Avis n° 161 (2013-2014) de M. Vincent CAPO-CANELLAS , fait au nom de la commission du développement durable, déposé le 21 novembre 2013

Disponible au format PDF (560 Koctets)


N° 161

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME III

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

TRANSPORTS AÉRIENS

Par M. Vincent CAPO-CANELLAS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Raymond Vall , président ; MM. Gérard Cornu, Ronan Dantec, Mme Évelyne Didier, MM. Philippe Esnol, Alain Houpert, Hervé Maurey, Rémy Pointereau, Mmes Laurence Rossignol, Esther Sittler, M. Michel Teston , vice-présidents ; MM. Pierre Camani, Jacques Cornano, Louis Nègre , secrétaires ; MM. Joël Billard, Jean Bizet, Vincent Capo-Canellas, Yves Chastan, Philippe Darniche, Marcel Deneux, Michel Doublet, Jean-Luc Fichet, Jean-Jacques Filleul, Alain Fouché, Mme Marie-Françoise Gaouyer, M. Francis Grignon, Mme Odette Herviaux, MM. Benoît Huré, Daniel Laurent, Mme Hélène Masson-Maret, MM. Jean-François Mayet, Stéphane Mazars, Robert Navarro, Charles Revet, Roland Ries, Yves Rome, Henri Tandonnet, André Vairetto, Paul Vergès .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 10b ) (2013-2014)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le transport aérien connaît une réalité contrastée : dynamisme de l'industrie et, à un moindre niveau, des aéroports, grande difficulté des compagnies. Le secteur enregistre en outre des réorientations stratégiques majeures. Nos champions nationaux connaissent en effet des fortunes diverses.

Malgré un début de redressement et la réduction du déficit d'exploitation amorcée en 2013, la compagnie Air France n'est pas tirée d'affaire. L'endettement reste à des niveaux record et le retour à l'équilibre n'est toujours pas garanti. La deuxième phase du plan Transform 2015 doit assurer le redressement attendu.

Aéroports de Paris réalise un résultat net appréciable, à hauteur de 341 millions d'euros en 2012, malgré le faible dynamisme du trafic passager (+0,8 %). Cette performance est sans doute à surveiller : le niveau des redevances reste un sujet de crispation avec les compagnies aériennes, dont Air France. La rentabilité d'ADP pourra difficilement se situer à la hauteur des objectifs fixés si une moindre progression des redevances devait s'inscrire dans la perspective du prochain contrat de régulation économique. Pour autant, la situation des compagnies le réclamerait.

Air France comme Aéroports de Paris ont engagé des plans de départs volontaires et de réduction des coûts. Du côté d'ADP, les négociations en vue d'un plan de départs volontaires de 370 postes dès 2014 ont été ouvertes. Quant à Air France, la compagnie a besoin de compléter son plan Transform 2015 par un nouveau plan de départs volontaires de 1 826 postes.

De son côté, l'industrie aéronautique poursuit sa trajectoire à succès. Le chiffre d'affaires d'EADS a bondi de 15 % en 2012, pour atteindre 56,5 milliards d'euros. Airbus détient un carnet de commandes de 13 200 avions représentant 520 milliards d'euros et l'équivalent de 8 années de production. Comme son concurrent Boeing, le constructeur se trouve dans la situation enviée de ne pas produire assez pour des clients qui veulent être livrés rapidement. EADS connaît d'ailleurs un profond changement de stratégie, en se réorientant largement vers l'aéronautique civile et en se tournant vers les marchés asiatiques. L'objectif de rentabilité de 10 % et le redressement de la branche défense devront appeler des mesures drastiques.

La question du rôle de l'État au capital de ces entreprises se pose avec d'autant plus d'acuité. L'Agence des participations de l'État (APE) vient encore de céder récemment 4,7 % de Safran, après une première cession de 3,12  % en mars dernier. L'État a également abaissé sa participation au capital d'EADS de 15 % à 12 % en avril et vendu 9,5 % du capital d'ADP l'été dernier.

Ces opérations rentables permettent de renflouer les caisses de l'État : les cessions Safran rapportent près de 1,3 Md€, celle d'EADS 1,2 Md€ et ADP 740 M€. Mais nous atteignons aujourd'hui des seuils stratégiques où les conséquences ne sont pas seulement financières. Le poids de l'État au conseil d'administration de ces entreprises est en jeu, et par conséquent, notre capacité à conserver des orientations stratégiques à long terme.

Ce questionnement est d'autant plus sensible que le soutien à la recherche paraît désormais borné au seul horizon du programme d'investissements d'avenir (PIA), c'est-à-dire de court terme. L'absence de vision et de mobilisation sur le long terme devient problématique.

Dans ce contexte, les crédits relatifs au transport aérien paraissent presque épargnés en apparence. Ils sont en réalité en situation de fragilité structurelle. L'année 2014 est marquée par la volonté de relancer les investissements. Il est en effet apparu qu'un retard dans la mise en service d'opérations essentielles engendrerait des surcoûts qui ne feraient qu'aggraver la situation financière du budget annexe. Certaines opérations sont en effet liées à des engagements européens exposant à des sanctions comme le programme « Data Link ». Toutefois, l'emprunt nécessaire creusera un peu plus l'endettement de la DGAC, loin de la stabilisation annoncée dans le triennal 2013-2015. Le budget annexe est confronté à un cercle vicieux : situation dégradée du trafic, faible élasticité des redevances, besoin d'investissements forts, endettement préoccupant. Le salut viendra d'une croissance du trafic, que l'on ne voit pas encore se dessiner, ou, à court terme, d'un moindre écrêtement de la taxe d'aviation civile (TAC).

L'aménagement du territoire subit également le poids de la contrainte financière. La sélectivité croissante des crédits qui y concourent n'est pas pour autant synonyme d'une réflexion approfondie sur l'avenir du maillage aéroportuaire de notre territoire.

Ces considérations ont conduit votre rapporteur pour avis à proposer un avis de sagesse sur ces crédits, une sagesse bienveillante pour le présent mais avec quelques inquiétudes pour l'avenir. À l'issue d'un large débat, la commission a émis un avis favorable à l'adoption du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » et des crédits relatifs aux transports aériens de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » pour 2014.

I. UN CONTEXTE GÉNÉRAL D'INCERTITUDES ÉCONOMIQUES ET JURIDIQUES

A. LA CROISSANCE DU TRAFIC DEMEURE MODESTE EN 2013

1. Le trafic aérien est tendanciellement en hausse

En 2012, le trafic mondial a atteint 5 400 milliards de passagers kilomètres transportés (PKT) , contre 3 038 milliards en 2000, soit une progression de l'ordre de 78 % et un taux de croissance annuel moyen de l'ordre de 4,9 % . Cette croissance profite surtout aux compagnies des pays émergents , notamment au Moyen-Orient (12,4 % par an). En Europe, le dynamisme du trafic est dû en partie à l'essor des compagnies à bas coûts européennes qui ont transporté 202 millions de passagers en 2012, soit une part de marché de 25 %.

Le trafic aérien en France métropolitaine a connu une croissance annuelle moyenne de 2,6 % entre 2000 et 2012 . Cette croissance est uniquement due au trafic international, puisque le trafic intérieur a connu une forte baisse depuis son apogée de 2000 (26,9 millions de passagers) jusqu'au niveau de 2010 (21,7 millions), en raison de la mise en service du TGV Méditerranée en 2001 et du TGV Est en 2007. Le trafic intérieur s'est redressé en 2011 et 2012 grâce au développement des lignes transversales favorisé par l'action des compagnies à bas coûts et la riposte des bases de province d'Air France. Le niveau atteint en 2012 est de 23,8 millions de passagers.

2. La croissance du trafic est actuellement handicapée par un contexte économique défavorable

L'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a publié en juillet dernier une prévision de croissance mondiale de 4,8 % en passagers-kilomètres-transportés (PKT) pour 2013 , c'est-à-dire une croissance légèrement ralentie par rapport à celle de 2012 en raison du maintien de prix élevés du pétrole et d'une progression du PIB mondial à +3,1 % contre +3 % en 2012, lié à la crise de la zone euro qui se répercute sur les performances de la Chine ou du Brésil.

La plus forte croissance est attendue dans la région Moyen-Orient, malgré les bouleversements que connaît cette zone : +10 % en 2013. L'Amérique latine-Caraïbes devrait être la deuxième zone en termes de croissance avec +7,6 %. La zone Asie-Pacifique connaîtrait une croissance de 5,5 %. L'Afrique aurait une bonne croissance de 5,2 %. Pour l'Europe, l'OACI prévoit en 2013 une croissance de 4,4 % (PKT). L'Amérique du Nord demeure en dernière position avec +2,3 %.

Pour la France, la croissance du nombre de passagers au premier semestre 2013 est estimée à 2,0 % par la DGAC . Cette croissance est pratiquement égale en transport intérieur (+2 %) et à l'international (+2,1 %). Le trafic international est marqué par des hausses notables avec le Moyen-Orient (+8,3 %) et l'Asie (+4,8 %), mais par une baisse de 1,7 % vers l'Amérique du Nord, et une faible évolution de 1 % avec l'Union européenne.

Les prévisions de l'OACI suggèrent une reprise avec une croissance globale de 5,9 % en 2014 et 6,3 % en 2015 , toujours tirée par le Moyen-Orient, l'Amérique latine et l'Asie. L'OACI est optimiste pour l'Europe où le trafic devrait croître de 4,4 % en 2013, de 5,5 % en 2014 et de 6,2 % en 2015, année où le trafic de l'Europe rejoindrait la tendance mondiale.

B. L'EUROPE BUTE TOUJOURS SUR LE CIEL UNIQUE

Le Ciel unique se met en place lentement. Le bras de fer entre la Commission européenne et les États membres sur le volet opérationnel du projet franchit une nouvelle étape.

La Commission a adopté, le 11 juin dernier, deux projets de règlements du Parlement européen et du Conseil relatifs au « Ciel unique européen » et à l'Agence européenne de la sécurité aérienne, baptisés « paquet Ciel unique 2+ » 1 ( * ) . Celui-ci vise à réviser les paquets de 2004 et 2009 en leur apportant des renforcements importants, dans le but affiché d'accroître la performance des services, de simplifier les textes existants, et d'étendre les pouvoirs transférés au niveau européen.

Le projet présenté par la Commission aurait pour conséquence :

- de forcer une séparation juridique entre autorités de surveillance et prestataires de services de navigation aérienne , ce qui conduirait à un éclatement de la DGAC avec une privatisation du prestataire DSNA ;

- d'obliger à séparer et mettre en concurrence les services annexes de la navigation aérienne , c'est-à-dire autres que le contrôle aérien, jusqu'à la météorologie aéronautique.

Ces propositions ont suscité des réactions très vives des personnels de l'aviation civile : la grève du 12 juin 2013 a été fortement suivie . Les compagnies aériennes sont quant à elles globalement favorables à ces évolutions, censées conduire à une baisse rapide des coûts des services de navigation aérienne.

En juin dernier, dans une lettre cosignée avec le ministre allemand des transports, la France a pris position pour la poursuite des efforts de mise en oeuvre du Ciel unique dans le cadre actuel des règlements de 2009 . Elle a rappelé que ce dispositif avait déjà produit des résultats significatifs en permettant de mutualiser le risque économique lié à l'évolution du trafic entre les compagnies aériennes et les services de navigation aérienne.

La France a également indiqué que ces nouvelles propositions allaient à l'encontre de la logique d'initiative et de coopération des prestataires de navigation aérienne qui prévaut pour la mise en oeuvre du programme européen de modernisation SESAR. Enfin, les pouvoirs supplémentaires demandés par la Commission remettent en cause l'équilibre convenu avec les États membres en 2009.

Le sommet de Vilnius du 16 septembre 2013 a laissé apparaître une large convergence des autres États sur cette position . La présidence lituanienne a pour l'instant choisi de différer l'instruction de ces textes, que le Parlement européen pourrait toutefois examiner en première lecture d'ici le printemps prochain.

II. LE TRANSPORT AÉRIEN GLOBALEMENT SOUTENU PAR UN EFFORT D'INVESTISSEMENT DANS LE BUDGET 2014

Les crédits budgétaires alloués aux transports aériens figurent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) qui regroupe les crédits de la navigation aérienne et des opérations de contrôle et de sécurité, ainsi qu'au programme 203 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », dans les actions 11 et 14 relatives aux infrastructures de transport et au soutien des lignes pour l'aménagement du territoire.

A. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS

Les crédits consacrés au transport aérien connaissent une légère augmentation dans le PLF 2014, qui doit être lue à l'aune de deux évolutions de sens contraire.

Les efforts de maîtrise de la dépense se poursuivent avec des économies de fonctionnement, une stabilisation des dépenses de personnel, un moindre investissement dans les infrastructures aéroportuaires et une plus grande sélectivité dans le soutien aux lignes d'aménagement du territoire.

Globalement, par rapport aux prévisions antérieures retenues dans le cadre de la programmation triennale, le BACEA anticipe par construction une dégradation probable des recettes de navigation aérienne. Ce recul, déjà perceptible en 2013, a par ailleurs conduit la DGAC à mettre en place en gestion des mesures de régulation budgétaire , en inscrivant 75 M€ en réserve de crédits, répartis à parts égales sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Cet exercice est néanmoins chaque année de plus en plus difficile . En effet, les efforts de productivité ont déjà été faits et les marges d'action sont à rechercher désormais dans la rationalisation territoriale avec un recours important aux technologies de l'information et de la communication, qui nécessitent de consacrer des moyens financiers à l'investissement.

Pour cette raison, l'année 2014 est marquée par une volonté de relancer les investissements . Il est en effet apparu qu'un retard dans la mise en service d'opérations essentielles (certaines liées à des engagements européens exposant à des sanctions) engendrerait des surcoûts qui ne feraient qu'aggraver la situation financière du BACEA en creusant son endettement.

La perspective de bénéfices productifs liés aux investissements, en qualité et en coût des services rendus aux usagers, conduit la DGAC à demander une augmentation de 62 M€ des crédits d'investissement dans le PLF 2014 par rapport à la LFI 2013. Rapportée aux prévisions 2014 effectuées lors de la construction du triennal 2013-2015, l'augmentation s'élève à 42 M€ .

En particulier, 39 M€ d'investissements supplémentaires sont affectés au programme 612 « navigation aérienne » , dont 10 M€ pour assurer la gestion électronique des plans de vol exigée par la Commission européenne et 29 M€ pour la poursuite du programme « 4 FLIGHT ». Les 3 M€ restant permettront d'accélérer la transformation du système d'information des ressources humaines pour le raccordement du BACEA au futur Office national de paie (ONP), de doter la France d'un centre d'études, de tests et de certifications des technologies et équipements destinés à détecter les explosifs artisanaux, ou encore de réaliser des interfaces de simplification et de modernisation administratives vis-à-vis des usagers.

B. PRÉSENTATION PAR PROGRAMME

1. Le programme 203 « Infrastructures et services de transports »

Seules les actions 11 et 14 de ce programme concernent directement le secteur du transport aérien.

a) Les infrastructures aéroportuaires (action 11)

Après le transfert de 150 aérodromes de l'État aux collectivités territoriales et à leurs groupements, achevé en 2007, un certain nombre d'actions en matière d'aménagement du territoire continuent à relever de l'État. À ce titre, le PLF 2014 inscrit les crédits suivants :

- 1,1 M€ en AE et CP pour les dépenses de fonctionnement des trois aérodromes restant en régie directe (Saint-Pierre-Pointe-Blanche et Wallis-Hihifo pour l'outre-mer, Aix-les-Milles en métropole) ;

- 2 M€ en AE et CP pour des investissements, la moitié étant destinée aux aéroports en régie directe et l'autre moitié servant à financier des acquisitions foncières pour l'aéroport de Bâle-Mulhouse ;

- 6,1 M€ en AE et 19,4 M€ en CP de dépenses d'intervention.

La majeure partie des ressources est donc consacrée aux dépenses d'intervention qui poursuivent deux objectifs principaux.

L'État doit d'une part honorer les engagements nationaux pris en 2010 pour la réalisation du nouvel aéroport de Notre-Dame-des-Landes (6,3 M€ en CP) ou l' extension foncière des aérodromes d'État les plus importants, qui lui appartiennent toujours (2 M€ en AE et 3,95 M€ en CP).

L'autre volet des interventions concerne l' outre-mer (4,1 M€ en AE et 9,1 M€ en CP) : il s'agit essentiellement d'un soutien à certains exploitants d'aérodromes d'État en situation d'insuffisance structurelle dans l'équilibre financier de leur concession lors de la réalisation de gros investissements (Cayenne, Nouméa, Mayotte, La Réunion) et de la préparation du transfert des aérodromes de Polynésie française.

b) Les lignes d'aménagement du territoire (action 14)

L'État participe, en métropole et outre-mer, au financement de l'exploitation de liaisons aériennes déficitaires mais considérées comme fondamentales en termes de désenclavement. Actuellement, l'État finance l'exploitation de douze liaisons aériennes en métropole et de trois liaisons outre-mer.

À l'exception de la desserte internationale de Saint-Pierre-et-Miquelon, que l'État subventionne seul, la charge de la compensation versée aux transporteurs est partagée entre l'État et les personnes publiques locales concernées.

Le PLF 2014 inscrit ainsi 9,3 M€ en AE et 13,5M€ en CP de dépenses d'intervention ayant pour objectif de compenser le déficit d'exploitation des liaisons concernées en contrepartie du respect d'un niveau de service fixé par des obligations de service public.

Liaison

Subvention prévisionnelle de l'État en 2014 (M€)

Agen - Paris

1,54

Aurillac - Paris

1,92

Brest - Ouessant

0,06

Brive - Paris

1,37

Castres - Paris

1,35

Castres - Rodez - Lyon

0,1

La Rochelle - Poitiers - Lyon

0,82

Lannion - Paris

0,43

Le Puy - Paris

0,65

Lorient - Lyon

0,41

Périgueux - Paris

0,11

Tarbes - Paris

0,5

Aides sociales Guyane

1,72

Saint-Pierre-et-Miquelon

2,52

Total

13,5

Source : DGAC

L'État continue par ailleurs à soutenir l'accessibilité aérienne internationale du Parlement européen dans le cadre du contrat triennal « Strasbourg capitale européenne » (2012-2014). Le PLF 2014 prévoit ainsi 1 M€ en AE et en CP pour la desserte aérienne de Strasbourg (à partir d'Amsterdam, Prague et Madrid), en co-financement avec les collectivités territoriales alsaciennes. Cette politique, jusqu'alors gérée par le ministère des Affaires étrangères, dépend du ministère de l'Écologie, du développement durable et de l'énergie depuis le 1 er avril 2013.

2. Le programme 612 « Navigation aérienne »

Ce programme se caractérise cette année par un effort d'investissement (+7 %) qui prolonge le travail de modernisation du contrôle du trafic aérien, de communication, de surveillance, de navigation et d'information aéronautique. L'objectif est d'atteindre en 2015 les standards requis pour le FABEC 2 ( * ) comme pour SESAR dans le cadre du « ciel unique » européen. Cette convergence technique requiert des investissements particuliers, qui viennent s'ajouter au maintien en condition opérationnelle et à la modernisation des équipements.

La direction des services de la navigation aérienne (DSNA) poursuit ainsi la montée en charge des quatre programmes majeurs concernés :

- le programme européen « 4 FLIGHT» ;

- les communications sol/sol sous IP ;

- la construction et l'équipement des infrastructures de navigation aérienne du nouvel aéroport de Notre-Dame-Des-Landes ;

- la mise en oeuvre de nouveaux systèmes spécifiques « tours et approches », qui passe par la modernisation des systèmes propres aux approches et aux tours de contrôle.

En parallèle, la DNSA continue à revoir son organisation territoriale pour rationaliser l'usage des bâtiments dont elle a la charge et parfois pour vendre des locaux 3 ( * ) .

Le budget consacré aux opérations courantes diminue quant à lui d'environ 1 % par rapport aux crédits votés en LFI 2013. Il est consacré à 70 % aux organismes extérieurs (Eurocontrol, Météo France, Aéroports de Paris, Aéroport de Bâle-Mulhouse, zones déléguées de Genève et Jersey, SESAR-JU et Agence nationale des fréquences), le reste servant à financer le fonctionnement courant des services.

LFI 2013

PLF 2014

AE

CP

AE

CP

Action 1

Management et gestion

12 659 316

12 039 316

15 754 316

15 255 880

Action 2

Aéroports

100 450 000

94 580 000

120 581 325

117 961 625

Action 3

Centres en route

337 700 000

345 220 000

361 307 675

359 585 811

Action 4

Exploitation du contrôle aérien outre-mer

12 320 000

12 710 000

17 430 000

19 300 000

Action 5

Ingénierie technique de la navigation aérienne

27 710 000

26 210 000

33 946 000

34 916 000

Action 6

Maintien des compétences de la navigation aérienne

16 410 000

16 490 000

14 584 829

16 584 829

TOTAL

507 249 316

507 249 316

563 604 145

563 604 145

3. Le programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

Ce programme est de loin le plus important du BACEA en termes de surface financière. Il prend notamment en charge les 11 000 postes en administration centrale. Les crédits affectés à ce programme diminuent globalement d'environ 1 % en AE et en CP.

En effet, contrairement à l'année précédente où les crédits augmentaient de 4 %, l'effort de stabilisation des dépenses de personnel est notable dans le PLF 2014 : 1 137,3 M€ sont prévus à ce titre (dont 878 M€ hors CAS « Pensions » et 259,3 M€ au titre du CAS « Pensions ») à comparer au 1 137,1 M€ de la LFI 2013. Le schéma d'emplois prévoit la suppression de 100 postes en 2014, ce qui est conforme aux prévisions initiales du triennal budgétaire 2013-2015.

S'agissant des charges financières, la prévision prudente de taux retenue lors de la construction budgétaire du triennal 2013-2015 a donné lieu à une révision en gestion, l'année 2013 marquant une période plus favorable à l'emprunt sur les marchés obligataires . L'estimation du montant des intérêts d'emprunt pour le PLF 2014 tient compte de ces récentes évolutions : il est fixé à 36,6 M€ (soit - 1,5 M€ par rapport à la LFI 2013).

Enfin, la dotation versée à l'École nationale d'aviation civile (ENAC), dont le financement du personnel représente 80 % des postes de dépenses, est globalement stable . En particulier, le nombre d'ETP sous plafond diminue de 866 ETP à 845 ETP, soit une baisse de 21 emplois en 2014, pour respecter la norme de réduction des effectifs subventionnés de 2,5 % par an.

LFI 2013

PLF 2014

AE

CP

AE

CP

Action 1

Ressources humaines et management

1 149 595 750

1 149 595 750

1 151 987 953

1 151 987 953

Action 2

Logistique

33 570 879

33 570 879

44 607 416

44 607 416

Action 3

Affaires financières

456 087 273

456 087 273

430 450 015

430 450 015

Action 4

Formation aéronautique

97 125 000

97 125 000

96 891 127

96 891 127

TOTAL

1 736 378 902

1 736 378 902

1 723 936 511

1 723 936 511

4. Le programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification »

Ce programme fait l'objet d'une mesure de périmètre en 2014 : les crédits correspondant à la gestion des dépenses d'entretien du patrimoine immobilier occupé par la gendarmerie du transport aérien (9,9 M€ en AE et 9,2 M€ en CP) sont transférés sur le programme 613.

En neutralisant l'évolution du périmètre, il apparaît que l'action n° 1 relative au développement durable et à la régulation fait l'objet d'un effort significatif d'investissement . Deux nouveaux projets sont lancés dans le domaine de la sûreté : le développement de la nouvelle application de gestion des habilitations et titres de circulation pour l'accès en zone réservée des aéroports (3,5 M€ au total) et la construction d'un laboratoire de test et de certification des technologies et équipements destinés à détecter les explosifs artisanaux (3,7 M€ au total).

Les crédits relatifs à la surveillance et à la certification sont symboliquement les seuls en légère hausse (+1 %). La DGAC avait en effet alerté sur le fait qu'un niveau plancher était atteint, au-delà duquel il serait nécessaire de diminuer le nombre de contrôles, ce qui n'est guère compatible avec l'objectif de sécurité.

Enfin, le budget du BEA est globalement reconduit (-1 %) en mettant l'accent sur la recherche de gains d'efficience dans l'organisation administrative.

LFI 2013

PLF 2014

AE

CP

AE

CP

Action 1

Développement durable et régulation

24 128 332

24 128 332

16 214 551

16 877 551

Action 2

Surveillance et certification

32 482 370

32 482 370

32 958 797

32 958 797

Action 4

Enquêtes de sécurité aérienne

3 070 416

3 070 416

3 043 091

3 043 091

TOTAL

59 681 118

59 681 118

52 216 439

52 879 439

C. LE DÉSENDETTEMENT DE LA DGAC EST MIS ENTRE PARENTHÈSES

Depuis 2008 et le début d'une période de ralentissement de l'activité du secteur aérien se traduisant par une diminution sensible de ses recettes, le BACEA présente des déficits d'exploitation qui ont pour conséquence d'alourdir son endettement.

1. Dans une conjoncture peu favorable, la dette de la DGAC atteint un niveau préoccupant

Au 31 décembre 2013, l'encours des emprunts du budget annexe s'élèvera à 1239 M€, soit une hausse de 2 % par rapport à l'année dernière, conforme aux prévisions . Cet encours était stabilisé jusqu'en 2008 à 878  M€. La dette du BACEA s'est accrue sur la période 2009-2013, de 41 % par rapport à 2008, ce qui représente une augmentation de l'encours de 361 M€.

Plusieurs raisons sont invoquées par la DGAC pour expliquer cette évolution défavorable :

- structurellement, les redevances ne couvrent pas les coûts des services délivrés par la DGAC , en raison d'avantages tarifaires décidés pour des raisons politiques ou économiques 4 ( * ) , mais aussi parce que les recettes de la taxe de l'aviation civile (TAC) ne sont pas intégralement versées au BACEA .

- conjoncturellement, la crise économique a réduit les recettes du budget annexe et conduit au recours à un emprunt supplémentaire de 165 M€ en 2009. L'augmentation de l'endettement s'est ensuite poursuivie, en dépit de la reprise du trafic à partir de 2011, en raison d'un décrochage entre le besoin de financement et les capacités de remboursement de l'emprunt.

La conjoncture économique s'est en effet particulièrement dégradée en 2012-2013 . Ainsi, le déficit de la section d'exploitation du budget annexe, qui s'élevait à 12,2 M€ en 2011, s'est aggravé à 30,1 M€ en 2012 et 21,5 M€ en prévisionnel pour 2013.

2. Le plan de redressement annoncé pour 2013-2015 se révèle trop optimiste

Dans le cadre de la nouvelle programmation budgétaire 2013-2015, la DGAC avait annoncé sa volonté d'engager une politique de réduction de l'endettement , dont les modalités ont été présentées par votre rapporteur l'année dernière 5 ( * ) . Globalement, l'amélioration du résultat d'exploitation devait résulter de la combinaison de mesures de maîtrise de la dépense et d'une hausse des recettes, calculée sur une hypothèse de croissance du trafic aérien de 2,5 % par an en nombre de passagers.

L'endettement devait par conséquent suivre une trajectoire favorable, avec une hausse de 2,06 % en 2013, une quasi-stabilisation en 2014 (+0,48 %) et finalement une diminution en 2015 (- 1,45  %). Votre rapporteur avait alors exprimé de sérieux doutes sur la crédibilité de ces prévisions , au regard du caractère aléatoire du trafic et des recettes. Force est de constater que les chiffres présentés dans le PLF 2014 lui ont malheureusement donné raison.

L'année 2013 est en effet marquée par une baisse des recettes de redevances de navigation aérienne, qui s'est traduite par l'application de mesures d'autorégulation à hauteur de 75 M€. En conséquence, le PLF 2014 retient par construction des hypothèses conservatrices de diminution des recettes de navigation aérienne , en retrait par rapport à la programmation triennale 2013-2015. La prévision retenue pour l'évolution du trafic est une hausse moyenne de 2,3 % du volume de passagers .

Votre rapporteur salue les efforts de régulation infra-annuelle, qui témoignent d'une réelle volonté de maîtriser l'évolution de la dette . La hausse de l'endettement a ainsi pu être effectivement contenue à 2 % en 2013, conformément aux prévisions.

En revanche, votre rapporteur est d'autant plus circonspect sur la trajectoire d'endettement à venir . En effet, la modération budgétaire a freiné le déclenchement d'opérations d'investissement ou de mise en service de nouveaux équipements techniques, ainsi que le renouvellement du patrimoine technique des services de la navigation aérienne depuis plusieurs années.

3. La DGAC est aujourd'hui contrainte de relancer ses investissements

La modernisation des systèmes de navigation aérienne constitue un impératif pour permettre à la France de faire face au défi technologique posé par la construction de l'Europe du contrôle aérien et les évolutions de productivité du secteur. Pour ce faire, la DGAC doit faire construire un nouveau système de management du trafic cohérent et compétitif.

Pour assurer leurs prestations, les services de la navigation aérienne disposent d'un patrimoine technique évalué à environ 2 560 M€ en valeur brute pour 2012 :

- 1 080 M€ d'infrastructures de génie civil spécialisées (42 % du patrimoine) dont le renouvellement est estimé à 54 M€ par an ;

- 760 M€ d'équipements techniques de navigation aérienne (30 % du patrimoine) dont le renouvellement est estimé à 109 M€ par an ;

- 719 M€ de logiciels techniques (28 % du patrimoine) dont le renouvellement est estimé à 103 M€ par an.

Au total, le besoin de renouvellement et de modernisation est évalué à environ 265 M€ par an . Or la période 2008-2011 s'est caractérisée par un sous-investissement difficilement soutenable à long terme, qu'illustre le graphique suivant.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES D'INVESTISSEMENT DE LA DGAC DEPUIS 2000
ET PRÉVISIONS POUR LES ANNÉES À VENIR

Source : DGAC

En conséquence, la DGAC demande des crédits supplémentaires dans le PLF 2014 afin de relancer ses investissements. La hausse de 37 M€ d'emprunt supplémentaire par rapport au triennal budgétaire a vocation à financer 88 % des 42 M€ d'investissements complémentaires prévus dans le PLF. Il s'agit notamment d'éviter la condamnation de la France en raison de retards enregistrés dans des programmes européens comme Data Link, et de maintenir en condition opérationnelle des équipements dont le niveau de sécurité reste un objectif primordial.

Pour limiter la hausse de l'endettement liée à ces opérations d'investissement, la DGAC prévoit de réaliser des économies importantes sur les dépenses : 10 M€ sur les dépenses de personnel et 5 M€ sur les dépenses de fonctionnement par rapport à la loi de programmation des finances publiques (LPFP). En outre, l'administration met en avant le fait que ces dépenses d'investissement ont vocation à optimiser tendanciellement la productivité du BACEA et à favoriser parallèlement l'absorption des réductions des effectifs, ce qui devrait faciliter le retour à l'équilibre des comptes.

Sans remettre en cause le bien-fondé de ces investissements, votre rapporteur s'interroge néanmoins sur la réelle capacité de la DGAC à organiser son désendettement . Les exigences européennes ne sont pas une nouveauté. Chaque année, la DGAC demande des crédits supplémentaires, qui ont ensuite vocation à faciliter le désendettement. Mais force est de constater que ce désendettement peine à s'amorcer, alors que de nouvelles contraintes continuent à s'ajouter. Compte tenu de la faiblesse des perspectives économiques, la crédibilité du désendettement de la DGAC repose sur une approche plus structurelle.

4. Une hausse de la quotité de taxe d'aviation civile (TAC) affectée au budget annexe est nécessaire

Le recours à l'emprunt pour financer les investissements supplémentaires de la navigation aérienne met en exergue la nécessité de réviser le mode de financement du budget annexe. Un désendettement soutenable du BACEA suppose d'identifier des ressources supplémentaires. Actuellement, la structure de financement du budget annexe est la suivante :

Redevances

67 %

Taxe de l'aviation civile (TAC)

20 %

Produit des emprunts

11 %

Recettes diverses

2 %

Ainsi que votre rapporteur l'a déjà souligné l'année dernière, le budget annexe est structurellement déséquilibré par l'affectation d'une part du produit de la TAC au budget de l'État. Les quotités de TAC affectées respectivement au BACEA et au budget général sont fixées à 80,91 % et 19,09 %. En 2014, le montant de TAC prélevé par l'État s'élève ainsi à 84,1 M€.

L'augmentation de la quotité de TAC affectée au BACEA permettrait d'engager rapidement un désendettement significatif. Les simulations transmises à votre rapporteur montrent que si le BACEA bénéficiait de 100 % de quotité de TAC à compter de 2015, son endettement à l'horizon 2020 pourrait être réduit de près de 70 %.

Bien que la situation actuelle ne relève pas d'une logique économique robuste, votre rapporteur a conscience que l'affectation totale du produit de la TAC au BACEA est peu envisageable à court terme , ne serait-ce qu'en raison de la difficulté à trouver un gage au niveau du budget général. Une réflexion pourrait néanmoins être menée sur l'opportunité d'une hausse modérée de la quotité de TAC affectée au BACEA , afin de mettre la DGAC en situation de totale responsabilité sur sa trajectoire de désendettement.

III. L'AMÉNAGEMENT AÉROPORTUAIRE DU TERRITOIRE EN CRISE

La France est, avec l'Allemagne, le pays qui comporte le plus d'infrastructures aéroportuaires. Elle hérite en effet d'un maillage historique particulièrement dense, avec de nombreuses petites plateformes peu rentables, qui assurent l'accessibilité de certaines régions moyennant des subventions à destination de certaines lignes ou de certaines infrastructures.

En matière de transports aériens, l'aménagement de notre territoire est donc fortement conditionné par le soutien de la puissance publique. Sous la contrainte financière, on assiste à plusieurs évolutions qui redessinent progressivement le paysage de la desserte aérienne. Votre rapporteur souhaite qu'une réflexion s'engage à l'échelle nationale, afin que la nécessaire rationalisation s'effectue dans le cadre d'une véritable stratégie d'aménagement et non dans l'urgence liée à des impératifs purement financiers.

A. LES LIGNES D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE FONT LES FRAIS DE L'ASSAINISSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES

En augmentation tendancielle jusqu'en 2010, les crédits consacrés aux liaisons d'aménagement du territoire (LAT) se réduisent progressivement depuis, avec une baisse particulièrement nette des autorisations d'engagement (AE) et une diminution moins marquée, mais tout aussi régulière, des crédits de paiement (CP).

Année

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

2010

23 509 000

-

18 212 000

-

2011

24 155 000

3 %

16 852 000

-7 %

2012

14 502 000

-40 %

15 675 000

-7 %

2013 (p)

7 364 000

-49 %

16 618 000

6 %

2014 (p)

10 300 000

40 %

14 500 000

-13 %

Source : DGAC

Globalement, l'objectif de redressement des finances publiques a rendu le financement des liaisons aériennes d'aménagement du territoire en métropole nettement plus sélectif à partir de 2013 . Les crédits sont recentrés sur les liaisons vers les collectivités les plus enclavées et celles pour lesquelles une desserte aérienne est critique pour le maintien de l'activité économique.

Sans remettre en cause la nécessité d'un assainissement des finances publiques, votre rapporteur regrette que ces évolutions en matière de lignes d'aménagement du territoire relèvent bien plus de considérations financières que d'un véritable projet d'aménagement , faute d'une vision clairement définie à l'échelle nationale.

B. LE RÉGIME DES AIDES D'ETAT AUX AÉROPORTS RÉGIONAUX EST EN SUSPENS

La Commission européenne a présenté, le 3 juillet dernier, son projet de révision des lignes directrices relatives aux aides d'État aux aéroports et aux compagnies aériennes . L'objectif de cette démarche est de mieux prendre en compte les évolutions du secteur aéronautique, de restreindre le nombre d'aéroports non-rentables qui survivent grâce à des aides d'État et de répondre aux dysfonctionnements du cadre actuel, révélés par les nombreux contentieux en cours.

Plusieurs critiques ont été formulées à l'encontre de ce projet. Il lui est surtout reproché une insuffisante prise en compte de la situation des petits aéroports régionaux, dont le trafic est inférieur à un million de passagers par an. La Commission européenne s'est finalement déclarée ouverte à des propositions d'aménagements techniques. Des négociations sont désormais engagées avec les États membres. La Commission européenne espère adopter le nouveau texte au début de l'année 2014.

À l'initiative de la commission des affaires européennes, le Sénat s'est saisi de cette question sensible pour l'aménagement du territoire et a adopté, le 3 novembre dernier, une résolution européenne 6 ( * ) . Cette dernière vise notamment à soutenir la position du Gouvernement, en faveur de l'introduction d'une nouvelle catégorie pour les petits aéroports, qui pourraient ainsi bénéficier d'un régime d'aides plus souple.

Votre rapporteur renvoie à l'analyse qu'il a lui-même présentée devant la commission du développement durable 7 ( * ) . Il souhaite simplement souligner la nécessité de suivre attentivement les débats en cours à Bruxelles . Il n'est pas assuré que la position défendue par la France soit entendue par la Commission, et plusieurs aéroports régionaux sont potentiellement menacés de fermeture en l'état actuel du droit.

C. LE PROJET D'AÉROPORT GRAND OUEST S'ENLISE

À la suite d'une procédure d'appel d'offres, le financement, la conception, la construction, l'exploitation et la maintenance du futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes ont été attribués à la société Aéroports du Grand Ouest, filiale de Vinci concession 8 ( * ) .

Selon les informations transmises par le Gouvernement, le coût estimé du projet est de 408 M€ pour l'aéroport, 34 M€ pour les équipements de navigation aérienne, 81 M€ pour la desserte routière et 9 M€ pour les aménagements fonciers et l'enfouissement des lignes à très haute tension (THT), soit un total actualisé d'environ 560 M€. Ce montant est comparable au coût d'une trentaine de km de ligne à grande vitesse (LGV) ou bien encore au prix de deux avions gros-porteurs. La contribution publique globale est de 246 M€ (43,3 %) , avec un partage entre l'État et les collectivités territoriales, le reste étant à la charge du concessionnaire.

Les détracteurs du projet affirment, quant à eux, que si l'on ajoute toutes les infrastructures routières et ferroviaires devant être construites pour desservir l'aéroport, le coût total peut s'élever à 4 Mds€.

Sauf cause imputable à l'État, tout surcoût éventuel de construction est à la charge du concessionnaire Aéroports du Grand Ouest ainsi que le prévoit le contrat de concession. Par ailleurs, le contrat prévoit qu'en cas de dépassement des prévisions, un intéressement sera dû par le concessionnaire aux collectivités publiques qui auront financé le projet.

Le projet de nouvel aéroport, comme la majorité des grands projets d'infrastructures, est confronté à des oppositions qui dépassent les seuls enjeux de l'aérien. À ce jour, tous les contentieux jugés, soit devant le juge administratif, soit devant le juge judiciaire, ont été perdus par les requérants. D'autres sont en cours d'instruction.

LES TRIBULATIONS DU PROJET D'AÉROPORT GRAND OUEST

Ce projet est inscrit dans les plans d'urbanisme depuis 1974. La déclaration d'utilité publique est intervenue en 2008 et l'aéroport devait théoriquement être mis en service en 2017. Le 1 er janvier 2011, une réserve foncière de 1 600 hectares a été cédée à Vinci, concessionnaire du projet. Le calendrier initial prévoit qu'à l'issue d'une phase de travaux préalables en 2013 (travaux de défrichement de la zone d'aménagement différé), les travaux de construction de l'aéroport commencent au printemps 2014.

Cependant, de violents affrontements ont éclaté à l'automne 2012 entre les forces de l'ordre et des militants écologistes et anticapitalistes, qui occupent le site du futur aéroport. Pour faire face à la contestation, le gouvernement a annoncé la création d'une commission du dialogue en novembre 2012 et le report des travaux. En plus de la commission du dialogue, ont été nommées deux commissions, l'une sur l'évaluation scientifique des impacts environnementaux et l'autre sur l'impact sur l'agriculture.

Les trois commissions ont rendu leur rapport en avril 2013. La commission du dialogue demande que de nouvelles études soient réalisées, concernant notamment l'évaluation des coûts de réaménagement de l'aéroport existant, la réduction de l'emprise du nouvel aéroport, les justifications économiques du projet. La commission n'avait pas pour mission de se prononcer sur le bien-fondé du projet. La commission sur les impacts environnementaux remet en cause le calcul de compensation des zones humides. La commission sur l'agriculture lance une alerte sur la disparition de terres agricoles.

En outre, suite à la pétition déposée par trois associations auprès du Parlement européen, les autorités françaises ont échangé des informations avec la Commission européenne et le Parlement européen tout au long de l'année 2013, portant notamment sur la bonne application du droit de l'Union européenne en matière d'environnement.

Actuellement, le préfet prépare un arrêté « loi sur l'eau » qui doit prendre en compte les recommandations concernant les zones humides.

Le 14 septembre 2013, le Premier Ministre s'est déclaré « confiant » au sujet de la réalisation de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Il ne doute pas de l'issue du projet mais n'a cependant pas fixé de date pour le début des travaux . En outre, la zone d'aménagement différé (ZAD) est toujours occupée par des opposants au projet.

Votre rapporteur s'inquiète du coût de ces atermoiements pour les finances publiques , qu'il s'agisse du projet lui-même ou du maintien sur place d'un dispositif conséquent de forces de l'ordre. Il ne souhaite pas que l'enlisement actuel devienne synonyme de gouffre financier. L'absence de perspectives claires, jusqu'au plus haut niveau de l'État, n'est pas vraiment rassurante sur ce point.

IV. LA RELATION ADP - AIR FRANCE : UN ÉQUILIBRE À TROUVER DANS LE TROISIÈME CONTRAT DE RÉGULATION ÉCONOMIQUE

A. AEROPORTS DE PARIS RÉORIENTE SES PRIORITÉS STRATÉGIQUES

Aéroports de Paris (ADP) affiche 125 M€ de résultat net au premier semestre 2013, notamment sous l'effet du dynamisme de l'aéroport d'Orly (+2,9 %). Après une période difficile liée aux printemps arabes et à la restriction des visas en Algérie, Orly bénéficie d'un rebond favorable alimenté par le développement des courts-séjours qui met en valeur sa proximité parisienne.

Le renouvellement des instances dirigeantes d'ADP s'accompagne d'évolutions stratégiques en 2013. Le cycle d'investissements touche à sa fin et 150 M€ d'économies sont d'ores et déjà programmés. Tout en prolongeant le développement international, les priorités affichées sont désormais la qualité du service rendu au client et la réalisation de CDG Express.

1. Des économies en fonctionnement et en investissement

Mis en place au début de l'année, le plan d'efficacité et de modernisation 2013-2015 comporte deux volets générateurs d'économies structurelles.

Un plan de réduction des coûts est axé sur une mise sous contrainte budgétaire qui a déjà permis d'identifier 32 M€ d'économies dès 2013, dont 26 M€ d'économies structurelles. Les premiers effets se font déjà ressentir par le fort ralentissement de la croissance des charges courantes au deuxième trimestre 2013. En outre, des économies ont été identifiées sur les achats à hauteur d'environ 32 M€ pour 2014 et 2015. L'objectif est d'atteindre 80 M€ d'économies structurelles d'ici 2015 , grâce notamment à la réduction des frais de sous-traitance, de télécommunications et des honoraires.

Les négociations en vue d'un plan de départs volontaires de 370 postes dès 2014 ont également été ouvertes. Un plan de recrutement de 120 personnels d'accueil et 60 postes dans les filières techniques y est également associé, notamment pour renforcer la stratégie d'accueil du client.

En outre, l'année 2013 marque le début d'une pause dans la dynamique d'investissement du groupe. Par rapport au plan d'investissements de décembre 2012, 150 M€ d'économies sont programmés, notamment en raison du report de projets rendu possible par la situation du trafic. Le groupe estime que les capacités actuelles, notamment grâce à la livraison du satellite 4, permettent de ne pas avoir à investir dans de nouvelles infrastructures avant 2023-2024 à Paris-Charles de Gaulle (CDG).

2. Une évolution de l'actionnariat suite à des cessions de participation de l'État

En juin 2013 , l'État a cédé 9,5  % du capital d'ADP - 3,9 % possédés en propre et 5,6 % via le Fonds stratégique d'investissements (FSI) - pour un montant total de 738 M€ (dont 308 M€ pour l'État). Vinci (4,7  %) et Predica (4,8 %) se sont portés acquéreurs et obtiendront chacun un siège au conseil d'administration, au plus tard lors de la prochaine assemblée générale (mai 2014).

La nouvelle structure de l'actionnariat d'ADP est la suivante :

État

50,6 %

Schiphol Group

8,0 %

Vinci

8,0 %

Predica

4,8 %

Institutionnels français

8,7 %

Institutionnels non-résidents

12,4 %

Actionnaires individuels non identifiés

5,7 %

Salariés

1,8 %

À noter que, pour éviter de répéter le scénario de la privatisation d'ASF (Autoroutes du Sud de la France) en 2005, où Vinci avait préalablement accumulé plus de 21 % du capital pour ensuite négocier des conditions avantageuses avec l'État, le cahier des charges a plafonné à 8 % pendant 5 ans la participation des nouveaux actionnaires .

3. Une stratégie de croissance externe en Turquie qui demeure risquée mais rentable à court terme

En 2012, pour sa première grande acquisition internationale, ADP a investi plus de 700 millions d'euros dans le rachat de 38 % du groupe aéroportuaire TAV, concessionnaire jusqu'en 2021 du principal aéroport d'Istanbul , Atatürk (ATA). Cette opération est intervenue juste avant la décision du gouvernement turc de construire un nouvel aéroport international à Istanbul, confié à un consortium constitué de cinq conglomérats turcs spécialisés dans le BTP (Limak, Cengiz, Mapa, Kalyon et Kolin). Le groupe TAV a en effet été éliminé de l'appel d'offres au début du mois de mai 2013.

Pour autant, ADP étudie actuellement les aménagements de capacités nécessaires pour faire face à la croissance du trafic à Istanbul Atatürk dans les années à venir. En effet, le nombre de passagers accueillis à Atatürk pourrait atteindre 52 millions en 2013, soit une croissance d'environ 15 % par rapport à 2012, pour une capacité maximale théorique de 50 millions.

Dès lors, de nouveaux investissements sont à l'étude, d'autant que le projet de nouvel aéroport semble prendre du retard . La presse relate que le consortium gagnant n'aurait pas finalisé son tour de table financier, à hauteur de 5 Mds€ à 7 Mds€, et serait ainsi encore dans la phase d'approche des banques de financement, qui, de leur côté, s'attendraient à ce que cette phase de constitution d'un pool bancaire ne pourra se finaliser avant au moins le premier trimestre. En outre, ce projet est désormais confronté d'une part à l'opposition des environnementalistes en raison de la destruction prévue de 7 800 hectares de forêt et, d'autre part, aux risques environnementaux de construire cet aéroport sur une ancienne mine.

En conséquence, le consortium gagnant évoque publiquement une ouverture en 2019, mais les retards pourraient en réalité être plus importants. Il apparaît donc de plus en plus crédible de parier sur une prolongation de l'activité d'Atatürk . Au final, votre rapporteur observe que le risque d'une dépréciation des comptes d'ADP semble s'éloigner, tandis que l'opération se révèle profitable à court terme.

4. Une implication plus ferme dans le projet CDG Express

ADP soutient le projet CDG Express qui permettra de relier de façon directe en 20 minutes la gare de l'Est à l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle , avec une fréquence d'un train toutes les quinze minutes circulant sur une amplitude horaire très large pendant toute l'année (5 heures à 24 heures). Ce projet contribuera à absorber une partie de la croissance du trafic routier d'accès à l'aéroport.

La mise en service de la ligne est envisagée à horizon 2023 , pour un projet estimé à 1,85 Md€, dont environ 200 M€ liés au matériel roulant, auxquels s'ajoutent 120 M€ de travaux nécessaires sur le territoire de Paris-Charles de Gaulle.

Le financement de l'infrastructure a fait l'objet d'études visant à s'appuyer en premier lieu sur les tickets des passagers utilisant CDG Express et, en complément, pouvant s'appuyer sur une taxe acquittée par les passagers aériens locaux.

Début 2012, le gouvernement a décidé de relancer le projet en examinant différents scénarios possibles. Après les premières réflexions menées sous le pilotage du Préfet de Région, le ministre des Transports a demandé début 2013 à RFF et ADP de faire des propositions de montages juridiques et économiques impliquant les deux entreprises dans la construction et la gestion de l'infrastructure.

Quatre scénarios ont été analysés : la création d'une filiale commune par RFF et ADP (avec ultérieurement une mise en concurrence pour le service ferroviaire), un établissement public spécifiquement dédié à la réalisation puis à la gestion de la ligne, la réalisation de l'ouvrage par RFF avec un support de financement par ADP à définir, ou enfin le lancement par l'État d'une nouvelle procédure d'attribution d'une concession globale. À ce stade, la préférence du ministre est en faveur du scénario public de constitution d'une filiale conjointe entre ADP et RFF .

Votre rapporteur se félicite qu'ADP s'inscrive dans une démarche volontariste sur ce projet. Une desserte directe et dédiée permettra d'élever Paris-Charles de Gaulle au même niveau que la plupart des grands aéroports internationaux. L'amélioration conjointe du RER B et la création du Métro Express du Grand Paris (ligne 17) viennent conforter l'acceptabilité de CDG Express pour les territoires qu'il traversera.

B. L'AVENIR D'AIR FRANCE RESTE INCERTAIN MAIS LES SIGNAUX ENREGISTRÉS SONT POSITIFS

Au cours des cinq dernières années, Air France n'a pas connu d'exercice bénéficiaire. L'année 2012 a été préoccupante avec une perte nette de près d'un milliard d'euros. L'endettement s'est fortement accru depuis 2008 et atteint environ 6 Mds€ au début 2013.

Cette situation a conduit Air France à lancer le plan Transform 2015 dès le début de l'année 2012, afin de restaurer la rentabilité de l'entreprise, de renouer avec une dynamique de croissance et de limiter l'impact de ces difficultés sur l'emploi. Pour une analyse détaillée du contenu de ce plan, votre rapporteur renvoie à la présentation effectuée l'année dernière 9 ( * ) .

1. La situation financière du groupe est en voie d'amélioration mais demeure dégradée

Toutes les mesures décidées en 2012 dans le cadre de Transform 2015 sont en oeuvre : faible croissance des capacités, réduction des investissements, réduction des effectifs, mise en place des nouvelles conditions de travail, amélioration de la productivité. Le groupe a également investi dans l'amélioration de la qualité des produits et services offerts à ses clients.

Sous l'effet de ces mesures, le groupe est dans une dynamique positive depuis le second semestre 2012. À ce titre, les résultats des trois premiers trimestres 2013 sont encourageants , avec un chiffre d'affaires en hausse de 1 % à 19,51 Mds€ et un résultat d'exploitation de 183 M€ d'euros (contre -199 M€ au 30 septembre 2012).

Le risque financier est écarté à court-terme : le groupe peut compter sur un cash-flow libre d'exploitation de 498 M€, une trésorerie de 4,35 Mds€ et des lignes de crédit entièrement disponibles de 1,80 Md€.

La dette nette est elle-même en phase de réduction, puisqu'elle s'établit à 5,40 Mds€ contre 5,97 Mds€ au 31 décembre 2012, soit une baisse de 560 millions d'euros. Les ratios financiers de couverture sont en amélioration. Ainsi, le ratio dette nette/EBITDA sur 12 mois glissants est passé de 4,3 au 30 septembre 2012 à 3,1 au 30 septembre 2013.

La réduction des coûts est conforme au plan, avec une baisse de 2,2 % (hors change) sur les neuf premiers mois de 2013. Cependant, les recettes sont inférieures aux prévisions du fait d'une conjoncture économique adverse et de difficultés structurelles dans certaines activités, notamment le moyen-courrier point-à-point (Orly et bases de province) et le cargo.

Ainsi, l'entreprise va pouvoir réduire son déficit d'exploitation en 2013, mais le retour à l'équilibre ne sera pas atteint cette année .

2. Pour atteindre l'équilibre en 2014, Air France doit compléter le plan Transform 2015 par de nouvelles mesures structurelles

Le cadrage de ces mesures a été présenté aux CCE du 18 septembre et du 4 octobre 2013. Leur mise en oeuvre est en préparation, en concertation avec les organisations professionnelles. Ces mesures complémentaires sont d'ordre industriel et social.

a) Le volet industriel

Dans le moyen-courrier, les mesures industrielles concernent principalement les liaisons de point à point . Le groupe prévoit un ajustement du réseau en réduisant certaines fréquences, en recourant à la sous-traitance, en fermant les lignes les plus déficitaires et en renforçant la saisonnalité sur les destinations à dominante loisir pour mieux adapter l'offre au marché. Cette stratégie s'accompagne mécaniquement d'une adaptation des capacités de la flotte :

- réduction de la flotte Air France de deux avions à Orly et de sept avions sur les bases de province d'ici 2015 ;

- réduction de la flotte Hop ! à l'été 2014, qui passera de 54 à 50 avions basés à Orly ;

- montée en puissance de Transavia qui va accélérer son développement vers des destinations européennes avec une offre low-cost premium et dont la flotte devrait augmenter de cinq avions par an jusqu'en 2016.

Dans le cargo, les mesures industrielles sont la poursuite de la baisse des avions tout cargo chez Air France comme chez KLM (-4 avions ramenant ainsi la flotte à 10 avions en 2015) et la sous-traitance de la gare de fret d'Orly.

b) Le volet social

La réorganisation industrielle des activités moyen-courrier et cargo d'Air France conduit à une baisse des effectifs de 2 880 personnes. Air France entend traiter les suppressions de poste dans le respect de l' engagement de ne pas recourir à des départs contraints d'ici le 31 décembre 2014.

Afin de traiter les sureffectifs de personnel au sol , Air France a présenté un plan de départs volontaires (PDV) concernant 1 826 postes . Les sureffectifs concernent pour 60 % les sites de CDG et d'Orly, pour 20 % les escales du Sud-Est (Marseille, Nice), le reste étant réparti entre les autres escales de province. Les départs devraient s'échelonner entre février et décembre 2014. Une partie des sureffectifs sera résorbée par des départs naturels (environ 500 ETP) et par le recours au temps partiel aidé. Ce nouveau PDV devrait générer des économies de l'ordre 150 millions en année pleine.

Le sureffectif des pilotes (350 ETP) et des personnels de cabine (700 ETP) fera l'objet d'autres dispositifs en 2014 . En effet, le premier PDV concernant les personnels de cabine étant toujours en cours, la mise en place et les modalités d'un deuxième PDV seront décidés ultérieurement (à ce stade seul le niveau de sureffectif a été précisé). Quant aux pilotes, le temps de retour sur investissement d'un PDV étant assez long, la possibilité d'une mise en retraite anticipée des plus de 60 ans est envisagée avec le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Un aménagement législatif est en discussion avec le ministère des Transports.

En complément, Air France poursuit sa politique de modération salariale avec la prolongation d'un an du gel des augmentations générales soit jusqu'en 2014 pour le personnel au sol, 2015 pour le personnel de cabine, 2014 ou 2015 pour les pilotes selon les discussions en cours.

3. La crédibilité de ce plan est critique pour l'avenir d'Air France

Les mesures complémentaires mises en oeuvre au cours de l'année 2014 produiront leur plein effet en 2015 . Cependant, elles devraient permettre, dès l'an prochain, de réduire significativement les pertes du moyen-courrier et du cargo sans toutefois les amener à l'équilibre initialement prévu.

En conséquence, dans un environnement marqué par une faible croissance et une volatilité du prix du pétrole et des devises, et malgré la forte amélioration des activités long-courrier et maintenance, le groupe reste dans une situation difficile. L'objectif de réduction de la dette de 2 Mds€ à horizon 2014 a d'ores et déjà été repoussé à 2015.

A bien des égards, l'année 2014 s'annonce déterminante pour l'avenir du groupe. L'absence de retour à l'équilibre d'exploitation pourrait avoir de graves conséquences. À noter, le profil de la dette laisse apparaître de fortes échéances de remboursement (750 M€) dès le début de l'année.

Votre rapporteur salue les efforts mis en oeuvre par Air France dans un contexte peu favorable. Il est sensible au fait que le groupe a fait le choix stratégique de maintenir les grandes lignes de son périmètre d'activité . D'autres grandes compagnies européennes, à l'instar de British Airways, ont fait le choix de sacrifier les lignes régionales au profit du long courrier pour retrouver un seuil de rentabilité. Pour l'heure, Air France doit fournir la preuve de sa capacité à améliorer sa productivité et son efficacité économique, avant de pouvoir prétendre, dans un second temps, à un nécessaire renforcement de ses capitaux propres.

C. L'ENCADREMENT DES REDEVANCES AÉROPORTUAIRES EST AU CoeUR DES NÉGOCIATIONS DU CRE 3

Le contrat de régulation économique (CRE) d'Aéroports de Paris définit : les engagements de l'entreprise en matière d'investissements ; les objectifs de qualité de service, assortis d'incitations financières (bonus/malus) ; et surtout le plafond d'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires les plus significatives, au regard des objectifs précédents et du périmètre régulé.

Le CRE actuel couvre la période 2011-2015. Par rapport à la première version, ce deuxième CRE exclut du périmètre régulé les activités de diversification immobilière et les activités commerciales et de restauration , depuis le 1 er janvier 2011. Contrairement au principe de caisse unique, qui prévaut généralement sur les aéroports français, ces activités ne contribuent plus à modérer la hausse des redevances aéroportuaires : c'est ce que l'on appelle la caisse aménagée .

Ce changement de régulation a été décidé par le Gouvernement à la fin de l'année 2009, en contrepartie d'un gel des redevances en 2010 - année difficile pour le transport aérien - et d'une hausse modérée des tarifs sur toute la durée du CRE 2 (2011-2015).

CAISSE UNIQUE, CAISSE DOUBLE ET CAISSE AMÉNAGÉE

Les redevances aéroportuaires représentent environ 55 % du chiffre d'affaires d'un aéroport . Elles sont payées par les compagnies aériennes et ces coûts incompressibles sont répercutés dans le prix des billets d'avion. L'ordre de grandeur des charges aéroportuaires pour un vol varie entre 20€ et 40€ par passager , selon la destination. Le niveau de ces charges est en augmentation tendancielle, alors que les prix des billets d'avion évoluent à la baisse.

Pour autant, ces redevances ne permettent pas à elles seules d'assurer le financement du service public aéroportuaire (piste, aérogare, etc.). Un financement complémentaire est trouvé par les revenus des activités extra-aéronautiques : commerces et restauration en aérogare, parking automobiles, immobilier locatif sur l'aéroport, immobilier de diversification.

Afin de contenir le niveau des charges aéroportuaires payées par les compagnies, le régulateur économique (DGAC) tient compte des profits générés par les activités extra-aéronautiques, dont les tarifs sont libres, pour réguler l'évolution des redevances , c'est-à-dire modérer leur hausse.

C'est le principe de la caisse unique (« single till » ): le périmètre d'activités pris en compte par le régulateur pour apprécier la rémunération de l'exploitant et donc le niveau des redevances, comprend le service public aéroportuaire et la totalité des revenus des activités extra-aéronautiques. Ce principe trouve sa justification dans le fait que les clients de ces activités extra-aéronautiques sont aussi les passagers des compagnies.

A contrario, on parle de caisse double (« dual till » ) lorsque la totalité des activités extra-aéronautiques est exclue du périmètre régulé. La caisse aménagée (« adjusted till » ) correspond à une situation intermédiaire, lorsqu'une partie des activités aéronautiques est exclue du périmètre régulé.

Avec 50,6 % du capital d'ADP, l'État est actuellement dans une logique de rentabilité. L'objectif affiché est d'atteindre une rentabilité des capitaux investis (ROCE) en ligne avec le coût moyen pondéré du capital (CMPC ), estimé à 6 % en 2012. Cet objectif ne sera pas atteint en 2015, le ROCE du périmètre régulé étant à 2,9 % en 2012, il devrait se situer dans une fourchette comprise entre 3,8 % et 4,3 % d'ici deux ans, d'après les informations communiquées à votre rapporteur.

Sous la pression de l'agence des participations de l'État (APE), ADP poursuit ses efforts en matière de maîtrise des coûts. En plus du plan de départs volontaires de 370 postes prévu pour 2014, la revue du programme d'investissements prévisionnel qui a eu lieu dans le courant de l'année 2013 a permis d'identifier une économie supplémentaire de 150 millions d'euros. Le ROCE suit ainsi une tendance ascendante qui permet de viser le CMPC, sur le troisième contrat de régulation économique (CRE 3) couvrant la période 2016-2020.

Votre rapporteur a bien conscience que l'enjeu du CRE ne se limite pas aux seules considérations financières . Il salue à ce titre les efforts particuliers d'ADP en faveur de la qualité du service rendu à l'usager. Néanmoins, dans un contexte budgétaire difficile, l'APE tient un discours purement financier et pousse à la rentabilité d'ADP, ce qui signifie une augmentation des redevances et une baisse de l'investissement .

Ces objectifs sont certes pertinents sur le plan financier, mais ils n'incluent pas l'ensemble de la chaîne de valeur à long terme. Air France est le principal fournisseur d'ADP, dont elle représente plus de la moitié du trafic. Il ne faut pas que le niveau des redevances pénalise excessivement la compétitivité de la compagnie, qui est déjà dans une situation difficile.

Votre rapporteur signale simplement qu' aucun engagement particulier n'a été pris en matière d'évolution des redevances pour les années au-delà du CRE 2 . Les compagnies aériennes sont favorables à un retour en arrière, au principe de la caisse unique. Cette approche semble toutefois excessive et peu réaliste. Sauf évolution conjoncturelle favorable, le régulateur pourrait être conduit à fixer un objectif de rentabilité sur le périmètre régulé plus bas que le CMPC dans le cadre du CRE 3. Votre rapporteur souhaite que la commission suive attentivement les négociations sur ce point. En tant qu'arbitre du CRE, l'État doit veiller à ce que la chaîne de valeur dans son ensemble reste équilibrée .

V. LA FILIÈRE AÉRONAUTIQUE : DES PERSPECTIVES INCERTAINES MALGRÉ LES SUCCES ACTUELS

La France est l'un des rares pays au monde à disposer d'une industrie complète, constructeurs et équipementiers, maîtrisant l'ensemble des compétences nécessaires à la définition et à la construction d'un aéronef. L'industrie nationale est présente dans tous les segments de marché (avions de transport, avions d'affaires, hélicoptères, moteurs, systèmes) en y occupant souvent une place de leader.

Ce tissu s'est structuré pour faire émerger de grands groupes de tout premier rang mondial : avionneurs et hélicoptériste (EADS-Airbus et Eurocopter, Dassault Aviation), motoristes (Safran-Snecma et Turbomeca), équipementiers et systémiers (Thales, Safran-Sagem, Messier-Dowty, Messier-Bugatti, Liebherr Aerospace Toulouse, ECE-Zodiac, Ratier-Figeac, etc), fournisseurs d'aérostructures (Latécoère, Daher/Socata, Sogerma), etc. Au-delà de ces grandes entreprises, la plupart des sociétés équipementières et PME disposent de savoir-faire de pointe, souvent sur des activités de niche, du fait d'une nécessité d'innovation accrue.

Selon l'INSEE, le secteur aéronautique et spatial est le secteur industriel qui a, en proportion, le plus fort effet d'entraînement sur le reste de l'économie . Son activité propre induit une génération de presque cinq fois sa propre valeur ajoutée dans les autres secteurs d'activité. Par comparaison, le secteur automobile, placé en seconde position, a un effet induit de quatre fois sa propre valeur ajoutée, la moyenne des autres secteurs industriels se situant entre 2 et 2,5.

A. L'INDUSTRIE AÉRONAUTIQUE FRANÇAISE POURSUIT SA TRAJECTOIRE À SUCCÈS

1. La filière demeure extrêmement rentable

En 2012, les adhérents du GIFAS 10 ( * ) ont enregistré un chiffre d'affaires de 42,5 Mds€, en croissance de 16 % par rapport à 2011, à périmètre constant. Représentant près des trois quarts de ce chiffre d'affaires, le périmètre aéronautique civile est exporté à hauteur de 75 %, soit un solde net des exportations positif de plus de 20 Mds€ en 2012 , en progression de près de 15 % par rapport à 2011. Ce secteur est le premier contributeur excédentaire à la balance commerciale française.

Le secteur se porte si bien que la crise en Europe n'handicape pas les constructeurs. Airbus et Boeing se trouvent dans la situation enviée de ne pas produire assez pour des clients qui veulent être livrés rapidement . En 2013, la valeur des prises de commandes est demeurée supérieure au chiffre d'affaires, ce qui contribue à continuer de remplir les carnets de commandes. Ceux-ci représentent aujourd'hui plus de sept années de production. L'enjeu pour les gros industriels est alors de gérer leur croissance en assurant l'accompagnement de leurs sous-traitants.

Dans son ensemble, la filière aéronautique a créé environ 8 000  emplois sur le territoire national en 2012 11 ( * ) et recruté environ 15 000 personnes (52 % d'ingénieurs et cadres, 25 % d'employés techniciens agent de maîtrise et 23 % d'ouvriers qualifiés). Par rapport à 2011, le volume d'embauches, en progression de plus de 15 %, est sans précédent , même si la profession avait déjà maintenu une dynamique forte pendant la crise (environ 10 000 recrutements annuels entre 2006 et 2011).

2. Les perspectives à moyen terme sont rassurantes

Dans l'ensemble, les prévisions d'Airbus et de Boeing sont assez proches avec une croissance du trafic exprimé en PKT (passager-kilomètre-transporté) de 4,7 % pour Airbus par an en moyenne sur ces vingt prochaines années, contre 5 % pour Boeing. Cette croissance devrait être portée essentiellement par :

- les besoins grandissants des économies émergentes, le marché intérieur chinois devenant le premier marché devant le marché américain après 2030 ;

- les besoins en renouvellement d'une flotte vieillissante dans les économies occidentales ;

- des besoins supplémentaires pour les compagnies occidentales, celles-ci profitant également de la croissance des économies émergentes.

De cette augmentation de volume du trafic aérien découle une augmentation de la flotte évaluée à environ 30 000 appareils pour les vingt prochaines années. Les appareils monocouloirs du type A320 et B737 représentent le plus gros marché avec plus de 20 000 appareils à livrer. Airbus et Boeing ont en revanche une vision différente du marché des très gros porteurs (A380 et B747). Le constructeur américain estime le besoin à 800 appareils sur cette période contre plus de 1 700 pour Airbus, ce dernier croyant à la fois au développement des liaisons point-à-point et au développement de hubs qui tirent profit de plus gros porteurs.

Le duopole formé par Airbus et Boeing devrait encore perdurer de nombreuses années. Les constructeurs russe Irkout et chinois Comac développent chacun un appareil monocouloir prévu pour une entrée en service dans quelques années. Cependant, il leur faudra encore beaucoup d'années pour pouvoir concurrencer l'A320 et le B737. Aussi, l'impact de l'arrivée de ces nouveaux entrants d'ici à 2030 ne devrait pas être significatif tant pour Airbus que pour Boeing. Quant aux plus gros porteurs, l'arrivée d'un nouvel entrant avant 2030 est peu probable.

B. LES ORIENTATIONS STRATÉGIQUES D'EADS ÉVOLUENT RADICALEMENT

1. L'aéronautique civile prend le pas sur les activités militaires

La tentative de fusion entre EADS et BAE Systems , initiée en 2012, s'inscrivait dans le cadre de la Stratégie 2020 qui prévoyait de rééquilibrer les activités civiles et militaires d'EADS. Son échec, notamment pour des raisons politiques, a entraîné, en 2013, une remise à plat de la gouvernance puis de la stratégie du groupe, avec pour objectif de transformer EADS en entreprise « normale ».

Le pacte d'actionnaires a été redéfini : les parts de Daimler et Lagardère ont été cédées et la participation des États limitée à 12 % pour maintenir la parité entre l'Allemagne et la France. Les prises de participation supérieures à 15 % ont été interdites statutairement pour éviter tout risque d'OPA hostile. De plus , les États n'ont plus de représentant direct au conseil d'administration . Afin de sauvegarder certains intérêts essentiels étatiques (notamment en matière de défense et de dissuasion), une holding spéciale Astrium Holding France a été créée, incluant trois représentants de l'État (non fonctionnaires), nommés par EADS et validés par l'État. Deux d'entre eux siègent au conseil d'administration d'EADS. Par ailleurs, les conventions relatives à la dissuasion ont été actualisées et confirmées.

Le groupe a également présenté de nouvelles orientations stratégiques, symbolisées par une profonde restructuration de ses activités. La nouvelle stratégie abandonne l'idée de rééquilibrer les activités civiles et militaires , au profit d'une répartition à 80 % en faveur de l'aéronautique civile. En effet, les mauvaises perspectives du secteur de la défense (budgets en net recul en Europe et absence de programmes majeurs à venir) contrastent avec les résultats en plein essor des ventes civiles d'avions commerciaux (près de 70 % du chiffre d'affaires du groupe).

Ainsi, les activités liées à l'espace et à la défense, actuellement réparties entre les filiales Cassidian, Airbus Military et Astrium, vont être consolidées au sein d'une même entité intitulée « Space & Defense ». Symboliquement, EADS devrait également abandonner son propre nom au profit de celui d'Airbus pour mieux tirer profit de la notoriété et de l'image de marque dont jouit l'avionneur dans le monde entier. Annoncée fin juillet, cette restructuration sera effective en 2014.

2. Le centre de gravité du groupe se déplace progressivement vers l'Asie

Au-delà du discours nécessairement rassurant du groupe sur la solidité de son enracinement européen, EADS envisage son avenir sur notre territoire mais aussi de plus en plus à l'international.

Les relais de croissance se situent en Asie et au Proche-Orient. Le chiffre d'affaires du groupe a bondi de 7 à 25 % entre 2002 et 2011 en Asie, contre une baisse de 40 à 13 % en Amérique et de 48 à 46 % en Europe. Aujourd'hui, la majeure partie du carnet de commandes d'Airbus se trouve à l'Est. Et dans les faits, on observe bien que le groupe dessine peu à peu la carte de son implantation en Chine , qui va bien au-delà de la seule chaîne d'assemblage d'A320 à Tianjin. Des partenariats se tissent avec des entreprises d'Harbin, Chengdu, Xi'an, Shenyang, Shanghai. Un centre d'ingénierie est implanté à Pékin, et le groupe se rapproche localement de centres de formation et de recherche coopérative. Des lots entiers du nouvel A350XWB seront confiés à l'industrie chinoise, comme les gouvernes de direction et de profondeur, ou les panneaux sandwich du carénage ventral.

Dans une perspective de stricte efficacité économique, i l est normal qu'une entreprise cherche à se rapprocher de son marché cible et qu'elle y élabore un tissu industriel. Mais il y a lieu de veiller à ce que cela ne se traduise pas par moins d'activité sur notre territoire. La croissance globale des commandes nous prémunit pour l'instant contre ce risque. Plus largement, c'est toute la question de la stratégie de l'État actionnaire qui est posée .

Nous atteignons en effet des seuils stratégiques où les cessions d'actifs n'ont pas seulement des conséquences financières. Le poids de l'État au conseil d'administration d'EADS devient insignifiant, et, derrière, notre capacité à impulser des orientations stratégiques à long terme disparaît . Or il est un point sur lequel toutes les théories économiques s'accordent : l'État est le seul garant des orientations à long terme. Le secteur aérien est un secteur de long terme, dans lequel le moindre investissement se calcule à horizon vingt ou trente ans. Il ne faut pas que l'État se dépossède de tous ses leviers d'action dans ce domaine .

C. LE MANQUE DE VISIBILITÉ À LONG TERME PÉNALISE TOUTE LA FILIÈRE

L'industrie aéronautique est une économie de cycles longs. Les succès actuels sont le fruit de politiques engagées il y a vingt ou trente ans. Et les politiques d'aujourd'hui déterminent les succès, ou les échecs, de demain. Or le secteur souffre depuis quelques années d'une perte de visibilité qui pénalise l'investissement dans la recherche et l'innovation. Votre rapporteur souhaite attirer l'attention de la commission sur cette tendance qui se confirme au fil des dispositifs budgétaires et fiscaux, dont l'instabilité est, une fois de plus, délétère.

Pour l'heure, les constructeurs saluent les engagements du deuxième programme Investissements d'avenir (PIA 2) , à hauteur d'environ 1,3 Md€ pour la filière. Ils vont notamment permettre le développement tant attendu de trois démonstrateurs technologiques, dont la finalité est la préparation du successeur à l'A320. Mais ce PIA 2 a le même défaut que son prédécesseur . Il fournit du financement à court terme, tout en ne proposant aucune trajectoire pour un secteur qui a plus que tout besoin de visibilité à long terme . Sans cela, les entreprises ne prennent pas les risques nécessaires au développement de projets ambitieux.

S'y ajoute l'effet de signal négatif de la loi de programmation militaire (LPM) , qui préserve les grands programmes en modulant le calendrier et les objectifs cibles, mais demeure à la merci de ressources extrabudgétaires incertaines.

Votre rapporteur insiste sur la nécessité d'enrayer cette dynamique de précarisation des investissements , sous peine de perdre toute capacité à engager des projets ambitieux de long terme, qui tirent la compétitivité et la croissance de notre économie.

VI. LES DÉFIS ENVIRONNEMENTAUX : ENTRE NÉCESSITÉ ET VOLONTARISME

Les termes du débat sur les émissions de gaz à effet de serre sont bien connus des économistes. L'innovation technologique permet, à plus ou moins long terme, de concilier les besoins de croissance du secteur et la nécessaire réduction de son empreinte écologique. Pour orienter les choix des acteurs économiques, l'intervention publique vise à mettre en place une réglementation appropriée et à pallier les défaillances de marché.

Cette intervention publique transite par de multiples canaux, nationaux et européens, qu'il s'agisse par exemple du crédit impôt-recherche (CIR) ou du développement d'une filière de biocarburants, déjà évoqué l'année dernière. Votre rapporteur a choisi d'aborder quelques sujets d'actualité, essentiellement au niveau européen.

A. INNOVATION TECHNOLOGIQUE : LE DYNAMISME DU SECTEUR DOIT ÊTRE PRÉSERVÉ

1. Un exemple de rupture technologique au service du développement durable : le « green taxiing »

Votre rapporteur a souhaité cette année mettre l'accent sur une innovation technologique qui a attiré l'attention de la commission du développement durable au cours de l'édition 2013 du Salon du Bourget.

Le système de « green taxiing » qui lui a été présenté est le fruit d'un partenariat entre Safran et Honeywell. Il offre la possibilité aux avions de rouler de leur place de parking à la piste d'atterrissage en utilisant des moteurs électriques , intégrés au système du train principal, à la place des turboréacteurs.

Les avantages d'un tel système sont potentiellement nombreux. Safran estime ainsi qu'il permet d' économiser jusqu'à 4 % du carburant embarqué et limite d'autant les émissions de gaz à effet de serre. En outre, les avions équipés de ce système pourront quitter la zone d'embarquement de façon autonome et plus rapide , réduisant ainsi l'encombrement des aires de stationnement et des voies de taxiage (départs à l'heure et réduction du temps au sol). Le système réduit également l'usure des freins carbone à froid, augmente la durée de vie des moteurs , améliore la sécurité des personnels au sol, et diminue le bruit sur les aéroports.

Ces améliorations sont source de réduction des coûts d'exploitation pour les compagnies aériennes et les aéroports. Les appareils ciblés sont surtout les aéronefs court et moyen courriers à fort taux de rotation, pour lesquels le rapport entre le temps de roulage et le temps de vol est favorable. Ce système pourra ainsi équiper, à partir de 2016, les avions de nouvelle génération (A320 NEO, B737 Max, C919) ou être installé en « retrofit » sur certains avions déjà en service.

2. L'intervention publique européenne en faveur de la recherche : le budget de Clean Sky 2 est aujourd'hui en débat

Clean Sky 2 est la continuation de l'initiative de recherche conjointe Clean Sky au sein du nouveau programme-cadre qui s'étend de 2014 à 2020. Une proposition technique a été bâtie par les leaders industriels, pour la plupart déjà présents dans Clean Sky, qui nécessite un financement public de 1,8 Md€ . Au total, grâce à un effet de levier accru sur les financements privés, le budget total mis en oeuvre serait alors de 4 Mds€.

L'INITIATIVE TECHNOLOGIQUE CONJOINTE CLEAN SKY

Clean Sky est un partenariat européen de coopération, à parts égales entre le secteur public et le secteur privé , dont le but est de développer un ensemble de technologies nécessaires pour « un système aérien propre, innovant et concurrentiel » . Les objectifs annoncés sont une réduction des émissions de CO2 de 50  %, des émissions de dioxyde d'azote de 80  % et une réduction de la pollution sonore de 50  %.

Ce programme de recherche en aéronautique, comprenant 21 pays, est officiellement lancé en février 2008. Il bénéficie d'un budget total de 1,6 Md€ (dont 0,8 Md€ de financement public) et s'étend jusqu'en 2017 . Son objectif est la compétitivité de l'industrie aéronautique européenne. Son existence est justifiée par un constat : les activités de recherche dans le secteur s'arrêtent spontanément à un niveau technologique trop bas. Sans une coordination appropriée, il manque un élément entre la recherche en laboratoire et sa déclinaison pratique.

Clean Sky joue le rôle d'un programme « aval » : lorsque la technologie est mature, il apporte des démonstrateurs intégrés pour des essais au sol ou en vol . Ces démonstrateurs sont développés autour des six domaines suivants : les aéronefs à voilure fixe intelligents ; les avions de transport régional verts ; les giravions verts ; les systèmes pour des opérations respectueuses de l'environnement ; les moteurs durables et verts ; l'écoconception.

Les grands projets actuels de Clean Sky sont l' « open rotor », moteur sans carénage à deux hélices contrarotatives (démonstration au sol en 2016), et l'aile totalement laminaire, qui vise à éliminer les tourbillons dans la traînée de l'avion (essai en vol sur A340 en 2015). Ces deux éléments contribuent notamment à préparer la succession de l'A320.

La France est de loin le premier pays bénéficiaire de Clean Sky, avec plus de 30 % du financement public, notamment au bénéfice de l'industrie - grands donneurs d'ordre mais aussi équipementiers et PME.

L'augmentation du budget de Clean Sky 2 par rapport à Clean Sky est analogue dans son principe à celle des autres initiatives technologiques conjointes (pharmacie, électronique, hydrogène). Elle répond à l'objectif politique de soutien à l'innovation de l'Union Européenne.

Pour autant, elle laisse apparemment moins de place à la « recherche collaborative » , qui, dans le vocabulaire européen, désigne la recherche plus amont, faite de projets séparés et non intégrés dans un programme cohérent. Par ce biais, 27 % du financement de Clean Sky bénéficie aux universités et aux centres de recherche .

On assiste donc à un débat entre une recherche organisée et coordonnée par l'industrie (avionneurs, motoristes, équipementiers) en fonction d'une stratégie commune à long terme, et une recherche plus traditionnelle où l'approche par thèmes scientifiques et technologiques tend à prévaloir.

Dans ce contexte, certains pays, comme l'Allemagne et les Pays-Bas, ont demandé une révision à la baisse du budget prévu pour ce programme. Clean Sky 2 est maintenant entré dans la phase politique où la proposition de règlement émise par la Commission est soumise à la discussion du Conseil européen et du Parlement.

Votre rapporteur souhaite attirer l'attention sur la nécessité pour la France de défendre avec fermeté le budget de 1,8 Md€ pour Clean Sky 2 . Il est essentiel que cette position soit maintenue afin d'accélérer la ré-industrialisation européenne, au profit d'un secteur d'excellence où les investissements publics dans l'innovation trouvent des débouchés quasi certains ou du moins hautement probables.

B. RÉGLEMENTATION DES ÉMISSIONS DE CO2 : L'OACI PRIVILÉGIE LES MESURES DE MARCHÉ AU SYSTÈME ETS DE L'UNION EUROPÉENNE

En avril 2013, sous la pression de la majorité des pays tiers et suite à la décision de l'OACI d'établir un groupe de haut niveau sur la question, l'Union européenne (UE) a adopté une décision dérogeant temporairement à la directive 2008/101/EC sur l'application du système ETS au transport aérien , en ce qui concerne les vols extra-européens (décision dite « Arrêt de l'horloge » ou « Stop the clock »). Cette décision établit un moratoire au titre des émissions de 2012 pour les vols entrant ou sortant de l'UE .

L'APPLICATION DU SYSTÈME ETS AU TRANSPORT AÉRIEN DANS L'UE

Au 1 er janvier 2012, les activités aériennes touchant l'Union européenne ont été intégrées dans le système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre européen (en anglais Emission Trading Scheme - ETS), en application de la directive 2008/101/EC qui dispose que tout vol réalisé avec un aéronef de plus de 5,7 tonnes, au départ et à l'arrivée d'un aérodrome de l'espace économique européen (EEE), quelle que soit sa nationalité, doit rendre des quotas d'émissions ; pour ce faire, les exploitants reçoivent gratuitement l'essentiel de leurs besoins en quotas mais doivent en moyenne racheter l'équivalent d'environ 15  % de leurs émissions de dioxyde de carbone (CO 2 ).

L'Union européenne a ainsi fait en 2008 le choix politique d'apporter seule une réponse aux émissions de l'aviation civile internationale, précisant qu'elle était disposée à rendre le système européen conforme à tout système qui serait adopté au niveau de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et qu'elle était ouverte à toute adaptation du système si des mesures similaires sont prises par des États tiers.

L' opposition de la quasi-totalité des États extra-européens contre l'ETS n'a pas cessé de se manifester jusqu'à l'été 2013 sous différentes formes. Schématiquement il convient de retenir :

- l' opposition des États-Unis : les compagnies aériennes américaines ont contesté la légalité de la directive au regard du droit international. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) leur a donné tort en décembre 2011. Mais à l'initiative du Congrès, le Président Obama a signé fin novembre 2012 une loi protégeant les compagnies des États-Unis contre l'ETS ;

- la contestation des principaux pays émergents (Brésil, Chine, Inde et Russie), dont les compagnies, à l'instar de celles des pays en développement les plus pauvres, ne bénéficient pas de la clause d'exemption à l'ETS sous le seuil de 10 000 tonnes de CO2 par an. Ces États fondent leur lutte contre le dispositif européen sur deux arguments principaux : (i) le principe international de souveraineté bafoué selon eux par la portée extraterritoriale de l'ETS et (ii) la « responsabilité commune mais différenciée » des États posée par la Convention cadre des Nations Unies contre les changements climatiques (CCNUCC). La Chine a utilisé à l'appui de son opposition des menaces de rétorsion commerciale contre Airbus.

Pratiquement la quasi-totalité des transporteurs aériens respectent la législation ETS et, au niveau européen, 98 % des quotas exigibles au titre de 2012 ont été restitués avant la date butoir fin avril 2013 . Les quotas non restitués concernent principalement, d'une part, des petits émetteurs non commerciaux vraisemblablement déroutés par la complexité des formalités administratives liées au système d'échanges, d'autre part, les compagnies chinoises, pour leurs vols de bout de ligne entre deux aéroports de l'Union, en application des consignes de leur gouvernement.

Finalement, l'OACI est parvenue à un accord, le 4 octobre dernier , pour plafonner les émissions de gaz à effets de serre dans le transport aérien. Cet accord préliminaire, signé par tous les États membres de l'OACI sauf six, devrait mettre fin au système ETS mis en place par l'UE, au profit de « mesures de marché » . Le détail de ces mesures ne sera finalisé et présenté que lors de la prochaine réunion de l'OACI en 2016, mais l'engagement a d'ores et déjà été pris d'assurer une croissance neutre du secteur à partir de 2020 , au travers notamment de l'utilisation de biocarburants et de mesures technologiques et techniques.

Par conséquent, la Commission européenne a présenté, le 16 octobre dernier, un projet d'amendement à la directive 2008/101/EC . À partir du 1 er janvier 2014 et jusqu'à la mise en place des mesures de marché, seuls les vols intracommunautaires et ceux vers l'Islande et la Norvège seront concernés par les ETS. Les vols de et vers des pays en voie de développement sont totalement exemptés. Pour les autres pays, cette exemption ne porte que sur le segment avant l'entrée dans l'espace aérien de l'UE. La Commission européenne espère désormais un vote de cet amendement par le Parlement européen et le Conseil d'ici mars 2014.

Toutefois, avec un prix du CO 2 autour de 3 euros la tonne , à comparer à l'amende de 100 euros par tonne non déclarée prévue par la directive 2008/101/EC, l'enjeu autour de ce débat est fortement amoindri. D'autant plus que le Parlement européen a rejeté, en avril dernier, la proposition de la Commission européenne de retirer une grosse partie des quotas d'un marché devenu largement excédentaire afin de faire remonter artificiellement le cours du CO 2 . Pour l'heure, un conflit dommageable avec nos partenaires commerciaux a ainsi pu être évité , et votre rapporteur déplore, une fois de plus, l'instabilité du cadre juridique pour les compagnies du secteur.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 novembre 2013, la commission a examiné les crédits relatifs aux « transports aériens » de la mission « Ecologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2014.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur . - Il me revient à nouveau de vous présenter les crédits relatifs au transport aérien pour l'année 2014.

En guise d'introduction, voici quelques éléments de contexte. Après avoir connu en 2009 la plus grave crise de son histoire, le transport aérien a renoué avec la croissance. En 2012, le seuil des 3 milliards de passagers transportés a été atteint à l'échelle mondiale, ce qui représente une hausse de 4,7 % par rapport à 2011. Mais cette croissance n'est pas équitablement répartie, et profite surtout aux compagnies du Golfe et des pays émergents.

La situation française est, elle, relativement contrastée, comme en témoignent les fortunes diverses de nos champions nationaux.

D'un côté, l'industrie aéronautique poursuit sa trajectoire à succès. Le chiffre d'affaires d'EADS a bondi de 15% en 2012, pour atteindre 56,5 milliards d'euros. Airbus détient un carnet de commandes de 13 200 avions représentant 520 milliards d'euros et l'équivalent de 8 années de production. Comme son concurrent Boeing, le constructeur se trouve dans la situation enviée de ne pas produire assez pour des clients qui veulent être livrés rapidement.

De l'autre côté, la situation d'Air France reste préoccupante. Au cours des cinq dernières années, la compagnie n'a pas connu d'exercice bénéficiaire. L'année 2012 a été véritablement inquiétante avec une perte nette de près d'un milliard d'euros. L'endettement s'est fortement accru depuis 2008 et atteint environ 6 milliards d'euros au début 2013.

A un niveau intermédiaire se trouve Aéroports de Paris, qui enregistre un résultat net de 341 millions d'euros en 2012 malgré le faible dynamisme du trafic passager (+0,8%). Cette performance s'appuie notamment sur une hausse des redevances, effective au 1er avril 2012.

Air France comme ADP ont engagé des plans de départs volontaires et de réduction des coûts. Du côté d'ADP, 32 millions d'euros d'économies ont été décidés en 2013, avec pour objectif de réaliser 80 millions d'euros d'économies structurelles à horizon 2015. Les négociations en vue d'un plan de départs volontaires de 370 postes dès 2014 ont été ouvertes. Quant à Air France, la compagnie a besoin de compléter son plan Transform 2015 par un nouveau plan de départs volontaires de 1 826 postes.

Voilà pour le contexte, j'en viens à présent à la présentation des crédits 2014. Pour mémoire, les crédits budgétaires alloués aux transports aériens figurent, d'une part, au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) qui regroupe les crédits de la navigation aérienne et des opérations de contrôle et de sécurité, d'autre part, au programme 203 de la mission « Ecologie », dans les actions 11 et 14 relatives aux infrastructures de transport et au soutien des lignes pour l'aménagement du territoire.

En 2014, le budget annexe contrôle et exploitation aériens (BACEA) sera en hausse d'environ 2 % pour atteindre 2,37 milliards d'euros bruts. Par rapport aux prévisions antérieures, retenues dans le cadre de la programmation triennale, le BACEA anticipe une dégradation probable des recettes de navigation aérienne. Ce recul, déjà perceptible en 2013, a conduit la DGAC à mettre en place des mesures de régulation budgétaire : 75 millions d'euros ont été inscrits en réserve de crédits, répartis à parts égales sur les dépenses de fonctionnement et d'investissement.

Les efforts de maîtrise de la dépense se poursuivent, avec 5 millions d'euros d'économies sur les dépenses de fonctionnement et 10 millions d'euros d'économies sur les dépenses de personnel par rapport à la loi de programmation des finances publiques. Le schéma d'emploi pour l'année 2014 prévoit 100 nouvelles suppressions d'emplois, ce qui devrait porter le plafond théorique à 10 925 emplois, pour un niveau réel compris entre 10 700 et 10 800 agents.

Cet exercice est néanmoins chaque année de plus en plus difficile. En effet, les efforts de productivité ont déjà été faits et les marges d'action sont à rechercher désormais dans la rationalisation territoriale avec un recours important aux technologies de l'information et de la communication, mais celles-ci nécessitent des moyens financiers.

Pour cette raison, l'année 2014 est marquée par une volonté de relancer les investissements. Il est en effet apparu qu'un retard dans la mise en service d'opérations essentielles engendrerait des surcoûts qui ne feraient qu'aggraver la situation financière du budget annexe. Certaines opérations sont en effet liées à des engagements européens exposant à des sanctions comme le programme « Data Link ».

La DGAC bénéficiera d'une augmentation de 62 millions d'euros pour ses crédits d'investissement dans le PLF 2014 par rapport à la LFI 2013. Rapportée aux prévisions 2014 effectuées lors de la construction du triennal 2013-2015, l'augmentation s'élève à 42 millions d'euros financée à hauteur de 37 millions d'euros par l'emprunt.

Ce nouvel emprunt creusera un peu plus l'endettement du budget annexe qui atteindra un pic en 2014 : 1 282 millions d'euros, en hausse de 3,5 %. Nous sommes loin de la stabilisation annoncée dans le triennal 2013-2015.

Sans remettre en cause le bien-fondé de ces investissements, je m'interroge sur la réelle capacité de la DGAC à organiser son désendettement. Les exigences européennes ne sont pas une nouveauté. Chaque année. La DGAC demande des crédits supplémentaires, qui ont ensuite vocation à faciliter le désendettement. Mais ce désendettement peine à s'amorcer, alors que de nouvelles contraintes continuent à s'ajouter. Compte tenu de la faiblesse des perspectives économiques et du trafic, la crédibilité du scénario de désendettement de la DGAC me laisse de plus en plus perplexe.

Certes, l'affectation totale du produit de la taxe d'aviation civile (TAC) au budget annexe est peu envisageable à court terme, ne serait-ce qu'en raison de la difficulté à trouver un gage au niveau du budget général. Mais sans doute faudra-t-il tout de même réfléchir à une approche structurelle de ce type, par paliers, si l'on espère un jour juguler la spirale de l'endettement. Car il faut se réjouir pour l'heure que les charges financières diminuent, compte tenu du niveau des taux d'intérêts. Elles baissent de 38,1 millions d'euros en LFI 2013 à 36,6 millions d'euros dans le PLF 2014. Mais cette situation ne se prolongera pas indéfiniment.

En ce qui concerne le programme 203 relatif aux infrastructures et services de transports, il est dans la continuité des budgets précédents. À noter tout de même que le financement des lignes d'aménagement du territoire (LAT) se veut de plus en plus sélectif depuis deux ans. Les crédits sont recentrés sur les liaisons vers les collectivités les plus enclavées et celles pour lesquelles une desserte aérienne est critique pour le maintien de l'activité économique.

Mais en matière d'aménagement du territoire, le sujet va bien au-delà de ces seules lignes. Les aides des collectivités aux aéroports régionaux sont en suspens à Bruxelles. Le Sénat a adopté, le 3 novembre dernier, une résolution européenne sur ce point, dont j'ai été le rapporteur pour la commission du développement durable. Cette résolution appuie la position du gouvernement en faveur de l'introduction d'une nouvelle catégorie pour les petits aéroports, qui pourraient ainsi bénéficier d'un régime d'aides plus souple. Nous devons suivre ce débat car il n'est pas assuré que la position défendue par la France soit entendue par la Commission, et plusieurs aéroports régionaux sont potentiellement menacés de fermeture en l'état actuel du droit.

Les petits aéroports ne sont pas l'unique sujet d'inquiétude. L'enlisement du projet d'aéroport Grand Ouest n'est pas de nature rassurante pour les finances publiques, et il ne faudrait pas que Notre-Dame-des-Landes devienne synonyme de gouffre financier. L'absence de perspectives claires, jusqu'au plus haut niveau de l'État, n'est pas vraiment tenable à terme.

Je souhaite attirer votre attention sur un point qui me paraît crucial et que nous avons plusieurs fois évoqué. La France est, avec l'Allemagne, le pays qui comporte le plus d'infrastructures aéroportuaires. Elle hérite d'un maillage historique particulièrement dense, avec de nombreuses petites plateformes peu rentables, qui assurent l'accessibilité de certaines régions moyennant des subventions à destination de certaines lignes ou de certaines infrastructures. Il est bien entendu nécessaire de rationaliser l'organisation géographique de nos infrastructures aéroportuaires. Mais ce travail doit se faire dans le cadre d'une réflexion à l'échelle nationale sur une véritable stratégie d'aménagement, et non dans l'urgence liée à des impératifs purement financiers.

L'équilibre des relations entre ADP et Air France est déterminé dans le cadre du contrat de régulation économique (CRE) d'ADP. Ce contrat permet de définir les objectifs de performance et d'investissement de l'entreprise et a notamment pour vocation de définir le plafond d'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires les plus significatives. Il fixe le niveau des redevances que les compagnies aériennes paient à ADP. Or il ne faut pas oublier qu'Air France représente plus de 50 % du trafic d'ADP. Des redevances élevées pèsent sur la compétitivité de la compagnie française, qui est déjà dans une situation difficile.

Le problème est qu'avec 50,6 % du capital d'ADP, l'État peine à définir une stratégie claire. L'Agence des participations de l'État (APE) tient un discours purement financier. Sous la contrainte budgétaire, elle pousse à la rentabilité d'ADP, ce qui signifie des redevances élevées et une baisse de l'investissement. L'objectif d'une rentabilité des capitaux investis égale au coût moyen pondéré du capital est certes louable sur le plan financier, mais n'inclut pas l'ensemble de la chaîne de valeur à long terme. Il ne faut pas qu'ADP ajoute aux difficultés de son principal fournisseur. En tant qu'arbitre du CRE, l'État doit se positionner. Le 2ème CRE est défini pour la période 2011-2015, le 3ème CRE est déjà en négociation pour la période 2016-2020. Il faudra veiller à ce que la chaîne de valeur dans son ensemble reste équilibrée.

Deux éléments plus positifs sur ADP. La stratégie de croissance externe en Turquie se révèle payante pour le moment. Pour rappel, ADP a investi en 2012 plus de 700 millions d'euros dans le rachat de 38 % du groupe aéroportuaire TAV, concessionnaire jusqu'en 2021 du principal aéroport d'Istanbul, Atatürk. Malheureusement, cette opération est intervenue juste avant la décision du gouvernement turc au mois de mai 2013 de construire un nouvel aéroport international à Istanbul, confié à un autre consortium turc. Mais ce projet semble prendre quelques retards, et en attendant, ADP bénéficie à plein de la forte croissance de l'aéroport Atatürk, 15 % en 2013 selon les prévisions.

L'autre élément positif est qu'ADP souhaite s'impliquer plus nettement dans le projet CDG Express, dont la mise en service est envisagée à horizon 2023. Toutes les questions ne sont pas réglées, notamment la contribution des passagers au financement de cette desserte directe et dédiée. Saluons néanmoins les efforts fournis pour avancer sur ce projet, qui permettra d'élever Paris-Charles de Gaulle au même niveau que la plupart des grands aéroports internationaux.

L'échec de la tentative de fusion entre EADS et BAE Systems en 2012, s'est traduit par une profonde remise à plat de la gouvernance et de la stratégie du groupe. L'objectif 50-50 entre le civil et le militaire a été abandonné, au profit d'un équilibre 80-20 au bénéfice du civil et de nouvelles cibles de rentabilité. En d'autres termes, EADS se « normalise » et adopte de plus en plus un comportement d'entreprise privée. Cela se traduit par une évolution du pacte d'actionnaires, qui voit les parts des États français et allemand chuter à 12 %, ces derniers n'ayant plus de représentant direct au conseil d'administration. Le groupe connaît une profonde restructuration interne, et abandonne d'ailleurs, à partir de l'année prochaine, son nom, au profit de celui de sa principale filiale, Airbus. Derrière ce changement cosmétique se dessine surtout une perspective nouvelle.

Au-delà du discours nécessairement rassurant du groupe sur la solidité de son enracinement européen, EADS envisage son avenir sur notre territoire mais aussi de plus en plus à l'international. Les relais de croissance se situent en Asie et au Proche Orient. Le chiffre d'affaires du groupe a bondi de 7 à 25 % entre 2002 et 2011 en Asie, contre une baisse de 40 à 13 % en Amérique et de 48 à 46 % en Europe. Aujourd'hui, la majeure partie du carnet de commandes d'Airbus se trouve à l'Est. Et on observe bien que le groupe dessine peu à peu la carte de son implantation en Chine, qui va bien au-delà de la seule chaîne d'assemblage d'A320 à Tianjin. Des partenariats se tissent avec des entreprises d'Harbin, Chengdu, Xi'an, Shenyang, Shanghai. Un centre d'ingénierie est implanté à Pékin, et le groupe se rapproche de centres de formation et de recherche coopérative. Des lots entiers du nouvel A350XWB seront confiés à l'industrie chinoise, comme les gouvernes de direction et de profondeur, ou les panneaux sandwich du carénage ventral.

Il est de bon sens qu'une entreprise cherche à se rapprocher de son marché cible et qu'elle élabore un tissu industriel dans cette perspective. Mais il y a lieu de veiller à ce que cela ne se traduise pas par moins d'activité sur notre territoire. La croissance globale des commandes nous prémunit pour l'instant contre ce risque. Plus largement, c'est toute la question de la stratégie de l'État actionnaire qui est posée.

L'année 2013 n'aura pas manqué d'actualité sur ce point. L'État vient encore il y a quelques jours de céder 4,7% de Safran, après une première cession de 3,12 % en mars dernier. Outre EADS, l'État a également cédé 9,5 % d'ADP l'été dernier, au profit du groupe de BTP Vinci et de l'assureur Prédica. Ces opérations sont rentables : les cessions Safran rapporteront 1,3 milliard d'euros à l'État, celle d'EADS 1,2 milliard et ADP 740 millions. Mais elles ne sont dictées que par la seule urgence budgétaire. Or nous arrivons aujourd'hui à un stade où les cessions n'ont pas seulement des conséquences financières. Le poids de l'État au conseil d'administration de ces entreprises est en jeu, et, derrière, notre capacité à conserver des orientations stratégiques à long terme. Le rôle de garant des orientations à long terme que l'État remplit est donc menacé. Le secteur aérien est un secteur de long terme, dans lequel le moindre investissement se calcule à horizon 20 ou 30 ans. Si l'État se dépossède de tous ses leviers d'action dans ce domaine, cela ne sera pas sans conséquence.

La France est actuellement le seul pays au monde avec les États-Unis à disposer d'une industrie complète, constructeurs et équipementiers, maîtrisant l'ensemble des compétences nécessaires à la définition et à la construction d'un aéronef. L'industrie nationale est présente dans tous les segments de marché (avions de transport, avions d'affaires, hélicoptères, moteurs, systèmes) en y occupant souvent une place de leader. Nous sommes à la veille de brader ces leviers d'action, d'aucuns diront ces bijoux de famille, et cela ne sera pas sans conséquence pour l'avenir. Nous basculons vers un autre modèle, dans débat et sans volonté industrielle assumée. Surtout, sans vision de ce que le nouveau modèle doit être.

Tout cela n'est pas sans lien avec la perte de visibilité dans le domaine de la recherche aéronautique. Pour l'heure, le secteur salue les engagements du programme Investissements d'avenir 2 (PIA 2) de l'ordre de 1,3 milliard d'euros, qui vont notamment permettre le développement tant attendu de trois démonstrateurs technologiques, dont la finalité est la préparation du successeur à l'A320. Mais ce PIA 2 a le même défaut que son prédécesseur. Il fournit du financement à court terme, tout en ne proposant aucune trajectoire pour un secteur qui a plus que tout besoin de visibilité à long terme. Sans cela, les entreprises ne prennent pas les risques nécessaires au développement de tels projets. Ajoutons-y l'effet de signal négatif de la loi de programmation militaire (LPM), qui préserve les grands programmes en jouant sur la cadence et les cibles, mais demeure à la merci de ressources extrabudgétaires. Il est impératif que nous cessions cette dynamique de précarisation de nos investisseurs, sous peine de perdre toute capacité à engager des projets ambitieux de long terme, qui tirent la compétitivité et la croissance de notre économie.

En matière environnementale, l'actualité est dominée par la décision de l'OACI du 4 octobre dernier. Celle-ci écarte définitivement l'application du système ETS au secteur aérien, telle que voulue par la Commission européenne. En revanche, l'accord prévoit de plafonner les émissions de gaz à effet de serre dans le transport aérien pour atteindre une croissance neutre du secteur à partir de 2020 et l'OACI s'est engagée à mettre en place des mesures de marché lors de sa prochaine réunion en 2016.

En attendant d'y voir plus clair sur le contenu de ces mesures, j'attire votre attention sur la continuation de l'initiative de recherche conjointe Clean Sky, dont notre commission a visité le stand au dernier salon du Bourget. Pour rappel, il s'agit d'un partenariat européen de coopération, à parts égales entre le secteur public et le secteur privé, 800 millions d'euros chacun, dont le but est de développer un ensemble de technologies nécessaires pour « un système aérien propre, innovant et concurrentiel ». Clean Sky joue le rôle d'un programme « aval » : lorsque la technologie est mature, il permet aux parties prenantes de se regrouper afin de financer des démonstrateurs intégrés pour des essais au sol ou en vol. De l'aveu général, ce programme est un succès. Mais certains pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas demandent une révision à la baisse du budget pour Clean Sky 2 après 2017, au motif que les universités et centres de recherche ne seraient pas suffisamment inclus dans le programme. La France, première bénéficiaire du programme, a tout intérêt à défendre avec fermeté le budget public de 1,8 milliard d'euros actuellement envisagé.

Au vu des éléments que je viens de vous présenter, je vous propose un avis de sagesse sur ces crédits.

M. Raymond Vall . - Je remercie le rapporteur de son exposé, mais aussi d'avoir organisé notre visite au salon du Bourget, qui avait été très intéressante.

M. Michel Teston . - Je ne sais comment interpréter l'avis de sagesse. Est-il destiné à nous inviter à adopter les crédits ? Ou à respecter les positions des uns et des autres ?

Le rapporteur a bien fait de présenter le contexte mondial, s'agissant d'un secteur totalement ouvert à la concurrence. Il a insisté sur les difficultés des compagnies nationales européennes. Il a mis l'accent sur le fait que l'industrie aéronautique française est ascendante, tout en relevant les interrogations qui subsistent quant à son positionnement et à l'implantation de ses usines. Il a porté une appréciation nuancée sur Aéroports de Paris (ADP). Certes cet établissement a un résultat net de 340 millions d'euros, mais celui-ci résulte d'une hausse des redevances et pas nécessairement d'une activité plus soutenue.

Cette année encore, l'équilibre du budget annexe « contrôle et exploitation aériens » (BACEA) rend nécessaire l'emprunt de 267,7 millions d'euros. L'encours de la dette va approcher 1,3 milliards d'euros, ce qui constitue à mon sens une interrogation pour l'avenir.

En ce qui concerne les compagnies aériennes, les plans qui ont été mis en place ont tout juste permis de stabiliser la situation. Il n'y a eu ni amélioration ni retour à la situation antérieure.

J'en viens aux aspects positifs. Les moyens du BACEA ont augmenté pour les opérations courantes comme pour l'investissement. En déduisant les amortissements, le budget net est en hausse de 3%.

J'interprète donc l'avis de sagesse du rapporteur comme une invitation à voter de façon positive ces crédits.

M. Louis Nègre - C'est un sujet délicat. Nous accumulons les déficits et avons de moins en moins d'argent : il y a un véritable problème. Je retiens deux éléments.

Premièrement, il y a une véritable alerte sur toutes nos compagnies nationales, quel que soit le mode de transport. Nous avons vu les difficultés du pavillon maritime à l'instant, l'aérien est caractérisé par six milliards de dette, je ne parle pas de la SNCF ni de RFF...

M. Michel Teston . - C'est surtout chez RFF que l'endettement est élevé...

M. Louis Nègre . - La SNCF est aussi endettée, même si c'est à un niveau moindre. Je préférerais pour ma part qu'elle soit bénéficiaire.

L'alarme est rouge vif sur notre tableau de bord. Nous devons réfléchir à la gouvernance, la gestion et la compétitivité, faute de quoi nous allons perdre du terrain.

Un montant de six milliards de dette est très préoccupant. Nous ne pouvons continuer ainsi. Nos entreprises devraient être au moins équilibrées, voire bénéficiaires. Sinon, c'est le contribuable qui paie, y compris les couches les plus modestes.

Le deuxième sujet concerne la vente des bijoux de famille. Nous pouvons comprendre de telles ventes en période de fort endettement. Mais après, nous ne savons plus où nous en sommes. Tout dépend du curseur, et de la question de savoir si nous arrivons à garder le contrôle ou non. Je ne sors donc pas un carton rouge comme sur le sujet précédent, mais un carton jaune.

Les quelques milliards de dette de la SNCF, qui n'effraient pas Michel Teston, ont empêché la SNCF d'acheter Arriva, un bijou de famille extraordinaire. Arriva a donc atterri dans les mains de la DB, qui est bénéficiaire. Nous avons ainsi perdu des parts de marché et des emplois.

Avec cette vente des bijoux de famille, je me demande encore une fois où est ma gauche, comme lorsque nous avons évoqué la hausse du taux de TVA sur les transports.

M. Raymond Vall . - Vous avez fait mieux avec les autoroutes...

M. Louis Nègre . - Vous avez le droit de le dire.

C'est une question centrale pour l'avenir de notre pays, qui n'a pas reçu de réponse. Nous avons besoin d'une politique économique et industrielle à long terme. Que doit-on faire avec nos partenaires asiatiques, chinois notamment ? Il y a des politiques françaises différentes en fonction des types de matériel. Dans le ferroviaire, nous constatons que les Chinois viennent d'arriver en Europe. Nous devons avoir une stratégie vis-à-vis de l'Asie.

La sonde récemment envoyée sur mars a été fabriquée en Inde. Il s'agit d'une technologie très avancée : la Russie et la Chine avaient échoué auparavant. En outre, les coûts de production de ce pays émergent sont dix fois moindres que chez nous. Nous avons du souci à nous faire pour la France.

M. Charles Revet . - Je voudrais revenir sur la situation de notre compagnie nationale. Jusqu'où va-t-on pouvoir aller en termes d'endettement ? Avec l'Europe, nous ne pouvons plus faire ce que nous faisions il y a quinze ou vingt ans, il faut l'avoir à l'esprit. Nous devons faire attention à l'évolution des implantations d'EADS, qui s'étendent aujourd'hui jusqu'à la Chine.

Nous allons nous abstenir sur ces crédits, c'est ainsi que nous interprétons l'avis de sagesse. Peut-être qu'un jour nous pourrons avoir un débat de fond sur ce thème. Il serait intéressant que la commission puisse s'investir dans ces deux sujets que sont l'aérien et le maritime. Nous jouerions ainsi un rôle d'investigation en profondeur, peut être en lien avec la Cour des comptes, qui fait parfois des rapports très intéressants, comme sur le rail, et de proposition.

M. Raymond Vall . - Compte tenu des contacts que nous avons établis avec l'Agence spatiale européenne, nous pourrions les rencontrer une nouvelle fois pour approfondir le sujet qu'a évoqué Louis Nègre à l'instant. Cette solution a l'avantage d'être facile et rapide à mettre en oeuvre.

Le problème de l'aviation au sens large me semble un peu plus compliqué. Nous avions reçu le candidat à la présidence d'Air France, Alexandre de Juniac. Alors qu'il était encore candidat, il avait dressé des perspectives très noires. Je crois me souvenir que le chiffre qu'il avait annoncé était de 11 milliards d'euros d'endettement, tout confondu.

M. Jean-Jacques Filleul . - Je suis très favorable à cette investigation. Nous devons le faire pour les ports. Pour l'aérien, il est vrai que le sujet est plus complexe. En même temps, les grandes industries nationales ne sont pas en difficulté depuis aujourd'hui seulement. Nous devons approfondir cette question.

M. Raymond Vall . - Le président d'Aéroports de Paris nous a reçus, à sa demande, pour nous tenir informés. Il y a donc une volonté de transparence de ce côté-là. Il ne dépend que de nous de l'entendre une nouvelle fois.

M. Jean-Jacques Filleul . - La situation d'Air France est inquiétante. Lorsque le président d'Air France était venu, il nous avait parlé de plan Transform 2015. Le ministre nous a indiqué qu'il commençait à porter ses fruits même si c'est encore insuffisant, tant l'activité est atone dans le secteur aérien. Mais c'est vrai que des questions se posent par rapport au plan de licenciements plus ou moins volontaires de la compagnie.

M. Vincent Capo-Canellas . - Ce sont des départs, et non des licenciements.

M. Jean-Jacques Filleul . - Effectivement.

Il a aussi été question du fait que nous ne produisons plus assez d'avions pour le marché mondial.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je mettrais une petite nuance. C'est plutôt que l'industrie aéronautique a un tel carnet de commandes que son enjeu est de produire pour y répondre. Il ne faudrait pas penser que notre production est défaillante. C'est d'ailleurs une bonne chose que la production soit étalée, parce que ce marché est très cyclique.

M. Jean-Jacques Filleul . - Je le sais, parce que j'ai des entreprises qui fabriquent des tracteurs qui tirent les avions dans ma commune.

Il y a deux points sur lesquels un espoir est possible. Il y a eu un débat sur les participations vendues. Le Premier ministre a bien expliqué à l'époque que nous en avions besoin. Mais il a bien indiqué que l'Etat stratège n'était pas remis en cause. Je voudrais le rappeler.

Je suis par ailleurs très confiant dans l'idée des 34 plans de reconquête industrielle qui visent à développer nos filières. La France a été capable de grands projets : le TGV, Airbus... Il y a un génie français. Nous devons investir dans ces filières dans lesquelles la France doit être gagnante.

Je voterai pour ces crédits.

M. Raymond Vall , président . - Je dois vous laisser, mais je suis plutôt favorable à une sagesse positive.

- Présidence de M. Teston, vice-président -

M. Vincent Capo-Canellas . - J'ai proposé un avis de sagesse, qui se veut bienveillant aujourd'hui mais avec une forte vigilance sur l'avenir. Même si Jean-Jacques Filleul a eu raison de rappeler qu'il y avait le PIA et le plan sur les filières industrielles, j'ai un questionnement sur l'avenir de l'investissement et de la recherche.

En ce qui concerne le plan relatif aux filières industrielles, je ne dirais pas que c'est un jeu de bonneteau, mais il y a une part de recyclage de mesures déjà financées par ailleurs et déjà annoncées.

Je souhaite donc émettre des clignotants. Si on ne prépare pas l'avenir maintenant, dans vingt ans, notre industrie aéronautique risque d'être dans le même état que notre secteur automobile aujourd'hui. Ne nous grisons pas parce qu'il y a des éléments positifs.

Mon avis de sagesse est donc plutôt bienveillant, d'autant plus que la nécessité d'une maîtrise des crédits est un message qui a été entendu par la DGAC. En même temps, des investissements sont nécessaires pour réduire les coûts. C'est un cercle vicieux. Et la DGAC ne peut pas augmenter les redevances. Tant que le trafic ne sera pas reparti, la DGAC aura du mal à se désendetter. Est-ce qu'on peut réduire l'écrêtement de la taxe d'aviation civile, pour qu'une partie revienne dans le budget ? Ce serait vertueux.

Les efforts réalisés au sein d'Air France sont réels. Il y a eu un désendettement. Des échéances compliquées ont été assumées par Air France. Le plan Transform 2015 fonctionne. Mais il n'est pas suffisant au vu de la situation actuelle d'Air France et du trafic. Un nouveau tour de vis a été annoncé. Le management est soucieux du dialogue social et les équipes sont très attachées à la compagnie. Pour autant, la situation reste préoccupante et reste à régler. Et nous ne pouvons pas brûler du capital tous les matins.

Air France a choisi de garder des capacités sur les courts et moyens courriers, alors que British Airways a mis fin à ce type de lignes, ce qui a fait remonter sa rentabilité. Air France pourrait très bien le faire. Le pari d'Air France est de garder son réseau afin de continuer à alimenter le hub de Roissy, mais aussi de redevenir une vraie compagnie mondiale de premier plan, qu'elle n'est plus vraiment aujourd'hui. Nous avons entendu une vraie volonté en ce sens.

En ce qui concerne la relation financière entre Air France et ADP, j'ai évoqué dans mon rapport le contrat de régulation économique (CRE). C'est un sujet extrêmement sensible. On ne peut pas avoir d'un côté ADP, à qui l'APE demande de la rentabilité, avec des redevances maintenues à un niveau élevé, et en même temps, regretter qu'Air France aille mal. Il faut trouver un équilibre. Il y a eu de petites évolutions sur le contrat de régulation de Toulouse. Mais c'est l'une des questions de l'année qui vient. Nous devons faire attention : si nous diminuons les redevances d'ADP, on met l'établissement en difficulté. Cette mesure bénéficierait en outre aussi aux autres compagnies.

En ce qui concerne les participations, je suis d'accord avec la nécessité d'en avoir une vision globale. Il y a eu une première baisse, sans conséquence stratégique. Avec les ventes réalisées jusqu'à aujourd'hui, nous n'avons pas perdu de place dans les conseils d'administration. Cette situation est désormais révolue. L'Etat n'est plus au conseil d'administration d'EADS.

M. Jean-Jacques Filleul . - En accord avec les Allemands aussi.

M. Vincent Capo-Canellas . - Oui, mais la conséquence c'est qu'il n'y a plus de représentant de l'Etat au conseil d'administration. Comme l'a relevé l'agence des participations de l'Etat, les investissements prévus dans la loi de programmation militaire seront financés d'abord par le PIA, mais ensuite, en 2015, par la vente des participations aéronautiques de l'Etat. C'est écrit dans la loi. Nous devons réfléchir à notre modèle stratégique. Il y a un changement à la godille si j'ose dire.

Il y a des marchés à conquérir en Asie. C'est bien qu'EADS y aille. Nous devons rester prudents sur les ruptures technologiques, en restant à la pointe et en développant les partenariats. Je prendrai l'exemple des satellites, où nous étions leaders mondiaux. Or, il y a six mois, Boeing a sorti un satellite à propulsion électrique que nous n'avons pas. Or, ces satellites sont moins lourds, parce qu'ils ne transportent pas de carburant. Ils peuvent donc être envoyés en plus grand nombre. Nous avons pris six mois de retard. Cela peut aller très vite.

Les crédits du BACEA sont effectivement marqués par une dette préoccupante.

En ce qui concerne ADP, il y a tout de même eu un réel effort interne, sur la qualité de service et la productivité. Le changement de présidence s'est bien passé. Ce n'est pas rien. Alors que l'ancien président avait une culture aéronautique, et s'était converti au monde de l'entreprise, avec succès, Augustin de Romanet apporte une vision complémentaire intéressante. Il y a une transformation qui va dans le bon sens. Ce ne sont donc pas que les redevances qui font qu'ADP vont bien.

M. Louis Nègre . - Disposez-vous d'un classement des compagnies aériennes au regard de la sécurité ? Il paraît que certains low-cost sont plus sûrs que la compagnie nationale.

Je m'intéresse aussi à la ponctualité des vols. C'est pire que dans le domaine ferroviaire. Nous avons donc a priori deux points de faiblesse, qui devraient nous interpeller.

M. Vincent Capo-Canellas . - Je suis en général prudent lorsqu'il s'agit de classements. Ainsi, un classement des aéroports où il fait bon voyager avait pris comme critère la question de savoir si on pouvait y dormir la nuit... Il faut bien regarder ce qu'il y a derrière un classement.

En ce qui concerne la sécurité, la France a connu des accidents graves. C'est un sujet qui est rarement évoqué. Le taux d'accidentologie est faible, mais les événements sont toujours marquants. En visitant le centre opérationnel d'Air France, nous avons pu constater que les cliquets ont beaucoup été augmentés dans ce domaine. Nous avons tiré les leçons des dernières catastrophes. Il s'agit de questions techniques, mais aussi des conditions de vol. Nous devons effectivement y regarder de plus près.

Sur la ponctualité, la difficulté du transport aérien vient du fait qu'il constitue un tout, composé de l'exploitant aéroportuaire et des sous-traitants, en charge des bagages par exemple. Il peut en outre y avoir des problèmes de navigation, voire de météo. ADP dispose d'indicateurs destinés à permettre que tout se passe bien. Le transport aérien reste toutefois assez différent du transport ferroviaire : soit les conditions sont réunies, et l'avion part, soit elles ne sont pas réunies, et l'avion ne part pas.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « transports aériens » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2014.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 8 octobre :

- Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) : M. Pierre Bourlot , délégué général, Mme Anne Bondiou-Clergerie , directrice R&D, et M. Jérôme Jean , conseiller.

Mercredi 9 octobre :

- Clean Sky : M. Eric Dautriat , directeur exécutif.

Vendredi 11 octobre :

- Agence des participations de l'Etat (APE) : Mme Solène Lepage , directrice des participations transports ;

- Aéroports de Paris (ADP) : MM. Augustin de Romanet , président-directeur général, Edward Awkright , directeur général adjoint « Finances, stratégie et administration », et Mme Stéphanie Arnoux , chargée des relations institutionnelles ;

- Safran : M. Michel Dechelotte , directeur des affaires institutionnelles.

Mardi 15 octobre :

- Air France : MM. Frédéric Gagey , président-directeur général, Pierre-Olivier Bandet , directeur de cabinet, et Mme Patricia Manent , chargée des relations institutionnelles ;

- Direction générale de l'aviation civile (DGAC) : M. Patrick Gandil , directeur général, et Mme Michelle Desjardins , secrétaire générale adjointe.

Mercredi 16 octobre :

- Fédération nationale de l'aviation marchande (FNAM) : MM. Alain Battisti , président, Guy Tardieu , délégué général, et Mme Brigitte Barrant , directrice des affaires publiques et de la communication ;

- European Aeronautic Defence and Space Company (EADS) : M. Philippe Bottrie , directeur des affaires publiques France, Mme Anne-Sophie de la Bigne , directrice des affaires civiles France, et M. Jean Perrot , directeur institutionnel R&D.

Jeudi 17 octobre :

- Agence des participations de l'Etat (APE) : M. Antoine Saintoyant , directeur des participations services, aéronautique, défense.


* 1 Deux textes font partie du paquet :

- COM (2013) 410 final / E 2013/0187 (COD) : règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la mise en oeuvre du ciel unique européen (refonte) ;

- COM (2013) 409 final /E 2013/0187 (COD) : règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement n°216/2008 dans les domaines des aérodromes, de la gestion du trafic aérien et des services de navigation aérienne.

* 2 SESAR est l'acronyme de « Single European Sky Air traffic management Research », c'est-à-dire un ensemble de règles et de techniques communes pour uniformiser la gestion du trafic aérien, programme lancé il y a bientôt dix ans et qui doit s'achever en 2015. FABEC signifie « Functionnal Airspace Block Europe central », c'est-à-dire le bloc d'espace aérien fonctionnel d'Europe centrale dont la France fait partie, pour gérer effectivement en commun le trafic aérien.

* 3 La DNSA exploite en métropole et outre-mer un vaste parc d'infrastructures composé de cinq centres de contrôle, de deux centres d'exploitation de systèmes, de plus de 80 tours de contrôle, de quelques bâtiments administratifs et de nombreuses stations isolées de radiocommunication, de radionavigation ou de surveillance.

* 4 En 2010, pour la navigation aérienne, les exonérations « juridiques » sont liées aux règlements européens : coûts sur des aérodromes non assujettis, vols à vue, vols gouvernementaux, etc. Ces exonérations en métropole représentent 58 millions d'euros, soit environ 5 % des coûts. S'ajoute un montant de 8 millions d'euros non couvert pour motif économique. Les coûts rendus outre-mer (109 millions d'euros) ont été couverts à 36 % (40 millions d'euros). Le solde non couvert s'est élevé à 69 millions d'euros. Pour la surveillance et certification, le coût de 132 millions d'euros a été couvert par des redevances pour 37 millions d'euros (28 %) seulement, du fait des faibles capacités contributrices des secteurs concernés. Les activités outre-mer sont couvertes à 6 %.

* 5 Avis n°153 (2012-2013) relatif au projet de loi de finances pour 2013.

* 6 Résolution n°27 du 3 novembre 2013 sur la révision des lignes directrices concernant les aides d'État aux aéroports régionaux.

* 7 Rapport n°99 (2013-2014) déposé le 24 octobre 2013.

* 8 Décret n° 2010-1699 du 29 décembre 2010 approuvant la convention passée entre l'État et la société concessionnaire Aéroports du Grand Ouest pour la concession des aérodromes de Notre-Dame-des-Landes, Nantes-Atlantique et Saint-Nazaire - Montoir et le cahier des charges annexé à cette convention.

* 9 Avis n°153 (2012-2013) relatif au projet de loi de finances pour 2013.

* 10 Le Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) est représentatif de la filière (sociétés dont l'activité est majoritairement aéronautique et spatiale). Il rassemble 22 grands groupes, 151 équipementiers et plus de 130 PME.

* 11 Au total, les effectifs de la construction aéronautique en France atteignent 155 000 personnes en 2012 pour le périmètre GIFAS. Si l'on ajoute les effectifs estimés des fournisseurs extérieurs à ce périmètre, les effectifs de l'industrie aéronautique nationale sont d'environ 250 000 personnes.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page