ANNEXE : AUDITION DE M. LAURENT FABIUS, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

Mercredi 14 octobre 2014, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, a auditionné M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur le projet de loi de finances pour 2015.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Je souhaite la bienvenue à M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, premier invité de notre commission dans sa composition issue des élections sénatoriales du 28 septembre dernier. Nous aurons de multiples occasions de prolonger le dialogue que nous engageons ainsi, Monsieur le ministre. Nous souhaitons vous entendre aujourd'hui sur le projet de loi de finances pour 2015. Comme nous entendrons après vous Mme Annick Girardin, Secrétaire d'Etat au Développement et à la Francophonie, sur la mission « aide publique au développement », je vous propose de concentrer votre intervention sur les crédits de l'action extérieure de l'État.

Pour la première fois, grâce à ses nouvelles compétences en matière de commerce extérieur et de tourisme, votre ministère dispose d'une capacité d'action renforcée sur l'ensemble des réseaux d'influence. Quelles sont les conséquences de ce changement sur son budget et son organisation ? Qu'attendez-vous de cette réforme ?

Avec une enveloppe budgétaire en légère diminution à périmètre ministériel constant, vous avez dû définir des priorités : maintien des crédits d'influence et d'attractivité, hausse des bourses scolaires pour les Français expatriés - pour tenir un engagement présidentiel -, augmentation des moyens de fonctionnement du réseau et stabilisation des crédits destinés à la sécurité de nos implantations. Vous poursuivez votre politique de redéploiement vers les régions stratégiques et les actions renforçant l'attractivité de notre territoire tout en participant à la stabilisation de l'emploi public. Nous nous réjouissons des efforts entrepris, par le ministère et par ses opérateurs, dès lors qu'ils n'altèrent pas nos capacités dans cette période troublée, où notre diplomatie est présente et efficace.

Je souhaiterais que nous réservions, si vous en êtes d'accord, quelques moments à des questions sur l'actualité internationale, suivant l'usage de mon prédécesseur le président Jean-Louis Carrère.

M. Laurent Fabius, ministre . - Merci pour votre accueil : j'ai plaisir à vous retrouver dans cette salle, qui n'a pas changé...

M. Joël Guerriau . - Hélas !

M. Laurent Fabius, ministre . - ... Même si la composition de la commission, elle, a changé ! Je suis naturellement à votre disposition, comme le sont mes équipes, y compris lors de vos déplacements à l'étranger. Je ne doute pas, Monsieur le Président, que nous poursuivrons ensemble l'excellent travail que nous avons effectué avec votre prédécesseur. Mme Girardin viendra s'exprimer devant vous, ainsi que, si vous le souhaitez, d'autres secrétaires d'État.

Compte tenu des contraintes budgétaires de la France, nous avons essayé de construire un budget avec efficacité et intelligence. Tout en prenant sa part au redressement économique, le Quai d'Orsay doit préserver sa capacité d'action et de gestion des crises, malgré son lot d'économies, qui ne sont jamais agréables. J'ai donc souhaité un budget économe.

Les crédits de paiement pour 2015 s'élèvent à 4,719 milliards d'euros, ce qui représente, à périmètre constant, une baisse de 97 millions d'euros, soit 2,06 % par rapport à 2014. Nous devons rendre 220 emplois, ce qui fixe notre plafond à 14 235 emplois, pour contribuer à la stratégie générale de redressement des finances publiques. Ces suppressions d'emplois résulteront essentiellement de l'adaptation de notre réseau diplomatique : tout en préservant son universalité, nous procédons à une différenciation des postes en fonction des priorités. Des redéploiements sont en cours, surtout depuis l'Amérique du Nord et l'Europe vers des pays émergents ou en sortie de crise. J'ai demandé à mes équipes de privilégier la diplomatie économique : avec une économie affaiblie, une diplomatie forte est irréaliste.

Le principal levier des redéploiements est la transformation d'ambassades en postes de présence diplomatique (PPD), qui comportent un ambassadeur et quatre ou cinq agents, et remplissent essentiellement les missions de représentation diplomatique et de protection de nos compatriotes. Nous en avons créé 13 depuis 2013 et allons en ouvrir 13 autres d'ici à 2017. Bien sûr, cela requiert un effort d'explication en direction des pays concernés, qui n'accueillent pas toujours favorablement ce changement.

Nous avons obtenu une augmentation de 2 % de nos moyens de fonctionnement : la hausse des coûts de l'énergie, des loyers, l'évolution des taux de change l'imposaient. Nous avons tenu à préserver les crédits relatifs à la sécurité, ce que le contexte international explique aisément : une dotation de 44,3 millions d'euros est prévue pour financer des travaux renforçant la sécurité passive de nos implantations ainsi que leur sécurité active par la présence de gardes de sécurité expatriés et de vigiles. Comment, sinon, envoyer des ambassadeurs en Irak, en Libye ou en Syrie ?

10 millions d'euros supplémentaires pour améliorer la sécurité du réseau proviendront des cessions immobilières : à l'issue de négociations serrées avec le ministre des finances - et ma connaissance du poste, pour l'avoir occupé dans le passé, m'a été bien utile - nous avons obtenu de bénéficier de la totalité des produits de cessions. Nous construisons des ambassades nouvelles à Jakarta, à Bangkok, ou à Dacca, dans le cadre d'une co-localisation franco-allemande, et nous procédons à des rénovations lourdes à Washington, à Moscou ainsi qu'à New Dehli. L'objectif est que nos implantations soient mieux adaptées aux besoins d'une diplomatie moderne, mieux entretenues et moins coûteuses. Pour que ces cessions contribuent aussi au désendettement public, nous verserons, sur leur produit, 25 millions d'euros au budget général de l'État, pour solde de tout compte.

Le budget 2015 est le premier construit avec le nouveau périmètre du Quai d'Orsay, pour lequel je me suis battu. Le Premier Ministre et le Président de la République ont accepté mes propositions : loin d'être marginal, le tourisme est une activité économique majeure qui a beaucoup à apporter à la France, qui jouit en ce domaine d'avantages comparatifs importants. M. Raffarin, qui connaît bien la Chine, sait qu'actuellement, 150 millions de Chinois voyagent, mais que dans 15 ans, ils seront 500 millions ! Si nous savons les attirer, notre balance extérieure s'en ressentira.

Le changement de périmètre a pour conséquence le transfert de la subvention à Atout France, d'un montant d'environ 30 millions d'euros, sur le programme 185, dans le cadre de la nouvelle action « développement international - tourisme ». C'est la première fois que le ministère des affaires étrangères dispose de l'ensemble des moyens d'influence : diplomatiques, commerciaux, culturels, consulaires. Il devient un véritable ministère de l'action extérieure de l'État. Le but ? Faire travailler ensemble ces différents réseaux pour améliorer notre attractivité. Bien sûr, cela prendra du temps, et nous ne nous substituons évidemment pas aux entreprises. Relevons tout de même que recevoir à la fois un prix Nobel de littérature et un prix Nobel d'économie n'est pas la marque d'une nation à bout de souffle !

Les moyens d'influence culturelle sont intégralement préservés, qu'il s'agisse des dotations aux instituts français et aux alliances françaises ou des bourses de mobilité étudiante ou d'échanges scientifiques et d'expertise. Je tiens à rendre hommage au travail effectué par Xavier Darcos à la tête de l'Institut français. Son successeur, M. Baudry, jeune et dynamique, n'a pas pour seul talent d'écrire des bandes dessinées, notamment sur le Quai d'Orsay (Sourires) : il a accompli un excellent travail à New York et à Madrid, et bénéficie de toute ma confiance.

Nous poursuivons le renforcement des services des visas, qui doivent être délivrés plus vite et dans de meilleures conditions si nous voulons attirer les touristes. Les résultats sont au rendez-vous : depuis janvier, en Chine, nous délivrons les visas en moins de 48 heures ; le nombre de demandes a augmenté de 40 % à 150 % selon les endroits, à telle enseigne que mon collègue allemand m'a demandé mon secret ! Je lui ai demandé de me poser la question par écrit ... (Sourires) Cela n'a pas été simple à cause de la biométrie, qui impose à chaque demandeur de se rendre dans nos locaux. Il faut donc déployer de nombreuses stations biométriques. J'ai signalé à mon collègue du budget que pour avoir plus de visiteurs, il faut accroître le nombre de visas délivrés, alors que nous avons un plafond d'emplois. Pourtant, la délivrance de visas est l'un des rares emplois publics qui rapportent de l'argent ! J'ai donc fait des propositions originales au ministère des finances sur ce point. Le nombre de visas délivrés a augmenté, au premier semestre 2014, de 30 % en Inde, de 44 % en Chine, et même de 126 % dans certains pays du Golfe ! Je souhaite que le nombre total de visas passe de 2,5 millions à 5 millions en 2020, puisque le nombre de touristes devrait doubler dans les 15 prochaines années.

L'attractivité de la France dépend également de l'efficacité de nos opérateurs. Selon la même règle que pour le ministère, les subventions pour charges de service public qui leur seront versées diminueront de 2 %. Quand c'est possible, les crédits qui portent sur le coeur de leur activité sont maintenus, voire augmentés. Ainsi, les bourses universitaires de Campus France sont préservées et les bourses scolaires données par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) augmentent. Le PLF 2015 marque une étape importante dans la réforme des aides à la scolarité. Le Président de la République a souhaité un système plus juste et s'était engagé à rétablir les montants de crédits de 2012 : ces objectifs ont été atteints. Après une année de mise en oeuvre du nouveau système d'octroi des bourses, la ventilation des crédits semble plus équitable : la progressivité des bourses s'est accrue, et les inégalités entre familles vivant dans des pays différents sont mieux corrigées. Le PLF 2015 prévoit une enveloppe de 125,5 millions d'euros, ce qui correspond au montant programmé pour 2012. L'effort budgétaire et le même mais la répartition diffère.

Dans le cadre de l'effort de simplification mené par le Gouvernement, le Quai d'Orsay a pris plusieurs mesures simplifiant les rapports des usagers avec l'administration. Les dispositifs mobiles de recueil de demande de passeports biométriques, utilisés dans le cadre de tournées consulaires, en sont un bon exemple. Nous cherchons aussi à alléger et à dématérialiser les procédures lorsque c'est possible.

Le programme 105, qui concerne les contributions obligatoires aux organisations internationales et les opérations de maintien de la paix, représente 17 % du budget du Quai d'Orsay. En 2015, ce sont quelques 416 millions d'euros qui seront versés aux organisations internationales, soit 10,8 millions d'euros, ou 2,5 %, de moins que cette année, malgré la hausse de certaines contributions, notamment à la Cour pénale internationale (CPI). Comment maîtriser l'évolution de ces montants ? Au sein des organisations internationales, nous nous efforçons de stabiliser les budgets. Nous évaluons aussi l'intérêt de notre contribution à certaines organisations. C'est ainsi que j'ai décidé de quitter l'Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI).

Pour les opérations de maintien de la paix, 378, 5 millions d'euros sont prévus en 2015. Deux incertitudes pèsent sur ces prévisions : le calendrier budgétaire de ces opérations chevauche le nôtre et, surtout, de nouvelles décisions peuvent intervenir à tout moment. Nous-mêmes, nous réclamons que l'ONU prenne une part plus active dans certaines de nos opérations.

Bref, le Quai d'Orsay participe à l'effort collectif sans mettre en péril l'essentiel de ses missions, grâce un effort de sélection fonctionnelle et géographique de ses tâches. Les organisations syndicales comprennent parfaitement la situation. Nous les consultons régulièrement, et l'atmosphère est globalement bonne dans mon ministère : tous sont fiers des résultats que nous obtenons et du rayonnement de notre diplomatie. La baisse de nos crédits est un peu compensée par des produits de cessions immobilières, elle pourra l'être encore quelque temps, mais pas indéfiniment !

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Nous prenons bonne note de votre exigence de sélectivité dans un contexte budgétaire difficile, et avec un périmètre modifié. Notre commission envisage déjà de conduire une réflexion stratégique qui pourrait vous aider dans votre tâche.

M. Christian Cambon . - Merci de ces précisions. Nous approuvons l'orientation vers la diplomatie économique que vous imprimez activement à notre réseau. Toutefois, nous constatons une certaine inadéquation des redéploiements d'effectifs auxquels vous procédez avec cet objectif : près de 40 % des effectifs en poste sont en Afrique ou au Moyen-Orient, contre seulement 16 % en Asie. Pourtant, un rapport parlementaire récent avait montré la pertinence d'un redéploiement vers l'Asie du Sud-Est où les opportunités sont nombreuses, notamment pour nos PME. Qu'en pensez-vous ?

Comme dans d'autres ministères - hélas ! - les dépenses d'entretien des bâtiments sont négligées : les agents des postes diplomatiques de New York de Londres ont proposé de financer sur leurs propres deniers les dépenses d'entretien de leurs locaux professionnels ! Des cessions immobilières très importantes se succèdent en ordre dispersé. Certaines sont nécessaires, d'autres sont des crève-coeurs, comme celle du magnifique appartement du représentant de la France auprès de l'ONU... D'autres sont étonnantes : pourquoi la France cède-t-elle des terrains à Pointe-Noire, au Congo, alors que ceux-ci prennent chaque jour de la valeur, compte tenu de l'activité des sociétés pétrolières ? À Vienne, la cession, à un prix discutable, du palais Clam-Gallas, outil extraordinaire de développement culturel, qui abritait le Lycée français et l'Institut français, fait polémique : une pétition a recueilli près de six mille signatures d'Autrichiens et de Français qui ne comprennent pas pourquoi la France cède un tel patrimoine. Pouvez-vous nous préciser les critères de décision en la matière ? Les fonds ainsi récoltés serviront-ils à améliorer l'entretien de notre patrimoine ? Lors d'un récent déplacement à Moscou, nous avons pu constater l'état déplorable de la résidence de France dans ce grand pays...mais c'était avant que ne commencent les travaux actuels.

Quel est votre politique en matière de fermeture des sections consulaires ? Vous avez évoqué la nécessité de garantir la sécurité de nos concitoyens. Pourquoi, alors, fermer les sections consulaires du Népal ou du Cap-Vert, alors que les touristes y sont nombreux ?

Mme Leila Aïchi . - A côté de la suppression de 111 postes, la page 4 de la note que vous avez distribuée évoque des départs volontaires et la non-reconduction de contrats à durée déterminée (CDD). S'agit-il également de départs volontaires ? Les postes sont-ils supprimés ? J'avais évoqué avec vous la création d'une task force pour promouvoir la diplomatie économique. Allez-vous faire en sorte que les ministres s'impliquent davantage à l'étranger pour aider nos entreprises à obtenir des marchés ? Récemment, la France a perdu un marché qui a été remporté par la Corée, grâce à la venue du ministre et à la présence d'une forte délégation.

M. Laurent Fabius, ministre . - Je suis entièrement d'accord avec M. Cambon sur la nécessité d'un redéploiement de notre réseau vers l'Asie. Mais les transferts de postes ne peuvent se faire que progressivement. L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) rassemble des pays moyens et grands, dont la population cumulée atteint 650 millions d'euros, qui ont un très grand voisin, la Chine, et apprécient donc beaucoup un pays indépendant comme la France. J'ai demandé à M. Varin, ancien dirigeant de Peugeot, de développer nos relations avec ces pays.

Quels sont les critères des cessions immobilières ? Nous nous efforçons de rationaliser notre parc en regroupant, en mutualisant, en relocalisant si nécessaire, et en améliorant les ratios d'occupation. Nous veillons à la valorisation de nos biens en prenant l'avis de professionnels du marché immobilier, afin de ne pas reproduire certaines erreurs du passé, où des biens ont été vendus à des prix contestables parce que l'ordre en avait été donné depuis Paris. Quant à l'appartement new-yorkais que vous évoquez, il a été vendu au prix de 70 millions de dollars ! C'est vrai que certaines cessions sont des crève-coeurs, mais il faut regarder le bas de la feuille. Nous suivons un programme, en tenant compte de la situation du marché. Pour autant, je suis revenu sur les orientations qui avaient été prises à propos de la Maison de France à Berlin.

Parmi les sections consulaires, nous n'avons supprimé que des postes de présence diplomatique, dont les compétences ont été transférées sans grande difficulté aux postes de rattachement. Les CDD supprimés correspondent à des fins de contrat : il y aura 75 suppressions en 2015. Dans les postes réduits, nous mettons fin à des contrats à durée indéterminée (CDI) de recrutés locaux, en assurant à chacun un traitement individualisé lui offrant le choix entre pécule, autre emploi et retraite.

S'il suffisait du long séjour d'un ministre pour obtenir des marchés, je proposerais au Président de la République d'en nommer des dizaines à cet effet ! Mais il n'y a pas de corrélation directe, ni positive, ni négative... L'exemple que vous avez cité révèle un travers de nos entreprises, qui ont tendance à croire qu'il leur suffit de se rendre une ou deux fois chez leurs clients pour remporter un marché. La Corée a obtenu récemment un marché nucléaire très important car ses entreprises avaient implanté dans le pays concerné une équipe considérable pendant un an...

M. Joël Guerriau . - Elles avaient donc été aidées !

M. Laurent Fabius, ministre . - Vous avez raison : le rôle de l'administration est d'aider les entreprises. Nous nous efforçons de nous déplacer, et nos représentants spéciaux font un travail remarquable. Récemment, en Mongolie - pays magnifique, qui considère la France comme son troisième voisin - le Président de la République m'a reçu dans son palais, sous une yourte, et m'a déclaré que son pays n'avait pas reçu de représentant français de ce niveau depuis Saint Louis ! Pour autant, la politique ne remplace pas l'économie et les affaires. Elle peut apporter un avantage, notamment dans les marchés de souveraineté, à condition que l'offre soit concurrentielle et assortie d'un financement compétitif. C'est sur ce dernier point que nous sommes souvent dépassés par nos concurrents. Nous devons donc renforcer notre offre de financement à l'export. Et comme on a diminué le nombre des ministres, ils doivent voyager davantage...

M. Jacques Legendre . - Le nombre de bourses accordées par le Gouvernement français aux étudiants étrangers n'a cessé de diminuer au cours des dernières années. L'enveloppe budgétaire affectée à cet instrument, de 58,9 millions d'euros en 2013, a été réduite de 15,5 % entre 2012 et 2013, ce qui est peu compatible avec le développement de l'attractivité et du rayonnement de la France ! Quelles sont vos intentions en la matière ?

Mme Josette Durrieu . - N'oublions pas la diplomatie parlementaire ! Nous sommes quelques-uns à être membres du Conseil de l'Europe. Je vous recommande de veiller aux moyens cette institution, qui siège à Strasbourg et regroupe des parlementaires de 47 pays. L'une de ses institutions satellites, le Centre Nord-Sud, qui siège à Lisbonne, est appelée à jouer un rôle stratégique dans l'accroissement des interactions entre l'Europe et l'Afrique. Ce n'est donc pas le moment de diminuer ses crédits ! J'espère qu'il n'est pas trop tard pour intervenir en sa faveur.

M. André Trillard . - Élu de Loire-Atlantique, je m'intéresse à la société OCEA, qui se heurte pour exporter à des difficultés venues de l'intérieur de notre pays ! Il s'agit de la vente de bateaux de garde-côtes aux Philippines, pour un montant de 90 millions d'euros. N'oublions pas que c'est le client qui doit avoir le dernier mot. Je sais que vous avez pris position en faveur de cette entreprise. Elle a besoin de votre aide : la Coface doit être une assurance, pas un outil politique au service d'industries liées à l'État.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Du local à l'international, voilà l'esprit de notre commission !

M. Alain Néri . - Si l'amélioration des procédures de délivrance des visas de tourisme est en effet satisfaisante, elle ne doit pas masquer les difficultés qui persistent. Dans les pays du pourtour méditerranéen, les demandeurs doivent parfois revenir trois, quatre ou cinq fois dans nos locaux, ce qui représente un coût important pour des personnes démunies. Ne pourrions-nous pas simplifier la procédure ?

M. Alain Gournac . - Au retour d'un voyage en Libye, nous avions appelé l'attention sur l'importance du renforcement de la sécurité de nos implantations. Trois semaines plus tard, notre ambassade a sauté ! Vous parlez d'évolution vers la diplomatie économique, mais certains ambassadeurs que nous avons rencontrés ne considéraient pas cela comme une priorité...

M. Joël Guerriau . - Ce que vous avez dit des visas me fait penser à la situation de Mayotte, qui est inacceptable : des moyens considérables sont consacrés à l'interception d'un flux migratoire incessant, sans réel succès. Ne devrions-nous pas alléger nos procédures de délivrance de visas sur cette zone ? Nos relations diplomatiques avec les Comores ne pourraient-elle contribuer à mettre un terme à cette situation ?

M. Michel Billout . - Le programme 105, consacré aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix, représente 17 % de votre budget. Ses crédits sont en diminution de 5,1 %. Cette baisse importante ne risque-t-elle pas d'entraver notre capacité à tenir nos engagements internationaux et à tenir toute notre place dans les opérations de maintien et de rétablissement de la paix, qui risquent de se multiplier ?

M. Aymeri de Montesquiou . - Vous avez raison de donner à notre action diplomatique une impulsion économique. Il y a quelques mois, en Iran, j'ai pu voir que General Motors faisait de la publicité pour ses voitures alors que Peugeot n'avait pas le droit d'en construire ni d'en assembler sur place. Airbus ne peut pas vendre en Iran, mais Boeing y a une délégation très importante, et les États-Unis vendent des pièces d'Airbus à l'Iran... Pourrions-nous retrouver de l'indépendance par rapport à cet embargo inspiré par les Américains ?

M. Yves Pozzo di Borgo . - Lors d'une visite La Haye, j'avais été surpris par le coût de fonctionnement de la CPI. Vous proposez d'augmenter la contribution de la France à son budget. Ne faudrait-il pas y regarder de plus près ?

M. Laurent Fabius, ministre . - Le PLF 2015 consacre 71,6 millions d'euros aux bourses universitaires : c'est le même montant que l'an dernier, il correspond à 14 000 bourses du Gouvernement français, auxquelles s'ajoutent 100 millions d'euros de bourses cofinancées par des gouvernements étrangers.

Je prends note de votre remarque sur le Conseil de l'Europe ; cet organisme bénéficie déjà d'une des plus importantes contributions obligatoires, d'un montant de 35,2 millions d'euros.

Je connais le projet d'exportation aux Philippines que vous avez évoqué. J'ai en effet pris une position favorable : j'espère qu'elle prévaudra.

Il faut absolument recevoir correctement toute personne qui demande un visa, que celui-ci soit ensuite attribué ou non. La politique des visas, elle, doit tenir compte du risque migratoire, notamment dans les pays du pourtour méditerranéen, et développer notre attractivité, en encourageant les étudiants, les chercheurs et les touristes à venir en France. Vous serez bientôt saisis du projet de « passeports-talents ». Pour les étudiants, il faut mettre un terme au renouvellement annuel des visas.

Le problème de Mayotte est très grave, et n'a toujours pas trouvé de solution malgré d'innombrables rapports et le déplacement du Président de la République. Son coût humain et financier est considérable.

L'emplacement de notre ambassade en Libye convenait tant qu'il n'y avait pas de problème de sécurité, mais est devenu absurde ensuite : une petite rue la longeait, dans laquelle il était facile de garer une voiture chargée d'explosifs... Heureusement que l'explosion a eu lieu tôt le matin ; elle aurait pu causer davantage de dégâts humains et matériels.

Il est très difficile d'évaluer le coût des futures opérations de maintien de la paix. Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons pas diminuer leur budget en-dessous d'un certain niveau sans perdre une partie de notre influence. La France dépense beaucoup d'argent pour financer des opérations qui profitent non à sa propre sécurité, mais à celle de l'Europe. Hormis l'Angleterre et l'Allemagne, les autres pays d'Europe ne peuvent en dire autant...

Nous respectons les sanctions imposées à l'Iran dans le cadre de la négociation sur le nucléaire. La prochaine échéance est fixée au 24 novembre. Sera-t-elle respectée ? Je ne sais. Je comprends bien que, pour les entreprises, un tel contexte est imprévisible. Il en va de même en Russie, où la France est devenue le deuxième investisseur, et où les entreprises voudraient savoir ce qu'il va advenir des sanctions.

Notre contribution au budget de la CPI est en effet considérable, mais il s'agit d'une dépense obligatoire dès lors que son budget a été voté.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Merci, Monsieur le ministre.

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