B. LE FINANCEMENT DES COLLECTIVITES TERRITORIALES : LA MISE EN PLACE DE SOLUTIONS ADAPTÉES

1. Les difficultés d'accès au financement des collectivités territoriales

A la suite de la crise financière de 2008, les collectivités territoriales ont de nouveau été confrontées, en 2011, à un resserrement de l'offre de crédits bancaires qui s'est traduit par une réduction des volumes, une augmentation des taux et une diminution des durées des prêts.

Plusieurs facteurs ont contribué à ce phénomène : la dégradation des conditions de marché, la reconfiguration de l'offre de financement, consécutive en particulier à la réduction de l'activité de Dexia Crédit local, ainsi que les évolutions réglementaires pour les acteurs du financement de l'économie avec la transposition des recommandations du comité de Bâle sur la régulation bancaire. Toutefois, si ce dernier facteur est souvent mis en avant par les établissements bancaires pour justifier leur retrait du marché de financement des collectivités territoriales, les effets potentiels de la nouvelle règlementation prudentielle dite de Bâle III sur le financement des collectivités territoriales demeurent, pour l'instant, difficiles à évaluer.

Les règles de Bâle III

Le nouveau cadre réglementaire du secteur bancaire, appelé « Bâle 3 », a donné lieu à la rédaction d'une directive européenne qui est entrée en application partielle en 2013. Elle s'appliquera totalement en 2019.

Ces nouvelles règles prudentielles visent à renforcer la solidité des banques en leur imposant des contraintes plus renforcées pour des prêts à long terme. Ainsi, les banques doivent progressivement relever , entre 2013 et 2019, leurs fonds propres en quantité et en qualité pour leur permettre de mieux absorber les pertes en cas de crise. Le ratio minimum de liquidités passera de 2 % à 7 % en 2019 et s'accompagnera de la mise en oeuvre de ratios de levier.

Pour faire face à ces difficultés de financement et permettre aux collectivités territoriales de financer leurs investissements, les collectivités ont eu recours à plusieurs dispositifs de financement alternatifs.

Tout d'abord, les collectivités territoriales ont utilisé les emprunts obligataires , dans le cadre d'une émission unique ou d'un programme. Pour les collectivités de taille importante, ces émissions obligataires connaissent un essor notable. D'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, en 2012, ces émissions ont atteint 2,3 milliards d'euros, représentant un niveau trois fois supérieur à celui des montants émis en 2011. Bien que le nombre de collectivités ayant recours à ce type de financement demeure encore limité, le marché obligataire permet de proposer des conditions financières plus avantageuses que le financement intermédié.

Ensuite, plusieurs mesures exceptionnelles ont été adoptées. Ainsi, une enveloppe sur fonds d'épargne de 5 milliards d'euros , destinée au financement des prêts du secteur public local pour 2012, a été mise en place. Une première tranche de 2 milliards d'euros a été débloquée en avril 2012 pour prévenir l'éventuelle insuffisance de liquidités sur le marché de financement des collectivités territoriales. Une seconde tranche de 3 milliards d'euros a été accordée en septembre 2012. La Caisse des dépôts et consignations (CDC) allouaient les prêts sur la base de cette enveloppe.

Par ailleurs, il a été décidé la création d'une nouvelle banque des collectivités autour de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et de La Banque Postale afin de sécuriser l'offre de financement aux collectivités dans la durée. Cette nouvelle banque a vocation à prendre une part significative du marché et à répondre durablement aux besoins des collectivités locales en proposant, à terme, des volumes de prêts de 5 milliards d'euros par an. Selon les informations fournies à votre rapporteur pour avis, au titre de l'année 2013, la nouvelle banque a proposé près de 3,5 milliards d'euros de prêts moyen et long terme à destination du secteur public local.

A cela s'ajoute l' augmentation de l'offre de prêts de la Banque européenne d'investissement (BEI) à destination du secteur local 10 ( * ) et la création d'une agence de financement des collectivités locales ( voir infra ).

Enfin, ont été ouvertes des enveloppes thématiques sur fonds d'épargne destinées au financement de prêts à très long terme pour la période 2013-2017 d'un montant global de 20 milliards d'euros. Chaque année, la Caisse des dépôts et consignations pourra proposer aux collectivités territoriales, à leurs établissements publics et aux établissements publics de santé, pour un montant global 5 milliards d'euros maximum, des prêts d'une durée de 20 à 40 ans au taux de livret A + 130 points de base, destinés à financer des politiques publiques jugées prioritaires 11 ( * ) . Par ailleurs, afin d'accélérer les investissements du secteur public local et de créer un « choc d'investissements », la tarification des prêts à long terme sur fonds d'épargne est abaissée, pour une durée d'un an uniquement, au taux du livret A + 100 points de base. Ainsi, le taux de départ est de 2,25 % depuis le 1 er aout 2013 pour les prêts pouvant aller jusqu'à 40 ans.

2. La mise en place de l'Agence France Locale

Ainsi que votre rapporteur pour avis l'a rappelé précédemment, certaines collectivités territoriales, ayant des besoins de financement conséquents et disposant d'une notation favorable, ont eu recours à l'emprunt obligataire sur le marché désintermédié, sous l'impulsion de l'Association des communautés urbaines de France (ACUF).

La crise de liquidité à laquelle a été exposée l'économie mondiale à l'automne 2008 a renforcé l'intérêt des collectivités pour ce type de financement. C'est pourquoi trois associations d'élus - l'Association des maires de France (AMF), l'Association des communautés urbaines de France (ACUF) et l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) - ont étudié la possibilité de créer une agence publique de financement des collectivités territoriales, contribuant à diversifier l'accès au financement de ces dernières et à éviter le coût de la syndication et la complexité juridique des montages actuels.

L'article 35 de la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires autorise les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre à créer une agence de financement sous la forme d'une société publique revêtant la forme d'une société anonyme 12 ( * ) . Cette société peut créer une filiale bancaire responsable de l'octroi et de la gestion des prêts aux collectivités actionnaires.

C'est dans ce cadre qu'a été mise en place l'Agence France Locale (AFL) le 22 octobre 2013, à l'initiative de onze collectivités territoriales 13 ( * ) . Elle est scindée en deux sociétés, à l'actionnariat détenu entièrement par des personnes publiques :

- l'AFL société territoriale , chargée du pilotage et de la gestion stratégique. Les collectivités territoriales adhérentes en détiendront la totalité du capital et en dirigeront le conseil d'administration ;

- l'AFL société financière , qui exercera l'activité de levée de fonds sur les marchés et de prêt.

Elle proposera des crédits de long terme, à taux fixe ou taux variable simple. Une offre de court terme accessoire pourra également être proposée par l'agence. Les premières émissions devraient être lancées au cours du dernier trimestre 2014.

L'objectif de l'agence est de détenir, à terme, 25 % des parts de marché du financement des collectivités territoriales, soit un flux annuel d'émissions et de crédits évalué à 5 milliards d'euros. Cette nouvelle offre permettrait de compléter le financement traditionnel du secteur public local par un accès facilité au marché obligataire, en particulier pour les petites collectivités.


* 10 En 2012, la BEI a accordé 4,3 milliards d'euros de prêts en France dont 2 milliards d'euros au secteur public local, soit près de 15 % de plus qu'en 2011. Pour 2013, la BEI souhaite augmenter la capacité d'intervention en France, passant de 4 milliards d'euros à 7 milliards d'euros pour le financement des projets publics et privés.

* 11 Les infrastructures de transport, l'eau et l'assainissement, les aides à la pierre, le logement social, l'enseignement supérieur, la prévention des inondations, les hôpitaux ou encore les réseaux numériques de très hauts débits.

* 12 Codifiée à l'article L. 1611-3-2 du code général des collectivités territoriales.

* 13 Région Pays-de-la-Loire, Conseil général de l'Aisne, Conseil général de Savoie, Conseil général de l'Essonne, Ville de Bordeaux, Ville de Grenoble, Ville de Lons-le-Saunier, Communauté urbaine de Lille, Communauté urbaine de Lyon, Communauté d'agglomération de Valenciennes, Communauté d'agglomération de la Vallée de la Marne.

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