B. LA DISPARITION PROGRAMMÉE DE L'ATESAT

1. Une diminution des effectifs consacrés à l'ATESAT

La révision générale des politiques publiques (RGPP), mise en place entre 2007 et 2012 dans un objectif d'organisation et de rationalisation des services de l'État, a conduit à un recentrage des missions d'ingénierie publique de l'État dans le secteur concurrentiel autour d'un rôle d'expertise plutôt que sur un rôle de prestataire de services.

Comme l'avait relevé notre collègue, M. Dominique de Legge, au nom de la mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux 26 ( * ) , la réduction et la réorientation du champ de l'ingénierie concurrentielle s'est accompagnée de la suppression de 3 300 équivalents temps plein (ETP), entre 2009 et 2011, au sein du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, et de 1 200 ETP pour celui de l'agriculture et de la pêche.

D'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, fin 2012, les effectifs affectés aux missions d'ATESAT, au sein des directions départementales des territoires (DDT) et des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM), s'élevaient à 1 266 ETP, soit une diminution d'environ 12 % par rapport à fin 2011. Sur la période 2008-2012, les effectifs ont diminué de 1 766 à 1 266, soit une baisse de près de 30 %.

Les services de la direction générale des collectivités locales avaient indiqué, à une question posée par votre rapporteur pour avis à ce sujet, que cette baisse devait se poursuivre sur la période 2013-2015, à raison d'environ 1 000 ETP.

La diminution des effectifs s'accompagne, depuis 2010 environ, d'une réorientation des prestations proposées aux collectivités territoriales dans le cadre de l'ATESAT.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur pour avis auprès du Gouvernement, près de 27 000 conventions ont été signées sur la période 2010-2012. Ainsi, 80 % des communes et 33 % des groupements éligibles ont bénéficié des prestations d'ATESAT. Jusqu'en 2012, la grande majorité des conventions prévoyaient, outre les missions de base, des missions optionnelles. Les prestations relatives à la voirie et aux ouvrages d'art représentaient 65 % du total des prestations tandis que celles relatives à l'aménagement et à l'habitat ne représentaient que 35 %.

En 2013, et compte tenu des évolutions à venir, les services de l'État ont été invités à ne conventionner que sur demande expresse des collectivités éligibles et pour une durée d'un an seulement. Par conséquent, d'après une enquête menée par le ministère de l'égalité des territoires et du logement en avril 2013, le nombre de conventions signées cette année devrait diminuer de moitié par rapport à 2012. Peu d'entre elles devraient prévoir d'aller au-delà des missions obligatoires.

2. La disparition de l'ATESAT en 2014

La diminution des effectifs assurant, au sein des DDT et des DDTM, les missions d'ATESAT parallèlement à la réorientation progressive de ces missions nourrissent de nombreuses interrogations sur l'avenir de l'ATESAT, depuis plusieurs semaines.

C'est dans ce contexte que l' article 66 du projet de loi de finances pour 2014 prévoit la suppression, à partir du 1 er janvier 2014, de l'ATESAT au bénéfice des communes et des groupements de communes éligibles par les services de l'État. Selon l'exposé des motifs du projet de loi de finances, le dispositif de l'ATESAT n'est « plus en adéquation avec la réalité de l'organisation locale, notamment au regard de l'achèvement de la constitution des intercommunalités et de la montée en puissance des départements dans ce domaine . »

Il est prévu d'engager un repositionnement stratégique des agents de l'État et de supprimer des missions dont l'exercice par les services de l'État n'est plus justifié. L'action de l'État en faveur des collectivités locales devrait évoluer vers un rôle de conseil, d'accompagnement et d'expertise, de nature à favoriser l'émergence de projets de territoire par l'apport d'expertises à plus haute valeur ajoutée.

Cette disposition complète l'article 17 du projet de loi n° 496 (2012-2013) de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires, déposé sur le bureau du Sénat le 10 avril 2013, qui vise à étendre le champ de l'assistance technique pour raison de solidarité et d'aménagement du territoire des conseils généraux, prévu à l'article L. 3232-1-1 du code général des collectivités territoriales, à la voirie, à l'aménagement et à l'habitat, c'est-à-dire les champs couverts actuellement par l'ATESAT.

Pour mémoire, l'avant-projet de loi de réforme des collectivités territoriales contenait un article 30 qui visait à rationaliser l'ingénierie territoriale exercée à l'échelon départemental en constituant un groupement d'intérêt public destinée à fédérer les différentes structures aujourd'hui existantes intervenant en matière d'ingénierie publique (conseil en architecture, en urbanisme et en environnement, agences techniques départementales, agences d'urbanisme notamment). Cet article proposait d'étendre la mission d'appui aujourd'hui assurée par les départements pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire mais limitée à l'entretien des milieux aquatiques, aux domaines de la voirie, de l'aménagement du territoire et de l'habitat.

L'article 17 du projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires n'a pas retenu la formule de groupement d'intérêt public prévu par l'avant-projet.

L'extension des compétences des conseils généraux en matière d'assistance technique renforce le chef-de-filat que l'article 3 du projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a reconnu aux départements en matière de solidarité territoriale. Par ailleurs, de nombreuses initiatives ont été prises par les conseils généraux, sous des formes juridiques diverses, tendant à assurer une ingénierie publique territoriale en faveur des petites collectivités territoriales en dehors du champ concurrentiel. Ces formules vont de l'association à l'établissement public local, en passant par des agences techniques départementales. Les départements peuvent en outre recourir à la formule des sociétés publiques locales 27 ( * ) . Comme l'avait souligné notre collègue, M. Dominique de Legge, « L'hétérogénéité de ces outils démontre la nécessité d'une certaine souplesse destinée à trouver la formule la plus adaptée aux spécificités des territoires. Il en est de même au niveau des champs d'intervention de ces structures ainsi que de leurs modalités de financement. »

Toutefois, le niveau départemental n'apparaît pas toujours adapté pour apporter aux communes l'expertise dont elles ont besoin. Ainsi, notre collègue, M. Dominique de Legge, rappelait-il que le niveau intercommunal peut également être plus pertinent pour la mutualisation de certaines compétences communales. « Cette solution permet [trait] aux élus communaux de conserver la gestion et la responsabilité de leurs projets qui [...] leur échappent dans le cadre d'un accompagnement d'une agence départementale ». La mise en place de ces dispositifs est souvent vécue, par les communes ou leurs groupements, comme une tutelle de la part des départements, contraire aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution.

En d'autres termes, il apparaît plus pertinent à votre rapporteur pour avis d'encourager, dans le respect du principe constitutionnel de non-tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre, les initiatives départementales et intercommunales plutôt que de favoriser que les seuls dispositifs mis en place par les conseils généraux. Il convient de laisser chaque territoire choisir le dispositif qui lui apparaît le plus pertinent pour répondre aux besoins des collectivités territoriales. En d'autres termes, votre rapporteur pour avis en appelle à l'intelligence territoriale sur cette question, principe auquel votre commission est très attachée.

En outre, la disparition, à compter du 1 er janvier 2014, de l'ATESAT mériterait d'être reportée au 1 er janvier 2015, afin de ménager aux collectivités territoriales une période transitoire leur permettant de s'adapter aux nouvelles règles et aux départements et aux EPCI les moyens de répondre à la demande.

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Le rapporteur s'en remettant à la sagesse de la commission, celle-ci a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » et du compte d'avances aux collectivités territoriales dans le projet de loi de finances pour 2014.


* 26 Rapport d'information n° 666 (2010-2011) de M. Dominique de Legge, « La RGPP : un défi pour les collectivités territoriales et les territoires », au nom de la mission commune d'information sur les conséquences de la révision générale des politiques publiques pour les collectivités territoriales et les services publics locaux : http://www.senat.fr/rap/r10-666-1/r10-666-11.pdf .

* 27 Créées par la loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales.

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