Avis n° 162 (2013-2014) de M. Gaëtan GORCE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 novembre 2013

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N° 162

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2013

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2014 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME XXI

VIE POLITIQUE, CULTUELLE ET ASSOCIATIVE

Par M. Gaëtan GORCE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Sueur , président ; MM. Jean-Pierre Michel, Patrice Gélard, Mme Catherine Tasca, M. Bernard Saugey, Mme Esther Benbassa, MM. François Pillet, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Nicolas Alfonsi, Mlle Sophie Joissains , vice-présidents ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Christian Cointat, Christophe-André Frassa, Mme Virginie Klès , secrétaires ; MM. Alain Anziani, Philippe Bas, Christophe Béchu, François-Noël Buffet, Gérard Collomb, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Mme Cécile Cukierman, MM. Michel Delebarre, Félix Desplan, Christian Favier, Louis-Constant Fleming, René Garrec, Gaëtan Gorce, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean-Jacques Hyest, Philippe Kaltenbach, Jean-René Lecerf, Jean-Yves Leconte, Antoine Lefèvre, Mme Hélène Lipietz, MM. Roger Madec, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Hugues Portelli, André Reichardt, Alain Richard, Simon Sutour, Mme Catherine Troendle, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) : 1395 , 1428 à 1435 et T.A. 239

Sénat : 155 et 156 (annexe n° 29 ) (2013-2014)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, le 12 novembre 2013 1 ( * ) , la commission des lois, réunie le 27 novembre 2013 2 ( * ) sous la présidence de M. Jean-Pierre Sueur a examiné, sur le rapport pour avis de M. Gaëtan Gorce, les crédits alloués par le projet de loi de finances pour 2014 au programme « vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE).

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis, a rappelé que les autorisations d'engagement pour 2014, qui s'élèvent à 285 357 667 euros, couvriront le financement public des partis politiques, les crédits nécessaires à l'organisation des élections, la dotation allouée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), ainsi que, dans une moindre mesure, l'entretien des édifices cultuels des départements concordataires d'Alsace et de Moselle et la maintenance du « Répertoire national des associations ».

Il a précisé que la forte hausse des crédits du programme s'expliquait par la tenue en 2014 des scrutins pour les élections européennes, sénatoriales, municipales et territoriales de Nouvelle-Calédonie .

Il a souligné que la diminution des dotations versées aux partis politiques à partir de 2013 s'expliquait, d'une part, par le nombre de suffrages exprimés pour les formations politiques lors des élections législatives, globalement moins important en 2012 qu'en 2007, et par une augmentation de la modulation financière, liée au non respect des règles en matière de parité, pour un plus grand nombre de formations politiques.

Il a noté que les dispositions législatives adoptées en 2013 conduiraient à terme à un plus grand respect de la parité , notamment pour les élections locales et sénatoriales, à un renforcement du pluralisme politique ainsi qu'à un meilleur contrôle des comptes des partis politiques .

Enfin, il a souhaité poursuivre la réflexion sur une éventuelle fusion, à terme, de la CNCCFP et de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », inscrits dans le projet de loi de finances pour 2014 .

Mesdames, Messieurs,

En disposant que « les partis et groupements politiques concourent à l'expression du suffrage », l'article 4 de la Constitution du 4 octobre 1958 consacrait pour la première fois, dans notre texte fondamental, le rôle des formations politiques, en le limitant néanmoins à leur seule fonction électorale.

Pourtant, la fonction essentielle des partis politiques dans la vie démocratique est nécessairement plus large. Non seulement, ils participent à la formation de l'opinion mais ils structurent le débat démocratique en aidant à l'émergence de points de vue et de solutions alternatives. Il leur appartient également, comme l'ont fait les partis socialistes et communistes par exemple avec la classe ouvrière, de contribuer à l'intégration de catégories entières de la population dans le système politique.

Ce rôle, les partis ont aujourd'hui de plus en plus de difficultés à l'assumer. Leur évolution n'a pas suivi celle de la société ni les attentes des citoyens qui se montrent de plus en plus réservés voire franchement critiques à leur égard. La question de la « rénovation » d'appareils conçus aujourd'hui d'abord dans la perspective de l'élection présidentielle est posée, ce qu'illustre la faveur dont jouit en ce moment la procédure dite des primaires. Celle-ci fournit la preuve, pourtant, de l'inadaptation des règles internes des partis à une nouvelle donne qui amène le citoyen à refuser que le choix des candidats soumis à ses suffrages soit monopolisé par des organismes qu'il juge opaques et peu représentatifs.

Pour autant, les partis politiques demeurent indispensables. La vie politique ne saurait, sans s'assécher, se réduire à des compétitions personnelles et médiatisées, ou à la confrontation ponctuelle de réseaux ou de mouvements nés de l'actualité ou polarisés sur un seul type de questions.

Le cadre juridique offert aux partis doit donc avoir pour but d'aider ceux-ci à exercer pleinement leur mission sans conduire à une ingérence qui pourrait remettre en cause leur indépendance. L'article 4 de la Constitution, ne rappelle-t-il pas que les partis « se forment et exercent leur activité librement » sous réserve du respect de la souveraineté nationale et de la démocratie ?

La nature des dispositions légales entourant l'activité des partis, qui ne concernent curieusement que leurs modes de financement, témoigne de cette double exigence de contrôle et d'autonomie.

Par la loi du 11 mars 1988 puis la loi du 15 janvier 1990, le Parlement a ainsi souhaité fixer un cadre aux activités partisanes et au financement non seulement de leurs activités mais également à celui des campagnes électorales auxquelles ils ont naturellement vocation à participer.

Cet encadrement financier ne fait aujourd'hui plus débat dans son principe et connaît même un approfondissement régulier, la législation adoptée cette année l'ayant encore prouvé.

Dans le droit fil du rapport qu'il avait présenté l'an dernier, votre rapporteur a du coup souhaité poursuivre sa réflexion sur la question du financement de la vie politique. À cet égard, l'année 2013 a marqué une étape indéniable avec l'adoption de la loi relative à la transparence de la vie publique. À l'initiative du groupe écologiste de l'Assemblée nationale relayée et confortée par le Sénat, ce texte définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 17 septembre 2013 contient des dispositions visant à lutter contre les micro-partis, à mieux encadrer le financement des partis ou groupements politiques ou encore à interdire au niveau de la loi l'utilisation par un parlementaire des moyens accordés pour l'exercice de son mandat afin de régler des dépenses électorales. Ces avancées rejoignant des préconisations formulées par votre rapporteur dans son précédent rapport, votre rapporteur s'est attaché à évaluer, plus globalement, les changements mis en oeuvre au regard des recommandations qu'il avait alors pu proposer.

De manière générale, tout en se félicitant, en premier lieu, des récentes évolutions législatives, votre rapporteur regrette qu'une réflexion plus globale ne soit pas engagée sur la définition des partis ou groupements politiques qui ne forment aujourd'hui qu'une sous-catégorie des associations dont ils ne se démarquent que par les obligations juridiques et comptables auxquelles ils se soumettent.

De même, l'approche en matière d'aide financière apportée par les pouvoirs publics aux partis ou groupements politiques reste fondée sur les résultats électoraux et la mesure de l'audience électorale. Comme le relevait votre rapporteur l'an dernier, les règles d'éligibilité à l'aide publique apparaissent donc peu exigeantes sur le niveau du concours des formations bénéficiaires à la vie politique. Est-il cohérent de verser une dotation publique d'un montant non négligeable à un groupement qui participe presque marginalement aux consultations électorales et dispose d'une faible force militante ? Votre rapporteur renouvelle son souhait d'une réflexion sur la possibilité de conditionner l'aide publique à de nouveaux critères relatifs au nombre d'adhérents aux partis et à leur degré d'activité politique.

Votre rapporteur constate que ce débat n'est malheureusement pas davantage engagé.

Aussi, dans la perspective de dresser un bilan, votre rapporteur s'est-il concentré sur l'examen du financement des partis politiques, le montant du financement public qui leur est destiné représentant la part la plus significative des crédits de ce programme, soit plus de 76 millions d'euros engagés en 2013 - montant supérieur aux crédits destinés à couvrir le coût de l'organisation des élections cette année 3 ( * ) .

Auparavant, il a paru utile de présenter les modifications législatives intervenues en matière de droit électoral compte-tenu de l'activité législative particulièrement dense en ce domaine au cours de la session parlementaire écoulée.

I. UN APPROFONDISSEMENT NOTABLE DE LA LÉGISLATION ELECTORALE EN MATIÈRE DE PARITÉ, DE PLURALISME ET DE TRANSPARENCE FINANCIERE

Si l'année 2013 n'a connu que l'organisation d'élections partielles, notamment à la suite de l'annulation par le Conseil constitutionnel de l'élection de 7 députés élus lors du renouvellement général de juin 2012, le Parlement a cependant eu à connaître, au cours de cette année, de trois projets de loi dont l'objet principal résidait dans la modification substantielle des modes de scrutin d'élections locales ou nationales. Sans revenir sur l'ensemble des dispositions contenues au sein des lois électorales adoptées définitivement cette année, votre rapporteur souligne cependant que ces textes ont pour point commun de favoriser l'égale représentation des hommes et des femmes au sein des assemblées politiques et, dans une moindre mesure, de permettre une représentation pluraliste des forces politiques.

La législation récente a également marqué un élargissement, certes prudent, des règles de financement des campagnes électorales à l'élection des conseillers consulaires et des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE), tout en préparant l'application, pour la première fois, du régime des comptes de campagne à l'élection des sénateurs pour le renouvellement partiel de septembre 2014.

A. LE PARACHÈVEMENT D'UNE REPRÉSENTATION PARITAIRE AU SEIN DES ASSEMBLÉES POLITIQUES

Se fondant sur l'article 6 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789, le Conseil constitutionnel jugeait traditionnellement que, sauf disposition constitutionnelle contraire, le principe d'égalité faisait obstacle à toute règle imposant la présence, même minimale, d'un nombre de candidats de chaque sexe, estimant que « la règle qui, pour l'établissement des listes soumises aux électeurs, comporte une distinction entre candidats en raison de leur sexe, est contraire aux principes constitutionnels ».

Aussi, pour permettre l'instauration de mesures correctrices en faveur de la participation des femmes au sein des assemblées locales ou parlementaires, le constituant a confié, par la révision du 18 juillet 1999, le soin à la loi de favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives.

La loi n° 2000-493 du 6 juin 2000 a traduit cette exigence constitutionnelle en recourant à deux types de mécanismes : le premier fondé sur une présentation dans les mêmes proportions de candidats de chaque sexe, ce qui assure une parité au sein des assemblées élues, le second orienté par les partis politiques et prévoyant une minoration financière des aides publiques à ces partis lorsqu'ils ne présentent pas autant de candidats d'un sexe que de l'autre.

Depuis cette date, le législateur, empruntant ces deux voies, renforce progressivement le dispositif permettant d'aboutir à l'objectif constitutionnel de parité. À ce titre, le bilan législatif de l'année 2013 marque des avancées notables qui permettent d'évoquer, si ce n'est un aboutissement, une amélioration du dispositif législatif.

1. Une extension manifeste des exigences de parité lors des élections politiques

Au regard du mode de scrutin applicable, les règles envisageables pour favoriser l'égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et fonctions électives portent sur les modalités de présentation des listes de candidats ou de remplacement des titulaires du mandat.

En cas de scrutin de liste, les règles de déclaration de candidatures, peuvent obliger les listes présentées à comporter, de manière alternative, autant d'hommes que de femmes parmi les candidats. À l'origine appréciée par groupe de six candidats, cette obligation s'est progressivement renforcée pour les élections politiques avec l'exigence d'alterner un candidat de chaque sexe.

Lorsque le mode de scrutin est uninominal, la loi peut imposer au candidat titulaire de présenter un remplaçant de sexe différent du sien à l'instar de la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007 pour les élections cantonales.

Sous l'effet de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013, ces règles s'appliquent désormais à l'ensemble des élections locales. En effet, le législateur, en prévoyant que le mode de scrutin de liste s'applique dans les communes comptant plus de 1 000 habitants et non plus 3 500 habitants, a eu pour effet d'étendre ce mode de scrutin à 6 713 communes. Mécaniquement, dans ces communes, les listes de candidats doivent désormais comporter par alternance un homme et une femme.

De surcroît, la loi du 17 mai 2013 a prévu, sur le même bulletin, la présentation des candidats au mandat de conseiller communautaire avec la même exigence d'alternance d'un homme et d'une femme. La loi contient pour la première fois, s'agissant des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, une règle électorale favorisant l'égale représentation des hommes et des femmes.

Si cette règle devrait renforcer la présence des femmes au sein de ces assemblées, elle ne peut totalement garantir un nombre parfaitement égal d'hommes et de femmes siégeant au sein de cette assemblée. En effet, dès lors que des communes disposeront d'un nombre de sièges impair de représentants au sein de l'assemblée délibérante de l'EPCI, il existera une différence dans la représentation d'une unité entre les deux sexes. Dans ce cas, l'addition de ces déséquilibres en termes de représentation strictement paritaire aura pour effet, dans une proportion certes limitée, d'obtenir plus de conseillers communautaires d'un sexe que de l'autre.

Dans le même esprit, contrairement à l'absence actuelle de règles pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 a retenu, pour l'élection des conseillers consulaires et des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, des modalités de dépôt des candidatures qui imposent également une alternance de candidats de sexe différent sur les listes présentées. Lorsque la circonscription ne comporte qu'un siège, le remplaçant est alors de sexe différent.

Enfin, le Sénat a contribué à favoriser la parité pour l'élection des sénateurs, après avoir constaté l'arrêt de la dynamique qui avait conduit au fil des renouvellements partiels à augmenter la part des femmes siégeant au sein de notre assemblée. En effet, la seule règle en faveur de la parité portait sur l'obligation faite, depuis 2000, d'une présentation en alternance de candidats de chaque sexe sur la liste de candidats lorsque le scrutin de liste est applicable, soit depuis 2004, pour les départements comptant au moins quatre sièges de sénateurs. En abaissant le seuil d'application de ce scrutin aux départements comptant au moins trois sièges, la loi n° 2013-702 du 2 août 2013 a mécaniquement eu pour effet de favoriser la parité au sein de notre assemblée, ce qui était un objectif affiché de la réforme à la suite des travaux de la commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique.

Lors de la discussion de ce texte, le Sénat a adopté un amendement du groupe communiste favorisant la parité dans les circonscriptions élisant un ou deux sénateurs en obligeant le candidat à un siège à présenter un remplaçant de sexe différent. Cette innovation d'initiative sénatoriale est d'autant plus notable qu'elle est sans équivalent pour les élections législatives.

Enfin, malgré les réserves exprimées par votre commission, le Sénat, toujours sur proposition du groupe communiste, a franchi un pas supplémentaire pour l'élection des sénateurs en prévoyant que toute liste de candidats à la désignation comme délégués des conseils municipaux des communes de plus de 1000 habitants devrait faire figurer par alternance un candidat de chaque sexe. De cette manière, au sein du collège électoral des sénateurs, le nombre des grands électeurs de chaque sexe, sans être totalement identique, se rapprocherait indéniablement.

Parallèlement, le législateur a prévu, pour l'élection des futurs conseillers départementaux, la présentation d'un binôme paritaire avec un suppléant de même sexe. Le binôme ayant obtenu la majorité des suffrages exprimés au premier ou second tour remporte ainsi les deux sièges occupés par un homme et une femme, chacun ayant pour remplaçant une personne de même sexe.

Au total, s'il faut se féliciter de ces évolutions qui visent à créer un mouvement irréversible en faveur d'une véritable représentation des femmes dans la vie publique, il semble à votre rapporteur que ce processus gagnerait à être évalué d'ici quelques années pour savoir s'il a provoqué une évolution des esprits rendant obsolètes des règles strictement contraignantes ou si celles-ci restent indispensables au regard des résistances opposées par le système politique à l'accès des femmes à la représentation.

En conclusion, parmi les élections politiques, seule l'élection des députés ne comporte aucune règle de présentation favorisant la recherche d'une parité entre les hommes et les femmes. Cette absence de règle au stade du dépôt de candidature trouve cependant une compensation puisque les minorations financières applicables à un parti ou groupement politique qui ne respecterait pas l'objectif de parité sont calculées sur la base des présentations de candidature lors du renouvellement général de l'Assemblée nationale.

2. Un renforcement des minorations financières pour les partis politiques

Parallèlement, le Gouvernement a souhaité renforcer les mécanismes incitant les partis ou groupements politiques à présenter autant de candidats que de candidates pour l'élection des députés.

En effet, contrairement aux règles pour l'élection des sénateurs élus scrutin uninominal, celles applicables à l'élection des députés n'obligent pas à la désignation d'un remplaçant de sexe différent.

Cependant, l'article 9-1 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 prévoit une modulation sur le montant de l'aide publique versé par l'État aux partis ou groupements politiques. Ce montant est d'autant plus réduit que le parti ou groupement politique n'a pas respecté l'objectif de parité dans la présentation des candidatures.

Le financement public des partis ou groupements politiques

La loi n° 88-227 du 11 mars 1998 a instauré un mode de financement des formations politiques essentiellement public en contrepartie, d'une part, de l'interdiction faite aux personnes morales, à l'exception des partis ou groupements politiques eux-mêmes, d'effectuer un don ou de conférer un avantage en nature aux partis ou groupements politiques et, d'autre part, de la limitation de ces dons et avantages en nature provenant des personnes physiques.

L'aide publique se décompose en deux fractions.

La première fraction est ouverte aux partis ou groupements politiques ayant obtenu une certaine audience lors des élections législatives générales, ce qui exige, en métropole ou à l'étranger, la réunion d'au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ou, pour les circonscriptions outre-mer qui connaissent un régime plus favorable, lorsque le ou les candidats présentés dans ces circonscriptions ont obtenu au moins 1 % de suffrages exprimés.

Pour les partis ou groupements éligibles, le montant de cette première fraction est calculé à due proportion du nombre de suffrages obtenus au premier tour des élections législatives lors du renouvellement général, ce calcul valant pour la durée totale de la législature.

La seconde fraction est fondée sur le nombre de parlementaires qui déclarent annuellement se rattacher à un parti ou groupement politique pourvu que ce dernier soit éligible à la première fraction.

a) Le renforcement en cours d'adoption du montant de la minoration financière de l'aide publique en cas de violation de l'objectif de parité

Une fois le montant de l'aide calculé, ce dernier peut se voir réduit dès que l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe dépasse 2 % du nombre total des candidats rattachés à un parti ou groupement politique. Cette minoration est proportionnelle à l'écart constaté : le montant est diminué d'un pourcentage égal aux trois quarts de cet écart. Fixé à la moitié par la loi du 6 juin 2000, ce coefficient de diminution a été augmenté à son niveau actuel de trois quart par la loi n° 2007-128 du 31 janvier 2007.

Le projet de loi pour l'égalité des femmes et des hommes, adopté par le Sénat le 17 septembre 2013, prévoit de fixer le coefficient de diminution à 150 % de l'écart constaté, ce qui équivaut à un doublement du niveau actuel et un triplement du niveau d'origine. Ainsi, un parti politique qui présenterait parmi ses candidats moins d'un tiers de candidats d'un même sexe ne bénéficierait plus d'aide publique de la première fraction, ce qui serait toutefois sans incidence sur son droit à bénéficier de la seconde fraction d'aide s'il remplit les conditions.

En outre, la minoration ne peut excéder le montant de l'aide dû, ce qui signifie qu'elle ne peut aboutir à ce que le parti ou groupement politique devienne redevable d'une somme à l'État. Cette précaution permet d'éviter de transformer cette modulation de l'aide en une sanction, ce qui aurait alors pour effet de soumettre cette disposition au principe de nécessité des peines posé par l'article 8 de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789.

Cette modification résulte directement des propositions de la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique présidée par l'ancien Premier ministre Lionel Jospin qui, dans son rapport de 2012, souhaitait rendre plus dissuasive cette modulation.

Comme l'indiquait alors notre collègue Virginie Klès, rapporteur de votre commission, « ce pourcentage de 150 % constitue une option maximale, une augmentation au-delà pouvant compromettre le financement public qui assure l'essentiel des ressources de certaines partis politiques au risque de porter atteinte à l'objectif constitutionnel d'expression pluraliste des opinions et de participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation ».

b) L'évolution des minorations financières de l'aide publique en cas de violation de l'objectif de parité

Au-delà de la question du niveau de la minoration appliquée aux partis ou groupements politiques, votre rapporteur continue de s'interroger sur l'opportunité d'introduire un dispositif fondé davantage sur un « bonus » qu'un « malus » financier, ce qui serait plus incitatif qu'une approche d'essence punitive.

En revanche, lors de l'examen du projet de loi portant sur l'égalité entre les femmes et les hommes, le Sénat n'a pas adopté des amendements visant à intégrer une modulation financière sur la seconde fraction de l'aide publique.

En effet, la différence entre les deux fractions a conduit notre assemblée à ne pas retenir une telle option car si la première fraction est fonction du nombre de candidats et candidates présentés, ce que le parti politique maîtrise, la seconde fraction est une aide publique dont le montant est calculé à partir du nombre de députés et sénateurs qui se rattachent chaque année à ce parti politique. Or, le nombre d'élus qu'un parti politique peut « faire élire » au sein des deux assemblées est soumis à l'aléa du choix des électeurs quand bien même certains circonscriptions sont réputées avoir un profil politique de vote.

En outre, le rattachement est parfaitement libre et un parti ou groupement politique ne peut avoir l'assurance qu'un parlementaire se rattachera à lui, une fois élu. Une règle contraire pourrait s'apparenter à un mandat impératif, prohibé par l'article 27 de la Constitution.

Ces circonstances ont conduit notre assemblée, conformément à l'avis du rapporteur de votre commission, Mme Virginie Klès, à ne pas s'engager dans cette voie.

B. .DES AVANCÉES EN FAVEUR DU PLURALISME POLITIQUE

Si la réforme des modes de scrutin a un effet sensible en faveur d'une égale représentation des hommes et des femmes dans l'exercice des mandats électoraux et des fonctions électives, elle a également eu pour point commun de renforcer le pluralisme politique au sein des assemblées politiques que ce soit pour les assemblées délibérantes au sein du « bloc communal », communes et EPCI à fiscalité propre, ou de notre assemblée ;

1. Une meilleure représentation de l'opposition dans les assemblées délibérantes du « bloc communal »

L'abaissement du seuil d'application du scrutin de liste bloquée aux communes de 1000 habitants entraînera nécessairement une représentation plus équilibrée des différentes sensibilités politiques puisque l'opposition aura la garantie de siéger dans un plus grand nombre de conseils municipaux malgré l'existence d'une prime majoritaire de 50 % des sièges pour la liste ayant remportée l'élection. Cette avancée doit cependant être relativisée au regard des modalités particulières d'élection qui existaient jusqu'à présent pour les communes de moins de 2 500 habitants et qui autorisaient à modifier l'ordre de la liste de présentation des candidats et à composer sa propre liste, y compris de candidats non déclarés, ce qui est couramment appelé le « panachage ». Cependant, pour les communes comptant entre 2 500 et 3 499 habitants, les électeurs devaient voter pour des listes qui pouvaient certes êtres incomplètes mais qui étaient bloquées ; remportait alors les sièges la liste ayant obtenu la majorité des voix. Sur ce point, la réforme devrait assurer une meilleure représentation de la diversité des sensibilités politiques au sein du conseil municipal.

Le profond bouleversement réside dans le nouveau mode de scrutin pour l'élection des conseillers communautaires qui seront désormais et pour la première fois en 2014 désignés au suffrage universel direct, en même temps et parmi les conseillers municipaux. Cette nouvelle assise démocratique, à travers ce « fléchage » des conseillers communautaires parmi les candidats à l'élection municipale, ne devrait pas manquer d'initier un changement institutionnel profond au sein des assemblées délibérantes des EPCI à fiscalité propre.

Outre l'élection directe des conseillers communautaires, ce mode de scrutin permettra également d'assurer une meilleure représentation des sensibilités politiques d'une commune au niveau de l'intercommunalité. En effet, les délégués de la commune sont désignés au sein de l'organe délibérant de l'EPCI par les conseils municipaux. Cette désignation s'effectue, à l'exception des communautés urbaines, au scrutin majoritaire, ce qui pouvait conduire, sauf accord politique entre les différents groupes ou listes d'un conseil municipal, à n'assurer la représentation que de la majorité municipale sortie des urnes. Désormais, à partir de trois sièges pour une commune au sein de l'organe délibérant de l'EPCI, une liste minoritaire peut espérer obtenir un siège.

Cette modification devrait donc bouleverser la constitution des majorités au sein des assemblées délibérantes des EPCI à fiscalité propre et sans doute engendrer, au-delà des oppositions fondées sur une logique territoriale, un renforcement des différences voire des oppositions politiques dans ces instances, ce dont il serait utile de faire le bilan dans quelques années.

2. Le renforcement du pluralisme sénatorial

La réforme de l'élection des sénateurs a été l'occasion, selon l'intention du Gouvernement, de renforcer le pluralisme sénatorial. Cette modification a eu pour conséquence d'appliquer le scrutin à la représentation proportionnelle dans 55 circonscriptions contre 30 actuellement. Ainsi, 255 sénateurs, soit 73,7 % de l'effectif de notre assemblée, seront désormais élus au scrutin à la représentation proportionnelle et 93 au scrutin majoritaire alors qu'actuellement, seuls 52 % d'entre eux le sont au scrutin à la représentation proportionnelle.

Si cette évolution doit être saluée au regard des réalités électorales, elle suscite néanmoins des interrogations liées à la capacité des partis à veiller à assurer une vraie représentation des territoires. Pour votre rapporteur, le risque existe que celle-ci soit sacrifiée au bénéfice d'hommes ou de femmes d'appareil à la recherche d'un mandat que ne pouvait leur permettre d'obtenir le scrutin majoritaire : l'esprit d'indépendance qui caractérise notre Haute Assemblée pourrait en être malheureusement affaibli !

C. UNE EXTENSION DES RÈGLES EN MATIÈRE DE FINANCEMENT DES CAMPAGNES

Introduit par la loi n° 90-55 du 15 janvier 1990, le chapitre V bis du titre I er du premier livre du code électoral forme le droit commun du financement des campagnes électorales. À compter de 2014, ces dispositions s'appliqueront désormais à l'ensemble des élections politiques, notamment celles sénatoriales jusqu'à présent exclues de leur champ d'application.

Votre rapporteur relève ainsi que, à l'initiative de l'Assemblée nationale, l'ensemble des candidats aux élections cantonales seront désormais soumis à la législation en matière de financement de la vie politique, quelle que soit la population du canton. Auparavant, seuls les cantons comptant au moins 9 000 habitants étaient concernés.

Par ailleurs, votre rapporteur ne peut manquer de relever qu'à l'initiative du Sénat, soutenue et complété par l'Assemblée nationale, les campagnes de soutien de recueil des participations des électeurs pour provoquer l'organisation d'un référendum, dans le cadre de la procédure prévue à l'article 11 de la Constitution, connaîtront également des limitations comparables à celles applicables au droit commun des campagnes électorales.

1. Une entrée des élections sénatoriales dans le droit commun du financement des campagnes électorales

La soumission des campagnes électorales sénatoriales résulte d'une initiative du Sénat lors de de l'examen de la loi organique n° 2011-412 du 14 avril 2011. Le groupe de travail mis en place par votre commission afin d'étudier la législation applicable aux campagnes électorales avait en effet conclu, à l'unanimité de ses cinq rapporteurs issus de chacun des groupes politiques du Sénat, que, « au regard de l'importance du mandat sénatorial, il n'était pas légitime que la Haute Assemblée conserve un régime dérogatoire » et avaient appelé le Sénat à « adopter une attitude volontariste et [à] ne pas laisser aux autres pouvoirs publics l'initiative d'une telle réforme ».

Il rejoignait une préconisation du groupe de travail présidé par M. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel. Ce rapport justifiait l'entrée dans le droit commun de l'élection des sénateurs pour deux raisons principales. Tout d'abord, ce groupe de travail jugeait que le coût d'une campagne sénatoriale pouvant être élevé, il était justifié qu'un contrôle plus étroit soit mis en oeuvre. En outre, l'absence d'un contrôle des dépenses électorales pouvait créer une inégalité entre les candidats détenant des fonctions exécutives au sein d'une collectivité territoriale, ces derniers pouvant « disposer d'avantages en nature non négligeables par rapport à [leurs] adversaires ».

Ainsi, sur proposition de notre collègue Patrice Gélard, le Sénat a-t-il prévu des règles de financement des campagnes électorales aux élections sénatoriales à compter du renouvellement partiel de 2014 en créant un article L. 308-1 du code électoral qui renvoie, sous réserve d'adaptations nécessaires, au droit commun.

Le renouvellement partiel de septembre 2014 devrait donc voir la première application de cette réforme, ce qui a nécessité que votre commission, à l'initiative de notre collègue Jean-Yves Leconte, introduise, comme pour les députés élus par les Français établis hors de France, au sein de l'article 48 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013, les adaptations rendues nécessaires pour l'application de ces règles aux campagnes des candidats aux sièges de sénateurs représentant les Français établis hors de France.

De même, l'article 26 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 a étendu les règles dérogatoires existant pour les élections législatives dans les circonscriptions ultramarines en prévoyant que les dépenses de transport justifiées par la campagne au sein des départements d'outre-mer, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna ne sont pas incluses dans le plafond des dépenses électorales. Sans priver d'effet l'institution du compte de campagne, cette règle prend en compte l'étendue de ces circonscriptions ; l'intégration des dépenses de transport aurait pour effet dans ce cas d'empêcher les candidats d'exposer d'autres dépenses, le plafond de dépenses étant rapidement atteint par ces seules dépenses.

Votre rapporteur relève donc qu'au terme de ces modifications législatives, les élections sénatoriales entrent ainsi pleinement dans le droit commun, conformément à la volonté exprimée par la Haute Assemblée, participant ainsi de l'effort de transparence de la vie politique dans notre pays.

2. Une application timide des règles de financement aux campagnes électorales des représentants des Français établis hors de France

La réforme de la représentation des Français établis hors de France a parallèlement étendu le périmètre des élections soumises à des règles encadrant le financement de la vie politique. Sans renvoyer au droit commun, l'article 24 de la loi n° 2013-659 du 22 juillet 2013 se borne à interdire, pour l'élection des conseillers consulaires et des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, le financement des campagnes par un État étranger ou par une personne morale. La seule exception à cette règle, comme dans le droit commun, est pour les partis ou groupements politiques français et non, comme envisagé un temps par le Sénat, pour les associations représentatives des Français établis hors de France, ce qui, aux yeux de votre rapporteur, aurait ouvert une possibilité de financement sans les contreparties en termes de contrôle que connaissent les partis ou groupements politiques.

Ces règles sont parcellaires et ne reprennent que celles fixées pour les élections nationales aux deuxième et cinquième alinéas de l'article L. 52-8 du code électoral. Cependant, elle marque la fin de l'absence de règles du financement de ces élections qui prévalait jusqu'à maintenant pour l'élection des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger, des entreprises privées pouvant par exemple financer la campagne de certains candidats. Aucun compte de campagne n'est institué mais la violation de ces règles pourra évidemment être soulevée devant le juge de l'élection au soutien d'une protestation électorale contre les résultats du scrutin. Reste la question de la preuve de tels agissements que notre collègue Jean-Yves Leconte, alors rapporteur de ce texte, ne méconnaissait pas en relevant que « l'administration de la preuve d'une telle méconnaissance de la législation n'en resterait pas moins plus difficile pour le requérant » contrairement à la situation où le compte de campagne serait contrôlé par la CNCCFP.

Si des adaptations sont nécessaires pour prendre en compte la nécessité de ces élections se déroulant à l'étranger, il semble logique pour votre rapporteur que la question de l'extension de l'ensemble du régime de droit commun, y compris la limitation des dons des personnes physique, soit reposée à l'avenir lorsque les premiers renouvellements se seront déroulés. Cette extension aurait naturellement un coût pour les finances de l'État car elle devrait s'accompagner des remboursements forfaitaires existant pour les campagnes électorales sur le territoire national.

II. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE : UNE MATURITÉ TRÈS PROGRESSIVEMENT ATTEINTE

A. - LE FINANCEMENT DE LA CAMPAGNE PRÉSIDENTIELLE : S'ADAPTER À LA RÉALITÉ DES CAMPAGNES MODERNES

Le financement de la campagne pour l'élection du président de la République obéit à des règles partiellement dérogatoires au droit commun du financement des campagnes électorales, fixées par l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962. Des adaptations semblent, aux yeux de votre rapporteur, encore nécessaires pour prendre en compte la particularité de cette élection qui, qu'on s'en félicite ou qu'on le déplore, constitue un des évènements centraux de la vie politique et institutionnelle de notre pays.

1. Tirer les conséquences des décisions rendues par le Conseil constitutionnel et par la commission nationale des comptes de campagne
a) Une notion de dépense à caractère électoral progressivement affinée par la jurisprudence

Bien que non définie par la loi, la notion de dépense à caractère électoral permet de distinguer les dépenses devant figurer ou non au compte de campagne. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 52-12 du code électoral, le compte de campagne doit retracer l'ensemble des recettes et « l'ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection, hors celles de la campagne officielle ».

La jurisprudence a précisé que les dépenses à caractère électoral sont celles « dont la finalité est l'obtention des suffrages des électeurs ». Dès lors, les dépenses qui, bien qu'engagées pendant la campagne électorale par le candidat, n'ont pas cette finalité, ne constituent pas des dépenses électorales et ne peuvent ouvrir droit au remboursement forfaitaire de l'État 4 ( * )

Autrement dit, les frais qui ne sont pas engagés avec la volonté de convaincre des électeurs d'apporter leur soutien à un candidat ne sont pas des dépenses électorales. Inversement, un candidat ne saurait exclure volontairement de son compte de campagne les dépenses effectuées à titre électoral, au besoin en proratisant ces dépenses parmi un ensemble de dépenses ayant une autre finalité, dans le seul but de ne pas dépasser le plafond autorisé.

Si, en vertu de l'article 58 de la Constitution, le Conseil constitutionnel « veille à la régularité de l'élection du Président de la République », la CNCCFP juge en premier ressort du respect par les candidats des obligations légales en matière de financement de la campagne électorale à travers l'examen du compte de campagne. Les décisions de la CNCCFP, qui « approuve, rejette ou réforme, après procédure contradictoire, les comptes de campagne et arrête le montant du remboursement forfaitaire » peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil constitutionnel par le candidat concerné, dans le mois suivant leur notification.

À l'issue de l'élection présidentielle de 2012, la CNCCFP a rendu dix décisions, neuf concluant à la validation du compte du candidat concerné, mais systématiquement après réformation, et une concluant au rejet du compte qui a fait l'objet d'un recours aboutissant à la décision du Conseil constitutionnel du 4 juillet 2013.

Ces décisions ont entraîné une charge d'activité considérable pour la CNCCFP et le Conseil constitutionnel. S'agissant de la requête contre la décision du 19 décembre 2012 de la CNCCFP, le Conseil constitutionnel a recouru à deux rapporteurs adjoints, reçu sept mémoires du candidat et de la CNCCFP entre le 10 janvier et le 11 juin 2013 et procédé à de nombreuses mesures d'instruction pour évaluer le montant des dépenses devant ou non être inscrites au compte de campagne, auprès d'une formation politique, de plusieurs communes, de la présidence de la République, de cabinets de conseils et de plusieurs sociétés. Au total, cette seule décision a nécessité plus de six mois de travail.

Les précisions jurisprudentielles apportées à la suite de l'élection présidentielle de 2012 sur la notion de dépenses électorales

S'agissant des dépenses exclues par la CNCCFP, certains motifs récurrents sont le plus souvent invoqués pour justifier l'exclusion des frais concernés du compte de campagne.

Il s'agit en premier lieu de l'absence de justificatifs attachés aux dépenses déclarées. En l'absence de documents permettant à la commission, ou au Conseil constitutionnel, de se prononcer sur le caractère électoral des dépenses mentionnées, les montants concernés sont presque systématiquement exclus des dépenses remboursables.

La CNCCFP exclut également des dépenses remboursables les frais engagés postérieurement à l'échéance électorale qui ne peuvent, par définition, présenter un caractère électoral. Concernant l'élection présidentielle de 2012, on notera par exemple que la commission a retranché 1 586 euros correspondant au coût de l'abonnement à une compagnie de taxis pour les mois postérieurs au scrutin, et 8 692 euros à un autre candidat pour la location de photocopieurs au-delà de la date du premier tour jusqu'à la fin du mois de juin.

La CNCCFP exclut également des dépenses de nature électorale les dépenses, certes effectuées pendant la campagne électorale, mais dont le lien avec l'échéance présidentielle est pour le moins ténu. On notera par exemple que les frais de déplacement de l'un des candidats en Grèce, dès lors qu''il n'a pas été démontré que ce déplacement avait permis de recueillir le suffrage de Français établis dans ce pays dans le cadre de l'élection présidentielle française, pour 2 696 euros, ont été exclus des dépenses électorales. Il en fut de même pour les 2 371 euros engagés par un candidat pour les frais occasionnés par une rencontre avec des personnes présentées comme des « opposants russes » à Paris dans la mesure où les thèmes évoqués lors de cette rencontre ne pouvaient pas être considérés comme présentant un lien direct avec l'élection présidentielle française. Un autre candidat a également dû retirer de son compte de campagne 1 196 euros liés à la commande d'un sondage de notoriété, tout comme, plus substantiellement, 129 305 euros pour « la valorisation du temps de travail des bénévoles comptabilisée en avantage en nature ».

En outre, ne constituent des dépenses électorales que la part des dépenses réellement consacrée à l'échéance électorale. Ainsi, la jurisprudence distingue la valeur d'utilisation de la valeur d'acquisition des biens : 1 474 euros ont par exemple été retranchés du compte d'un candidat qui avait porté le coût total de l'acquisition de matériel informatique à son compte de campagne. Ce fut également le cas pour une dépense de 4 587 euros résultant de la formation de l'équipe de campagne d'un autre candidat à l'utilisation d'un logiciel statistique d'analyse de données électorales dans la mesure où ce logiciel avait vocation à être utilisé par la suite par le parti politique du candidat.

De même, ont été exclus du compte de campagne d'un candidat les frais d'impression de deux documents de propagande électorale rédigés en langue étrangère, au motif que la langue de la République française est constitutionnellement le français.

La CNCCFP, comme le Conseil constitutionnel, ont d'ailleurs la faculté de moduler la part d'une dépense de ce type qui doit être affectée au compte de campagne. Ainsi, un candidat à l'élection présidentielle qui avait inscrit à son compte de campagne une somme de 1 538 037 euros, correspondant à 50,4 % du montant total des dépenses d'une réunion publique, en invoquant la tenue, dans la matinée, d'un « conseil national extraordinaire » de sa formation politique, consacré à la préparation des élections législatives, a été contraint par le Conseil constitutionnel de réintégrer 80 % des dépenses relatives à l'organisation de cette manifestation et 95 % des dépenses de transport, soit un total de 1 063 865 euros supplémentaires à son compte de campagne.

Encore faut-il, même si la nature « politique » de la dépense est incontestable, qu'elle ne soit pas liée aux activités politiques habituelles du candidat. Autrement dit, une dépense ne peut pas être intégralement de nature électorale si elle s'inscrit dans le calendrier politique habituel, non lié au cycle électoral, des dépenses du candidat. C'est la raison pour laquelle la CNCCFP a exclu une partie des dépenses liées aux manifestations politiques qui se tiennent chaque année, en considérant que seules les dépenses engagées ou effectuées en vue de l'élection et spécifiquement destinées à l'obtention des suffrages sont imputables au compte de campagne. Un candidat s'est, pour ce motif, vu retrancher la moitié du montant des dépenses liées à l'organisation de deux manifestations, soit 123 000 euros environ.

En outre, toutes les dépenses liées à l'annulation de prestations commandées ou à des prestations payées mais non utilisées sont systématiquement retirées des dépenses de caractère électoral. En effet, par définition, ces dépenses ne peuvent pas avoir contribué au résultat électoral. De nombreux candidats ont ainsi dû retirer des dépenses remboursables le prix de billets d'avion non utilisés, le coût d'une réservation annulée d'une salle de réunion, etc.

À l'inverse, des dépenses non mentionnées par les candidats dans leur compte de campagne sont réintégrées par la commission dès lors qu'elles présentent un caractère électoral.

En 2012, la commission a ainsi réintégré dans les dépenses électorales de quatre candidats, au titre des concours en nature, une partie des frais relatifs à la publication, l'acquisition ou la diffusion de six ouvrages, ces derniers constituant à l'évidence un moyen de propagande électorale.

La CNCCFP a également eu l'occasion de rappeler que c'est bien la date de réalisation de la prestation, et non la date de facturation, qui doit être prise en compte. Ainsi, un candidat a dû ajouter à ses dépenses électorales la somme de 34 299 euros, correspondant à des prestations relatives aux réunions publiques et à la « web radio » de campagne, payées postérieurement au dépôt du compte de campagne mais effectivement engagées en vue de l'élection et qui n'avait pas été inscrite au compte.

La jurisprudence affine donc progressivement les critères qui doivent permettre aux candidats d'évaluer ce qui relève, ou non, des dépenses à caractère électoral.

Votre rapporteur, s'il ne peut que se féliciter de cette clarification, regrette néanmoins qu'elle ne se soit toujours pas accompagnée d'une réforme des conditions dans lesquelles les candidats sont appelés à déposer leur compte. il parait plus que jamais indispensable que la nomenclature retenue soit modifiée pour permettre un contrôle plus aisé et plus synthétique des principale dépenses engagées à commencer par les grands meetings dont le cout exact est extrêmement difficile à reconstituer .

Votre rapporteur considère par ailleurs que le plafond des dépenses fixé par la loi est trop bas, au regard des exigences d'une campagne moderne. Sans remettre en cause le principe d'égalité entre les candidats, il préconise donc une réévaluation de ce plafond.

b) La nécessité de réévaluer le plafond des dépenses de la campagne présidentielle

Événement majeur de la vie politique nationale, l'élection présidentielle fait l'objet, tous les cinq ans, de contestations relatives à son déroulement qui alimentent la polémique électorale. Dans son rapport remis au président de la République en novembre 2012, la commission de rénovation et de déontologie de la vie publique soulignait, comme votre rapporteur l'indiquait l'an dernier, « la nécessité de faire évoluer les règles relatives au remboursement public des dépenses électorales exposées par les candidats » à l'élection présidentielle.

La fixation d'un plafond de dépenses pour tout candidat à l'élection présidentielle répond à un principe d'égalité entre les candidats. Ce principe favorise le pluralisme politique et la remise en cause de l'interdiction faite aux personnes morales de financer la vie politique, de surcroit sans limitation comme c'est le cas aux États-Unis, constituerait un frein au multipartisme.

Conformément à l'article 112 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, les plafonds des dépenses électorales pour l'élection présidentielle s'établissent, conformément au décret du 30 décembre 2009 5 ( * ) , à 16,851 millions d'euros pour les candidats du premier tour et à 22,509 millions d'euros pour les candidats qualifiés pour le second tour.

Votre rapporteur réitère sa suggestion d'une augmentation substantielle des plafonds de dépense pour cette élection, notamment pour ce qui concerne les candidats qualifiés pour le second tour. Il apparaît en effet que les dépenses des principaux candidats, qui mènent une campagne à temps plein pendant plusieurs mois, s'approchent, élection après élection, très sensiblement des plafonds actuellement fixés.

À la suite de l'élection de 2012, le Conseil constitutionnel a même conclu, après réintégration de dépenses électorales non comptabilisées par le candidat, au dépassement du plafond fixé pour un candidat.

Il ne s'agit nullement de remettre en cause le principe d'un plafond de dépenses, dont l'existence constitue un garde-fou essentiel, mais davantage d'étudier si le montant de ce plafond, dont la revalorisation a sans doute été insuffisante, ne doit pas être revu à la hausse.

Le coût extrêmement important que de nouvelles méthodes de campagne induisent (mise en ligne, maintenance et sécurité du site Internet, déplacements devant les expatriés, organisation de meetings « géants », etc.) rend ce seuil irréaliste. Les observations formulées l'an dernier à ce sujet demeurent donc, à la lumière des décisions rendues depuis par la CNCCFP et par le Conseil constitutionnel, plus que jamais valables : « ces plafonds pourraient conduire des candidats, à l'avenir, à minimiser le montant de certaines dépenses effectuées afin de ne pas dépasser le plafond fixé, plutôt qu'à ne pas effectuer ces dépenses. Dans un objectif de transparence et de réalisme, il conviendrait de revoir ce plafond ». Le risque est grand également, et probablement avéré, que des dépenses restent du coup volontairement masquées et financées dans des conditions échappant à tout contrôle.

Cependant, votre rapporteur préconise de coupler cette hausse des plafonds à de nouvelles règles relatives au remboursement forfaitaire des candidats, afin de ne pas creuser l'écart entre les candidats bénéficiant de moyens importants, et les autres. Pour ce motif, il est indispensable de mettre un terme à l'effet de seuil que les règles actuelles provoquent à partir de l'obtention de 5 % des suffrages exprimés.

c) Un impératif : mettre un terme à l'effet de seuil dans les modalités de remboursement

L'article 3 de la loi du 6 novembre 1962 fixe le plafond du remboursement public en fonction du score obtenu par le candidat au premier tour de l'élection présidentielle. Le plafond du financement est de 4,75 % du plafond total de dépenses pour tout candidat qui recueille moins de 5 % des suffrages exprimés. Il est dix fois plus important (47,5 %) pour tout candidat qui obtient au moins 5 % des suffrages exprimés. À quelques suffrages près, le montant remboursé aux candidats varie donc entre deux plafonds, l'un de 800 000 euros et l'autre de 8 millions d'euros. Il conduit à une inégalité majeure entre les candidats, dont certains hésitent à s'engager pleinement dans la campagne en raison des incertitudes qui pèsent sur leur score (plus ou moins de 5 % des suffrages exprimés) et sur le financement qui en résulte.

Dans sa décision n° 2012-152 PDR du 25 avril 2012 relative aux résultats du premier tour de scrutin de l'élection du Président de la République, le Conseil constitutionnel a arrêté les suffrages obtenus par chacun des dix candidats à l'élection présidentielle (pour un total de 46 028 542 électeurs inscrits, de 36 584 399 votants et de 35 883 209 de suffrages exprimés). Il en résulte les éléments suivants :

Candidat(e)s

Suffrages exprimés obtenus
au 1 er tour

Part des suffrages exprimés

Plafond de remboursement arrêté
(en euros)

Montant remboursé au candidat ramené à la part des suffrages exprimés
(en euros)

Mme Eva Joly

828 345

2,31 %

800 423

0,96

Mme Marine Le Pen

6 421 426

17,90 %

8 004 225

1,25

M. Nicolas Sarkozy

9 753 629

27,18 %

Aucun remboursement forfaitaire

0

M. Jean-Luc Mélenchon

3 984 822

11,10 %

8 004 225

0,20

M. Philippe Poutou

411 160

1,15 %

791 391

1,92

Mme Nathalie Arthaud

202 548

0,56 %

779 871

3,85

M. Jacques Cheminade

89 545

0,25 %

401 899

4,48

M. François Bayrou

3 275 122

9,13 %

5 981 729

1,82

M. Nicolas
Dupont-Aignan

643 907

1,79 %

776 408

1,21

M. François Hollande

10 272 705

28,63 %

10 691 775

1,04

Source : Commission des lois du Sénat

Sans extrapoler démesurément, votre rapporteur constate que le rapport entre le nombre de suffrages obtenus et le montant du remboursement forfaitaire varie fortement d'un candidat à l'autre.

Outre l'effet de seuil autour des 5 % des suffrages exprimés, il existe une disparité difficilement explicable du rapport moyen de remboursement au regard de suffrages obtenus entre les candidats de part et d'autre de ce seuil.

Votre rapporteur réaffirme donc qu'il conviendrait de définir le montant total des remboursements versés aux candidats à l'élection présidentielle par la loi de finances de l'année de l'élection pour connaître à l'avance le montant de l'enveloppe budgétaire allouée au remboursement des candidats à l'élection présidentielle (éventuellement en majorant cette enveloppe au regard du nombre arrêté de candidats).

Selon votre rapporteur, le plafond de remboursement applicable aux deux candidats du second tour serait augmenté d'une prime, dont le montant serait forfaitaire et égal, pour chaque candidat et quel que soit le score obtenu au premier tour, à 5 % de l'enveloppe totale (soit plus de 2 millions d'euros). Enfin, les sommes restantes (correspondant au montant total des remboursements diminué de celui des deux « primes ») seraient réparties entre les candidats du premier tour, au prorata des voix obtenues, et permettraient de calculer le plafond de remboursement propre à chacun d'entre eux. En d'autres termes, le montant maximal du remboursement serait strictement proportionnel au nombre de voix obtenues. Cette innovation permettrait de mettre fin aux effets de seuil qui caractérisent la législation actuellement en vigueur alors qu'aucun effet d'aubaine ne pourrait entraîner la multiplication des candidatures, dans la mesure où le mécanisme de filtre, par l'exigence de 500 parrainages 6 ( * ) , serait parallèlement maintenu.

B. LE CONTRÔLE DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES : DES AVANCÉES LÉGISLATIVES NOTABLES EN 2013

L'adoption de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a conduit à une amélioration des dispositions législatives relatives au contrôle du financement des partis politiques. Introduites par voie d'amendement au sein d'un texte qui ne comportait à l'origine aucun article relatif au financement de la vie politique, certaines de ces dispositions marquent, en ce domaine, un meilleur encadrement des dons des personnes physiques, la fin des effets d'aubaine liés au rattachement de parlementaires à des micros-partis ultramarins et un renforcement des pouvoirs coercitifs de la CNCCFP.

1. Un meilleur encadrement des dons aux partis ou groupements politiques

Modifiant l'article L. 11-4 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988, l'article 15 de la loi du 11 octobre 2013 encadre davantage les dons des personnes physiques à destination des partis ou groupements politiques.

Ainsi, le plafond annuel de 7 500 euros ne s'applique non plus par parti ou groupement politique mais par donateur. Jusqu'alors, le calcul par parti politique permettait en effet à une même personne de donner pour une même année à plusieurs partis politiques, ce qui a pu être dénoncé par la CNCCFP, comme une incitation à multiplier les micro-partis dans une seule fin de collecte des financements privés et ce, d'autant plus, que ces dons ouvrent droit à un avantage fiscal.

En outre, l'assiette prise en compte pour le calcul du plafond de 7 500 euros a été élargie en intégrant les dons et les cotisations acquittées par les adhérents afin d'éviter, comme l'a souligné le rapporteur de l'Assemblée nationale au cours des débats, de « possibles contournements du plafonnement des dons, qui consisteraient à fixer des montants de cotisation très élevée pour, de fait, dépasser le seuil de 7 500 euros ».

Les cotisations des élus locaux et nationaux sont néanmoins exclues de ce dispositif, une participation plus importante de leur part au financement d'un parti politique étant apparue justifiée.

Enfin, les associations de financement et les mandataires financiers qui forment les structures financières des partis politiques devront communiquer chaque année à la CNCCFP la liste des personnes ayant consenti des dons dont le montant minimal sera fixé par décret, ce qui devrait notablement faciliter le contrôle de la CNCCFP à l'égard des donateurs.

Si ces modifications marquent une avancée indéniable que votre rapporteur salue, il reste néanmoins conscient qu'il existe toujours pour une personne physique la possibilité, pour contourner la limitation des dons ouverts aux personnes physiques, pour les campagnes électorales comme pour les partis politiques, d'effectuer ses dons par le truchement de plusieurs donataires.

2. Une législation plus efficace pour mettre un terme au contournement des règles liées au versement de la seconde fraction de l'aide publique

Les conditions d'affiliation d'un membre du Parlement à un parti ou groupement politique pour le calcul de l'aide publique versée aux formations politiques ont également été encadrées par l'article 14 de la loi du 11 octobre 2013.

En effet, le bénéfice de la première fraction de l'aide publique repose sur les résultats obtenus par les candidats d'un même parti politique lors du renouvellement général de l'Assemblée nationale. Or, il est bien plus aisé de satisfaire les conditions requises pour bénéficier de cette fraction d'aide publique pour les candidats dans les circonscriptions ultramarines que pour les candidats en métropole et à l'étranger.

En effet, plutôt que d'exiger d'avoir présenté des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins 50 circonscriptions, les candidats doivent se contenter d'avoir recueilli pour chacun des candidats présentés au moins 1 % des suffrages exprimés. Outre-mer, l'éligibilité n'est pas conditionnée à des candidatures dans un nombre minimal de circonscriptions. Dans l'absolu, un seul candidat ayant obtenu 1 % des suffrages exprimés suffit à faire bénéficier le parti auquel il se rattache de la première fraction.

L'attribution de la seconde fraction est réservée aux partis pouvant bénéficier de la première fraction, proportionnellement au nombre de parlementaires s'y étant rattachés.

Or, comme le relevait le rapporteur de la loi du 11 octobre 2013 à l'Assemblée nationale, « ce dispositif a fait l'objet d'utilisations plus ou moins opportunes, confinant parfois au détournement de procédure ».

En toute légalité, des partis politiques pouvaient donc passer des accords afin de « capter » une part du financement public. Pour ce faire, un parti qui ne pouvait pas prétendre grâce à ses seuls parlementaires à la seconde fraction incitait lesdits parlementaires à se rattacher à un parti politique ultramarin bénéficiant de la première fraction dans le seul but de percevoir la seconde fraction. En échange, le parti ultramarin reversait une partie de la somme ainsi collectée au premier parti.

Aussi, afin de revenir sur ce dévoiement des règles de financement public s'apparentant à un mécanisme d'optimisation financière, le rattachement d'un parlementaire élu dans une circonscription en métropole ou à l'étranger ne sera plus possible auprès d'un parti ayant présenté des candidats uniquement dans des circonscriptions ultra-marines.

En outre, la loi prévoit dorénavant la publication au Journal officiel du rattachement annuellement décidé par chaque parlementaire pour calculer la part de la seconde fraction. Cette obligation légale fait suite à l'initiative prise par les présidents des deux assemblées parlementaires de publier en 2012 le rattachement des parlementaires, dans un souci de transparence.

3. Des pouvoirs coercitifs de la CNCCFP renforcés

À la suite d'amendements adoptés par votre commission à l'initiative de votre rapporteur, deux dispositions, prévues à l'article 17 de la loi du 11 octobre 2013, facilitent le contrôle exercé par la CNCCFP sur les comptes des partis politiques.

En premier lieu, un complément apporté à l'article L. 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 permettra de lever une difficulté issue de la jurisprudence du Conseil d'État qui autorise un parti dont les comptes n'ont pu être validés de continuer à faire bénéficier ses donateurs d'un avantage fiscal alors même qu'il ne bénéficierait plus du droit à recevoir une aide publique directe. Seraient ainsi concernés les partis politiques qui n'auraient pas déposé leurs comptes, qui auraient déposé des comptes non certifiés, ou qui auraient fait l'objet d'un refus de certification par les commissaires aux comptes.

Rappelons que jusqu'en 2007, la Commission estimait qu'une formation politique qui se plaçait dans l'illégalité ne pouvait continuer à faire bénéficier ses donateurs ou cotisants de l'aide publique indirecte que constituent les avantages fiscaux attachés aux dons et cotisations versés au mandataire. En conséquence, elle retirait l'agrément octroyé aux associations de financement des partis politiques en cause et refusait de délivrer des formules numérotées de reçus-dons aux mandataires financiers.

Le Conseil d'État 7 ( * ) a suivi ce raisonnement et a annulé les décisions de la CNCCFP de retrait d'agrément de deux associations de financement. Cette décision, bien que conforme à l'esprit comme à la lettre de la loi, a mis en lumière les limites apportées par le législateur aux pouvoirs de la CNCCFP et la quasi-impossibilité d'appliquer des sanctions à certaines formations politiques, même en présence de comportements manifestement illégaux.

Votre rapporteur se félicite donc de la correction d'une disposition législative qui entravait le pouvoir de contrôle de la CNCCFP

En second lieu, la CNCCFP pourra désormais demander communication de toutes les pièces comptables ou de tous les justificatifs nécessaires au bon accomplissement de sa mission de contrôle, ce qui lui permettra d'aller au-delà du simple contrôle formel auquel elle se borne actuellement.

La CNCCFP ne pouvait jusqu'alors accéder aux comptes des partis politiques certifiés par les commissaires aux comptes, ni a fortiori aux pièces justificatives qui les accompagnent, et se trouvait ainsi dans l'impossibilité de substituer son appréciation à celle des commissaires aux comptes. Cette situation la conduisait à ne pouvoir sanctionner certaines irrégularités (dépassement des plafonds fixés aux dons individuels, versement d'une aide par une personne morale non soumise à la loi sur les partis, etc.) dès lors que celles-ci avaient été jugées conformes à la loi par les commissaires aux comptes. Cette situation était d'autant plus paradoxale que la CNCCFP, compte tenu de son rôle de contrôle sur les mandataires et celui de dépositaire unique de l'ensemble des comptes des formations politiques, dispose de fait, sur une part importante des recettes des partis, d'une capacité de contrôle que n'ont pas matériellement les commissaires aux comptes.

C. LE CONTRÔLE DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES : DES PISTES À ENVISAGER

Malgré les avancées législatives évoquées, plusieurs pistes doivent encore être envisagées pour que le contrôle opéré par la CNCCFP puisse être pleinement satisfaisant. Il s'agit, d'une part, d'homogénéiser les règles de présentation des comptes par l'ensemble des formations, d'autre part de se pencher sur les flux financiers entre formations politiques et autres personnes morales.

1. Une indispensable homogénéisation des règles comptables dans la présentation des comptes des partis

La présentation et l'organisation de la comptabilité des partis politiques sont prévues par l'avis no 95-02 du 8 mars 1995 du Conseil national de la comptabilité relatif à la comptabilité des partis politiques et groupements politiques qui doit servir de référence lors de la certification des comptes d'ensemble des partis politiques, comme l'a rappelé le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) dans un avis 8 ( * ) .

Cependant, le H3C a souligné l'absence de référence de l'avis n° 95-02 au principe d'image fidèle 9 ( * ) Dès lors, l'opinion des commissaires aux comptes « sera formulée en termes de conformité des comptes, dans tous leurs aspects significatifs », et « pourra utilement faire référence, en particulier, au respect par les comptes du principe de sincérité, qui implique que les informations comptables donnent à leurs utilisateurs une description adéquate, loyale, claire, précise et complète des opérations, événements et situations ».

En outre, le H3C a considéré que l'ensemble des normes d'exercice professionnel trouvaient à s'appliquer aux commissaires aux comptes des formations politiques dont notamment les normes relatives au « rapport du commissaire aux comptes sur les comptes annuels et consolidés » et à la « justification des appréciations ».

Enfin, un avis technique a été élaboré par la compagnie nationale des commissaires aux comptes 10 ( * ) afin, d'une part, d'exposer les risques propres aux partis et groupements politiques et, d'autre part, de présenter les diligences appropriées qui en résultent pour les commissaires aux comptes qui contrôlent ce type d'organismes.

Au-delà de l'ancienneté de l'avis, rendu en 1995, dont certains postes comptables mériteraient une actualisation, son caractère non contraignant ne permet pas d'imposer une homogénéisation de la présentation des comptes déposés devant la CNCCFP. Votre rapporteur continue donc de préconiser de rendre obligatoire l'utilisation d'un formulaire, agréé par la CNCCFP, pour permettre une présentation homogénéisée des comptes des partis politiques et des candidats.

Ayant eu l'occasion l'an dernier de consulter, dans les locaux de la CNCCFP, les comptes de plusieurs formations politiques, votre rapporteur n'avait pu que constater l'extrême diversité des éléments fournis par les partis politiques.

Si les candidats aux élections et les partis politiques respectent scrupuleusement, dans leur immense majorité, les préconisations de la CNCCFP, la procédure contradictoire permet à ces derniers, le cas échéant, d'apporter à la commission les précisions souhaitées.

Néanmoins, l'absence de cadre précis et contraignant rend le contrôle imparfait. À titre d'exemple, les manifestations événementielles des candidats à l'élection présidentielle (organisation d'un meeting, etc.) peuvent figurer sur des lignes budgétaires très disparates selon que le candidat les a organisées lui-même, ou les a confiées à une entreprise qui va les réaliser « clé en mains ». Il n'est donc pas possible de retracer, par exemple, le coût d'un événement de campagne dans sa globalité, sur le fondement des seuls éléments que les partis politiques doivent obligatoirement fournir. Un cadre comptable détaillé, par nature et par fonction, permettrait de croiser et donc de contrôler efficacement les données.

2. Vers davantage de contrôle sur les transferts financiers entre partis politiques et autres personnes morales

Lors de son rapport de l'an dernier, votre rapporteur avait mis en exergue le fait que l'existence de flux financiers entre partis politiques rend incertaine la destination effective des dons aux partis politiques, en contradiction avec l'intention du législateur qui avait souhaité assurer la traçabilité des fonds destinées aux activités partisanes.

Votre rapporteur réitère le constat selon lequel une analyse succincte des flux entre formations politiques laisse transparaître que ce sont principalement les formations politiques majeures qui alimentent les plus petites, et non l'inverse. Autrement dit, les courants d'idées, structurés associations, organisés autour d'une ou plusieurs personnalités, sont assez largement financés par des « formations mères ».

Or, il est impossible pour la CNCCFP, dans les comptes des partis bénéficiant d'une aide publique, de distinguer les dépenses consacrées directement aux campagnes électorales et les versements effectués à un autre parti. Indéniablement, cette situation gagnerait à être clarifiée car le financement public des partis n'a pas vocation à alimenter des formations politiques qui contournent, par leur mode de financement, l'esprit de la loi. Sans interdire le principe des flux financiers entre partis politiques, une réflexion devrait être engagée sur la part maximale que les transferts financiers doivent représenter dans l'ensemble des revenus d'une formation politique.

Au cours de l'examen de la loi relative à la transparence de la vie publique, le Sénat avait adopté en première lecture, à l'initiative de votre rapporteur, une disposition tendant à compléter la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 afin que les partis ou groupements politiques bénéficiant d'un financement public établissent pour tout transfert financier avec une autre personne morale une convention annexée aux comptes déposés annuellement auprès de la CNCCFP. Les bénéficiaires d'un tel versement n'étant pas soumis aux mêmes obligations de contrôle que les partis ou groupements politiques, l'obligation d'établir une convention permettait d'assurer sa transparence et son suivi.

Toutefois, à la faveur des débats particulièrement nourris en séance publique, cette disposition a été supprimée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Sans remettre en cause son intention, l'Assemblée nationale a estimé qu'en raison de la trop grande diversité des personnes morales pouvant avoir des liens financiers avec un parti politique, cette obligation paraissait lourde et complexe au regard de son utilité. En effet, de par la rédaction de cette nouvelle disposition, la moindre prestation commerciale courante à destination d'un part ou groupement politique aurait impliqué la rédaction d'une convention. Si votre rapporteur ne mésestime pas ces difficultés, il constate que le problème du contrôle des flux financiers entre les formations politiques et certaines personnes morales n'est pas résolu et préconise que la question soit de nouveau abordée par le législateur.

III. VERS UN RENOUVELLEMENT DES INSTITUTIONS EN CHARGE DE LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE

A. LA FIN PROGRAMMÉE DE LA COMMISSION POUR LA TRANSPARENCE FINANCIÈRE DE LA VIE PUBLIQUE

1. La disparition de la commission pour la transparence financière de la vie publique

La loi organique n° 2013-906 et la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ont renforcés les obligations déclaratives auxquels sont assujetties non seulement les ministres, les parlementaires mais également les élus, les membres de cabinet et les dirigeants publics. Outre une déclaration de patrimoine exigée de l'ensemble de ces personnes, une déclaration d'intérêts sera exigée des membres du Gouvernement et des parlementaires, ce qui jusqu'à présent ne relevait que de règles internes aux assemblées parlementaires.

Parallèlement, la commission pour la transparence financière de la vie politique (CTFVP) a été supprimée par l'article 30 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 au profit d'une haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Dès la nomination du président de cette nouvelle autorité administrative indépendante, la HATVP se substituera à la CTFVP pour le recueil et le contrôle des déclarations ainsi requises.

Le rôle de la commission pour la transparence financière de la vie publique

La commission pour la transparence financière de la vie politique a été instituée par la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique. En vue d'assurer une plus grande transparence financière de la vie politique, un mécanisme permettant d'apprécier l'évolution de la situation patrimoniale des principaux élus politiques ainsi que des principaux dirigeants d'organismes publics a été instauré. Le dispositif retenu vise à assurer que les personnes assujetties n'ont pas bénéficié d'un enrichissement anormal et personnel du fait de leurs fonctions. Chaque personne assujettie à cette obligation déclarative est ainsi soumise à l'obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale au début et à la fin de son mandat ou de ses fonctions. Le dépôt de ces déclarations est soumis à de strictes conditions de délais et le non-respect de cette obligation est sanctionné par une inéligibilité d'un an pour les élus et par la nullité de la nomination pour les dirigeants.

La mission de la commission pour la transparence financière de la vie politique consiste à apprécier la variation du patrimoine entre ces deux déclarations. Dans le cas où elle constate des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications satisfaisantes, elle transmet le dossier au parquet après avoir mis l'intéressé en demeure de présenter ses observations.

À l'initiative de l'Assemblée nationale utilement complétée par le Sénat, la transition entre les deux autorités administratives indépendantes a été précisée par la loi. Au terme de l'article 30 de la loi du 11 octobre 2013, le transfert des archives et de l'ensemble des documents en possession de la commission pour la transparence financière de la vie politique à la Haute Autorité est explicitement pour assurer la continuité de l'activité L'Assemblée nationale avait souhaité donner compétence à la haute Autorité pour poursuivre avec ses nouveaux pouvoirs l'instruction des procédures en cours d'examen devant la commission pour la transparence de la vie politique, sachant que les pouvoirs de la haute autorité sont sensiblement plus importants.

Suivant une demande exprimée par l'actuel président de la commission, M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, le Sénat, sur proposition de son rapporteur, le président Jean-Pierre Sueur, a préféré que les procédures d'examen entamées avant la date d'entrée en vigueur de la présente loi et qui reposaient sur une obligation issue de la précédente législation soient poursuivies par la Haute Autorité avec néanmoins les pouvoirs de la commission et non ses nouvelles prérogatives. Cette précision évite que des procédures en cours -et donc antérieures à l'entrée en vigueur de la réforme- soient instruites au moyen de prérogatives accordées par cette même réforme, ce qui aurait équivalu à une forme de rétroactivité.

La disparition de la CTFVP explique ainsi qu'aucun crédit ne figure cette année au sein de ce programme pour assurer son fonctionnement.

2. Le rôle assigné à la nouvelle Haute autorité pour la transparence de la vie publique

La HATVP hérite des missions de la CTFVP avec des pouvoirs accrus ainsi que des missions nouvelles. Son organisation et son fonctionnement diffère cependant légèrement de la commission, des garanties équivalentes d'indépendance étant cependant prévues.

L'organisation et le fonctionnement de la haute autorité
pour la transparence de la vie publique

La Haute autorité sera dotée de garanties d'indépendance puisque ses membres ne pourront, d'une part, ni recevoir, ni solliciter d'instruction d'une autorité extérieure et, d'autre part, ne pourront prendre, à titre personnel, une position publique préjudiciable au bon fonctionnement de la Haute Autorité.

À la différence de la CTFVP, la Haute Autorité ne comptera plus de membres de droit mais uniquement des membres désignés. Son président sera nommé par décret du président de la République après avis des commissions permanentes des assemblées parlementaires dans le cadre de la procédure prévue à l'article 13 de la Constitution.

La Haute Autorité comprendra :

- deux conseillers d'État, en activité ou honoraires, élus par l'assemblée générale du Conseil d'État ;

- deux conseillers à la Cour de cassation, en activité ou honoraires, élus par l'ensemble des magistrats du siège hors hiérarchie de la cour ;

- deux conseillers-maîtres à la Cour des comptes, en activité ou honoraires, élus par la chambre du conseil.

En outre, chaque président d'assemblée parlementaire désignera une personnalité qualifiée, avec l'accord de la commission permanente compétente, en l'espèce, la commission des lois, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, cette règle d'une approbation préalable à une majorité qualifiée étant conforme à la Constitution puisqu'elle s'exerce au sein d'une même assemblée 11 ( * ) .

En outre, ces personnes ne pourraient pas avoir été assujetties à des obligations déclaratives que contrôle la Haute Autorité durant les trois années précédant la nomination. En outre, la composition devra respecter l'égale représentation des femmes et des hommes.

Le mandat des membres sera de six ans sans possibilité de renouvellement. En cas de vacance, le siège sera pourvu pour la durée du mandat restant à courir. Le renouvellement s'effectuera par moitié tous les trois ans.

La déontologie des membres de la Haute Autorité sera assurée par une série de règles empêchant ses membres de participer aux délibérations ou vérifications portant sur les organismes ou personnes à l'égard desquels ils détiendraient ou auraient détenu, au cours des trois années précédentes, un intérêt direct ou indirect. Les membres seront soumis à des obligations déclaratives, au respect du secret professionnel et à des incompatibilités avec une fonction ou un mandat qui conduit à se soumettre aux obligations déclaratives que la Haute Autorité contrôle.

Dans le même esprit, il sera mis fin aux fonctions d'un membre de la Haute Autorité si la Haute Autorité constate, à la majorité des trois-quarts des membres, qu'il se trouve dans une situation d'incompatibilité, qu'il est empêché d'exercer ses fonctions ou qu'il a manqué à ses obligations.

En outre, la Haute Autorité dispose de l'autonomie financière pour la gestion de ses crédits et définit elle-même, au sein de son règlement général, les modalités d'organisation et de fonctionnement ainsi que les procédures applicables devant elle, ce qui est une prérogative notable pour une autorité indépendante dans la mesure où elle bénéficie ainsi d'une délégation conséquente du pouvoir règlementaire par la loi.

En cas de méconnaissance par une personne de ses obligations de déclaration, d'abstention et d'information, la Haute Autorité pourra être saisie par le Premier ministre, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat ainsi que par des associations agréés dont les statuts leur confèrent comme objet social de lutter contre la corruption.

En outre, resteront passibles de sanction pénales le fait de ne pas déposer l'une des déclarations, d'omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine. Les peines afférentes sont de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende avec la possibilité pour le juge de prononcer la déchéance des droits civiques ou l'interdiction d'accéder à une fonction publique.

Votre rapporteur relève, à cet égard, que les sanctions pénales ont été unifiées pour l'ensemble des personnes assujetties à ces obligations déclaratives, ce qui rend l'arsenal répressif plus cohérent et adapté en permettant de couvrir tous les cas de manquement aux obligations déclaratives des responsables publics.

B. L'AVENIR DE LA CNCCFP : VERS UNE FUSION AVEC LA HATVP ?

Déjà évoquée dans le rapport du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale en octobre 2010, l'idée d'un rapprochement entre la commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des financements politiques et de l'autorité ayant en charge le contrôle des déclarations de patrimoine des personnes publiques a de nouveau été envisagée dans le cadre de la discussion devant le Parlement de la loi sur la transparence de la vie publique. Une telle décision du législateur impliquerait une étude préalable de l'ensemble de ses conséquences.

Votre rapporteur s'est déjà déclaré a priori favorable à un tel rapprochement, d'une part dans une optique de mutualisation des moyens, et d'autre part, plus substantiellement, pour donner davantage de poids à la nouvelle autorité qui en résulterait, compte tenu d'un nécessaire renforcement des prérogatives de la CNCCFP.

Une telle fusion avait été soumise à l'examen de votre commission par voie d'amendement lors de l'examen du projet de loi relatif à la transparence de la vie publique en juillet 2013. Votre commission avait estimé que si la question de la fusion de ces autorités administratives indépendantes pouvait se poser compte-tenu du caractère connexe voire complémentaire de leurs missions, le contexte d'examen du projet de loi, notamment du fait de l'engagement de la procédure accélérée, ne permettait pas d'envisager raisonnablement cette hypothèse. Il lui avait alors paru préférable de ne pas compliquer la mise en place de la nouvelle autorité indépendante qu'est la Haute Autorité en modifiant le périmètre de l'autorité à laquelle elle succède.

Toutefois, pour prolonger la réflexion sur ce sujet, votre commission avait demandé au gouvernement un rapport au Parlement dans le délai d'un an afin de mesurer l'intérêt et la faisabilité à terme de cette fusion. Cependant, cette disposition a été supprimée en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale.

Certains des arguments avancés lors de ces débats sont d'ailleurs repris par le président de la CNCCFP qui estime qu'un tel rapprochement, dans les conditions actuelles, n'est pas envisageable. Une fusion supposerait donc préalablement de lever les difficultés évoquées pour qu'un tel rapprochement soit opérant.

En premier lieu, il est possible de craindre un transfert de mission à une même autorité des missions de la CNCCFP et de la HATVP sans l'accompagner des moyens nécessaires, espérant par une fusion obtenir des économies supérieures aux simples économies d'échelles par une réduction globale des effectifs et des crédits.

Pour mémoire, la CNCCFP comporte, outre ses neuf membres, un peu plus d'une trentaine d'agents permanents avec un renfort temporaire de vingt autres en périodes de contrôle des comptes de campagne, et jusqu'à 160 rapporteurs dont une partie travaille dans les locaux mêmes de l'institution. La commission a ainsi tenu 110 séances en dix-huit mois, dont 70 consacrées exclusivement au contrôle des comptes de campagne des candidats à l'élection présidentielle et aux élections législatives, ce qui représente l'examen de 4 283 comptes de campagne. En y ajoutant le contrôle et la publication des comptes des quelque 400 partis ou groupements politiques ainsi que le contrôle et l'authentification de l'ensemble des reçus délivrés dans le cadre du financement des campagnes électorales et des partis politiques, dont les procédures ont été encore renforcées, la CNCCFP pronostique finalement un doublement des charges de la nouvelle autorité qui serait à prévoir

Par ailleurs, la CNCCFP, comme le ministre de l'intérieur lors de son audition devant votre commission, a fait valoir que la nouvelle Haute Autorité a un domaine de compétence excédant largement le champ politique puisqu'elle devra examiner les déclarations de patrimoine et d'intérêts non seulement d'élus mais aussi d'un certain nombre de hauts fonctionnaires et dirigeants d'entreprises publiques. Le périmètre d'action des deux institutions n'est donc pas identique même s'il se recoupe largement.

Il est vrai qu'une fusion impliquerait de tenir compte de la nature tout à fait différente des compétences de la commission par rapport à celles de la future Haute autorité, puisque la CNCCFP gère essentiellement un système de remboursement sur fonds publics, avec des pouvoirs d'investigation plus limités que ceux qui visent les déclarations de patrimoine. Une évaluation des conditions de faisabilité de l'opération devra donc avoir lieu pour permettre un tel rapprochement.

Votre rapporteur souligne également que l'échéance d'une telle fusion devra également être examinée avec un soin particulier. Alors que la commission s'apprête à assurer le contrôle des comptes de campagne des candidats à six scrutins nationaux et locaux, dont deux nouveaux (élections sénatoriales et départementales) étalés sur une période de douze mois, il n'est nullement question de désorganiser l'activité de contrôle en cours d'organisation. Le principe d'une fusion doit donc être sérieusement envisagé, mais il n'est envisageable qu'à terme. Des exemples étrangers, comme celui du Canada, disposant d'une autorité unique, invitent à poursuivre cette réflexion que votre rapporteur se propose de mener avec l'accord de votre commission.

*

* *

Au-delà des crédits destinés au financement de la vie politique et aux contrôles qui sont exercées en ce domaine, le programme budgétaire vie politique, cultuelle et associative regroupe les crédits dont dispose le ministre de l'intérieur pour veiller à l'exercice par nos concitoyens de trois droits ou libertés de rang constitutionnel : le droit de vote, la liberté d'association et la liberté de cultes.

S'agissant des moyens alloués à la lutte contre les dérives sectaires dont votre rapporteur avait souligné, l'an dernier, la faiblesse, votre rapporteur ne peut que renvoyer aux travaux de la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé présidée par notre collègue Alain Milon et dont le rapporteur, notre collègue, Jacques Mézard, a largement développé cette question. En conclusion de ses travaux, la commission d'enquête propose de « renforcer le statut de la Miviludes, qui reposerait sur un fondement législatif accordant une immunité encadrée à son président, dans le cadre du rapport qu'il remet chaque année au Premier ministre », ce qui rejoint un souhait exprimé par votre rapporteur l'an dernier.

En matière de droit des associations que votre rapporteur avait évoqué l'an dernier à propos du registre national des associations, la discussion en novembre 2013 par le Sénat du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire a permis à notre collègue Alain Anziani, au nom de votre commission, de traiter ce domaine à travers l'examen des dispositions modifiant la loi du 1 er juillet 1901 relative au contrat d'association.

Enfin, votre rapporteur s'était intéressé à la question du vote électronique notamment pour l'élection des députés élus par les Français établis hors de France. Au regard de l'intérêt de cette question, votre commission a décidé la création d'une mission d'information sur ce sujet confiée à nos collègues Alain Anziani et Antoine Lefèvre. Leurs travaux permettront ainsi en 2014 de prolonger fructueusement ceux entrepris par votre rapporteur l'an dernier.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « vie politique, cultuelle et associative » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », inscrits au projet de loi de finances pour 2014.

CONTRIBUTION ECRITE

M. François LOGEROT , président de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

ANNEXE - AIDE PUBLIQUE AUX PARTIS POLITIQUES EN 2013

I - Partis et groupements politiques ayant présenté
des candidats dans au moins 50 circonscriptions (métropole)

Première fraction

Seconde fraction

Total de l'aide publique

Montant de la modulation financière appliquée pour non-respect
de la parité

Parti Socialiste

11 121 431 €

17 359 311,21 €

28 480 742 €

1 396 809,34 €

Union pour un Mouvement Populaire

6 757 161 €

13 113 148,76 €

19 870 310 €

3 927 599,85 €

Front national

5 460 388 €

83 258,09 €

5 543 646 €

86 979,64 €

Europe Ecologie les Verts

2 314 550 €

1 207 242,27 €

3 521 792 €

-

Parti Communiste Français

2 139 966 €

1 082 355,14 €

3 222 321 €

-

Union des Radicaux, Centristes, Indépendants et Démocrates

1 045 392 €

1 498 645,57 €

2 544 037 €

101 897,39 €

Parti Radical de Gauche

558 107 €

1 123 984,18 €

1 682 092 €

137 239,51 €

Nouveau Centre

576 763 €

582 806,61 €

1 159 570 €

143 272,43 €

Le Centre pour la France

557 088 €

374 661,39 €

931 749 €

129 937,31 €

Forces de gauche

574 502 €

124 887,13 €

699 389 €

64 363,29 €

Debout la République

228 937 €

83 258,09 €

312 195 €

10 863,42 €

La France en action (Alliance écologiste indépendante)

157 511 €

-

157 511 €

25 404,92 €

Le Trèfle -
les nouveaux écologistes

102 134 €

41 629,04 €

143 763 €

8 994,16 €

Sous-total I

31 593 929,00 €

36 675 187,47 €

68 269 116,47 €

6 033 361,25 €

II - Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats exclusivement
outre-mer

Première fraction

Seconde fraction

Total de l'aide publique

Montant de la modulation financière appliquée pour non-respect
de la parité

Pour la Réunion, de toutes nos forces

45 683,60 €

41 629,04 €

87 312,64 €

-

Calédonie ensemble

37 580,40 €

83 258,09 €

120 838,49 €

-

Guadeloupe Unie Socialisme et Réalités

26 160,68 €

83 258,09 €

109 418,77 €

-

Union pour la majorité municipale

25 537,36 €

41 629,04 €

67 166,40 €

-

Démocratie et République

21 805,29 €

249 774,26 €

271 579,55 €

-

Groupement France Réunion

21 293,73 €

-

21 293,73 €

-

Parti progressiste martiniquais

19 221,10 €

124 887,13 €

144 108,23 €

11 532,66 €

Parti communiste guadeloupéen

17 859,15 €

41 629,04 €

59 488,19 €

-

Réunion avenir, une ambition pour La Réunion dans la France

12 806,46 €

-

12 806,46 €

-

Parti communiste réunionnais

10 311,98 €

41 629,04 €

51 941,02 €

30 935,95 €

Tahoeraa huiraatira

9 946,41 €

166 516,17 €

176 462,58 €

29 839,23 €

Rassemblement pour la Calédonie

9 271,14 €

-

9 271,14 €

-

Mouvement initiative populaire

9 038,19 €

41 629,04 €

50 667,23 €

-

Vivre à Schoelcher

8 748,56 €

-

8 748,56 €

-

Front de Libération de la Polynésie - Tavini Huiraatira no te ao ma'ohi

8 007,97 €

41 629,04 €

49 637,01 €

24 023,91 €

Le Rassemblement pour la Calédonie dans la République

7 749,83 €

124 887,13 €

132 636,96 €

23 249,48 €

Collectif des Inkoruptibles

-

-

-

-

Parti socialiste guyanais

7 050,16 €

41 629,04 €

48 679,20 €

-

Mouvement indépendantiste martiniquais

6 642,48 €

83 258,09 €

89 900,57 €

19 927,45 €

Bâtir le pays Martinique

6 637,76 €

-

6 637,76 €

-

Parti pour la libération de la Martinique

5 635,09 €

-

5 635,09 €

-

Parti Régionaliste Martiniquais

5 477,69 €

-

5 477,69 €

-

Association des bâtisseurs de Guyane

-

-

-

-

La Réunion en confiance

4 438,82 €

-

4 438,82 €

-

Union pour la démocratie

4 157,06 €

-

4 157,06 €

-

No Oe E Te Nunaa

4 010,67 €

-

4 010,67 €

-

Hau Noa

3 832,81 €

-

3 832,81 €

-

RAUTAHI

2 773,47 €

-

2 773,47 €

-

Cap sur l'avenir

2 634,96 €

41 629,04 €

44 264,00 €

-

Rassemblement pour la Guadeloupe

2 093,48 €

-

2 093,48 €

-

Mouvement du Peuple pour la Responsabilité

-

-

-

-

Un Avenir Meilleur pour la Population de la Réunion dans la France et dans l'Europe

2 076,17 €

-

2 076,17 €

-

Force martiniquaise de Progrès

1 751,52 €

-

1 751,52 €

5 254,57 €

Rassemblement démocratique pour la Martinique

983,78 €

-

983,78 €

2 951,34 €

Parti de l'espoir

947,58 €

-

947,58 €

-

Te'Avei'A

805,91 €

-

805,91 €

-

Parti politique pour la population

804,34 €

-

804,34 €

-

Indépendants de la France de Métropole et d'Outre-mer

787,02 €

208 145,22 €

208 932,24 €

-

Union démocrate

758,69 €

-

758,69 €

-

Mouvement libéral populaire

727,21 €

-

727,21 €

-

Archipel Demain

-

-

594,99 €

-

Te Mana O Te Mau Motu

-

-

-

-

Génération solidaire We party

555,64 €

-

555,64 €

-

Sous-total II

357 199,15 €

1 457 016,53 €

1 814 215,68 €

147 714,59 €

TOTAL

31 951 128,15 €

38 132 204,00 €

70 083 332,15 €

6 181 075,84 €


* 1 Le compte rendu de l'audition du ministre de l'intérieur est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20131111/lois.html#toc3.

* 2 Le compte rendu de la réunion de commission est consultable à l'adresse suivante : http://intranet.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html.

* 3 Pour 2014, 68 millions d'euros sont prévues en autorisations d'engagement pour le financement des partis politiques contre 209 millions pour l'organisation des élections en raison du renouvellement générale des conseils municipaux, du Parlement européen et des assemblées de provinces de la Nouvelle-Calédonie ainsi que du renouvellement partiel du Sénat.

* 4 CE, 27 juin 2005, n° 272551.

* 5 Décret n° 2009-1730 du 30 décembre 2009 portant majoration du plafond des dépenses électorales.

* 6 Cette exigence est prévue par la loi n°62-1292 du 6 novembre 1962 relative à l'élection du président de la République au suffrage universel

* 7 CE, 6 juillet 2007, Free Dom et Rassemblement pour la Guyane dans la République

* 8 Avis 2011-21 du 28 novembre 2011 rendu par le Haut conseil du commissariat aux comptes en application de l'article R. 821-6 du code de commerce sur une saisine portant sur l'exercice de la mission de commissariat aux comptes dans les partis et groupements politiques.

* 9 Ce principe, qui favorise une vision d'ensemble de l'entité concernée et permet de traduire la réalité d'une situation financière ou patrimoniale en l'absence d'une règle ad hoc ou en présence d'une règle inadaptée, ne pourra pas être utilisé par le commissaire aux comptes pour exprimer son opinion sur les comptes.

* 10 Avis technique du 19 avril 2012 relatif à la mission des commissaires aux comptes dans les partis et groupements politiques entrant dans le champ d'application de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 modifiée.

* 11 CC, 13 décembre 2012, n° 2012-658 DC.

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