B. LES SALLES D'AUDIENCES DÉLOCALISÉES, UN DISPOSITIF PEU CONVAINCANT

1. Des économies peu significatives
a) Des salles d'audiences délocalisées encore peu utilisées

Dans son rapport budgétaire pour la loi de finances pour 2013, votre rapporteuse s'était interrogée sur la pertinence des salles d'audiences délocalisées.

Votre rapporteuse observe à cet égard que la garde des sceaux a annoncé le 15 octobre 2013 la création d'une mission consacrée à l'annexe judiciaire du tribunal de grande instance de Bobigny dans la zone d'attente des personnes en instances de Roissy, confiée à Mme Jacqueline de Guillenchmidt et à M. Bernard Bacou afin de vérifier si cette annexe respecte les exigences européennes et nationales.

Sur les 23 CRA et les 16 zones d'attente (ZA) permanentes en fonctionnement sous gestion de la police aux frontières (PAF) en métropole, 6 sites seulement devaient disposer d'une annexe du TGI : les CRA de Coquelles, de Nîmes, de Marseille, du Mesnil-Amelot et de Toulouse, et la ZA de Roissy.

Actuellement, trois annexes du TGI fonctionnent pour les CRA :

- au CRA de Coquelles ;

- au CRA de Marseille ;

- au CRA du Mesnil-Amelot, depuis le 14 octobre 2013.

L'annexe du CRA du Mesnil-Amelot est entrée en fonction cette année, après plusieurs difficultés et surcoûts. Les premières audiences tenues au sein de la salle d'audience délocalisée dépendant du CRA du Mesnil-Amelot se sont tenues dès le 15 octobre 2013.

b) Un coût par retenu très variable d'une année sur l'autre

Outre le fait que ces annexes délocalisées entraineraient moins de difficultés pour les étrangers eux-mêmes, l'argument selon lequel des économies importantes seraient permises par ces dispositifs est souvent avancé. Il ne convainc pas : les coûts de construction, les difficultés de mise en oeuvre de l'espace judiciaire de la zone d'attente pour personnes en instance (ZAPI) de l'aéroport Charles-de-Gaulle ont montré au contraire que ces économies étaient souvent illusoires.

Les coûts générés par les annexes du TGI se décomposent suivant le tableau ci-dessous. À titre de comparaison, sont présentés les coûts exposés en cas de conduite d'un retenu du CRA de Coquelles au TGI de Boulogne sur mer. Ces coûts ne concernent cependant que le coût du personnel, et non les coûts totaux, incluant par exemple les coûts de construction et l'amortissement des annexes construites ainsi que leur entretien, ni même le coût de déplacement des magistrats et greffiers depuis le tribunal.

Les variations des coûts d'une année sur l'autre et d'un lieu à l'autre sont en outre difficilement compréhensibles.

Coût de personnel par retenu présenté devant le JLD à l'annexe du TGI, sur la base d'un gardien de la paix au 11 ème échelon.

Coût par retenu escorté

2011

2012

1 er semestre 2013

Salle délocalisée
de Marseille

Titre II

358,44 €

415,40 €

430,53 €

Salle délocalisée
de Coquelles (62)

Titre II

514,34 €

448,92 €

638,95 €

TGI de Boulogne-sur-Mer (62)

Titre II

836,92 €

924,01 €

914,20 €

Coût du transport

17,64 €

12,88 €

21,26 €

Total

854,56 €

936,89 €

935,46 €

Votre rapporteuse observe d'ailleurs qu'il n'est pas envisagé de création de nouvelles salles d'audiences au titre de l'exercice budgétaire 2014.

c) Le cas particulier de l'espace judiciaire de la zone d'attente pour personnes en instance (ZAPI) de Roissy Charles-de-Gaulle

La création d'un « espace judiciaire », relevant du TGI de Bobigny, au sein de la zone d'attente de Roissy a été décidée dès 1999.

Toutefois, ce projet a fait l'objet d'importants retards puisque cet espace judiciaire n'est toujours pas en service.

Sans revenir sur les multiples difficultés qui ont émaillé ce dossier, votre rapporteuse constate que l'échéance de mi-2013 annoncée comme date d'ouverture de l'espace judiciaire, n'a pu être respectée. En effet, des travaux complémentaires ont dû être réalisés pour garantir une séparation totale entre les bâtiments de la zone d'attente et les bâtiments de l'espace judiciaire, afin de répondre aux exigences du Conseil d'État relatives aux salles d'audience ainsi qu'au principe d'un procès équitable, affirmé par l'article 6-1 de la Convention européenne des droits de l'homme.

La conformité avec ces principes nécessite également de supprimer la porte communicante entre les bâtiments de la zone d'attente et du secteur judicaire et, à l'extérieur, d'aménager l'espace pour permettre un accès totalement libre à la salle d'audience et une claire séparation des deux bâtiments. Il sera donc nécessaire de déplacer des clôtures, de séparer des parcs de stationnement ainsi que de procéder à la réfection des systèmes de sécurité des bâtiments, pour un coût évalué à 190 000 euros.

La date prévisionnelle d'ouverture des locaux a donc été repoussée au mois de décembre 2013 .

2. Une rupture symbolique avérée

Si les économies réalisées sont finalement assez peu tangibles, votre rapporteuse maintient que la création de salles d'audiences délocalisées crée une rupture symbolique forte et parfaitement contestable : la justice est en effet rendue à proximité immédiate d'un lieu de rétention et accrédite surtout l'idée que les étrangers ne sont pas des justiciables comme les autres.

Lors de leur audition par votre rapporteuse, les représentants précités du Syndicat de la juridiction administrative ont fait état de leur très vive opposition à l'égard du principe même de salles délocalisées.

Les magistrats du TGI de Meaux, entendus par votre rapporteuse, ont souligné que la seule amélioration tangible de la création du CRA du Mesnil-Amelot était de rendre impossible tout contact entre retenus et détenus.

Toutefois, les magistrats auraient préféré qu'une solution soit trouvée au sein du tribunal de grande instance, en procédant à des travaux d'agrandissement par exemple. Votre rapporteuse regrette qu'une telle solution n'ait pas été retenue : elle aurait amélioré les conditions des retenus mais aussi des magistrats et des escortes.

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