, ce taux a diminué au sein des crédits consommés.

Atteignant le seuil de 70 % depuis 2012, ces crédits déconcentrés ont permis de financer de nombreux projets en régions , comme l'indique le ministère de la culture et de la communication dans l'encadré ci-dessous.

Les chantiers en régions (2012-2013)

Dans la région Centre, un plan d'envergure de réfection des cathédrales a été mis en place sur plusieurs années. 2012 et 2013 ont vu se poursuivre les chantiers de rénovation des cathédrales de Tours, de Chartres et d'Orléans (pour un montant total de plus de 3 millions d'euros chaque année), projets qui vont se prolonger jusqu'en 2014.

En Picardie, les dernières tranches de restauration du transept nord, des trois travées correspondantes et des courettes sud de la cathédrale d'Amiens ont pu s'achever. Après des études en 2012 sur l'accessibilité et la mise à niveau des installations électriques de l'édifice, les travaux ont débuté et se poursuivront en 2014. À la cathédrale de Soissons, les travaux sur la sacristie, la mise en valeur du trésor et l'accessibilité de l'édifice ont pu commencer en 2013.

En Champagne-Ardenne, les très importants travaux de l'étage de la rose de la cathédrale de Reims ont débuté, pour un montant total de travaux de 3,9 millions d'euros dont 1,5 million d'euros de mécénat. Ils doivent se poursuivre en 2014. De même, les crédits ont pu être mobilisés à hauteur de 1 million d'euros pour les toitures de la cathédrale de Langres.

En Aquitaine, la restauration du portail royal de la cathédrale de Bordeaux pourra être inaugurée en septembre prochain.

Les crédits sur le patrimoine de l'État sont aussi mobilisés sur du patrimoine non religieux comme sur le phare de Cordouan où d'importants travaux en partenariat avec le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie vont pouvoir commencer dès la rentrée sous la maîtrise d'ouvrage de la DRAC.

En Bretagne, 800 000 euros ont été affectés à une première tranche de travaux pour l'accessibilité du château de Kerjean.

Les crédits affectés en régions aux monuments historiques permettent aussi de subventionner propriétaires privés et collectivités. En Bourgogne, l'État a maintenu un fort engagement auprès de collectivités comme la commune de la Charité-sur-Loire pour la restauration du Prieuré ou le conseil général de l'Yonne pour la restauration du château de Maulnes.

En Languedoc-Roussillon, des opérations comme la cristallisation des ruines du site archéologique de Lattes (800 000 euros), la restauration générale du pont de Céret en situation de péril (488 000 euros) ou la restauration de l'amphithéâtre de Nîmes inscrit au contrat de projet État-Région - CPER - (1,3 million d'euros) commencées en 2013, pourront se poursuivre en 2014.

Source : Ministère de la culture et de la communication
Réponse au questionnaire budgétaire

a) Développer la « culture de l'entretien »

Votre rapporteur pour avis est attentif aux crédits destinés aux monuments historiques (MH) qu'il convient de distinguer selon leur objet. Ainsi, comme l'indique le tableau ci-avant, si le montant global des crédits de paiement affectés aux MH augmente, les crédits d'entretien passent de 55,3 millions d'euros en 2013 à 47,9 millions d'euros en 2014. Les crédits de restauration s'accroissent (234,5 millions en 2013 et 239,6 millions d'euros pour 2014).

Les représentants des associations de défense du patrimoine regroupées sous le nom de « G8 » s'inquiètent tout particulièrement de la politique d'entretien du patrimoine monumental. Les crédits d'entretien représentent 15,3 % du total des crédits destinés aux monuments historiques. Leur demande est souvent adossée à des projets de restauration considérés comme prioritaires. Les associations demandent que la France développe une « culture de l'entretien » des monuments historiques, comme c'est le cas par exemple en Belgique afin que la restauration ne soit pas considérée comme la seule politique légitime pour formuler une demande de subventions et que les propriétaires prennent conscience des enjeux liés à l'entretien de leur patrimoine.

En outre, le « G8 » regrette la disparition, en 2004, de la ligne budgétaire autrefois dédiée au « petit patrimoine rural » non protégé compte tenu des besoins d'entretien de ce dernier. L'aide de la Fondation du patrimoine ne suffisant pas, ces associations s'interrogent sur des solutions telles que la création d'un fonds d'urgence pour le patrimoine non protégé.

b) Accompagner les propriétaires dans le changement

Cet exemple du petit patrimoine montre combien les propriétaires d'un patrimoine monumental ont besoin d'être accompagnés par l'État lors de modifications budgétaires, réglementaires ou législatives.

La question de la maîtrise d'ouvrage , réformée en 2009, est évidemment un axe majeur d'amélioration afin que l'État offre toute l'information et les outils nécessaires pour conseiller et guider au mieux les propriétaires - notamment les collectivités territoriales les plus petites - souvent démunis faute de moyens financiers ou humains suffisants. Cette question est abordée dans le détail en deuxième partie du présent rapport.

Par ailleurs, la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) a publié, le 25 octobre 2013, un communiqué appelant une réforme des modalités d'application des aides de l'État en faveur du patrimoine rural , visant à moduler ces dernières en fonction de la capacité financière des communes propriétaires.

Enfin, l'article 17 du présent projet de loi de finances supprime le régime fiscal des immeubles non protégés au titre des monuments historiques mais bénéficiant d'un agrément fiscal (tout en conservant fort heureusement les dispositions propres au label délivré par la Fondation du Patrimoine). Cet agrément permettait le « sauvetage » de monuments en finançant des travaux urgents, dans l'attente d'une décision d'inscription au titre des monuments historiques. Si une mesure de simplification telle que la suppression de cette procédure d'agrément s'inscrit en toute logique dans la démarche globale de l'État de modernisation des politiques publiques, elle risque toutefois de créer un « vide » pour les propriétaires qui bénéficiaient d'un tel agrément jusqu'à aujourd'hui, mais n'ont pas encore achevé les travaux de restauration. Pour ces propriétaires, il aurait, par exemple, pu être utile de penser à une procédure accélérée d'étude du dossier de demande d'inscription afin de ne pas les placer dans une situation délicate au milieu d'une phase de travaux.

Ces divers exemples montrent que l'État ne doit pas oublier d'accompagner les propriétaires d'un patrimoine monumental dans le changement, ce qui ne nécessite pas systématiquement d'enveloppe budgétaire spécifique mais simplement la mise en oeuvre de procédures adaptées ou une meilleure information.

Il est, à ce titre, utile de rappeler qu'en février 2013, on comptait 43 196 immeubles protégés, dont 14 101 classés et 29 095 inscrits, ainsi que 260 000 objets mobiliers protégés. 53,6 % des propriétaires des immeubles protégés sont des personnes publiques, principalement des communes (50,2 %). 43,4 % sont donc des propriétaires privés, qui reçoivent selon les années, entre 10 et 20 % des crédits selon les informations transmises sur les dix dernières années. Tous ces propriétaires sont concernés par la double mission de la politique patrimoniale de l'État :

- protéger et conserver le patrimoine monumental ;

- recenser, étudier, mettre en valeur ce patrimoine et le faire connaître et visiter par le public le plus large.

2. Consommation des crédits : quelle évolution ?

Votre rapporteur pour avis analyse avec une attention toute particulière l'évolution de la consommation des crédits destinés au patrimoine monumental.

Les informations fournies par le ministère de la culture et de la communication sont particulièrement détaillées et permettent une analyse fine du taux de consommation des crédits. On peut en tirer plusieurs enseignements :

- de fortes disparités entre régions ;

- des évolutions importantes en fonction des années considérées ;

- une tendance globale à la baisse, puisque le taux de consommation du total des crédits déconcentrés est passé de 120 % en 2008 à 78 % en 2012.

Le ministère de la culture et de la communication a indiqué que le taux de consommation des crédits destinés aux monuments historiques devrait être proche de 100 % pour 2013. Il note qu'une dynamique est observée depuis le début de l'année 2013 puisque les crédits dégelés au titre de l'année 2012 ont pu être consommés au début de l'année 2013, en seulement 2,5 mois.

La direction générale des patrimoines attend toujours les arbitrages relatifs au dégel de 2013, soit 6 % des crédits. Votre rapporteur pour avis rappelle que le gel des crédits s'élèvera, en 2014, à 7 %.

Taux de consommation (%) des crédits de paiement (CP)

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication,
à partir des réponses du ministère de la culture et de la communication

D. MUSÉES : LA POURSUITE DE L'EFFORT

1. La poursuite de la baisse des crédits
a) La fin de grands projets

Globalement, la baisse des crédits destinés aux musées se poursuit en 2014, qu'il s'agisse des crédits alloués aux acquisitions (action n° 8) ou à la politique muséale de gestion des collections et de développement des publics (action n° 3).

La baisse des crédits d'acquisition est ralentie , puisqu'elle est de -2,3 % en 2014 (soit 8,35 millions d'euros en AE=CP). En effet, ces crédits avaient pratiquement été divisés par deux l'an passé (-48,8 % en 2013). 3,3 millions d'euros de dépenses d'intervention visent à soutenir :

- le fonds du patrimoine, géré par le service des musées de France ;

- les crédits d'acquisition des archives départementales et municipales ;

- les 25 fonds régionaux d'acquisition des musées (FRAM) et les 5 fonds régionaux d'aide à la restauration (FRAR).

Les collections des musées territoriaux

L'État participe à l'enrichissement des collections des musées territoriaux par l'intermédiaire de deux outils :

- alimentés de façon paritaire par l'État et les régions, les fonds régionaux d'acquisition des musées (FRAM) permettent de financer des acquisitions des musées de France, pour lesquelles les commissions scientifiques régionales d'acquisition ont émis un avis favorable. Le pourcentage du soutien aux collectivités territoriales, qui est en moyenne de 25 %, est fixé de manière paritaire entre l'État et la région. Les FRAM permettent de renforcer la politique d'acquisition des musées de France appartenant à des collectivités de taille moyenne ou petite. Gérés de manière déconcentrée par les DRAC, les FRAM permettent également de mobiliser un soutien paritaire des conseils régionaux ;

- gérés au niveau de l'administration centrale, les crédits du fonds du patrimoine correspondent à une aide décisive de l'État pour donner aux collectivités territoriales propriétaires de musées de France, les moyens d'acquérir des oeuvres majeures pour les faire entrer dans les collections publiques.

Source : Ministère de la culture et de la communication
Réponse au questionnaire budgétaire

Les crédits de l'action « Patrimoine des musées de France », qui représentent un volume important (44,2 % des crédits du programme), diminuent fortement en 2014 : de 9,7 % pour les CP (qui s'établissent à 339,5 millions d'euros) et de 4,9 % pour les AE (336,6 millions d'euros).

Le ministère de la culture et de la communication explique cette diminution par la fin de plusieurs projets qui avaient mobilisés d'importantes enveloppes budgétaires . Il s'agit notamment de :

- l'achèvement des travaux du MuCEM (- 12,9 millions d'euros en CP et - 5,9 en AE). Toutefois les derniers travaux mobiliseront des crédits en dépenses d'investissement à hauteur de 4,4 millions d'euros en CP et de 2 millions d'euros en AE ;

- la fin des travaux des centrales d'air au Centre Georges Pompidou (- 4 millions d'euros en AE et - 6,4 millions d'euros en CP) ;

- le transfert interne à la mission « Culture » vers le titre 2 d'une part de subvention de fonctionnement des musées Picasso et Fontainebleau (- 2,2 millions d'euros en AE=CP) ;

- l'abandon du projet de la Maison de l'Histoire de France (- 2,8 millions d'euros en AE=CP).

La dynamique muséale doit tenir compte d'une diminution de ces crédits mais aussi de l'effort budgétaire pesant sur les opérateurs du programme.

L'encadré ci-dessous montre que les plus grands musées, tels que celui du Louvre, sont amenés à adapter leurs projets pour maintenir des objectifs exigeants dans un contexte budgétaire restreint.

Le Louvre

Nommé président-directeur de l'établissement public du Louvre en avril 2013, Jean-Luc Martinez a présenté à votre commission, le 6 novembre 2013, les projets définis sur la base d'un double constat :

1. un développement rapide du musée qui s'est traduit par une valorisation excessive des événements temporaires au détriment des collections permanentes ;

2. une approche parfois un peu trop segmentée des sujets et une dispersion des efforts en France, comme à l'étranger.

Plusieurs objectifs sont aujourd'hui identifiés :

- l'amélioration de l'accueil du public et de la médiation

Le « projet Pyramide » constitue la première priorité. Construite en 1989 alors que la fréquentation du musée s'élevait à 2,9 millions de visiteurs par an, la pyramide ne permet plus d'assurer l'accueil des 9,7 millions de visiteurs recensés en 2012 dans des conditions correctes. Les travaux, estimés à 60 millions d'euros, devraient débuter à l'été 2014 et se poursuivre jusqu'au début de l'année 2016.

D'autres chantiers seront menés pour rendre la présentation des collections plus claire et plus lisible. Il s'agira notamment de généralisation de bilinguisme, voire le trilinguisme sur les 38 000 cartels, et de la création d'un « centre d'interprétation du Louvre » au sein du Pavillon Sully ;

- le soutien de l'éducation artistique et culturelle (EAC). La vocation du Louvre en la matière a été rappelée dans le rapport de Catherine Guillou 2 ( * ) . Une surface totale de 1 100 m 2 devrait être dédiée à l'EAC avec des expositions organisées pendant l'année scolaire ;

- le renforcement du rayonnement international du musée du Louvre. La réussite du Louvre Abu-Dhabi doit permettre d'augmenter la sphère d'influence culturelle de la France dans une zone stratégique de conquête. L'ouverture de ce « premier musée universel du 21 e siècle », est prévue le 2 décembre 2015, après une exposition organisée en avril 2014 pour présenter les collections au public parisien en amont. En outre, l'établissement public souhaite développer une meilleure coordination avec le ministère des affaires étrangères pour définir les critères de collaboration, qui aujourd'hui concerne 70 pays étrangers ;

- renforcer l'action du Louvre en régions. Fort de son succès (plus de 800 000 visiteurs fin octobre dont la moitié vient de la région Nord-Pas-de-Calais), le Louvre-Lens constitue la « colonne vertébrale de l'action territoriale » de l'établissement public.

Ces projets s'inscrivent dans un contexte budgétaire contraint, marqué par une baisse de 2,5 % par an de la subvention de l'État sur la période 2013-2015 et par un prélèvement exceptionnel de 36 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'établissement, réparti sur trois ans.

Source : Commission de la culture à partir des éléments recueillis
lors de sa visite du 6 novembre 2013

b) Un effort continu en direction des musées territoriaux

Il convient de rappeler que les collectivités territoriales assurent le fonctionnement courant des musées de France dont elles sont propriétaires et ont la charge.

L'effort de l'État en direction des musées se traduit par un renforcement du soutien aux musées de province, comme l'illustre le « plan musées en région » lancé en 2010. Il s'agit d'un plan d'investissement qui soutient 79 musées territoriaux sur l'ensemble du territoire, avec une moyenne de trois projets par région. Dans cette démarche d'investissement partenariale avec les collectivités locales, près de 80 % des crédits d'État sont des subventions pour les collectivités . Avec un taux de participation moyen de l'État de l'ordre de 15 à 20 % , le soutien financier de l'État permet de démultiplier les investissements en faveur des musées de France.

En 2011, la mise en oeuvre du plan a permis de porter le montant des crédits d'investissement déconcentrés à 25,75 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 18,75 millions d'euros en crédits de paiement (CP). En 2012, les crédits votés en loi de finances s'élevaient à 16,7 millions d'euros en AE et 15 millions d'euros en CP et, en 2013, 12,7 millions d'euros d'AE et 15,5 millions d'euros de CP.

La grande majorité des projets se développe de façon conforme au calendrier prévisionnel. Depuis le lancement de l'opération, 16 musées ont été inaugurés : le musée Courbet à Ornans, le musée d'Argentomagus à Saint-Marcel, les équipements réceptifs et la piste du musée de l'automobile de Mulhouse, le musée de la Grande guerre à Meaux, le musée Jean Cocteau de Menton, le musée Toulouse-Lautrec d'Albi, le musée des Hussards à Tarbes, le muséoparc d'Alésia, le musée national Adrien Dubouché à Limoges, le musée national d'Ennery à Paris, le musée du jouet à Moirans-en-Montagne, le musée des beaux-arts de Chambéry, le musée Baron-Gérard à Bayeux, le musée Borély à Marseille, le palais Longchamp à Marseille, la fondation Vasarely à Aix-en-Provence.

D'ici fin 2013, au moins 6 projets supplémentaires vont être inaugurés : le musée des musiques populaires à Montluçon, le musée des Beaux-arts de Dijon, le musée Soulages à Rodez, le musée d'histoire à Marseille, le musée des beaux-arts et d'archéologie de Valence, l'espace Noureev du centre national du costume de scène de Moulins.

Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de consacrer 15 millions d'euros en AE=CP de crédits d'investissement déconcentrés en faveur des musées territoriaux, afin d'améliorer la conservation et la mise en valeur des collections des musées de France en région. Ces crédits permettront de soutenir les opérations menées par les collectivités territoriales dans leurs musées, comme le musée Unterlinden à Colmar, les réserves du musée Bonnat à Bayonne, le musée Crozatier au Puy-en-Velay, le musée des beaux-arts de Dijon, le musée de Pont-Aven, le musée Girodet à Montargis, le musée des beaux-arts de Reims, le musée du site antique de Lucciana, le musée des beaux-arts et d'archéologie de Besançon, le musée de la marine de Seine à Caudebec-en-Caux, le musée des vallées cévenoles à Saint-Jean-du-Gard, la cité de la tapisserie à Aubusson, le musée de la guerre de 1870 et de l'Annexion à Gravelotte, le musée Ingres à Montauban, le musée de Sars Poteries, le musée des beaux-arts de Nantes, le musée de l'Inguimbertine à Carpentras, le musée de Picardie à Amiens, le musée de la mine à Saint-Etienne et les réserves mutualisées à la Réunion.

2. TVA : une juste décision de l'Assemblée nationale

Dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2014 transmis au Sénat, figurent deux modifications du code général des impôts relatives au taux de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) applicable aux biens culturels .

La première , présentée par le Gouvernement et inscrite à l'article 7 du PLF, réintroduit dans l'article 278-0 bis du code général des impôts, qui fixe au taux réduit de TVA à 5,5 %, « les droits d'entrée dans les salles de spectacles cinématographiques . Cette disposition traduit la volonté de cohérence du Gouvernement en matière de politique fiscale applicable aux biens et services culturels.

Article 278 septies du CGI
Modifié par la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 - art. 13 (V)

La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux de 7 % :

1° sur les importations d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité, ainsi que sur les acquisitions intracommunautaires effectuées par un assujetti ou une personne morale non assujettie d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qu'ils ont importés sur le territoire d'un autre État membre de la Communauté européenne ;

2° sur les livraisons d'oeuvres d'art effectuées par leur auteur ou ses ayants droit ;

3° sur les livraisons d'oeuvres d'art effectuées à titre occasionnel par les personnes qui les ont utilisées pour les besoins de leurs exploitations et chez qui elles ont ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ;

4° sur les acquisitions intracommunautaires d'oeuvres d'art qui ont fait l'objet d'une livraison dans un autre État membre par d'autres assujettis que des assujettis revendeurs.

Article 278-0 bis
Modifié par la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 - art. 28 (V)

La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5,5 % en ce qui concerne :

A.  Les opérations d'achat, d'importation, d'acquisition intracommunautaire, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur : (...)

3° Les livres, y compris leur location. Le présent 3° s'applique aux livres sur tout type de support physique, y compris ceux fournis par téléchargement.

(...)

F.  1° Les spectacles suivants : théâtres, théâtres de chansonniers, cirques, concerts ; spectacles de variétés à l'exception de ceux qui sont donnés dans les établissements où il est d'usage de consommer pendant les séances ;

2° Le prix du billet d'entrée donnant exclusivement accès à des concerts donnés dans des établissements où il est servi facultativement des consommations pendant le spectacle et dont l'exploitant est titulaire de la licence de la catégorie mentionnée au 1° de l'article D. 7122-1 du code du travail.

Source : www.legifrance.fr

La seconde modification a été introduite par voie d'amendement lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale et concerne les importations d'oeuvres d'art . Comme l'a indiqué Pierre-Alain Muet, lors de la présentation de l'amendement n° 1095 ainsi adopté, elle vise « à corriger une aberration économique qui résulte d'une directive européenne, laquelle n'a pas intégré le fait que les oeuvres d'art, et plus généralement les biens dont la valeur est due à leur rareté, non au travail de l'homme, avaient des propriétés complètement différentes des autres produits.

Quand vous exportez un Airbus ou une automobile, cela enrichit la France, car vous augmentez la production et les revenus. Si vous exportez La Joconde, cela aura pour seul effet d'appauvrir notre pays. Et ce n'est pas seulement parce que La Joconde est une oeuvre d'art, car si vous exportiez l'avion - qui est au musée des arts et métiers - avec lequel Blériot a traversé la Manche, cela aboutirait au même appauvrissement. Cela veut donc dire que, pour les biens rares, dont les oeuvres d'art originales, c'est l'importation qui enrichit le pays et l'exportation qui l'appauvrit. »

L'article 7 bis (nouveau) complète ainsi l'article 278-0 bis du code général des impôts :

« H. - 1° Les importations d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité, ainsi que sur les acquisitions intracommunautaires, effectuées par un assujetti ou une personne morale non assujettie, d'oeuvres d'art, d'objets de collection ou d'antiquité qu'ils ont importés sur le territoire d'un autre État membre de l'Union européenne ;

« 2° Les acquisitions intracommunautaires d'oeuvres d'art qui ont fait l'objet d'une livraison dans un autre État membre par d'autres assujettis que des assujettis revendeurs. » ; (...) »

Votre rapporteur pour avis se félicite de l'adoption de cette disposition essentielle pour l'enrichissement du patrimoine national et la dynamique du marché de l'art en France . Les collections publiques sont en grande partie alimentées par des dons de toutes formes (legs, dations en paiement, etc.) qui proviennent de collectionneurs désireux de conserver un patrimoine muséal important. Or la hausse du taux de TVA sur les importations d'oeuvres d'art est en fait assimilable à un droit de douane d'autant plus préjudiciable pour la France qu'il est de 5 % au Royaume Uni, seule autre place de ventes de dimension internationale sur le marché de l'art en Europe. Il est certain que la hausse de la TVA à 10 % n'aurait pas manqué d'entraîner à terme un appauvrissement du patrimoine national.

II. DES RÉFORMES STRUCTURELLES AUSSI IMPORTANTES QUE LES ENVELOPPES DE CRÉDITS

Dans un contexte de budget contraint, les acteurs patrimoniaux sont plus enclins à mieux dépenser pour gagner en efficacité. Sont alors envisagées des alternatives à la dépense, afin d'optimiser les ressources disponibles.

Plusieurs pans de la politique patrimoniale peuvent être appréhendés sous ce prisme, qu'il s'agisse de l'assistance à maîtrise d'ouvrage devant soutenir une meilleure consommation des crédits, ou de la circulation des collections publiques envisagée pour pallier les fortes baisses de crédits destinés aux acquisitions.

L'analyse budgétaire doit nécessairement s'accompagner de l'observation des politiques publiques visant à optimiser l'utilisation des crédits. En dernier lieu, il convient de prévoir, le cas échéant, les réformes législatives nécessaires, ce qui est d'ores et déjà annoncé par le ministère pour 2014 dans le cadre d'un projet de loi sur les patrimoines.

A. LA MAÎTRISE D'OUVRAGE SUR LES MONUMENTS HISTORIQUES : UNE PRISE DE CONSCIENCE, DES RÉSULTATS TRÈS ATTENDUS

L'article L. 621-29-2 du code du patrimoine , introduit par l'ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, affirme les prérogatives du propriétaire pour assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux de restauration des monuments historiques, mettant fin à une interprétation de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques qui autorisait les services de l'État à assurer la maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments classés, quel que soit leur propriétaire. Le code ouvre la possibilité d'une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) des services de l'État, exercée à titre onéreux ou gratuit, et à la demande du propriétaire. Ce mécanisme a été institué afin de venir en aide aux propriétaires publics ou privés qui ne seraient pas en mesure de faire face à la responsabilité de mettre en oeuvre un programme de travaux sur un monument historique.

Les articles R. 621-71 et suivants du code du patrimoine précisent, d'une part, les conditions d'accès des propriétaires de monuments à ces prestations d'AMO et, d'autre part, les modalités d'exercice de ces missions.

La circulaire n° 2009-023 du 1 er décembre 2009 relative à la maîtrise d'ouvrage indique les modalités de mise en oeuvre de cette assistance par les services de l'État, comme les modalités de rémunération de ces derniers si l'AMO est assurée à titre onéreux, et offre un modèle de convention avec les propriétaires.

1. La prise de conscience de l'administration centrale

En 2010, une enquête a été réalisée auprès des services déconcentrés et a démontré que l'assistance à maîtrise d'ouvrage était relativement peu sollicitée, du moins de façon formelle . Les 55 conventions passées par la totalité des régions pour des travaux sur des monuments classés n'appartenant pas à l'État l'ont toutes été à titre gratuit, majoritairement en raison de l'insuffisance de moyens des propriétaires et plus marginalement en raison de la complexité des opérations. En revanche, les services sont très souvent sollicités par les maîtres d'ouvrage pour les guider dans un rôle qu'ils appréhendent encore difficilement.

Les premiers résultats partiels d'une nouvelle enquête menée sur les années 2012-2013 montrent une augmentation sensible du nombre de convention d'AMO dans certaines régions (37 en 2012-2013 pour l'ensemble des régions ayant répondu contre 17 pour les mêmes régions en 2010-2011).

En ce qui concerne la maîtrise d'oeuvre, l'enquête montre que sur les monuments concernés plus de 80 % des contrats de maîtrise d'oeuvre sont passés avec des architectes en chef des monuments historiques (ACMH), les 20 % restants étant confiés à des architectes du patrimoine selon les modalités de la nouvelle réglementation . Compte tenu des dispositions permettant aux ACMH de conserver la maîtrise d'oeuvre des travaux dont ils ont assuré les études préalables moins de 3 ans avant la promulgation du décret (en juin 2009), ce pourcentage est significatif de la réalité de l'ouverture de la maîtrise d'oeuvre. Une nouvelle enquête est en cours concernant l'année 2013.

Les organisations spécialisées en maîtrise d'ouvrage (Agences départementales d'accompagnement des collectivités - ADAC) interviennent encore peu sur les monuments historiques. De plus, l'enquête faite par l'association des maires de France dans le cadre de l'Observatoire de la réforme des monuments historiques en 2012 montre que de nombreuses collectivités sont réticentes à transférer cette compétence , le patrimoine constituant un élément identitaire fort.

Afin de mieux cerner les conséquences de la réforme et apporter des améliorations à sa mise en oeuvre, un Observatoire de la réforme a en effet été mis en place courant 2011 par la direction générale des patrimoines du ministère chargé de la culture, et plusieurs groupes de travail regroupant toutes les composantes du secteur « patrimoine monumental » se sont réunis jusqu'en décembre 2012. Le travail de l'Observatoire a permis de mieux cerner les attentes des collectivités . Les représentants des maires de France et des départements de France, sur la base des discussions menées avec la direction générale des patrimoines, ont pu interroger leurs adhérents sur leurs pratiques, leur connaissance et leur perception des réformes. Les premiers résultats , non complets, permettent d'ores et déjà de confirmer l'attente très forte des collectivités vis-à-vis des services de l'État . Tant en matière d'AMO qu'au travers du contrôle scientifique et technique, elles attendent l'affirmation de la fonction de conseil de l'État, afin qu'il soit en mesure de les accompagner dans l'élaboration des projets et le suivi technique des travaux.

Le travail mis en oeuvre dans le cadre de la modernisation de l'action publique (MAP) s'est appuyé sur les réflexions de l'Observatoire. Plusieurs documents ont été remis au secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP) : un premier diagnostic au printemps 2013 puis des propositions d'aménagement de la réforme à l'été 2013.

Le diagnostic a identifié certains points nécessitant des aménagements pour une meilleure mise en oeuvre de la réforme :

- hétérogénéité et insuffisance d'AMO pour les petites communes et les propriétaires privés pouvant compliquer l'instruction des dossiers par les services de l'État, décourager les maîtres d'ouvrage et porter préjudice à une restauration de qualité des monuments ;

- désengagement de certains co-financeurs pouvant conduire à devoir disposer, en matière de programmation, d'une liste importante d'opérations alternatives pour neutraliser les reports d'opérations de plus en plus fréquents, ce qui occasionne une charge de travail supplémentaire pour les services de l'État ;

- risque de perte de mémoire quant à l'histoire des monuments et aux interventions dont ils ont fait l'objet, en raison d'un plus grand éparpillement de la documentation et des archives sur les édifices et les travaux effectués ;

- marge de progression pour une évaluation plus homogène des diplômes et expériences présentés par un architecte répondant à un marché public de travaux sur monument historique ;

- nécessité de mieux définir et encadrer le contenu de certains segments de la mission de maîtrise d'oeuvre ;

- difficulté à évaluer les qualifications des entreprises intervenant sur les monuments et constat d'une disparité entre les réponses faites par certaines entreprises prestataires lors de la passation du marché et la réalité du chantier, notamment concernant les qualités des intervenants sur le monument ;

- la mise en place du contrôle scientifique et technique (CST) a été le corollaire du transfert de la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires. Réforme récente et qui a profondément modifié les postures et les pratiques de tous les acteurs, elle a pu entraîner des difficultés, notamment dans la définition de l'acceptation du rôle des différents acteurs, des objectifs et du contenu du CST.

La question particulière des études mérite un développement spécifique. La circulaire n° 2009-024 du 1 er décembre 2009 relative au contrôle scientifique et technique indique aux DRAC l'intérêt de réaliser un diagnostic le plus en amont possible du projet . Elle détermine notamment « le rôle des services de l'État durant la phase précédant la délivrance d'une autorisation de travaux sur monument historique classé ou d'un accord pour les travaux sur monuments historiques inscrits ». Par ailleurs, ce texte organise la transmission des informations relatives au monument au maître d'ouvrage. La connaissance du monument est en effet la condition sine qua non pour obtenir un niveau d'études satisfaisant.

La circulaire précise notamment la nécessité d'une instruction collégiale des programmes d'études et des projets au sein des services de l'État. Ce texte préconise également de favoriser le dialogue en amont avec la maîtrise d'ouvrage dans l'intérêt du monument historique et de son usager.

Ces deux aspects du CST ont fait l'objet d'une réflexion approfondie lors des travaux de l'Observatoire, notamment grâce au travail mené par l'inspection des patrimoines sur les archives des travaux sur monuments historiques.

Les trois champs de la réforme des monuments historiques (AMO, contrats de maîtrise d'oeuvre, CST) nécessitent une évolution des pratiques des différents acteurs de cette politique , qu'il s'agisse des services déconcentrés de l'État, des maîtres d'ouvrage - collectivités territoriales ou propriétaires privés -, des maîtres d'oeuvre ou des entreprises en charge des travaux.

Le ministère de la culture et de la communication doit les aider et les accompagner pour que chacun d'entre eux prenne possession de son nouveau rôle dans un champ de compétences techniquement et scientifiquement atypique.

La clarification et la définition des missions de chaque acteur, l'impact sur l'organisation des services, la mise à disposition de guides de bonnes pratiques et de modules de formation, la mise en place d'une meilleure politique d'archivage de l'information existante sur les monuments historiques et les travaux antérieurs dont ils ont bénéficié, sont les pistes d'amélioration qui ont fait l'objet de propositions dans le cadre de la MAP.

Elles reposent sur deux axes déclinés au sein de chacun des champs de la réforme. Il s'agit des plans de formations et des outils pratiques.

Sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO)

Un premier axe vise à mettre en place un plan de formations « maîtrise d'ouvrage » à destination des propriétaires de monuments historiques tant privés que publics et à envisager, à la demande de ces derniers, la possibilité de formations mixtes afin qu'ils puissent échanger et mieux partager leurs expériences.

Un second axe a d'ores et déjà été constitué par la mise à disposition d'outils et de documents placés sur le site du ministère à destination des propriétaires (leur liste figure en annexe 3).

Sur la maîtrise d'oeuvre

L'axe formation à destination des maîtres d'oeuvre non ACMH devra porter notamment sur le contenu d'une prestation de maîtrise d'oeuvre sur monument historique, le contenu et le format d'un diagnostic, d'une étude historique et patrimoniale, mais aussi sur des questions diverses et cruciales pour la réforme telles que le champ de la responsabilité de l'architecte ou la documentation et l'archivage relatifs à un monument historique.

Dans le cadre de la mise en place d'outils, des documents, des modèles de courriers relatifs à la vérification des qualifications des entreprises et des qualifications des architectes ont été diffusés.

Sur le contrôle scientifique et technique (CST)

Le plan de formation des services de l'État relatif à la mise en oeuvre et aux bornes du CST serait étendu aux autres acteurs : propriétaires, architectes et entreprises.

Un glossaire des termes d'intervention sur monument historique, élaboré à destination de tous les acteurs du secteur, est en ligne sur le site du ministère de la culture et de la communication 3 ( * ) .

Enfin, deux axes transversaux ont été retenus, à la suite des travaux de l'inspection des patrimoines :

- le premier concerne les archives « travaux » en DRAC : en leur sein, l'archivage, le versement et la mise à disposition doivent être améliorés afin de conserver la mémoire des travaux exécutés sur les monuments. Les recommandations, établies sur le fondement de l'enquête menée dans les services par l'inspection, visent à une amélioration du mode de traitement des archives en DRAC. Cet aspect de la mise en oeuvre de la réforme touche tant la maîtrise d'ouvrage, par une meilleure information du propriétaire concernant le monument, son histoire, ses besoins et ses pathologies, que la maîtrise d'oeuvre qui doit pouvoir accéder aux informations sur les interventions déjà réalisées antérieurement, ainsi que le CST ;

- le second est relatif au CST : le diagnostic et les préconisations en matière de monument historique visent à affirmer les principes de collégialité et de subsidiarité, à homogénéiser la pratique du CST sur l'ensemble du territoire, à clarifier et organiser plus précisément la mise en oeuvre du CST en régions. Cet axe s'inscrit donc dans la logique de la circulaire n° 2009-024 précitée.

Concernant les modalités de subventionnement des propriétaires, l'État subventionne uniquement les travaux sur monuments historiques, en particulier le clos et couvert. Si le maître d'ouvrage a choisi de faire appel à une AMO, les honoraires de celle-ci sont compris dans le montant subventionnable des travaux et selon les mêmes principes.

Par ailleurs, le montant des avances de subventions à hauteur de 30 % , mécanisme permettant au maître d'ouvrage, si nécessaire, de disposer d'une avance de trésorerie et d'engager les travaux , est une pratique de plus en plus utilisée par les services déconcentrés . Mais il n'est pas identifiable en tant que tel au niveau national.

Le taux des subventions versées à l'initiative des DRAC varie selon le type de monument - classé ou inscrit - et la nature des travaux, soit de 12 % à 50 % du montant des travaux éligibles.

Le taux moyen de subventionnement sur monument historique est de 32 %, taux stable depuis 2007. De même, le taux de subvention appliqué en 2012 est de 39 % sur monuments historiques classés et 22 % sur monuments historiques inscrits. Il était de 40 % sur monuments historiques classés et de 19 % sur monuments historiques inscrits en 2007.

L'aide des conseils généraux et des conseils régionaux est fréquente mais parfois absente. Elle varie très sensiblement en fonction de leurs politiques et du type de travaux.

2. Des attentes encore très fortes de la part des plus petites collectivités

Malgré cette prise de conscience claire des services de l'État, les plus petites collectivités sont restent démunies face à la réforme de la maîtrise d'ouvrage et n'ont accès à aucune information. Auditionnés par votre rapporteur pour avis, les représentants de l'Association des maires de France (AMF), comme ceux de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) ont relayé la forte inquiétude des élus locaux, en particulier les maires des petites communes qui ne connaissent pas l'existence de l'AMO .

Fort de ce constat, votre rapporteur pour avis s'est interrogé sur le rôle éventuel que pourrait jouer l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC). En effet, le décret n° 2010-818 du 14 juillet 2010 relatif à l'OPPIC ouvre la possibilité à cet établissement d'assurer « la réalisation d'opérations de construction, de restauration, de réhabilitation, d'aménagement ou de maintenance d'immeubles pour le compte des collectivités territoriales, de leurs établissements publics ou d'autres personnes publiques ».

Si l'idée d'une mission de conseil ou de formation pourrait apparaître comme une voie à explorer, la ministre 4 ( * ) de la culture et de la communication a estimé, lors de son audition du 14 novembre 2013, que cet établissement était trop centralisé et de taille trop importante pour pouvoir utilement accompagner les plus petites collectivités.

Les guides relatifs à l'AMO doivent en revanche être mieux diffusés sur l'ensemble du territoire selon l'avis de la ministre.

En outre, le ministère estime qu'une telle mission ne manquerait pas de soulever des interrogations au regard des contraintes du droit européen de la concurrence. L'expertise de cet opérateur pourrait toutefois être mieux valorisée compte tenu de la possibilité offerte par le décret précité.

B. COLLECTIONS PUBLIQUES : LES ALTERNATIVES À LA PROGRESSION DES ACQUISITIONS

1. La circulation des oeuvres : vers une nouvelle dynamique ?

L'État a développé une politique de prêts et dépôts en direction de tous les territoires, favorisant ainsi un meilleur accès de tous à la culture ainsi qu'un enrichissement du patrimoine muséal ne reposant pas uniquement sur les crédits d'acquisition. Cette dynamique devrait se développer, comme l'y incite le rapport d'Alain Seban remis à la ministre de la culture en mai 2013 intitulé : « Dynamiser la circulation des collections publiques sur l'ensemble du territoire national ».

a) La politique des prêts et dépôts en faveur de tous les territoires

La politique des prêts et dépôts portée par le ministère de la culture et de la communication se développe de manière constante autour des axes suivants :

- les antennes des musées nationaux en région ;

- des dépôts et des prêts à moyen terme pour compléter des collections existantes ;

- la réévaluation des dépôts postérieurs à 1910 dans le cadre du récolement général des dépôts ;

- le transfert de propriété aux collectivités des dépôts antérieurs à 1910.

1. Les partenariats stratégiques des musées nationaux en région

Le ministère de la culture et de la communication mène une politique de partenariat de grands musées nationaux en région (Centre Pompidou Metz, Louvre-Lens, tous deux établissements publics de coopération culturelle) ; il a lancé également la création d'un grand musée national en région, le musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (MuCEM) à Marseille, ouvert en juin 2013. Le ministère s'attache à faire vivre ces établissements, qui rencontrent un fort succès en termes de fréquentation, en respectant son engagement de prêts nombreux et significatifs.

Les partenariats mis en place par certains musées nationaux avec des collectivités territoriales sont également encouragés, tel celui noué entre le musée d'Orsay et le musée des impressionnismes à Giverny ainsi que le musée Bonnard au Cannet, ou encore le partenariat de dix ans signé entre la Région Nord-Pas-de-Calais, la ville d'Arras et l'établissement public du château de Versailles pour organiser au musée municipal des beaux-arts d'Arras (palais Saint-Vaast), à compter de 2012, cinq grandes expositions de longue durée (18 mois). Ce partenariat s'est concrétisé en 2012 par l'exposition « Roulez carrosses ! » , constituée principalement d'oeuvres issues des collections du château de Versailles.

L'expérience entamée en 2011 par le centre national d'art et de culture-Georges Pompidou (CNAC-GP) et intitulée « Centre Pompidou mobile », consistant à proposer aux collectivités territoriales qui le souhaitent d'exposer pendant trois mois une quinzaine de ses chefs-d'oeuvre au sein d'une structure mobile et démontable, s'est poursuivie en 2012 et 2013.

Après plusieurs années de travaux, le Louvre-Lens a été inauguré en décembre 2012. Plus de sept cents oeuvres des collections nationales y sont exposées autour de trois expositions et un espace de réserves « visitables » où sont présentées 233 oeuvres. Un partenariat entre le musée du Louvre avec la ville d'Autun pour l'organisation de cinq expositions temporaires entre 2012 et 2020 au musée Rolin a été lancé à l'automne 2012 avec l'exposition « Bologne et le pontifical d'Autun » (12 septembre - 9 décembre 2012).

Le musée national Picasso de Paris, engagé dans une importante itinérance internationale de ses collections pendant la durée de rénovation de l'hôtel Salé a fait une exception au gel provisoire de ses prêts en participant en 2012 à l'exposition « Picasso, les chemins du Sud » (1 er juillet 2012 - 30 septembre 2012) à Cannes (musée de La Malmaison). La perspective de sa réouverture prévue en 2014 a mis fin à cette itinérance et devra favoriser les prêts aux musées français. Le musée pourra ainsi reprendre un rythme régulier de coopération avec les musées de France tout en continuant à répondre aux sollicitations des musées étrangers.

2. Les dépôts et les prêts à moyen terme

La loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales pose le principe d'une politique de prêts et de dépôts par l'État d'oeuvres significatives de ses collections, pour des durées déterminées, aux musées de France relevant des collectivités territoriales. Ainsi, les musées nationaux répondent aux demandes des musées territoriaux souhaitant compléter des fonds déjà existants ou renouveler leur programme muséographique, notamment dans le cadre de travaux de rénovation.

Les nouveaux dépôts consentis au cours de l'année 2012 bénéficiaient à 17 collectivités territoriales. Ces dépôts s'ajoutent à l'ensemble des dépôts antérieurement accordés. Les plus importants sont le dépôt consenti par le musée d'Orsay au musée d'art et d'archéologie de Besançon d'un tableau de Claude Monet « Le jardin de l'artiste à Giverny » et le dépôt par le musée du Louvre, au bénéfice du musée de Richelieu, d'un ensemble de trois importants Antiques : « Apollon Sauroctone », « Tête du Diadumène », « Tête de Faustine ».

Parallèlement à ces dépôts, les musées nationaux poursuivent une politique de prêts temporaires. En 2012, 449 prêts ont été consentis auprès de musées de France relevant de collectivités territoriales. Ces prêts portent sur 3 632 oeuvres des collections nationales pour une valeur globale d'assurance de 2,54 milliards d'euros.

À ces prêts, il convient d'ajouter ceux du musée national d'art moderne (MNAM/ CNAC-GP) : 1 266 oeuvres ont été prêtées en France par cette institution, soit un total de 4 898 oeuvres prêtées par les musées nationaux aux musées territoriaux pour l'année 2012 .

Parmi les expositions concernées par ces prêts, seize ont reçu le label « exposition d'intérêt national » qui récompense chaque année les manifestations les plus remarquables par leur qualité scientifique, leurs efforts en matière de médiation culturelle et leur ouverture à un large public. Elles contribuent à la politique de diffusion et d'élargissement des publics et bénéficient d'une subvention exceptionnelle de 10 000 à 50 000 euros attribuée par le ministère de la culture et de la communication .

3. Les transferts de propriété des dépôts de l'État antérieurs à 1910

Depuis la publication de la loi de 2002 relative aux musées de France, qui a fixé le principe du transfert de propriété des dépôts de l'État d'avant 1910 aux collectivités territoriales (art. L. 451-9 du code du patrimoine), la priorité a été accordée aux dépôts provenant des musées nationaux et ceux du Fonds national d'art contemporain.

Près de 300 collectivités territoriales sont concernées par des dépôts de l'État avant 1910. Toutefois, une cinquantaine de dépositaires ne peuvent bénéficier d'un quelconque transfert de propriété tel qu'il est défini par l'article L. 451-9 du code du patrimoine, soit en raison de leur statut (cas des musées associatifs) ou de leur fonctionnement (musée fermé), soit en raison du statut particulier des collections déposées (legs ou don). Ce sont donc 251 collectivités qui sont éligibles à une proposition de transfert de propriété.

En 2012, l'État a fait 15 nouvelles propositions de transfert aux collectivités territoriales (Béziers, Bourg-en-Bresse, Gray, Laval, Menton, Nîmes, Niort, Pézenas, Poitiers, Quimper, Roanne, Saint-Brieuc, Sète, Vannes, Villefranche-sur-Saône), représentant 661 oeuvres. Neuf collectivités (Angers, Béziers, Bourg-en-Bresse, Châteauroux, Le Mans, Menton, Moissac, Nîmes, Saint-Brieuc) ont, pour leur part, adressé à l'État leurs délibérations acceptant le principe des transferts d'oeuvres.

En 2012, 20 arrêtés ont été publiés correspondant au transfert de propriété de 1 007 oeuvres . Il concerne les villes suivantes : Arras, Baugé, Bordeaux, Brest, Bourgoin-Jallieu, Carcassonne, Carpentras, Châteauroux, Digne-les-Bains, Dinan, Fontenay-le-Comte, La Roche-sur-Yon, Le Mans, Limoux, Lorient, Montpellier, Tourcoing, Vienne et Villeneuve-lès-Avignon. Deux villes ont accepté un transfert partiel (Tourcoing et Châteauroux).

Au total, depuis le début de la procédure en 2008, 182 dossiers de transfert à des collectivités territoriales ont été instruits : 140 d'entre elles ont accepté le transfert, 2 l'ont refusé totalement ; 40 n'ont pas encore répondu à la proposition qui leur a été faite. Le nombre total d'oeuvres transférées au 31 décembre 2012 s'élevait à 6 455.

b) Le rapport d'Alain Seban : vers une nouvelle dynamique ?

Dans le rapport qu'il a remis en mai 2013 à la ministre de la culture et de la communication, Alain Seban, formule douze propositions visant à « dynamiser la circulation des collections publiques sur l'ensemble du territoire national ».

Ses préconisations s'appuient notamment sur la commission de récolement des dépôts d'oeuvres d'art dont les missions pourraient être étoffées, pour comprendre un rôle de pilotage d'une nouvelle politique des dépôts. Un bilan annuel devrait permettre une meilleure traçabilité des prêts et dépôts, qui devraient moins dépendre des personnalités à la tête des musées pour devenir une politique plus systématique : elle devrait viser tous les territoires et être opérée par vagues.

Parmi les mesures envisagées figure la circulation des oeuvres en dehors des institutions muséales. L'expérimentation en entreprise est notamment recommandée. Le ministère mène actuellement une réflexion avec les comités d'entreprises des industries électriques et gazières afin de déterminer les conditions de réalisation d'expositions d'oeuvres d'art dans l'enceinte d'entreprises privées.

Ce rapport ne devrait pas manquer de se traduire par une nouvelle dynamique en matière de circulation des oeuvres, avec des vertus pédagogiques évidentes, compte tenu de l'évolution des crédits destinés aux acquisitions. C'est en tout cas ce que souhaite le ministère de la culture d'après les informations recueillies par votre rapporteur pour avis.

2. Récolement et origine des oeuvres

Le récolement, pratique très ancienne, est la vérification de la présence des oeuvres à partir des inventaires. Il est la conséquence de l'existence d'un domaine public (de l'État et des collectivités territoriales) dont il sert à vérifier l'intégrité.

Ainsi, en application de la loi n° 2002-5 du 4 janvier 2002 relative aux musées de France, précisée par l'arrêté du 25 mai 2004 relatif à l'inventaire des collections et par la circulaire du 27 juillet 2006 relative au récolement, tous les musées de France doivent procéder à l'inventaire et au récolement de leurs collections tous les dix ans. La prochaine échéance est prévue en juin 2014.

Ce récolement permet d'effectuer ou de compléter l'inventaire des collections des musées, étape indispensable pour envisager une nouvelle dynamique dans la circulation des collections publiques évoquées ci-dessus. C'est également l'occasion de faire un état complet des collections et de mettre en place d'éventuels chantiers de restauration ou de rassemblement des objets. Le récolement peut être l'occasion d'informatiser l'inventaire afin de faciliter la gestion, l'accès, la diffusion, le prêt ou le traitement des oeuvres.

La dynamique recherchée pour une meilleure circulation des oeuvres devrait également être l'occasion de faire un bilan sur les oeuvres spoliées pendant la Seconde Guerre mondiale. Comme l'a montré notre collègue Corinne Bouchoux dans une communication devant votre commission de la culture en janvier 2013 5 ( * ) , les musées de France ont aujourd'hui la gestion des 2 143 Musées nationaux récupération (MNR), oeuvres récupérées après l'Occupation et dont les ayants droit n'ont jamais été identifiés. Outre ces oeuvres listées précisément par la mission présidée par Jean Mattéoli en 2000, on suppose l'existence d'un certain nombre d'oeuvres aux origines « douteuses », comme l'a illustré le cas du tableau « l'Homme à la guitare » acquis par le Centre Pompidou en toute bonne foi et dont l'indemnisation a mobilisé l'équivalent de trois années du budget d'acquisition du centre.

« L'affaire Cornelius Gurlitt », chez qui l'on a retrouvé plus de 1 406 oeuvres d'art dont une bonne partie proviendrait de spoliations de Juifs, doit être perçue comme un appel à la vigilance pour les collections publiques françaises. Interrogée par votre rapporteur pour avis, la directrice en charge des musées de France a indiqué qu'un groupe de travail s'était constitué à la suite de la publication des travaux de votre commission. Réunissant le service des musées de France, celui des Archives, des historiens, la Commission d'indemnisation de victimes de spoliations (CIVS) ainsi que la Fondation de la Shoah, ce groupe s'est réuni huit fois et a débuté ses travaux par l'étude des 120 oeuvres qualifiées par la mission Mattéoli d'« oeuvres spoliées avec certitude ou forte présomption ». Une dizaine de pistes d'ayants droit auraient été identifiées, ce qui sera précisé dans un premier rapport remis à la ministre de la culture au début de l'année 2014.

C. DE FORTES ATTENTES À L'ANNONCE D'UN PROJET DE LOI

1. Une simplification des régimes de protection du patrimoine monumental

Lors de la conférence de presse organisée le 13 septembre 2013 au musée national des arts asiatiques - Guimet, la ministre de la culture et de la communication a indiqué que le projet de loi sur les patrimoines, devant être examiné en Conseil des ministres au début de l'année 2014, a pour ambition de moderniser et d'harmoniser le droit du patrimoine, « rendu complexe par une longue histoire de stratification normative ».

La simplification, souhaitée par les acteurs du patrimoine compte tenu des difficultés rencontrées notamment par les plus petites collectivités territoriales, devrait permettre de passer d'une dizaine de dispositifs à trois catégories d'espaces protégés : les « cités historiques », les « sites classés » et les « abords ».

En outre, le projet de loi devrait permettre de mettre en conformité le droit du patrimoine avec quatre conventions Unesco . Votre rapporteur pour avis est heureux qu'une telle réforme soit envisagée, reprenant ainsi les orientations de votre commission et répondant aux besoins des acteurs patrimoniaux auxquels il appartient de gérer les contraintes par exemple liées au classement de zones au titre du patrimonial mondial, sans pouvoir s'appuyer sur des dispositifs législatifs existants ni sur des crédits clairement identifiés. À la demande de votre rapporteur pour avis, le ministère de la culture et de la communication a identifié les crédits accordés dans le cadre du suivi et de la gestion des biens français inscrits sur la liste du patrimoine mondial. Ils sont détaillés dans l'encadré ci-après.

Crédits accordés dans le cadre du suivi et de la gestion des biens français
inscrits sur la liste du patrimoine mondial

La France compte 38 biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial (34 culturels, 3 naturels et 1 mixte). L'État, garant de la préservation de la valeur universelle exceptionnelle des biens, de leur authenticité et de leur intégrité, doit veiller à la mise en oeuvre des engagements pris lors de la ratification de la convention de 1972 concernant la protection du patrimoine.

Dans le cadre du suivi et de la gestion de ces biens, le ministère de la culture et de la communication accorde régulièrement des crédits centraux pour financer des actions et opérations liées au patrimoine mondial. À titre d'exemple :

- la cartographie du bien « Chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle en France » : marché public de 160 000 euros sur 2013 et 2014 ;

- la réalisation d'un atlas des biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial : 30 000 euros annuels pour la mise à jour et l'actualisation ;

- l'enveloppe annuelle pour la rédaction de plans de gestion des biens inscrits : 80 000 euros. En 2013, une subvention à hauteur de 22 000 euros a été accordée à la collectivité pour l'élaboration du plan de gestion de la juridiction de Saint-Emilion et un marché d'étude sous maîtrise d'ouvrage de la direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d'Aquitaine a été notifié pour l'élaboration du plan de gestion du bien « grottes préhistoriques de la vallée de Vézère ». Le montant de ce marché atteint près de 50 000 euros ;

- dans le cadre de la présidence française des Sites palafittiques préhistoriques autour des Alpes : séminaire scientifique, valorisation au niveau international : 15 000 euros pour 2013 ;

- l'élaboration du plan de gestion du Mont-Saint-Michel : 110 000 euros (achèvement prévu courant 2014).

Ces financements s'effectuent hors opérations sur les monuments historiques, les espaces protégés et l'archéologie. Parmi les crédits accordés à la conservation des biens inscrits proprement dite, on peut citer :


• pour les monuments historiques :

- les « Palais et parc de Versailles » inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 1979. Le montant des travaux inscrits au budget de 2013 s'élève à 42 millions d'euros (hors report) dont près de 11,3 millions d'euros par subvention d'investissement du ministère de la culture et de la communication ;

- les « Palais et parc de Fontainebleau » inscrit sur la liste du patrimoine mondial en 1981. Le montant des travaux inscrits au budget de 2013 s'élève à près de 7,7 millions d'euros (hors report) dont près de 6,4 millions d'euros par subvention d'investissement du ministère de la culture et de la communication et 0,8 million d'euros par mécénat ;

- En Champagne-Ardenne, les très importants travaux de l'étage de la rose de la cathédrale de Reims ont débuté pour un montant total de travaux de 3,9 millions d'euros dont 1,5 million d'euros de mécénat. Ils doivent se poursuivre en 2014.


• Pour les espaces protégés :

- la mise en oeuvre du périmètre de protection modifié aux abords du Mont Saint-Michel : le montant de l'opération s'élève à environ 400 000 euros dont près de 145 000 euros pour 2013.

Source : Ministère de la culture et de la communication
Réponse au questionnaire budgétaire

L'amélioration de l'accès au patrimoine concernera également les archives , éléments de notre mémoire collective, en clarifiant les délais de communicabilité des documents.

Enfin, le projet de loi devrait intégrer la notion de qualité architecturale dans le code du patrimoine et faire bénéficier les particuliers, lorsqu'ils construisent pour eux-mêmes, sans architecte, dans les communes où il existe un patrimoine protégé, des conseils architecturaux du CAUE du département. Ce projet s'inscrit donc bien dans la continuité de la politique mise en oeuvre par le ministère dans le cadre du présent projet de loi de finances.

2. Le périmètre du Centre des monuments nationaux

Depuis 2009 6 ( * ) et jusqu'à la fin de l'année 2011, votre commission a eu l'occasion de rappeler à plusieurs reprises la nécessité de conforter le système de péréquation du Centre des monuments nationaux (CMN), qui permet d'ouvrir au public et d'animer 94 monuments grâce aux profits tirés de la billetterie des 6 monuments bénéficiaires (Arc-de-triomphe, Mont Saint-Michel...).

Dans son rapport public annuel de février 2013, la Cour des comptes est revenue sur le cas du CMN, jugeant qu'il s'agit d' « un redressement tardif ». Déjà en 2010, elle avait estimé que la vague de transferts de monuments historiques appartenant à l'État vers les collectivités territoriales avait entraîné une « période d'incertitude sur le périmètre du parc de monuments du CMN ».

En 2013, la Cour rappelle également plusieurs éléments jugés alors « contestables », tels que l'affectation des ressources ou la compétence de la maîtrise d'ouvrage. Surtout, elle insiste sur la redéfinition du périmètre du CMN, « toujours en suspens ». Elle juge urgent d'actualiser les listes des monuments affectés au CMN ou dont la gestion lui a été confiée par convention avec L'État, telles qu'elles figurent respectivement dans l'arrêté du 5 mai 1995 et la convention du 4 avril 1998.

Les discussions entre l'établissement public d'une part, et le ministère de la culture et de la communication et France Domaines d'autre part, seront certainement facilitées par l'inscription, dans le futur projet de loi, d'une définition législative du principe de péréquation des ressources entre monuments . Cette garantie de péréquation constituera une contrainte juridique forte pour la définition des listes de monuments, dans la mesure où elle garantira au CMN le bon fonctionnement du patrimoine monumental dont il a la responsabilité.

3. La mise en oeuvre de certaines recommandations du Livre blanc de l'archéologie préventive

Le Livre blanc élaboré par la commission d'évaluation scientifique, économique et sociale du dispositif d'archéologie préventive a été remis à la ministre de la culture et de la communication le 29 mars 2013.

Ce Livre blanc exprime un consensus de la commission sur la discipline archéologique :

- il présente les principes fondamentaux pour l'ensemble de la discipline et de ses acteurs ;

- il expose un bilan partagé sur dix années de mise en oeuvre de la législation relative à l'archéologie préventive ;

- il formule une série de propositions articulées autour de six thèmes majeurs et inscrites dans un projet conceptualisé.

Sur le fond, le ministère de la culture envisage de reprendre à son compte l'essentiel des propositions du Livre blanc. D'autres sujets, pas ou peu explorées par le Livre blanc, feront également l'objet de propositions de réforme.

Le Livre blanc constitue ainsi un point de départ à un projet d'ensemble qui s'articule autour de 6 axes :

- le patrimoine archéologique, une ressource à préserver ;

- le renforcement du dispositif actuel de l'archéologie préventive ;

- le financement du dispositif ;

- l'exploitation scientifique et la diffusion des résultats de la recherche archéologique ;

- les acteurs de l'archéologie ;

- les relations entre archéologie et aménagement du territoire.

Sans entrer dans l'énumération complète des mesures proposées ou à l'étude, on peut en signaler certaines, particulièrement emblématiques :

- l'instauration d'un régime de propriété du mobilier archéologique, de nature à garantir des conditions de conservation et d'accessibilité satisfaisante d'un point de vue scientifique et patrimonial ;

- le replacement de la notion de responsabilité scientifique de l'État au coeur du dispositif ;

- l'organisation de la conservation des vestiges in situ en utilisant une pluralité d'outils (acquisition, protection au titre des monuments historiques, protection des espaces protégés, intégration dans les documents d'urbanisme) ;

- la définition et l'organisation d'un pôle public de l'archéologie (qui réunirait l'État « culture », l'Institut national de recherches archéologiques préventives - Inrap -, les collectivités territoriales, le Centre national de la recherche scientifique - CNRS -, les universités) et la mise en oeuvre d'une garantie des conditions d'une concurrence équitable entre l'Inrap et les autres opérateurs ;

- la définition d'un bon équilibre entre les différents délais permettant la réalisation d'un travail scientifique de qualité compatible avec les contraintes de l'aménagement.

Votre rapporteur pour avis se réjouit que la définition de la politique de recherche soit prochainement abordée, compte tenu des difficultés rencontrées sur le terrain. Les personnels des services archéologiques territoriaux se sont d'ailleurs très récemment mobilisés autour de cette question, démontrant la nécessité de développer la réflexion relative à la politique nationale de recherche dans le domaine de l'archéologie préventive.

*

* *

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose à votre commission de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Patrimoines » au sein de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2014.

DEUXIÈME PARTIE

_______

TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

I. L'AFFIRMATION DES CHOIX POLITIQUES DU MINISTÈRE : UN BUDGET CONTRASTÉ

A. LES CONTRASTES DU BUDGET POUR 2014

La deuxième partie de ce rapport est consacrée aux crédits inscrits au programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture ». Quatre grands domaines sont appréhendés :

- l'enseignement supérieur et la recherche,

- la démocratisation culturelle et l'irrigation culturelle des territoires,

- la politique internationale,

- l'optimisation des moyens de fonctionnement.

Les crédits de ce programme dans le projet de loi de finances pour 2014 s'élèvent à environ 1 089 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et à 1 081 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) . Ces montants représentent une très légère hausse : + 0,3 % pour les CP et + 0,7 % pour les AE. C'est le seul programme de la mission « Culture » dont les crédits soient consolidés par rapport à 2013 , les crédits de paiement du programme 175 « Patrimoines » diminuant de près de 4 % et ceux du programme 131 « Création » de 3,7 %.

Le tableau ci-dessus montre l'évolution de crédits au sein du programme 224 et met en évidence une confirmation des choix politiques en faveur des différentes actions. En effet, trois tendances se dégagent assez nettement :

- premièrement, un effort très important bénéficie aux établissements d'enseignement supérieur et à l'insertion professionnelle . Il s'agit très clairement de la priorité budgétaire affichée du ministère avec des crédits de paiement s'élevant à près de 249 millions d'euros (soit une hausse de 7,19 %) et des autorisations d'engagement s'élevant à 239 millions d'euros (soit une hausse de 9,57 %) ;

- ensuite, certaines actions participent à la réduction des dépenses mais sont relativement préservées, puisque leurs crédits diminuent, mais de façon limitée . Il s'agit de l'action n° 7, qui correspond au fonds de soutien du ministère, dont l'enveloppe diminue de 0,19 % en CP et de 1,22 % en AE ; de l'action n° 6 « Action culturelle internationale » dont les crédits diminuent de 2,58 % en AE comme en CP ; enfin, de l'action n° 2 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » dont les CP et les AE baissent de 5,68 % ;

- enfin, les crédits de l'action n° 3 « Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé » diminuent pour la deuxième année consécutive , de 31,57 % par rapport à 2013. En deux ans les crédits de l'État destinés aux conservatoires ont ainsi été divisés par deux .

Globalement, quoi qu'il en soit , le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est très largement préservé au sein de la mission « Culture » en 2014 .

B. LES ACTIONS N°S 6 ET 7 ET LA BAISSE DES DÉPENSES

1. L'action culturelle internationale

Les crédits de l'action n° 6 « Action culturelle internationale » représentent un peu moins de 6 millions d'euros en AE=CP (en baisse de 2,58 %). Le projet annuel de performances rappelle que l'action internationale du ministère s'appuie notamment sur la convention pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) adoptée en octobre 2005. Quatre priorités sont identifiées :

- renforcer la place de la culture dans la politique de l'Union européenne et poursuivre la mise en oeuvre des projets initiés par la présidence française du Conseil en 2008 : label européen du patrimoine, bibliothèque numérique européenne, etc. Votre rapporteur pour avis note ici que l'action de la France pour défendre la place de la culture dans les débats relatifs à l'évolution du droit des aides d'État 7 ( * ) a porté ses fruits . En effet, le règlement 733/2013 du 22 juillet 2013 modifie le règlement 994/98 sur l'application des articles 92 et 93 du Traité instituant la Communauté européenne à certaines catégories d'aides d'État horizontales.

Ce règlement élargit le champ de compétence réglementaire de la Commission européenne pour déclarer certaines catégories d'aides d'État compatibles avec les dispositions des Traités. Il introduit de nouvelles catégories d'aides pouvant être exemptées par la Commission de l'obligation de notification préalable (« exemptions par catégorie »), incluant désormais les aides dans le secteur de la culture et de la conservation du patrimoine ;

- favoriser les échanges interculturels : soutien à l'Institut français en 2014 pour l'Année du Vietnam en France, coopération artistique, etc. ;

- accueillir les professionnels de la culture et les artistes étrangers en France : programme « Odyssée » avec les centres culturels de rencontre pour l'accueil en résidence d'artistes et d'écrivains étrangers ;

- valoriser l'expertise, l'innovation et le savoir-faire français, notamment par le développement de réseaux de professionnels susceptibles d'accroître l'influence et le rayonnement de la culture française dans le monde : Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS), convention France-Unesco d'aide aux pays émergents, etc.

2. Le fonds de soutien du ministère

Les crédits de l'action n° 7 « Fonds de soutien du ministère » comprennent, quant à eux, l'ensemble des moyens financiers consacrés aux fonctions de soutien de l'administration centrale et des services déconcentrés. Elle regroupe également la masse salariale en titre 2 de l'ensemble du ministère , afin de renforcer la maîtrise des emplois et leur évolution.

Trois objectifs sont présentés dans le projet annuel de performances :

- améliorer la qualité de service : simplification de l'accès à l'information, rationalisation des sites Internet ;

- réduire les dépenses publiques : ajustement des effectifs aux mission de l'administration centrale et des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) pour l'administration centrale sur la période 2013-2018, rationalisation des systèmes d'information sur la base d'un schéma directeur 2012-2015 avec intégration, en 2014, du système d'information des ressources humaines (SIRH) mis en oeuvre par l'opérateur national de paye (ONP) ;

- participer à la modernisation de la fonction publique : organisation des personnels en 18 corps répartis en quatre groupes, mise en place de la prime de fonctions et de résultats (PFR).

Avec 740,4 millions d'euros en CP et 742,1 millions en AE, l'action n° 7 représente près de 70 % des crédits du programme 224 . Le projet annuel de performances indique, pour les opérateurs du programme, un solde positif net des créations et suppressions d'emplois qui « s'explique par l'harmonisation du décompte du nombre d'heures en équivalent heures travaux dirigés des enseignants non titulaires au sein des écoles d'architecture ».

En réponse au questionnaire que lui a adressé votre rapporteur pour avis, le ministère indique, pour l'ensemble de la mission « Culture », une diminution de 83 équivalents temps plein (ETP) pour 2014 dans le schéma d'emplois, avec un taux de non-remplacement de 25 % des départs en retraite . En revanche, en 2014, le plafond d'emplois rémunérés par le ministère de la culture et répartis entre les différentes missions est en hausse de quatre équivalents temps plein travaillé (ETPT) (soit 10 932 ETPT). Cette hausse s'explique notamment par différents transferts (musée Picasso, Château de Fontainebleau) ainsi que par l'intégration des emplois de la Cinémathèque française désormais rattachée au programme 224 (au lieu du programme 334 « Livre et industries culturelles »).

II. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET ÉDUCATION : LES PRIORITÉS DU MINISTÈRE

A. ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR « CULTURE » : UN BUDGET REFLÉTANT LA DYNAMIQUE DES RÉFORMES STRUCTURELLES

1. Une dynamique liée aux réformes tant européennes que nationales

L'année passée, votre rapporteur pour avis avait souligné l'effort budgétaire permettant d'accompagner le secteur de l'enseignement supérieur en forte évolution. L'action n° 1 « Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle » était déjà, en 2013, une priorité avec des crédits en hausse de 2,5 %. Il s'agissait de la seule action dont le budget progressait avec celui dédié aux fonctions de soutien du ministère.

Depuis plusieurs années déjà , le ministère de la culture s'est engagé dans une modernisation de l'enseignement supérieur , notamment en direction des écoles d'architecture. Il a mis en oeuvre des moyens importants pour accompagner les établissements dans le processus de Bologne d'intégration au cursus dit LMD (licence-master-doctorat) et de création d'un Espace européen de l'enseignement supérieur, ainsi que pour rénover les bâtiments anciens et inadaptés.

Il est utile de rappeler que 101 établissements dépendent aujourd'hui du ministère de la culture et regroupent 35 000 étudiants . Leurs statuts et tailles sont très divers puisqu'on y recense des établissements publics nationaux, des établissements publics de coopération culturelle créés à l'initiative des collectivités territoriales, des associations. Comme indiqué ci-dessus, l'« enseignement supérieur culture » (ESC) est aligné sur le système LMD, aux trois grades pour l'architecture, au grade de master ou au niveau licence pour les autres secteurs.

L'adoption de la loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche a donné une nouvelle dynamique . De cette nouvelle loi découlent des réformes structurelles telles que la transformation des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) en communautés d'universités et d'établissements, mais aussi des réformes de gouvernance avec l'instauration d'une tutelle conjointe . En effet, l'article 4 de la loi modifie l'article L. 123-1 du code de l'éducation qui prévoit désormais que « le ministre chargé de l'enseignement supérieur (...) assure, conjointement avec les autres ministres concernés, la tutelle des établissements d'enseignement supérieur relevant d'un autre département ministériel et participe à la définition de leur projet pédagogique. À cette fin, il peut être représenté à leur conseil d'administration. Il est associé aux accréditations et habilitations de ces établissements. Des modalités complémentaires peuvent être prévues dans les statuts des établissements . »

L'article 85 prévoit par ailleurs que « le Gouvernement remet aux commissions permanentes compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, au plus tard le 30 juin 2014, un rapport évaluant les conditions d'alignement du statut des enseignants des écoles territoriales d'art sur celui des enseignants des écoles nationales d'art et comprenant une analyse de la mise en oeuvre de leurs activités de recherche ». Sont ainsi explicitement visés les enseignants des établissements de l'ESC sous tutelle des collectivités territoriales - dans le cadre d'établissements publics de coopération culturelle - ne bénéficiant pas des mesures leur permettant d'inscrire dans leur mission les activités de recherche, pourtant indispensables à l'émergence d'une politique dynamique en matière d'enseignement supérieur et de recherche.

C'est dans ce contexte législatif réformé que quatre axes de travail du ministère de la culture et de la communication sont identifiés dans le projet annuel de performances pour 2014 :

1. poursuivre le chantier de l'évolution statutaire de l'enseignement supérieur et de la recherche « Culture » , dans ses diverses dimensions pour ce qui concerne les enseignants chercheurs, les doctorants, mais aussi les enseignants des écoles d'art relevant de la fonction publique territoriale ou la clarification des conditions d'exercice des enseignants non titulaires notamment ceux issus du monde professionnel ;

2. engager la réflexion avec les collectivités territoriales , au sein du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), sur les liens à renforcer entre l'État et les collectivités en matière de recherche et d'enseignement supérieur . L'accent doit être mis sur la dimension d'innovation et la capacité de ces établissements à s'inscrire dans le tissu social et économique local ;

3. contribuer à structurer la gouvernance des établissements publics de coopération culturelle (EPCC) constitués ces dernières années dans le domaine de la création (arts plastiques et spectacle vivant) ;

4. renforcer la stature internationale du réseau des établissements publics d'enseignement supérieur « Culture » afin de répondre au contexte de concurrence nationale et internationale entre les écoles. Le ministère souhaite mettre l'accent sur les partenariats avec les autres acteurs de la formation et de la recherche, notamment au sein des PRES remplacés par les communautés d'universités et d'établissements en application de la loi relative à l'enseignement supérieur et à la recherche de juillet 2013.

2. Des crédits en hausse pour accompagner les établissements dans ces réformes

La dynamique des réformes se traduit directement sur l'évolution des dotations de l'action n° 1 du programme 224.

Les dépenses de fonctionnement

D'après les chiffres fournis par le ministère de la culture et de la communication, l'enseignement supérieur bénéficie de 138,8 millions d'euros en dépenses de fonctionnement, soit une hausse de 5,7 % par rapport au projet de loi de finances pour 2013.

Les crédits destinés aux écoles d'architecture sont en hausse de 5 millions d'euros (11,6%), afin « d'accompagner l'inscription de l'enseignement supérieur de l'architecture dans un parcours d'excellence et de recherche lui assurant une meilleure visibilité au plan européen ». 5 millions sont prévus pour la titularisation des enseignants des écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA).

La prise en compte des impacts de la loi Sauvadet et la mise en place des projets de communautés d'universités et d'établissements ont été évalués à 4 millions d'euros, soit une augmentation de 3,5 millions par rapport à 2013.

Subventions pour charges de service public
versées aux établissements d'enseignement supérieur culture

(en milliers d'euros)


OPÉRATEURS PRINCIPAUX

PLF 2013

PLF 2014

Variation par rapport à 2013
(en %)

AE = CP

AE=CP

Écoles d'architecture

43 057

48 057

11,6 %

École du Louvre

1 866

1 866

0,0 %

Institut national du patrimoine

6 290

5 940

- 5,6 %

Sous-total architecture et patrimoine

51 213

55 864

9,1 %

École nationale des Beaux-arts

7 353

7 053

- 4,1 %

École nationale supérieure des arts décoratifs

10 977

10 977

0,0 %

École nationale supérieure de création industrielle

3 605

3 605

0,0 %

Écoles nationales supérieures d'art en région

8 740

8 794

0,6 %

Académie de France à Rome

4 792

4 755

- 0,8 %

Sous-total arts plastiques

35 467

35 186

- 0,8 %

Conservatoire national d'art dramatique

3 470

3 370

- 2,9 %

Conservatoire national de musique et de danse de Paris

25 007

24 737

- 1,1 %

Conservatoire national de musique et de danse de Lyon

12 460

12 460

0,0 %

Centre national des arts du cirque

3 174

3 174

0,0 %

Sous-total spectacle vivant

44 111

43 743

- 0,8 %

Mise en oeuvre de la loi n° 2012-347
du 12 mars 2012

3 203

Projet de communautés d'universités et d'établissements

500

800

TOTAL OPÉRATEURS

131 291

138 796

5,7 %

Source : Commission de la culture de l'éducation et de la communication,
à partir du projet annuel de performances pour 2014

Les dépenses d'investissements

Les crédits destinés aux dépenses d'investissements pour 2014 ( près de 22 millions d'euros en CP au total, soit une augmentation de 4,2 millions ) traduisent la volonté du ministère de poursuivre ou d'entreprendre les travaux nécessaires à la modernisation de l'enseignement supérieur :

- 8,2 millions d'euros sont prévus pour honorer les paiements des travaux des ENSA de Clermont-Ferrand et de Toulouse ;

- 6,2 millions d'euros en CP et 5,2 millions en AE en direction des écoles d'art . Trois projets sont concernés : 3 millions d'euros (CP) sont prévus pour le projet ARTEM (Art, Technologie, Management), alliance entre trois grandes écoles nancéiennes : l'école nationale supérieure d'art de Nancy, l'école des mines de Nancy, et l'ICN Business School . Ce projet est également soutenu par les collectivités publiques concernées : la communauté urbaine du Grand Nancy, le conseil général de Meurthe-et-Moselle, le conseil régional de Lorraine, l'Union européenne (à travers le fonds européenne de développement régional - FEDER), et le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche ; 3 millions d'euros en AE et 1 million en CP sont destinés aux travaux de sécurité de l'école nationale des Beaux-arts de Paris.

2,2 millions d'euros en AE=CP doivent répondre aux besoins urgents de l'école nationale de la photographie (ENSP) d'Arles . Le projet initial prévoyait la construction d'un centre de conservation et de valorisation de la photographie, conçu comme un « site pilote pour le développement de la conservation et le traitement des fonds photographiques ». Le budget prévisionnel s'élevait alors à 25 millions d'euros. Compte tenu du contexte budgétaire contraint, les travaux seront limités au strict nécessaire pour répondre aux besoins les plus urgents de l'école qui doit aujourd'hui faire face à des risques de sécurité et à une inadaptation des locaux aux évolutions des enseignements. Le budget total est estimé à 19 millions d'euros. Le projet annuel de performances pour 2014 indique que la nouvelle implantation de l'école doit se déployer sur le site des anciens ateliers de la SNCF à proximité du projet de la fondation Luma, mis en oeuvre par l'architecte Frank Gehry. Le complexe culturel voulu par la fondation, tourné vers l'image et l'art contemporain, doit « développer des complémentarités » avec l'ENSP et lui faire bénéficier de sa dimension internationale. Ces deux projets devront amener le ministère de la culture à engager une réflexion sur la tenue du festival de la photographie d'Arles , dont le directeur a annoncé son départ prochain, faute d'avoir obtenu une garantie pour l'accueil physique des « Rencontres d'Arles ».

Enfin, 500 000 euros en AE et 3,5 millions d'euros en CP sont inscrits pour poursuivre les travaux des écoles du spectacle vivant . Sont concernés l'institut de la marionnette de Charleville-Mézières, le Centre national des arts du cirque (CNAC) de Châlons-en-Champagne, et le Centre de formation professionnelle aux techniques du spectacle (CFPTS) à Bagnolet.

Les dépenses d'intervention

Les crédits destinés aux dépenses d'intervention s'élèvent à 80,5 millions d'euros en CP et 82,7 millions d'euros en AE .

Ils doivent permettre au ministère de financer un nombre croissant de bourses sur critères sociaux . Les crédits affectés à ces aides sont en hausse de 9,1 % par rapport à 2013 avec 27,8 millions d'euros. Un fonds d'aide d'urgence annuelle « Culture » permet d'accorder une aide financière aux étudiants non éligibles aux bourses sur critères sociaux et dont la situation le justifie. Le ministère de la culture, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, indique qu'en août 2013, le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR) a procédé à la création de deux nouveaux échelons de boursiers entraînant un surcoût pour le ministère de la culture et de la communication estimé à environ 1,2 million d'euros en 2014.

12 millions d'euros en crédits déconcentrés sont destinés aux écoles d'art . Ils doivent soutenir les 10 établissements publics nationaux et les 35 établissements sous tutelle des collectivités territoriales relevant du ministère de la culture (31 EPCC, un établissement public local, deux écoles en régie municipales et l'association « Le Fresnoy, studio national des arts contemporains »). Un million d'euros sera consacré en 2014 à l'accompagnement de la structuration des écoles territoriales par voie de transformation en EPCC et au renforcement des activités de recherche.

Enfin, 21,25 millions d'euros de crédits déconcentrés sont destinés aux structures de formation du spectacle vivant .

B. ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE : LA CONFIRMATION D'UN NOUVEAU TOURNANT

1. La refondation de l'école : la consécration de l'éducation artistique et culturelle

La consultation nationale lancée le 21 novembre 2012 par la ministre de la culture et de la communication a ouvert le grand chantier de l'éducation artistique et culturelle en prenant en compte l'expérience des acteurs sur ce sujet. Les principales orientations pour 2014 s'inscrivent dans le cadre du projet national de l'éducation artistique et culturelle lancé en 2013. Les conditions nécessaires à cette réussite ont relevé en premier lieu de la cohérence entre les politiques déployées par les ministères de la culture et de la communication et de l'éducation nationale. Cette cohérence s'est traduite par l'inscription, pour la première fois depuis la création des deux ministères, de l'éducation artistique et culturelle dans la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République et par la signature le 3 mai 2013 d'une circulaire commune aux deux ministres instituant la notion de « parcours d'éducation artistique et culturelle » .

Poursuivant l'impulsion nouvelle donnée à l'éducation artistique et culturelle, le ministère de la culture et de la communication a engagé la construction d'un cadre contractuel avec les autres ministères via la signature de conventions bilatérales intégrant l'enjeu de l'éducation artistique et culturelle (convention culture-université, culture et politique de la ville, culture-jeunesse). Une charte d'engagements sera élaborée autour de leurs ambitions et références communes en matière d'éducation artistique et culturelle.

Dans ses réponses, le ministère de la culture note que « le parcours s'inscrit dans une politique éducative et culturelle globale et partagée. Il doit se concevoir comme une construction d'apprentissages sur un territoire à destination des jeunes, pendant et en dehors du temps scolaire. Le parcours favorise ainsi la concertation entre les différents opérateurs d'un territoire afin de construire une offre éducative et culturelle cohérente qui aille au-delà de la simple juxtaposition d'actions. » Comprenant les enseignements dispensés dans le cadre scolaire et complété par des actions éducatives élaborées dans une démarche de projet en partenariat, à l'école ou hors de l'école, le parcours d'éducation artistique et culturelle conjugue ainsi l'ensemble des connaissances acquises, des pratiques expérimentées et des rencontres avec les oeuvres, les lieux et les professionnels des arts et de la culture. Il se construit dans la complémentarité des temps scolaire, périscolaire et extra-scolaire.

Comme l'indique la circulaire du 3 mai 2013, « ce parcours contribue pleinement à la réussite et à l'épanouissement de chaque jeune par la découverte de l'expérience esthétique et du plaisir qu'elle procure, par l'appropriation de savoirs, de compétences, de valeurs, et par le développement de sa créativité. Il concourt aussi à tisser un lien social fondé sur une culture commune. »

Afin d'assurer la mise en cohérence et la continuité des propositions en faveur des parcours et de veiller au rééquilibrage des territoires, la circulaire instaure au niveau des services déconcentrés des instances de coordination réunissant les services de l'État concernés et les représentants des collectivités territoriales . Ces instances ont pour objectif de définir et mettre en oeuvre les grands axes stratégiques de développement de l'éducation artistique et culturelle sur leur territoire en portant une attention particulière aux territoires ruraux et péri-urbains.

2. Une priorité au sein d'une action dont les crédits diminuent

Comme indiqué plus haut, les crédits de paiement de l'action n° 2 diminuent entre 2013 et 2014, passant de 83,7 à près de 79 millions d'euros.

Les dépenses d'intervention, avec un total de 76,95 millions d'euros en AE=CP, sont stabilisées. En leur sein, une hausse de 5 millions d'euros vient souligner la volonté du ministère de la culture de soutenir le plan d'éducation artistique et culturelle, ainsi doté en 2014 de 7,5 millions d'euros en crédits déconcentrés. Les crédits totaux destinés à l'éducation artistique et culturelle, incluant les dispositifs partenariaux et les actions d'éducation à l'image, s'élèvent à 38,22 millions d'euros dont 92 % en crédits déconcentrés. Cette enveloppe globale était de 33,2 millions en 2013 et 30,13 millions en 2012. Ce plan devrait monter en puissance et mobiliser ainsi un total de 15 millions d'euros pour la période 2013-2015.

Le tableau de répartition des crédits de fonctionnement au sein des dépenses d'intervention montre également que les moyens dédiés aux pratiques amateurs ainsi qu'aux pratiques innovantes et numériques sont stables.

Répartition des crédits de fonctionnement, centraux et déconcentrés

(en millions d'euros)

Crédits centraux

Crédits déconcentrés

TOTAL

AE=CP

AE=CP

AE=CP

Total EAC

2,94

35,28

38,22

Plan EAC

0

7,5

7,5

Dispositifs partenariaux

2,94

9

11,94

Projets fédérateurs

0

11

11

Actions d'éducation à l'image

0

2,78

2,78

Actions de formation et de documentation (CFMI)

0

3

3

Programmes de sensibilisation

0

2

2

Soutien aux pratiques amateurs

1,5

3,2

4,7

Actions en faveur des publics spécifiques

3,294

9,62

12,914

Actions partenariales Culture/handicap, Culture/santé, Culture/ justice

3,294

3

6,294

Autres actions en faveur des publics spécifiques

2,4

2,4

Lutte contre l'exclusion et politique de la ville

4,22

4,22

Pratiques innovantes et numériques

1,4

1,6

3

Programmes numériques

1,4

0

1,4

Autres actions technologiques et pratiques culturelles

0

1,6

1,6

Actions territoriales

0,5

14,717

15,217

ADDM / ARDM

0

6,1

6,1

Autres soutiens aux politiques territoriales

0,5

8,617

9,117

Agence Outre-mer

0

0,25

0,25

Marseille 2013

0,25

0,25

TOTAL

9,634

64,917

74,551

Source : Projet annuel de performances pour 2014 - Mission « Culture »

3. Une attente des acteurs du secteur

De nombreux acteurs du secteur culturel sont mobilisés autour de la question de l'éducation artistique et culturelle (EAC). Tous ont en commun de soutenir cette politique volontariste et de vouloir contribuer à sa mise en oeuvre.

Ils expriment toutefois leurs inquiétudes et s'interrogent sur les conditions dans lesquelles le plan « EAC » peut se dérouler. Plusieurs risques sont évoqués, parmi lesquels :

- un désengagement du ministère de l'éducation nationale , qui pourrait s'appuyer sur le renforcement de l'action du ministère de la culture et de la communication ;

- des arbitrages budgétaires défavorables qui ne permettraient pas un dégel des crédits pour l'année 2013 . De nombreux interlocuteurs rencontrés par votre commission ont indiqué que le gel des crédits, s'élevant à hauteur de 6 %, était toujours de mise à l'heure actuelle ;

- l'inquiétude la plus partagée est celle de la sortie de l'EAC du temps scolaire. Ainsi le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) note un cloisonnement de l'EAC dans les temps d'activités périscolaires (TAP), et une situation dans laquelle les enseignants sont désinvestis de cette mission, et les « clés laissées aux animateurs ». Dans un communiqué en date du 15 octobre 2013, la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC) indique que « l'ambition démocratique porte une exigence majeure : c'est dans le temps scolaire que l'EAC doit être inscrite en priorité, en complémentarité avec les temps péri et extrascolaire. Ce temps - indépendant de la volonté inégale des parents et de l'engagement variable des collectivités - est le seul véritablement démocratique. Il faut des heures pour cela. Des financements. Et des professeurs, en mesure de travailler en lien avec les artistes. L'EAC ne doit pas être l'objet d'animations plus ou moins relayées par l'Education nationale.

L'EAC exige avant tout l'implication des enseignants des établissements scolaires, tant dans le primaire qu'au collège et au lycée. Tel est de fait la perspective tracée par la circulaire sur les «parcours d'EAC» cosignée par les ministères de la Culture et de l'Éducation nationale .

En liant trop étroitement l'EAC et la réforme des rythmes scolaires, la tendance est forte de faire basculer les actions menées dans le temps scolaire vers le périscolaire. La crise des budgets publics ne peut que favoriser ce basculement . »

Votre rapporteur pour avis prend note de ces inquiétudes ainsi que celles exprimées lors de l'examen du présent rapport par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. En effet, le report de l'effort vers les collectivités territoriales est un risque évoqué par plusieurs membres de votre commission. Le bilan de l'année scolaire 2013-2014 permettra d'apprécier les difficultés effectivement rencontrées.

III. ENSEIGNEMENTS ARTISTIQUES : VERS UN DÉSENGAGEMENT DE L'ÉTAT ?

A. DES CRÉDITS DIVISÉS PAR DEUX EN DEUX ANS

Votre rapporteur pour avis dresse un constat alarmant à la lecture du projet annuel de performances pour 2014. En effet, l'action n° 3 « Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé » subit la plus forte baisse du programme 224 par rapport à 2013 . Ces crédits concernent les établissements d'enseignement initial ou spécialisé (conservatoires) de la musique, de la danse et de l'art dramatique.

Avec 15 millions d'euros en AE=CP, c'est une chute de plus de 31 % qui est constatée en 2014. Elle suit une baisse de 25 % l'année passée. Au total, les crédits auront été divisés par deux entre 2012 - où ils s'établissaient à un peu moins de 30 millions d'euros - et 2014 .

Votre rapporteur pour avis avait souhaité que les crédits soient sanctuarisés en attendant la mise en oeuvre de la décentralisation des enseignements artistiques.

En effet, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a organisé la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État en matière d'enseignement artistique en clarifiant le rôle respectif de chaque niveau de collectivité publique dans l'organisation territoriale des compétences. Les communes et leurs groupements se sont ainsi vus confier les enseignements initiaux, les départements, l'organisation de schémas territoriaux, les régions, l'organisation et le financement du cycle d'enseignement professionnel initial (CEPI) et l'État, le contrôle pédagogique des établissements d'enseignement initial et la responsabilité des établissements d'enseignement supérieur artistique.

En parallèle, la loi a prévu le transfert aux départements et régions des crédits que l'État continue d'apporter aux établissements d'enseignement initial. Néanmoins, et faute de consensus avec les départements et les régions, les dispositions financières de la loi de 2004 n'ont, à ce jour, pas pu être mises en oeuvre et les crédits n'ont donc jamais été transférés. C'est la raison pour laquelle votre rapporteur pour avis analysait avec une attention toute particulière le budget proposé chaque année pour les conservatoires, qui constituent des relais essentiels de la politique culturelle, en assurant la transmission des savoirs et le développement des pratiques amateurs, et professionnelles.

Le paysage des enseignements artistiques en France

Établissements

Depuis dix ans, le nombre de conservatoires à rayonnement régional (CRR) et de conservatoires à rayonnement départemental (CRD) est stable et ne devrait pas connaître de progression majeure dans les années à venir. On en dénombrait 133 en 1994-1995, et 153 en 2013. En revanche, la catégorie des conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal (CRC - CRCI) est appelée à se développer pour répondre à un souci d'aménagement du territoire et à une répartition plus équitable des charges financières pesant sur les villes-centres. Aujourd'hui, on en compte 298.

Les conservatoires sont des établissements relevant de la responsabilité des communes et de leurs groupements pour plus de 95 % d'entre eux, quelques établissements dépendent de la responsabilité des départements.

Élèves

En un peu plus de quinze ans, les effectifs d'élèves des CRR et des CRD sont passés de 124 725 élèves en 1994, à 159 193 pour l'année scolaire 2008-2009, dont 136 877 en musique, 19 020 en danse et 3 296 en art dramatique.

Après s'être stabilisé en 2000-2001, l'effectif des élèves suivant un enseignement musical connaît une constante augmentation depuis l'année scolaire 2003-2004, qui, ajoutée à la croissance soutenue du nombre de danseurs et de comédiens, permet de confirmer la tendance à la hausse des effectifs totaux depuis plusieurs années.

Au regard des données partielles obtenues dans le cadre de l'enquête consacrée aux CRCI au titre de l'année scolaire 2007-2008, on constate une augmentation des effectifs d'élèves. En 2002, près de la moitié des écoles municipales agréées accueillaient moins de 400 élèves. En 2007-2008, sur un total de 151 établissements, on recense 84 699 élèves, ce qui représente une moyenne de 561 élèves par établissement. Les CRCI assurent tous un enseignement musical et plus de la moitié un enseignement de la danse. Un quart de ces établissements propose également un enseignement du théâtre.

Personnels

Les effectifs d'enseignants sont passés de 7 401 en 1995 à 9 274 pour l'année 2008-2009, dont 8 500 pour les seules disciplines musicales. Cependant, ces chiffres ne reflètent pas la réalité du nombre de professeurs intervenant dans l'enseignement artistique puisqu'ils ne concernent que les CRR et les CRD. 31 000 enseignants en musique ont été répertoriés par le département des études de la prospective et des statistiques (DEPS) en 2000, toutes écoles confondues (conservatoires, écoles municipales non agréées, écoles associatives).

S'agissant des CRD et des CRR, pour l'année 2008-2009, on recense environ 3 300 enseignants titulaires relevant du corps des professeurs d'enseignement artistique, les assistants spécialisés d'enseignement artistique titulaires sont, quant à eux, aux alentours de 2 200. En musique, près de 70 % des enseignants sont titulaires, un peu moins de 60 % en danse et de l'ordre de 30 % en théâtre. Les autres postes d'enseignant sont occupés, soit par des contractuels, soit par des vacataires.

Source : Ministère de la culture et de la communication 8 ( * )

L'encadré ci-dessus montre l'importance du réseau des enseignements artistiques. L'annonce de la baisse des crédits a suscité un grand nombre de réactions. Ainsi le Syndicat des personnels de direction des conservatoires (Spedic) a-t-il lancé une pétition - réunissant 13 300 signataires à la date du 11 novembre 2013. Il demande à la ministre de la culture de renoncer à la baisse des crédits alloués au fonctionnement des conservatoires.

Le projet annuel de performances pour 2014 indique que « dans le cadre d'un budget contraint par la situation économique, des choix de redéploiements entre actions ont dû être opérés. La subvention moyenne des CRR et CRD s'établit donc à un peu plus de 100 000 euros. Ces subventions représentent en moyenne entre 4 et 6 % du fonctionnement de ces structures . »

B. L'URGENCE D'UN DIALOGUE ENTRE ÉTAT ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

La tendance à la baisse des crédits de ces deux dernières années semble annoncer un désengagement de l'État, faute de mise en oeuvre de la décentralisation par les collectivités territoriales. C'est d'ailleurs une interprétation possible du projet annuel de performances qui indique que « si le débat sur le transfert des crédits de l'État aux collectivités concernées n'a pu être tranché, la loi de réforme des collectivités territoriales du 16 décembre 2010 a confirmé la compétence des trois niveaux de collectivités territoriales en matière de culture en instaurant dans ce domaine une clause de compétence générale . Cette disposition permet de prendre en compte la situation des conservatoires qui peuvent ainsi bénéficier de financements émanant des différents niveaux de collectivités . »

En outre, le ministère indique que « depuis le vote de cette loi, les travaux sur la décentralisation des enseignements artistiques ont repris dans le cadre d'un groupe de travail du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC). La réflexion sur ce chantier est toujours en cours, chacun des acteurs concernés (État et collectivités territoriales) convenant qu'une réécriture de la loi de 2004 est incontournable pour dépasser la situation actuelle. »

Par ailleurs, l'accent semble être largement mis sur l'éducation artistique et culturelle dans les réponses du ministère de la culture au questionnaire budgétaire . En effet, interrogé sur les travaux relatifs à la décentralisation des enseignements artistiques, ce dernier a surtout abordé la question de la place des conservatoires dans les dispositifs d'EAC en explicitant ainsi les orientations : « vers une redéfinition des partenariats ». Il indique en outre que, historiquement, les conservatoires collaborent avec les établissements scolaires dans le cadre des classes à horaires aménagés (CHA) depuis 1974. Les circulaires publiées depuis 2002 et la circulaire interministérielle du 29 avril 2008 portant sur le développement de l'éducation artistique en ont modifié les principes fondateurs. Tout en fixant des augmentations du nombre de CHA par académie, cette circulaire interministérielle du 29 avril 2008 précise qu'elles doivent être accessibles à tous les élèves et favoriser l'égalité des chances. Les élèves sont choisis, non pas en fonction d'un niveau de pratique artistique, mais sur des critères de motivation. La circulaire du 6 octobre 2009 portant sur l'ouverture des classes théâtre et celle de 2012 définissant les programmes poursuivent également cet objectif. En 2009, on dénombrait 272 cursus CHA, tous domaines confondus, dont 214 étaient spécialisés en musique (CHAM) et 48 en danse (CHAD) 9 ( * ) . Quant aux cursus dits « aménagements d'horaires », qui ne sont régis par aucun texte, 104 étaient recensés 10 ( * ) . « Le corpus des circulaires et programmes susvisés traduisent bien depuis dix ans cette volonté politique d'insérer les conservatoires dans le tissu associatif et éducatif local ou régional . Cette ligne directrice se manifeste aussi au sein du Conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC) créé par le ministère de la culture et de la communication en lien avec les collectivités. Le rapport remis au ministre de la culture et de la communication par Didier Lockwood en janvier 2012 au terme de sa mission de réflexion sur les nouvelles méthodes d'apprentissage et de transmission de la musique, confirme également cette évolution. »

Ce glissement sémantique doit-il laisser présager une fusion du dossier des enseignements artistiques avec celui de l'EAC et donc une reprise en main par le ministère de l'éducation nationale ? Ce sujet doit faire l'objet d'un débat rapide et d'une présentation claire des enjeux de l'État afin que les enseignements artistiques ne soient pas victimes d'un manque de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales. Il devient urgent de tirer les conséquences du retard pris par la réflexion sur la décentralisation et d'évoquer clairement la question budgétaire afin que la chute des crédits de l'État ne se poursuive pas sans que les collectivités aient défini les moyens de compenser ce désengagement .

*

* *

Compte tenu de ces observations, votre rapporteur pour avis propose de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2014.

*

* *

Après avoir entendu l'ensemble des rapporteurs, la commission donne un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits dans la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2014.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 20 NOVEMBRE 2013

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » au sein de la mission « Culture » . - Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est le seul de la mission « Culture » dont les crédits sont consolidés en 2014. Les autorisations d'engagement progressent de 0,7 % par rapport à 2013 pour atteindre 1 081 millions d'euros, ce qui témoigne des priorités affichées.

L'accent est mis sur l'enseignement supérieur, dont les crédits augmentent de 7,2 % en autorisations d'engagement pour atteindre 249 millions d'euros, et de 9,6 % en autorisations d'engagement, avec 239 millions. En application de la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche, des réformes structurelles ont été entreprises, telles que la transformation des pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) en communautés d'universités et d'établissements, mais aussi des réformes de gouvernance avec l'instauration d'une tutelle conjointe aux ministères de la culture et de l'enseignement supérieur et de la recherche.

La hausse des crédits doit aider les établissements à s'adapter au changement. Les dépenses de fonctionnement, fixées à près de 139 millions d'euros, sont en hausse de 5,7 %. Les écoles nationales supérieures d'architecture bénéficient de la plus forte augmentation. 5 millions d'euros sont prévus pour la titularisation de leurs enseignants, aux statuts très variés. La hausse de 4,2 millions des dépenses d'investissement doit rendre réalisables les travaux nécessaires à la modernisation des établissements ou le financement de projets tels que l'ARTEM de Nancy, alliance entre les Beaux-Arts, l'École des mines et l'ICN Business school . Je souhaite que d'autres projets de cette nature se développent partout en France.

Les crédits d'intervention permettront, en 2014, d'accorder plus de bourses sur critères sociaux et de renforcer la structuration du réseau des écoles d'art sous forme d'établissements publics de coopération culturelle.

La deuxième tendance de ce budget est une légère baisse des crédits des trois actions relatives au fonds de soutien du ministère, à l'action culturelle internationale, ainsi qu'au soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle. Les crédits de cette action diminuent, mais l'enveloppe consacrée à l'éducation artistique augmente. Celle-ci est désormais inscrite dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République. Une circulaire commune aux ministres de la culture et de l'éducation nationale, signée en mai 2013, a en outre institué le « parcours d'éducation artistique et culturelle ». Les crédits déconcentrés consacrés à la mise en oeuvre de ce parcours s'élèvent en 2014 à 7,5 millions d'euros. Au total, plus de 38 millions d'euros sont consacrés à l'éducation artistique et culturelle, soit une augmentation de 5 millions d'euros.

Ces évolutions positives suscitent toutefois deux types de craintes de la part des nombreux acteurs et en particulier chez les représentants des élus locaux : d'une part, celle du désengagement du ministère de l'éducation nationale, qui pourrait être tenté de s'appuyer sur l'action du ministère de la culture ; d'autre part, celle de la tentation de faire basculer les actions de l'éducation artistique et culturelle du temps scolaire vers le temps périscolaire.

Au sein du programme 224, on observe enfin une diminution de 31 % des crédits de l'action « Soutien aux établissements d'enseignement spécialisé » - c'est-à-dire les conservatoires pour l'enseignement de la musique, de la danse et de l'art dramatique -, après une baisse de 25 % l'an passé. Leur budget a ainsi été divisé par deux en deux ans, puisqu'il est passé de 30 millions à 15 millions d'euros. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait organisé la répartition des compétences entre les collectivités territoriales et l'État en matière d'enseignement artistique. Dans l'attente de la mise en oeuvre de cette décentralisation, j'avais souhaité que les crédits de l'État soient sanctuarisés. Or, le désengagement de l'État implique une hausse des dépenses des collectivités territoriales, aujourd'hui aidées à hauteur de 6 % au moyen des crédits déconcentrés. Un dialogue efficace doit s'établir d'urgence entre l'État et les collectivités territoriales.

Compte tenu de ces observations, je m'en rapporterai à la sagesse de la commission pour l'adoption des crédits de ce programme.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Ce budget suscite une vive inquiétude. Cela fait maintenant deux ans que j'attire l'attention sur la baisse des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle, que Frédéric Mitterrand avait préservés. La décentralisation de cette politique est loin d'être achevée. Le bien-fondé de la réforme n'est pas contesté, mais on ne peut lâcher le système dans la nature sans l'avoir organisé, d'autant qu'en période de crise, les départements se recentrent sur le coeur de leurs compétences, et se désengagent de la culture, laissant aux communes le soin de financer les établissements. Les professionnels craignent l'instauration d'un système à deux vitesses. Une pétition, qui a déjà recueilli 14 000 signatures, a même été lancée à Châlons-sur-Saône.

L'État doit dialoguer avec les collectivités territoriales. Mais à ce jour, je n'ai pu obtenir de rendez-vous avec Mme Filippetti pour lui parler de ce dossier. Mme Escoffier m'a assuré qu'elle tiendrait compte de nos inquiétudes dans le cadre de l'acte III de la décentralisation, mais le saucissonnage de la réforme en trois textes ne facilitera pas les choses. On ne peut organiser l'éducation artistique et culturelle si l'on n'organise pas l'enseignement spécialisé. Les enfants qui se découvrent des talents doivent avoir accès à ces enseignements.

Le risque de transfert de l'enseignement artistique et culturel vers le temps périscolaire est réel. Les petites collectivités, notamment rurales, ont déjà du mal à mettre en oeuvre la réforme des rythmes scolaires... Elles ne manquent pourtant pas d'ambition pour les enfants : il faut leur donner les moyens de les réaliser.

Mme Françoise Cartron . - Merci pour ce rapport très complet. Attention toutefois à la confusion des termes : l'éducation artistique n'est pas remise en cause au sein des « parcours d'éducation artistique », qui organisent la complémentarité entre temps scolaire et temps périscolaire. Dans le premier degré, les enseignants doivent proposer des activités artistiques dans leur temps d'enseignement. Dans le second degré, s'il faut rester vigilant sur le nombre de professeurs, l'on peut se féliciter du nombre d'options artistiques proposées au baccalauréat. Les parcours d'éducation artistique consistent à offrir davantage aux enfants en complément des activités proposées dans le temps scolaire. Les crédits baissent légèrement mais cette politique n'est pas remise en cause.

Mme Catherine Morin-Desailly . - La baisse n'est pas légère !

Mme Françoise Cartron . - Il ne faut en tout cas pas dire que l'éducation artistique à l'école est menacée. Nous devons veiller à enrichir l'offre d'enseignements artistiques en dehors du temps scolaire : les territoires ont là un rôle majeur à jouer dans le soutien aux établissements spécialisés. Il faut en outre se battre pour que les Drac attribuent des crédits aux établissements qui incluent l'éducation artistique dans leurs projets.

M. Michel Le Scouarnec . - Les conservatoires perdent successivement 25 % et 31% de leurs financements en deux ans. Cette baisse va avoir des conséquences financières graves pour les communes, qui doivent déjà faire face à la baisse de la dotation de l'État. Cela ne me convient pas du tout.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - L'éducation artistique fait partie des programmes officiels mis en oeuvre dans le temps scolaire. La ministre a écrit aux membres du Conseil supérieur des programmes pour insister sur son caractère obligatoire : elle est donc consolidée pour l'avenir.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Nous sommes passés tout près de la suppression des bourses aux élèves des conservatoires. En outre, les crédits de l'action culturelle internationale diminuent, sans que l'on sache dans quelle mesure le ministère des affaires étrangères prendra le relais. Nos réseaux culturels à l'étranger, dont Culture France, risquent d'être particulièrement touchés.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis . - Je n'ai compétence que sur l'action n° 6, qui entend renforcer la place de la culture dans l'Union européenne - action essentiellement symbolique -, favoriser les échanges interculturels, accompagner les professionnels de la culture et les artistes étrangers, ainsi que valoriser l'expertise et le savoir-faire français. Les crédits qui lui sont affectés sont modestes : de l'ordre de 6 millions d'euros.

Je transmettrai les inquiétudes que vous avez exprimées sur le risque de transfert de charges sur les collectivités. L'éducation artistique et culturelle ne fait que commencer, puisque la convention relative aux parcours n'a été signée que cette année, mais l'on comprend l'inquiétude des associations d'élus locaux. Dans la présentation de la mission, le ministère de la culture indique que le parcours d'éducation artistique et culturelle s'inscrit dans une perspective globale et partagée visant à construire les apprentissages pendant et en-dehors du temps scolaire. J'attirerai l'attention en séance sur le risque que le temps périscolaire ne l'emporte sur le temps scolaire.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Nous en venons à présent au rapport de Mme Maryvonne Blondin sur l'action n° 1 du programme « Création ».

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis des crédits consacrés à l'action « Spectacle vivant » au sein du programme « Création » de la mission « Culture » . - Les crédits du programme « Création » destinés au spectacle vivant permettent au ministère de la culture de maintenir les priorités du secteur dans un contexte budgétaire contraint. C'est important car ce secteur contribue au dynamisme économique de notre pays.

L'action n° 1 du programme, dédiée au spectacle vivant, bénéficie de 683 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une baisse de 4,2 %, et de 664 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit une diminution de 2,2 %. Les priorités en matière de diversité et de renouvellement de l'offre culturelle à toutes les étapes de la création, priorités affichées, sont préservées.

Les dépenses d'intervention sont en hausse de 4,5 millions d'euros, mais 5,7 millions des crédits centraux sont destinés à la Philharmonie de Paris. L'accumulation des retards et surcoûts devient très inquiétante et difficilement justifiable aux yeux des autres acteurs du secteur qui y voient un phénomène de concentration des dépenses au profit d'un projet parisien devenu incontrôlable. Si les collectivités territoriales géraient leurs budgets et leurs chantiers de cette façon, elles seraient jugées gravement irresponsables !

Les crédits déconcentrés d'intervention sont stabilisés à près de 284 millions d'euros, et permettent de maintenir un effort soutenu de l'État en direction des territoires.

« L'écosystème » du spectacle vivant a bénéficié d'un arbitrage particulièrement favorable avec le dégel des crédits intervenu dès le mois de juillet 2013. Le projet annuel de performances instaure un nouvel indicateur, qui mesure la durée moyenne des spectacles sur une saison et dans un même lieu. Un tel objectif d'allongement du nombre de représentations devrait avoir un impact positif sur l'emploi et sera source d'économies.

Le secteur du spectacle vivant est particulièrement sensible aux aléas budgétaires - surgels et annulations de crédits -, car les programmations sont définies jusqu'à quatre ans à l'avance. Mais les régimes de TVA sont source d'encore plus de complexité. Les règles applicables aux recettes des salles de spectacle varient en fonction du type de spectacles, du nombre de représentations, mais aussi des modalités de consommation : les billets pour spectacle de variétés sont taxés à 19,6 %, bientôt 20 % si les consommations sont obligatoires ou pendant le spectacle, mais à 5,5 %, si la consommation est facultative ou hors séance ! Or ces modalités dépendent des concessionnaires, qui varient selon les lieux et dans le temps. Les acteurs du secteur réclament un cadre fiscal plus stable.

Le taux de TVA applicable aux artistes auteurs passera prochainement à 10 %. Ceux-ci sont au coeur de la création mais ne bénéficient pas des taux réduits prévus pour la billetterie des salles de cinéma ou de spectacle, ou encore pour les importations d'oeuvres d'art. Le manque à gagner induit par un taux réduit pour les droits d'auteur serait important - l'État l'a évalué à 60 millions d'euros - mais la défense de la place des artistes auteurs devrait être une priorité. Il est incohérent de traiter différemment les artistes et leurs productions.

L'article 31 du projet de loi de finances abaisse le plafond de la taxe affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), de 27 à 24 millions d'euros, alors que l'on estime son rendement à 24,3 millions en 2013. Cette décision s'inscrit dans la logique d'effort budgétaire global mais soulève des difficultés, car le CNV joue un rôle moteur pour les entreprises du secteur : l'abaissement du plafond diminuera les aides sélectives qui soutiennent les structures les plus fragiles et remettra en cause une partie du droit de tirage, contrepartie du paiement de la taxe. La ministre s'est d'ailleurs engagée à défendre un relèvement du plafond à 24,3 millions d'euros.

Une piste mériterait d'être exploitée : l'évaluation, en heures travaillées, du temps de travail des intermittents, afin que les entreprises du spectacle vivant bénéficient du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi.

Depuis trois ans, les efforts de structuration du secteur ont permis de faire d'importants progrès. La circulaire du 31 août 2010 relative aux réseaux et labels a généralisé la conclusion de conventions d'objectifs pluriannuelles, puisque 72% des structures étaient conventionnées en 2012. Leurs modalités de signature devraient être davantage simplifiées.

Le cas des musiques actuelles illustre parfaitement les effets de la structuration du secteur. Le plan Smac dédié aux scènes de musiques actuelles a permis de dégager des crédits croissants, qui représentaient 9,6 millions d'euros en 2014. Le label Smac concerne aujourd'hui 82 équipements - mais en principe un par département. Pour les autres, l'État a mis en place des schémas d'orientation des lieux de musiques actuelles (Solima), qui associent les acteurs des musiques actuelles, l'État, et les collectivités territoriales. Celles-ci jouent un rôle essentiel pour l'ensemble du secteur du spectacle vivant, même si leurs dépenses culturelles ont parfois baissé.

Enfin, l'État a renforcé la dimension sociale du secteur. Un fonds de formation professionnelle continue pour les artistes auteurs, dont la gestion est confiée à l'assurance formation des activités du spectacle (Afdas), a été mis en place en 2013 et devrait financer 6 000 à 7 000 formations par an. La ministre de la culture a en outre adressé aux préfets de région, le 22 février 2013, une circulaire destinée à préciser les modalités de recrutement des dirigeants dans les structures labellisées et les réseaux du spectacle vivant, énonçant clairement l'objectif de parité.

L'examen du projet de loi d'orientation de la création artistique annoncé par la ministre pour 2014 sera l'occasion de revenir sur tous ces sujets, qui suscitent de nombreuses attentes de la part des acteurs du secteur.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette action du programme « Création ».

Mme Françoise Laborde . - La multiplication des taux de TVA rend le système trop complexe. La hausse de la TVA sur les artistes est particulièrement contestable : le spectacle vivant, c'est d'abord de l'humain. Le rapport sur les intermittents sera particulièrement important à suivre ; des pistes d'économies existent. Je voterai ces crédits.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Depuis 2012, les crédits dédiés à la création ne cessent de diminuer : les inquiétudes des professionnels sont bien légitimes. Les gels, dégels et redéploiements de crédits rendent impossible toute prévisibilité de leur activité, qui s'inscrit sur deux ou trois années. Sans compter que les recettes d'exploitation diminuent, de près de 20 % dans certains établissements. Le secteur traverse une crise grave. Il est victime d'une double peine, puisque les dotations aux collectivités sont amputées de 1,5 million d'euros, les empêchant ainsi de compenser les crédits manquants.

Le projet de loi d'orientation de la création tarde à venir, ainsi que celui sur la décentralisation. Les inquiétudes de nos concitoyens grandissent. Je ne voterai pas ces crédits.

M. André Gattolin . - Que la culture ne soit pas considérée comme une priorité dans cette période de crise, cela se conçoit. En effet, le secteur de la musique, qui avait particulièrement souffert de l'émergence du numérique pendant quinze ans, semble à présent relever la tête, grâce au développement de l'offre légale en ligne et à la vigueur de l'activité de spectacle et de concert. La scène n'a jamais généré autant de revenus qu'aujourd'hui. Le relèvement du taux de TVA sur les produits culturels et la baisse de celui sur la scène n'est donc pas illogique, compte tenu de l'évolution de cet écosystème.

M. Pierre Laurent . - Les choses ne me semblent aussi imprévisibles que vous le suggérez : la baisse régulière des crédits que nous observons depuis l'année dernière se poursuivra de manière certaine si rien n'est fait pour l'enrayer. Nous ne partageons pas l'idée de la ministre qui entend faire contribuer son budget aux sacrifices de tous. La culture, comme l'éducation, devrait être une priorité.

Un mot sur la Philharmonie de Paris : l'absence d'équipement de cette nature était un problème dénoncé par tous. Le projet présente en outre un volet pédagogique tout à fait intéressant. Cela n'excuse pas le dérapage financier, mais nous ne pouvons pas cacher la misère du budget de la culture derrière la Philharmonie. Nous ne pouvons pas adopter ces crédits.

M. Jean-Pierre Leleux . - Ce rapport est inquiétant. Des moyens supplémentaires étaient demandés pour la culture il y a à peine deux ou trois ans. C'est un monde particulier, en attente. Après avoir bénéficié pendant quelques décennies de moyens importants, il est particulièrement touché aujourd'hui.

Les moyens du CNV diminuent. Souvenez-vous que sa réforme était demandée il n'y a pas deux ou trois ans.

Notre commission a beaucoup travaillé sur la question du marché noir des billets de spectacle. Nous avons eu gain de cause, mais il faudrait évaluer l'efficacité du système mis en place. Je doute que nos objectifs soient atteints, en dépit de quelques procès retentissants qui ont marqué les esprits.

Le rapport Lescure relatif à l'acte II de l'exception culturelle a relayé l'idée de créer un droit voisin du droit d'auteur au bénéfice des auteurs du spectacle vivant. À l'heure de la numérisation des spectacles, cette demande est légitime. Une telle initiative serait source d'espoir et compenserait les craintes suscitées par la baisse des crédits budgétaires.

Devant la baisse des crédits, il nous sera difficile de les voter.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Les pratiques culturelles des Français évoluent : les musiques actuelles arrivent nettement en tête. Le secteur s'est en effet structuré, mais il ne bénéficie pas de crédits correspondant à son importance ! Il convient de s'interroger sur les priorités retenues.

Mme Maryvonne Blondin, rapporteure pour avis . - Vos propos témoignent des inquiétudes qui agitent le secteur. L'examen de l'acte III de la décentralisation et de la loi d'orientation sur la création artistique fournira l'occasion d'y répondre en détail.

Les régimes de TVA sont de plus en plus complexes, en effet.

Le mécénat est très présent dans les différentes structures culturelles et mérite que l'on s'y arrête. Tout n'est pas budgétaire. L'accompagnement social est également une priorité du ministère. À cet égard, la création d'un fonds de formation professionnelle est une avancée majeure. L'amélioration de la couverture sociale des artistes auteurs avec la fusion de l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (AGESSA) et de la maison des artistes procède de la même logique.

Le projet de la Philharmonie de Paris comporte un aspect pédagogique important, c'est vrai. Il reste à souhaiter que les élèves s'y rendront massivement, et pas seulement ceux scolarisés dans le secteur.

La loi d'orientation sur la création sera l'occasion de revenir sur les pratiques culturelles des Français. La mise en place d'instruments d'observation du secteur en 2014 fournira les informations qui nous manquent sur notre connaissance des pratiques artistiques.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Nous retenons les alertes que vous avez émises et l'avis favorable que vous avez rendu. Nous passons à l'examen du rapport pour avis de M. Vincent Eblé sur les crédits du programme « Patrimoines ».

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis des crédits consacrés au programme « Patrimoines » de la mission « Culture » . - Le programme « Patrimoines » participe incontestablement au redressement des finances publiques. Son budget est en baisse de 3,9 % en crédits de paiement et de 1,9 % en autorisations d'engagement, mais cette diminution n'est pas uniforme. Elle traduit au contraire des choix politiques cohérents, non seulement au sein du programme mais aussi au regard de l'ensemble de la mission « Culture ».

Deux actions voient leurs crédits augmenter fortement en raison du lancement de nouveaux projets : les patrimoines archivistiques et archéologiques d'une part, auxquels l'État accordera en 2014 1,9 million d'euros supplémentaires, soit une hausse de 7,5 % des crédits de paiement. Cette enveloppe couvrira les nouveaux besoins du centre national des archives de Pierrefitte-sur-Seine, et soutiendra les projets de travaux des archives départementales dont les crédits augmentent de 8% en crédits de paiement et de 12 % en autorisations d'engagement.

Les crédits du patrimoine archéologique progressent de 1,5 million d'euros en crédits de paiement et de 9,6 millions en autorisations d'engagement afin de lancer le projet « Lascaux 4 » ainsi que le centre de conservation et d'études à Metz. Un dysfonctionnement informatique lié au système Chorus bloque toutefois, depuis le début de l'année 2013, la liquidation de la redevance d'archéologie préventive au titre de la filière urbanisme. L'Institut de recherches archéologiques préventives (Inrap) se retrouve donc une nouvelle fois dans une situation financière extrêmement délicate, alors que la réforme de 2011 permettait enfin de financer correctement l'archéologie préventive. Cette situation n'est pas acceptable : j'interpellerai le ministère en charge de l'urbanisme sur ce point.

Les crédits du patrimoine monumental sont stabilisés en 2014, comme ceux destinés au patrimoine linguistique et à l'architecture. J'ai d'abord été alerté par les différents acteurs du patrimoine et par les élus locaux auditionnés, particulièrement inquiets de la situation du petit patrimoine non protégé -là aussi, les petits peuvent être désavantagés au bénéfice des gros- mais aussi de l'absence de « culture de l'entretien », acte pourtant tout aussi fondamental que la restauration pour la bonne préservation des monuments historiques. Les crédits destinés à ces monuments, qui s'élèvent à 312 millions d'euros en crédits de paiement en 2014, dont 72 % sont des crédits déconcentrés et financent de nombreux chantiers sur l'ensemble du territoire. Le taux de consommation des crédits a baissé ces dernières années. Cette baisse a varié d'une région à l'autre mais également en fonction des années. En 2013, le taux de consommation devrait être de 100 % d'après les estimations du ministère de la culture. Espérons que nous puissions dresser ce constat l'année prochaine.

Le ministère a véritablement pris conscience des conséquences de la réforme de la maîtrise d'ouvrage, incombant désormais aux propriétaires des monuments historiques, que j'avais qualifiée il y a deux ans dans mon premier rapport d'objet d'inquiétude non identifié. Un travail très important a été réalisé depuis lors pour mesurer les attentes très fortes des collectivités territoriales et plus particulièrement des petites communes, qui ne connaissent même pas l'existence de l'assistance à maîtrise d'ouvrage. Les travaux liés à la modernisation de l'action publique ont mis en évidence la nécessité d'anticiper le plus en amont possible le contrôle scientifique et technique. Les collectivités, comme les propriétaires privés, devraient être destinataires de guides pratiques complets et être informés des possibilités d'avances de subventions pouvant aller jusqu'à 30 %.

Les musées voient leurs crédits diminuer au titre de l'action « Patrimoine des musées de France » (-10 %) comme à celui de l'action « Acquisition et enrichissement des collections publiques » (-2,3 %). Cette baisse marque avant tout la fin de travaux importants tels que la construction du MuCEM ou les centrales d'air du Centre Pompidou et l'abandon du projet de la Maison de l'Histoire de France. Les crédits à destination des musées territoriaux sont préservés à hauteur de 15 millions d'euros. La baisse des crédits d'acquisition a amorcé une nouvelle dynamique des prêts et dépôts dans les musées nationaux en régions et les musées territoriaux. Le récolement décennal qui doit s'achever en juin 2014 devrait faciliter une nouvelle politique de circulation des collections publiques, tout en offrant un outil d'analyse de l'origine des oeuvres. De nombreuses questions devraient être traitées dans le projet de loi sur les patrimoines annoncé par la ministre de la culture. Les réformes législatives auront pour objectif d'accompagner ou de rendre possibles les réformes structurelles qui sont aujourd'hui indissociables d'une utilisation vertueuse des crédits destinés à l'ensemble des patrimoines. Dans cette attente, je propose un avis favorable à l'adoption des crédits.

M. Jean-Pierre Leleux . - On évoque souvent l'importance du patrimoine, facteur de cohésion sociale, en période de crise. C'est vrai : malgré la crise, c'est un véritable engouement, lors des journées du patrimoine ou des journées portes-ouvertes des musées, pour ce qui peut nous fédérer. Le patrimoine est un héritage que l'on reçoit et que l'on a le devoir de transmettre. Je regrette que l'on sacrifie ce budget fédérateur dans une période de dislocation sociale. Vous regrettez avec raison que l'on donne beaucoup au gros patrimoine, au détriment du petit, et que l'on néglige la culture de l'entretien. Des crédits sont ainsi concentrés sur des grands projets assez souvent parisiens - ne revenons pas sur la Philharmonie... Vous n'avez pas évoqué le projet de loi sur les patrimoines actuellement en rédaction entre le ministère de la culture et le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, dans lequel le gouvernement veut simplifier les dispositifs de politique patrimoniale, notamment dans les secteurs sauvegardés. En qualité de président de la commission nationale des secteurs sauvegardés, j'ai peur que cette loi de simplification ne complique les choses ! Il faudrait sans doute examiner très en amont ces questions, peut-être avec les députés spécialisés dans le patrimoine.

Je me réjouis enfin de voir s'imposer petit à petit la notion de patrimoine immatériel. Lorsque la bourrasque de la rapidité balaie notre société, il faut encore plus préserver les savoir-faire dans le domaine de la musique, du conte, ou de l'artisanat.

M. Jean Boyer . - L'archéologie préventive est sans doute nécessaire ; mais elle bloque parfois les chantiers trop longtemps et contrarie les porteurs de projets, qui ont du mal à faire revenir une entreprise écartée pendant une trop longue période.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Je suis inquiète de la baisse des crédits - qui ne datent pas d'aujourd'hui - et que je vis en tant que membre du conseil d'administration du Centre Georges-Pompidou. Cela placera les musées devant des choix difficiles, ceux de restructurations plus lourdes que jamais. C'est préoccupant à l'heure où nous observons une hausse de la fréquentation - même si nous devons toujours demander si les jeunes qui échappent au parcours scolaire fréquentent les musées... Le mécénat augmente proportionnellement à la baisse du financement public, ce qui ne sécurise pas financièrement les musées.

M. Michel Le Scouarnec . - Je suis inquiet pour les territoires ruraux où de nombreux projets de rénovation de chapelles ou d'églises n'attendent qu'un financement -comme la ville dont j'ai été le maire- alors que les crédits sont concentrés sur des grands projets, au détriment de l'égalité des territoires. Il faut partager la culture. J'ai peur que la baisse soit encore plus forte dans les régions les plus éloignées du centre.

M. Vincent Eblé, rapporteur pour avis . - Le patrimoine est un héritage, mais il ne doit pas être borné par la chronologie : c'est aussi la création. Ce budget consent des efforts pour l'architecture, pour les réseaux, les Conseils d'architecture, d'urbanisme, et de l'environnement (CAUE) et au-delà du programme 175 au bénéfice des écoles d'architecture. Ce budget n'est en aucun cas sacrifié. Les crédits consacrés à l'entretien des monuments historiques, aujourd'hui de 48 millions d'euros, étaient en 2007 de 30 millions d'euros, en 2008 de 32 millions d'euros et en 2009 de 31 millions d'euros. Je partage le souci d'ouvrir le patrimoine à des publics divers, comme le font le Louvre et le centre Georges-Pompidou par l'éducation artistique et culturelle, à laquelle Jean-Luc Martinez, le nouveau président de l'établissement public du Louvre nous a annoncé que mille mètres carrés seraient bientôt consacrés. Si les musées doivent revoir à la baisse leurs acquisitions, le travail en direction du public ne doit pas s'interrompre.

Il faut répondre au problème d'une archéologie préventive parfois trop longue, si nous ne voulons pas qu'elle devienne un empêcheur d'aménager en rond : les défenseurs de la culture ne sont en effet pas sûrs de sortir vainqueurs d'un affrontement du pot de terre contre le pot de fer. L'Inrap, lorsqu'il est concerné, doit avoir les moyens d'agir rapidement. Pour rassurer notre collègue Le Scouarnec, dans les yeux duquel j'ai vu briller le golfe du Morbihan, les dépenses pour le grand patrimoine centralisé s'interrompent - comme pour le Mucem ou Pierrefitte - ou sont abandonnées - comme pour la Maison de l'Histoire de France. L'action en faveur d'un patrimoine plus diffus est moins visible, mais plus utile pour un maillage territorial et la dynamique économique à travers le tourisme ou les travaux.

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure pour avis des crédits consacrés à l'action « Arts plastiques » au sein du programme « Création » de la mission « Culture » . - J'analyserai l'action n° 2 du programme 131 « Création », mais aussi les crédits destinés au soutien de la photographie, répartis entre plusieurs programmes de la mission « Culture ». Les crédits de paiement de l'action n° 2 intitulée « soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts plastiques » sont en légère hausse de 1,4 % pour arriver à 63,3 millions d'euros, mais les autorisations d'engagement baissent fortement (-15,2 %) pour parvenir à 61,5 millions d'euros ; cela s'explique par la fin de l'installation de la collection Lambert en Avignon - que certains d'entre nous ont eu la chance de visiter en juillet dernier lors du déplacement de la commission - et par la suppression de la compensation versée par le ministère à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) - contrepartie au moratoire obtenu par le Royaume-Uni pour l'extension du droit de suite devenue sans objet. Si les crédits sont préservés, ils ne représentent qu'une très faible part (9,3 %) du programme « Création ». Les opérateurs du secteur contribuent à l'effort budgétaire puisque leurs subventions diminuent : de 1 % pour le Centre national des arts plastiques (CNAP) et de 2,5 % pour la Cité de la céramique.

Les crédits centraux d'intervention s'élèvent à près de 15 millions d'euros. Pour la première fois, 800 000 euros sont destinés à un fonds de soutien des galeries d'art. Cette enveloppe sera utilisée sous forme d'avance remboursable gérée par l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (Ifcic) et devra être complétée par des crédits privés représentant au moins 20 % de l'apport total. Le comité chargé de choisir les galeries bénéficiaires favorisera, je l'espère, une sélection géographiquement et économiquement équitable. Une étude de juin 2013 montre en effet les fortes disparités qui existent, en termes de chiffre d'affaires, entre les galeries parisiennes et celles implantées en régions, mais aussi en fonction de la participation à des foires ou des salons nationaux ou étrangers. Espérons que ce fonds de soutien permettra à de petites galeries d'accéder à ces rencontres, essentielles pour leur développement économique et le rayonnement des territoires. Une hausse des aides aux associations professionnelles et structures ressources de 160 000 euros est proposée en 2014 pour atteindre un total de 640 000 euros. Il faudra favoriser un certain équilibre entre le soutien aux associations des artistes et celui aux structures des diffuseurs, sous peine d'influencer les débats relatifs au secteur, tels que ceux relatifs au respect de la propriété intellectuelle, alors qu'artistes et diffuseurs peuvent avoir des avis très opposés sur ces sujets. Le Palais de Tokyo bénéficiera de 6,5 millions d'euros en 2014. Comme mon prédécesseur l'an passé, je constate avec regret que l'établissement ne respecte toujours pas les objectifs de collaboration avec les fonds régionaux d'art contemporain (Frac) et les centres d'art, visant à valoriser les dynamiques artistiques des territoires. Les crédits déconcentrés s'élèvent à 29,3 millions d'euros pour conforter l'action des Frac et financer notamment les travaux de sept nouveaux Frac dits de nouvelle génération.

Les crédits consacrés à la photographie sont heureusement préservés, hormis les aides provenant du Centre national des arts plastiques (Cnap), dont la baisse correspond à la fois à la contrainte budgétaire de l'établissement mais aussi à un recentrage des missions, demandé par le ministère, dont je vérifierai qu'il ne vise pas particulièrement la photographie. La carte de presse semble de moins en moins facilement attribuée aux photojournalistes, comme le prouvent les chiffres relativement alarmants de la commission de la carte. Une réflexion de fond doit être engagée pour faire évoluer la procédure d'attribution de cette carte, qui ne tient pas compte de l'évolution des formes de rémunération des photojournalistes. La structuration du secteur des arts plastiques a particulièrement progressé depuis deux ans : création du fonds de formation professionnelle continue pour les artistes auteurs, travaux en cours pour négocier une convention collective du secteur des arts plastiques avec une forte implication du ministère de la culture, progrès attendus de la fusion entre l'Agessa et la Maison des artistes pour offrir aux artistes auteurs une couverture sociale unique, plus efficace avec des règles plus transparentes et plus compréhensibles par tous.

Deux sujets suscitent le mécontentement des artistes auteurs. J'ai découvert avec stupéfaction que les structures publiques ou subventionnées par l'État ne respectaient pas les droits patrimoniaux des artistes, dont le droit de présentation publique. Comment demander aux acteurs privés de respecter ce que la plupart des Frac ou des centres d'art ne respectent pas ? Il me semble que ce sujet doit constituer une priorité et je suis heureuse de la réponse de la ministre en commission la semaine dernière. La hausse du taux de TVA intermédiaire à 10 % suscite ensuite l'incompréhension du secteur alors que plusieurs dispositions du projet de loi de finances ou du code général des impôts prévoient un taux réduit à 5,5 % dans le domaine culturel. Or il faut reconnaître la place centrale de l'artiste, qui ne doit pas être le seul à faire face à des hausses alors qu'il est au coeur de la création. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à revenir à un taux réduit pour les droits d'auteur. Je vous propose donc de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de l'action n° 2 du programme « Création », au sein de la mission « Culture ».

L'amendement que je propose tend à créer un article additionnel après l'article 7 bis . L'Assemblée nationale a décidé que les importations d'oeuvres d'art ainsi que la billetterie du cinéma seraient assujetties au taux réduit de TVA, au même titre que les ventes de livres ou la billetterie du spectacle vivant, mais pas les droits d'auteur. Sans mon amendement, le taux réduit concernerait donc les biens et services culturels mais pas pour les artistes, qui supporteraient en outre une baisse de rémunération, alors que celle-ci est déjà nettement inférieure à la moyenne nationale : les statistiques figurent dans mon rapport écrit.

Mme Françoise Laborde . - Cela aura-t-il pour effet d'unifier les taux de TVA ou de les complexifier, ce à quoi je suis opposée ?

M. Jean-Pierre Leleux . - On ne peut être que d'accord avec cet amendement. Le cinéma était assujetti au taux normal par le projet de loi et a été ramené à 5,5 % par l'Assemblée nationale. Nous nous sommes suffisamment battus pour le cinéma pour qu'on accompagne cette extension logique.

Mme Catherine Morin-Desailly .   Nous soutiendrons cet amendement.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Recadrons les choses : cet amendement sera débattu dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances consacrée aux recettes,

Mme Corinne Bouchoux, rapporteure pour avis - Il est compréhensible que notre commission, attachée à la culture, propose une telle disposition, même si d'autres peuvent s'y opposer.

Mme Maryvonne Blondin . - J'ai déposé un amendement similaire au nom de mon groupe politique ; il devrait recevoir un avis favorable de la commission des finances.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - Nous nous en réjouissons.

L'amendement est adopté à l'unanimité moins trois abstentions.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis des crédits consacrés au « Cinéma » au sein de la mission « Culture . - Si le budget global de la culture m'inquiète, je suis soulagé par celui du cinéma. Le financement du cinéma par l'État passe aujourd'hui par le Centre national de la cinématographie et de l'image animée (CNC). Les dotations budgétaires dans la mission culture sont en effet de 5 millions d'euros, et correspondent à des crédits entièrement déconcentrés : 2,8 millions d'euros pour des actions d'éducation à l'image conduites par les DRAC, par exemple dans le cadre des opérations « collèges au cinéma » et 2,6 millions pour soutenir des festivals ou des actions locales favorisant la découverte d'oeuvres cinématographiques.

En face de ces sommes, le CNC devrait, quant à lui, disposer de 700 millions d'euros de recettes réinjectées dans le cinéma français, soit le même montant qu'en 2013. La taxe sur les entrées en salle de cinéma est stable. La fréquentation est en très légère baisse depuis deux ans, après plusieurs années exceptionnelles liées au développement de la 3D et au succès de quelques films très porteurs. La prévision est de 195 millions d'entrées : c'est moins que les 200 millions constatées certaines années mais cela reste encore assez élevé. Le produit de la taxe serait de 134,2 millions d'euros.

La taxe sur les éditeurs de services de télévision, due par les chaines (TST-éditeurs), aurait quant à elle un produit de 267 millions d'euros, soit une baisse de 24 millions d'euros. En effet, une dégradation du marché publicitaire est encore anticipée en 2014, avec en conséquence un recul de l'assiette imposable des grandes chaines historiques. Le rapport Lescure, devant le constat d'un rendement de la TST éditeurs menacé par le morcellement du paysage audiovisuel, proposait dans un premier temps, afin de prendre en compte les effets du numérique, un assujettissement sans ambigüité à la TST-éditeurs des recettes de publicité issues de la télévision de rattrapage, pour un rendement de 2,5 millions d'euros, compensant en partie le recul du rendement de la taxe. C'est notamment ce qui est proposé par l'article 16 du projet de loi de finances rectificative pour 2013, ce dont nous pouvons nous féliciter.

L'assiette actuelle de la taxe sur les distributeurs de services de télévision, dite TST-D, a été mise en place en 2011, mais est largement contournée par certains opérateurs. Elle a donc été réformée par la loi de finances pour 2012 ; son entrée en vigueur est cependant conditionnée à une autorisation par la Commission européenne, qui devrait rapidement venir après la validation par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de la taxe télécoms, similaire dans son principe. C'est évidemment une excellente nouvelle puisqu'elle représente aujourd'hui la principale source de financement du CNC, et donc du cinéma français. Le produit attendu serait ainsi de 270,7 millions d'euros en 2014, contre 214,2 millions en 2013. Le CNC nous a prévenu que sans l'adoption d'une mesure transitoire prévoyant que les acomptes versés par les redevables en 2014 seraient calculés sur la base d'une assiette actualisée, les effets de la réforme seraient reportés à 2015, avec un surcoût en outre pour les redevables, qui devraient alors payer double en 2015. Le dispositif transitoire inscrit à l'article 16 du projet de loi de finances rectificative semble donner satisfaction. Je n'ai aucun doute sur la pleine légitimité de la TST-D, dans la mesure où le succès des services de télécommunication s'appuie largement sur les contenus audiovisuels et cinématographiques. Une étude de l'Institut de l'audiovisuel et des télécommunications en Europe (Idate) de 2012 montrait ainsi que la vidéo professionnelle représenterait 83,6 % du trafic total sur les réseaux fixes de télécommunications, ce qui s'expliquerait par la consommation de télévision par ADSL, ou plus largement sur IP (câble, fibre).

Le montant du produit de la taxe sur les ventes et locations de vidéogrammes, enfin, est estimé à 28 millions d'euros en 2013, soit 5 % de moins qu'en 2013, du fait du recul du marché de la vidéo physique, non intégralement compensé par la croissance de la vidéo à la demande. Là encore, le rapport Lescure pointait les insuffisances de l'assiette de la taxe qui n'appréhende notamment pas les acteurs établis à l'étranger, non soumis à la taxe, alors que vendant des vidéos dédiées au public français. Le dernier point de l'article 16 du PLFR vise précisément à étendre ladite taxe aux entreprises qui ne sont pas établies sur le territoire français, mais qui proposent, depuis l'étranger, des ventes ou locations de vidéogrammes physiques ou sous forme dématérialisée à des consommateurs français. Cette mesure permet selon le projet de loi de rétablir l'égalité fiscale et « de mettre fin à l'asymétrie qui place certains opérateurs nationaux dans une situation moins favorable que leurs concurrents étrangers ». Je suis, comme nous tous, sur cette ligne. Il nous restera cependant à demander à la ministre des éclaircissements sur les modalités pratiques du recouvrement d'une telle taxe ainsi que sur son éventuel rendement.

Les taxes que je viens d'évoquer sont évidemment affectées au CNC. Le principe du financement du cinéma français est à la fois extrêmement simple et extrêmement vertueux. Il s'agit de financer l'amont de la filière, c'est-à-dire la création, la production et son rayonnement, par son aval, c'est--à-dire les diffuseurs : exploitants de salles, chaines de télévision, vendeurs de DVD et aujourd'hui gestionnaires de réseaux de télécommunication. Le principe n'est donc pas d'organiser une collecte fiscale pour l'État mais bien de redistribuer et faire circuler les sommes issues d'un secteur économique. C'est la raison pour laquelle nous avions contesté l'année dernière un prélèvement exceptionnel de 150 millions d'euros sur le fonds de roulement du CNC. Et l'exceptionnel devient aujourd'hui durable, puisque ce sont 90 millions d'euros qui seraient à nouveau prélevés sur le fonds de roulement du Centre, en application de l'article 33 du projet de loi de finances. Certes les dépenses du Centre se maintiendront à hauteur de 700 millions d'euros, mais je considère qu'un tel prélèvement s'oppose à la logique propre du financement du CNC par l'amont de la filière. Espérons à tout le moins que l'exceptionnel ne sera pas prolongé pour une troisième année en 2015, même si un prélèvement présenté comme exceptionnel est toujours préférable à un plafonnement des recettes, comme il en avait été question.

S'agissant des dépenses, vous savez qu'un débat très important se déroulait jusqu'à récemment au niveau européen sur la réforme de la communication de la commission européenne sur les aides d'État en faveur des oeuvres cinématographiques, dite Communication cinéma. Or le nouveau texte, qui se substitue à celui en vigueur depuis 2001, marque incontestablement une victoire pour les positions françaises, avec une validation des aides sélectives et du soutien automatique.

La politique fiscale en faveur du cinéma - fait plutôt exceptionnel - amène son lot de bonnes nouvelles. J'ai personnellement déposé des amendements pour soumettre l'ensemble des produits culturels, dont les billets de cinéma, au même taux réduit de TVA. L'article 7 du présent projet de loi va dans ce sens avec un alignement de la TVA sur les droits d'entrée dans les salles de spectacle cinématographiques sur le taux réduit applicable au livre ou au spectacle vivant. L'unité des biens culturels est intrinsèque à la vision française, puisqu'elle nous permet d'intégrer la télévision ou le cinéma dans la défense globale de l'exception culturelle, autre victoire datant de juin dernier. La cession des droits d'auteur se verra quant à elle appliquer un taux intermédiaire de TVA de 10 %. Selon certains courriers envoyés aux parlementaires, l'effet d'une telle mesure serait de désavantager les festivals et ciné-clubs qui se verraient appliquer ce taux pour la location des droits de diffusion des films, contrairement aux salles commerciales qui bénéficieraient encore d'un taux réduit au titre de l'acquisition des droits d'exploitation. La direction de la législation fiscale, que j'ai interrogée sur ce point, conteste cette analyse et estime que le traitement sera totalement égalitaire. La ministre pourra peut-être éclaircir ce point en séance, sous réserve que la deuxième partie de la loi de finances soit examinée par le Sénat.

J'explique année après année qu'en matière au cinéma, la concurrence européenne est assez importante et que la dépense fiscale que constituent les crédits d'impôt est économiquement pertinente. Le dispositif du crédit d'impôt national a été réformé dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012, à la fin de l'année dernière, et entrera en vigueur le 1 er janvier prochain. Une première analyse de l'efficacité de la mesure devrait ainsi pouvoir être effectuée dès l'année prochaine. Le crédit d'impôt international avait également été modernisé en loi de finances rectificatives pour 2012, avec un coût fiscal estimé à 12 millions d'euros pour 2014. Un amendement parlementaire a été adopté à l'Assemblée nationale relevant le plafond de ce crédit d'impôt de 10 millions d'euros à 20 millions d'euros par oeuvre, afin d'attirer de très grandes productions, notamment américaines, qui ont plutôt tendance à choisir aujourd'hui l'Angleterre, la Belgique ou d'autres pays européens. Cette stratégie aura à mon sens des effets positifs, non seulement sur les industries techniques du cinéma, mais aussi, au final, sur les comptes de l'État. Toutes les études montrent que le manque à gagner fiscal serait largement compensé par les effets du surcroît d'activité en termes de recettes fiscales et de cotisations sociales. Mais Bercy a parfois du mal à le comprendre...

M. André Gattolin . - Vous parlez d'un système simple et vertueux ; ne deviendrait-il pas simpliste ? Le cinéma français a tendance à vivre de manière fermée autour des producteurs ; les sociétés de production d'effets spéciaux et numériques sont oubliées, et l'on assiste à une montée en puissance du Québec dans ce domaine. Cette année, quatre studios français vont s'y installer - dont Technicolor, l'ancien Thomson, l'équivalent d'Ubisoft dans le domaine des jeux vidéo avec un studio de 200 personnes. Montréal se situe désormais au 3 e rang mondial. La réflexion actuelle ne prend pas en compte cette dimension, peut-être parce qu'elle est technologique, alors qu'elle fait l'objet d'une concurrence importante. Pauline Marois, la première ministre du Québec, a annoncé que son pays serait le prochain centre du cinéma à l'heure des nouvelles technologiques.

Mme Françoise Laborde . - Je suis contente de voir un rapporteur heureux, et que la France ait obtenu gain de cause à Bruxelles sur le maintien des aides au cinéma, ce qui permettra à d'autres pays de la suivre.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Ce secteur échappe heureusement aux restrictions, mais restons vigilants : la baisse des recettes publicitaires affecte les chaînes de télévision. La défense d'un cinéma diversifié en Europe est un combat loin d'être gagné.

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - L'Union européenne a finalement accepté d'autoriser les collectivités territoriales à réserver leurs aides à leur ressort géographique : j'imaginais mal M. Estrosi financer Germinal dans le bassin minier, ou M. Percheron finançant Pagnol en Provence...

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur pour avis . - Oui, les nouvelles sont bonnes dans ce secteur, malgré une baisse de la fréquentation des salles. Certaines mesures fiscales sont extrêmement efficaces, parfois au bénéfice d'étrangers : nous nous souvenons d'avoir reçu les représentants d'Ubisoft sur le point de partir au Canada, en raison des avantages fiscaux considérables que ce pays leur accordait. Je préside la commission du film Côte d'Azur, qui fait un travail très efficace, avec des effets économiques induits à travers les équipes de tournage.

Nous accueillons ainsi par exemple le tournage de la série de TF1 « Section de recherche » dans le pays grassois : cela signifie des chambres d'hôtel, des artisans qui construisent les décors... Il vaut mieux les accueillir chez nous plutôt qu'ils le soient dans d'autres pays ! Restons vigilants pour conserver le système de financement extrêmement vertueux du cinéma.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » .

Mme Catherine Morin-Desailly . - Je souhaite signaler que la commission scientifique nationale des collections instituée par la loi de restitution des têtes maories, que nous avions votée en juin 2009, adoptée par l'Assemblée nationale en mai 2010, se réunira demain pour la première fois ; il aura donc fallu trois ans pour que notre volonté se concrétise !

Mme Marie-Christine Blandin, présidente . - C'est une belle nouvelle, compte tenu des nombreuses réticences qui s'étaient manifestées.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Audition commune de MM. Vincent Eblé et Philippe Nachbar

Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC)

MM. Jean-François BURGOS, vice-président, Gérard CHAMBON et Hervé PERARD, membres du Bureau

Association des maires de grandes villes de France (AMGVF)

Mme Anne GÉRARD, adjointe au maire de Poitiers, vice-présidente de la commission culture de l'AMGVF et M. David CONSTANS-MARTIGNY, chargé de mission éducation et culture

Association des Maires de France (AMF)

MM. Sébastien FERRIBY, chargé d'études éducation et culture, et Alexandre TOUZET, chargé des relations avec le Parlement

Personnes auditionnées par M. Vincent EBLÉ

MM. Guillaume CERRUTI, président-directeur général de Sotheby's Sotheby's France, Christian DEYDIER, président du SNA (Antiquaires), Jean-Pierre OSENAT, président du SYMEV (maisons de vente), Georges-Philippe VALLOIS, président du comité des galeries d'art

Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)

MM. Jean-Paul JACOB, président, et Pierre DUBREUIL, directeur général

Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC)

M. Christophe VALLET, président

Ministère de la culture et de la communication, direction générale des patrimoines

- M. Vincent BERJOT, directeur général, délégué interministériel aux Archives de France

- M. Kevin RIFFAULT, sous-directeur des affaires financières et générales à la direction générale des patrimoines

- Mme Isabelle MARÉCHAL, cheffe de service, chargée du patrimoine

- M. Jean-Michel LOYER-HASCOËT, sous-directeur, sous-direction des monuments historiques et des espaces protégés

- Mme Marie-Christine LABOURDETTE, directrice adjointe, chargée des musées

- M. Hervé LEMOINE, directeur adjoint, chargé des archives

- Mme Agnès MAGNIEN, directrice des Archives nationales

Groupement français des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH)

M. Didier DURAND, président, Mme Catherine CHARBONNEAU, secrétaire générale, et M. Antoine ZOCCHETTO, adhérent

Associations du G8

- M. Jean de LAMBERTYE, président de La demeure historique

- M. Philippe TOUSSAINT, président de Vieilles maisons françaises

- M. Alain de la BRETESCHE, président délégué de Patrimoine-environnement

- M.  Benoît d'ABOVILLE, Sauvegarde de l'art français, et président des amis du château de Fontainebleau


* 1 Le projet VITAM devrait être opérationnel en 2016.

* 2 « L'éducation artistique et culturelle dans les musées et monuments nationaux - Projet national de l'éducation artistique et culturelle : pour un accès de tous les jeunes à l'art et à la culture », Rapport de la mission confiée au musée du Louvre par la ministre de la culture et de la communication. Juillet 2013.

* 3 http://www.culturecommunication.gouv.fr/Disciplines-et-secteurs/Monuments-historiques/Intervenir-sur-un-monument-historique/Conservation-Restauration-Ouvrages-techniques

* 4 Le compte rendu de l'audition de Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, est consultable à l'adresse suivante : http://senat.fr/compte-rendu-commissions/20131111/cult.html#toc9

* 5 Note de synthèse « OEuvres d'art spoliées par les nazis : donner une nouvelle impulsion à la recherche de provenance » de Mme Corinne Bouchoux en date du 30 janvier 2013.

* 6 Rapport d'information n° 599 (2009-2010), de Mme Françoise Férat, sénateur, au nom du groupe de travail sur le Centre des monuments nationaux et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, « Au service d'une politique nationale du patrimoine : le rôle incontournable du Centre des monuments nationaux ».

* 7 Note de synthèse de M. Vincent Eblé, président du groupe de travail sur l'influence du droit communautaire sur le financement des services culturels par les collectivités territoriales, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposée le 4 avril 2012.

* 8 Les données chiffrées dont le ministère de la culture et de la communication dispose sur les établissements d'enseignement initial de la musique, de la danse et de l'art dramatique proviennent des enquêtes statistiques de son département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS). Ces études ont jusqu'à présent porté, selon un rythme annuel, sur les conservatoires nationaux de région (CNR), aujourd'hui conservatoires à rayonnement régional (CRR) et les écoles nationales de musique, de danse et de théâtre (ENMDT), aujourd'hui conservatoires à rayonnement départemental (CRD). Les écoles municipales agréées, non subventionnées par le ministère, ont été traitées par cette enquête au titre de l'année scolaire 2007-2008. Bien que le taux de réponse ait été jugé insuffisant pour permettre d'établir des données statistiques fiables, il a toutefois été décidé de procéder à l'analyse des éléments relatifs aux statuts des enseignants et aux effectifs d'élèves afin de dresser un état des lieux récent de cette catégorie d'établissements.

* 9 Enquête de l'agence la Terre est ronde commanditée par la DGCA.

* 10 Idem .

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