B. UNE GESTION DE L'INFRASTRUCTURE COÛTEUSE ET SOUS-OPTIMALE

1. Des relations dégradées entre RFF et SNCF-Infra

L'organisation décrite plus haut s'est révélée particulièrement peu efficace . En septembre 2012, la commission des finances du Sénat avait eu l'occasion d'en relever les défauts et les dysfonctionnements 5 ( * ) (cf . encadré).

Extraits du rapport de la commission des finances
sur l'entretien du réseau ferré national (septembre 2012)

« Dès 1997, le législateur avait conscience de cet enchevêtrement de responsabilités puisque la loi créant RFF prévoyait, dès son article 1 er , que RFF et SNCF-Infra signent une convention.

« Les deux entreprises sont engagées dans une relation de ?collaboration forcée? : RFF doit se tourner vers son partenaire incontournable, SNCF-Infra, tandis que le chiffre d'affaires de cette dernière est constitué à plus de 80 % par les commandes de RFF.

« Elles ont donc conclu différentes conventions. La Cour des comptes juge que ce dispositif de conventions est ?à bout de souffle? . En effet, il a été élaboré ?dans un contexte de méfiance réciproque, il aboutit à un dispositif tatillon et procédurier, faiblement régulé, dont le renouvellement, par avenants ou nouvelles conventions, s'est effectué au prix de négociations de plus en plus laborieuses, qui mobilisent les énergies et le temps des responsables des deux établissements publics .

« ?Dans ce qui apparaît de plus en plus comme un dialogue de sourds, les désaccords réciproques peuvent se résumer comme suit :

« ?pour RFF, une information encore insuffisante de la part de la SNCF sur la gestion et les coûts de la maintenance, une productivité insuffisante, une difficulté de SNCF-Infra à sortir d'une maintenance au fil de l'eau et à s'adapter à l'approche industrielle prônée par RFF ;

« ?pour SNCF-Infra, une incapacité de RFF à fournir une vision claire du devenir du réseau, une imprécision de la commande et une instabilité des conditions de réalisation liée à une méconnaissance de la réalité de l'exercice de la maintenance sur le terrain, une relation économiquement déséquilibrée, un refus de prendre en compte l'autonomie de gestion de la SNCF et ses responsabilités pénales en matière de sécurité?.

« Illustration de cette mésentente, les systèmes d'information des deux entreprises ne sont toujours pas compatibles.

« Au total, près de 200 personnes seraient affectées à la négociation de conventions minutieusement détaillées et dont la Cour des comptes souligne in fine qu'elles sont ?dépourvues d'ambition collective? ».

Devant la commission du développement durable, Guillaume Pépy, président de SNCF, a confirmé ce diagnostic : « il y a un et un seul réseau, qui doit se partager entre les travaux, de maintenance et de régénération, et les circulations. Pour avoir vécu ces quinze dernières années le face-à-face de deux établissements publics, qui auraient pourtant dû être côte-à-côte, et la guerre ouverte qu'ils ont menés pendant quelques années, on voit bien que l'utilisation du réseau n'était pas optimale . Tout le monde connaît des tas d'exemples où des travaux prévus empêchaient la circulation des trains, alors que ces travaux n'avaient finalement pas lieu et inversement, des trains empêchant la réalisation de travaux alors que, finalement, le train ne circulait pas. De l'avis général, le réseau ferroviaire français est sous-utilisé, faute de coordination entre celui qui a la charge du réseau et ceux qui sont responsables des transports » 6 ( * ) .

2. Une insuffisante maîtrise des coûts

Les relations difficiles entre RFF et SNCF-Infra ont des conséquences directes sur le coût de la maintenance.

Le même rapport de la commission des finances relevait que RFF rémunère principalement au forfait - environ 2 200 millions d'euros par an - les interventions de SNCF-Infra et non pas au coût réel. En conséquence, cette méthode de rémunération n'emporte aucune incitation à réduire les coûts. Le rapport souligne qu'elle « s'est révélée contre-productive. Elle n'incite pas SNCF-Infra à réaliser effectivement des gains de productivité puisqu'elle peut tout aussi bien réduire le volume de ses interventions. Elle n'incite pas non plus RFF à contrôler les coûts de SNCF-Infra, par exemple à travers un système de bonus-malus ».

Or, depuis quelques années, les coûts de la maintenance ont progressé, principalement du fait que les chantiers se déroulent de nuit mais aussi compte tenu de la hausse du prix des matières premières .

La Cour des comptes estime, pour sa part, que « la capacité propre de RFF à infléchir les trajectoires financières et budgétaires est surestimée. RFF, qui est tenu de recourir à la SNCF pour la maintenance, ne dispose pas pleinement des leviers d'action indispensables pour assurer à la fois la réussite de son schéma industriel, son ambition commerciale et ses gains de productivité . En effet, les paramètres relatifs au coût social (notamment, l'incidence financière de la réforme des retraites) lui échappent. Il en est de même pour l'organisation des travaux et les gains de productivité qui lui sont associés. Ils dépendent du gestionnaire d'infrastructure délégué. De son coté, ce dernier se plaint de l'allocation de plages-travaux insuffisantes et d'un développement coûteux des chantiers nocturnes » 7 ( * ) .

Dès lors, la séparation des deux entreprises entrave toute recherche de gains de productivité. Si la relation contractuelle forcée, évoquée plus haut, a permis de créer une certaine émulation pour SNCF-Infra, elle reste insuffisante pour dépasser les exigences contradictoires des deux acteurs de l'infrastructure.

La situation actuelle est donc sous-optimale, alors même que les besoins apparaissent particulièrement élevés dans les années à venir .


* 5 Rapport d'information n° 783 (2011-2012), Le réseau ferré à l'heure des choix , fait au nom de la commission des finances par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.

* 6 Audition du 4 juin 2014.

* 7 Cour des comptes, Réseau ferré de France, exercices 2008-2012 , rapport particulier, octobre 2013.

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