EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 26 novembre 2014, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, vice-président, a procédé à l'examen des crédits du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » de la mission « Action extérieure de l'État » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2015.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » finance, d'une part, les contributions obligatoires aux organisations internationales et opérations de maintien de la paix dues par notre pays et, d'autre part, l'administration centrale du ministère des affaires étrangères et notre réseau diplomatique, dont je vous rappelle qu'il est, avec 162 ambassades et 16 représentations permanentes, le troisième réseau diplomatique du monde, derrière ceux des États-Unis et de la Chine. Ce programme représente près d'un tiers des crédits et plus de la moitié des emplois dont dispose le Quai d'Orsay. Pour 2015, il est doté par le projet de loi de finances (PLF) d'un plafond d'emplois de 7 920 équivalents temps plein travaillé (ETPT) et de crédits de paiement à hauteur de 1,8 milliard d'euros.

Par rapport à 2014, ce budget marque une baisse de 2,5 %. Cette évolution reflète l'orientation de la mission « Action extérieure de l'État » dans son ensemble qui, à périmètre constant, voit ses crédits diminuer de 2,1 % l'année prochaine. Selon le projet de loi de programmation des finances publiques en cours d'examen par le Parlement, les crédits diminueront de 3 % sur la période du triennal budgétaire 2015-2017 ; et cela malgré la « bosse » financière qu'entraînera, en 2016, le règlement de la plupart des dépenses liées à la 21 e Conférence des parties à la convention cadre des Nations-Unies sur les changements climatiques - la « COP 21 » -, qui se tiendra à Paris en décembre 2015. D'ailleurs, un programme spécifique est créé par le PLF 2015 pour retracer ces dépenses liées à la COP 21 ; il est doté de 43 millions d'euros en crédits de paiement, mais 179 millions en autorisations d'engagement.

La baisse des crédits de notre action extérieure, c'est bien sûr une contribution à l'effort budgétaire général, dans un contexte de contrainte forte de nos finances publiques. Cependant, pour le programme 105, cette baisse, l'année prochaine, tient principalement à la diminution attendue des contributions obligatoires aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix.

Ces contributions, en effet, constituent, bon an, mal an, la moitié des charges que supporte le programme 105. Pour 2015, elles justifient une demande de crédits contenue à 794,9 millions d'euros dans le PLF initial, soit 47 millions de moins que cette année (- 5,6 %). Lors de l'examen du PLF à l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement en seconde délibération, la demande de crédits a même été ramenée à 784,9 millions d'euros
(- 10 millions d'euros), au titre de contribution de la mission « Action extérieure de l'État » au financement des mesures nouvelles ayant résulté du débat de nos collègues députés, et cela, officiellement, « grâce à une meilleure priorisation des dépenses ».

En mettant à part ce dernier aspect, qui paraît sujet à caution, la prévision repose sur l'anticipation de la baisse de la quote-part française au budget de l'ONU et de reports de charges sur l'exercice 2016 en matière d'opérations de maintien de la paix, ainsi que sur une hypothèse de parité euro/dollar.

Il faut se réjouir de la marge d'action ainsi dégagée pour le ministère des affaires étrangères du fait de la réduction de ces dépenses obligatoires. Mais les hypothèses budgétaires qui fondent cette prévision appellent une certaine circonspection ; je n'ose dire : la méfiance.

D'abord, parce que l'hypothèse concernant la parité euro/dollar, selon toute vraisemblance, devra être révisée, eu égard à la récente évolution du taux de change. Le PLF 2015, en effet, est bâti sur l'hypothèse de 1,36 dollar pour un euro ; mais, à la mi-novembre 2014, le taux de change s'établit à hauteur de 1,25 dollar pour un euro... C'est d'ailleurs un problème qui affecte les dépenses du ministère des affaires étrangères au-delà des seules contributions internationales, puisque sont payés en devises, en particulier en dollars ou dans des monnaies liées au dollar, non seulement les trois quarts de ces contributions, mais aussi 45 % des dépenses de fonctionnement du réseau et 30 % des loyers à l'étranger ; de même, la rémunération des agents en poste à l'étranger doit être ajustée, afin de préserver leur pouvoir d'achat, en fonction des variations de change et de l'inflation constatée dans les différents pays. Or, depuis le printemps dernier, l'euro s'est réorienté à la baisse par rapport au dollar : c'est une bonne chose pour nos exportations, mais pas pour le budget des affaires étrangères !

Deuxième facteur d'incertitude : le nouveau barème onusien des contributions obligatoires. Celui-ci, qui doit entrer en vigueur au 1 er janvier 2015, résultera d'une négociation qui reste encore à mener à bien d'ici la fin de l'année. La France, dans ce cadre, souhaite une répartition des quotes-parts nationales qui reflète plus équitablement le poids des économies des États membres des Nations-Unies, en particuliers pour ce qui concerne les pays émergents : c'est très bien, mais, par nature, le résultat de cette négociation est aléatoire. L'hypothèse sur laquelle est fondée le PLF, à cet égard, revient donc à tenir pour acquis quelque chose d'encore incertain.

Enfin, un mot sur les reports à 2016 de charges liées à des opérations de maintien de la paix prévues en 2015. Certains de ces reports seront le fait des Nations Unies elles-mêmes, pour des raisons d'ordre technique liées au changement de barème ; mais d'autres reports sont un choix du gouvernement français, qui s'appliquera à des appels de charges devant être reçus fin 2015. Même si ces reports entraînent effectivement un moindre besoin de financement en 2015, ils constituent, par définition, non pas une économie, mais un simple différé de paiement ; une forme de « tour de passe-passe » budgétaire, en somme. Du reste, il est difficile de savoir quelles nouvelles opérations, l'année prochaine, devront être financées en urgence.

Pour le reste, la prévision budgétaire du programme 105 pour 2015 résulte d'orientations qui nous paraissent inégalement pertinentes. Il y a de louables efforts en matière de déflation des emplois et de réduction des dépenses de personnel, même si nous sommes de plus en plus « à l'os » en ce domaine ; ma collègue Leila Aïchi reviendra sur cet aspect, tout à l'heure. Je voudrais mentionner deux aspects plus critiquables.

Il s'agit d'abord de la regrettable diminution des crédits de notre coopération de sécurité et de défense, qui se poursuit. Cette action, qui associe les enjeux de sécurité à ceux du développement, est pourtant importante, en termes d'influence internationale. Mais, chaque année, elle s'avère utilisée comme une variable d'ajustement budgétaire. Ainsi, la prévision de 30,6 millions d'euros affectés à cette action pour l'année prochaine marque une baisse de 3,6 % par rapport à cette année, et fait suite à une baisse déjà constatée à hauteur de 4,3 % cette année par rapport à l'année dernière. Cette chute des moyens en la matière constitue, au premier chef, une entrave à la capacité de la France de faire émerger en Afrique des forces de sécurité autochtones.

Or cette orientation ne paraît pas cohérente avec les ambitions affichées. En particulier, elle n'est pas en ligne avec les conclusions du sommet de l'Élysée de décembre 2013, qui a retenu comme autant de priorités la lutte contre le terrorisme et les trafics transnationaux au Sahel, la sécurité maritime dans le golfe de Guinée et la montée en puissance de l'architecture africaine de paix et de sécurité. Elle n'est pas davantage en phase avec l'implication de nos forces armées dans la bande sahélo-saharienne, notamment au Mali, en opérations extérieures. À cet égard, comment expliquer que les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise de nos partenaires africains, pourtant modestes, soient continûment diminués ? Il y a là une forme de contradiction de la politique étrangère française sur laquelle il faudra interroger le Gouvernement.

Un second point de critique importante tient au modèle de gestion immobilière que met en oeuvre le ministère des affaires étrangères.

Il est vrai que cette gestion est dynamique, comme en témoignent, en particulier, la mutualisation des implantations engagée avec l'Allemagne, ou la réduction du format des résidences diplomatiques pratiquée dans les villes où la France dispose de plusieurs représentations. Le ministère des affaires étrangères, dans ces domaines, a réalisée de bonnes opérations, ces dernières années et ces derniers mois encore.

Toutefois, le problème de cette gestion - notre commission l'a régulièrement relevé, comme la commission des finances ou la Cour des comptes -, c'est qu'elle fait dépendre l'entretien des bâtiments des recettes de cessions d'immeubles. Ce modèle, en termes économiques, n'est pas vertueux : il revient à faire financer des dépenses de fonctionnement par des recettes patrimoniales, ce qui tend à appauvrir le patrimoine de l'État.

De plus, ce système est en voie d'essoufflement. Certes, d'importants produits de cession sont encore escomptés pour cette année et l'année prochaine : à hauteur de 150 millions d'euros cette année, compte tenu de la vente de logements à New York, dont la résidence de notre représentant permanent auprès de l'ONU pour près de 51 millions d'euros ; et, l'année prochaine, à hauteur de 233 millions d'euros, du fait notamment de la vente envisagée de notre vaste campus diplomatique en Malaisie. Mais les ventes « faciles » auront bientôt toutes été réalisées !

Au demeurant, le financement ainsi assuré reste insuffisant : il est de 11 millions d'euros, en 2014, pour l'entretien du parc situé à l'étranger, mais ce niveau de crédits ne correspond qu'au plancher des besoins estimés pour le maintien en état d'un patrimoine de plus de 2 000 bâtiments qui représentent, globalement, une surface de 2 millions de mètres carrés, et qui s'avèrent parfois très dégradés. Selon certaines estimations, le besoin réel serait de l'ordre de 30 millions d'euros par an.

Dans ce contexte, pour les produits de cession des biens à l'étranger qui, selon le droit en vigueur, devraient être soumis, à partir de l'année prochaine, à un prélèvement de 30 % au titre du désendettement, le PLF 2015 introduit un plafonnement de cette contribution, à hauteur de 25 millions d'euros par an, pour 2015, 2016 et 2017 ; le ministère conservera, pour le reste, l'intégralité des produits. Par ailleurs, une « re-budgétisation » partielle de l'entretien « lourd », sur le programme 105, est prévue pour le triennum 2015-2017, avec une cible de 12 millions d'euros en 2017 ; mais l'atteinte de cette cible, bien évidemment, sera fonction de la situation budgétaire générale de l'État.

Ce retour vers un modèle de gestion orthodoxe du point de vue budgétaire, et sain du point de vue économique, serait pourtant la seule manière d'assurer à l'entretien du patrimoine immobilier occupé par le ministère des affaires étrangères la programmation fiable que son état réclame - à la condition, bien sûr, que cette « re-budgétisation » soit assortie de dotations annuelles à la hauteur du besoin. C'est la direction qu'il faut indiquer au Gouvernement.

Cela étant dit, le PLF 2015 présente l'avantage de préserver les moyens de fonctionnement du réseau diplomatique qui, après tout, constitue l'essentiel du programme 105. Une dotation de 224 millions d'euros est en effet prévue pour le fonctionnement de ce réseau, ce qui représente une augmentation de 1,5 % par rapport à 2014, et fait suite à une augmentation de 5,5 % déjà, cette année, par rapport à 2013. Ces augmentations sont précieuses pour les postes, qui se trouvent soumis à de nombreuses contraintes extérieures de coûts : accroissement des dépenses de prestations de services, augmentation importante du coût de l'énergie, hausse du coût du transport aérien, etc.

Le PLF 2015 préserve aussi les moyens destinés à la sécurisation des postes diplomatiques. Pour ne pas être trop long, je laisse à Leila Aïchi le soin de développer ce point.

Le maintien du caractère de priorité budgétaire ainsi conservé au réseau sera de nature à permettre à celui-ci de poursuivre sa « mue » en cours. Cette « mue », c'est le « recalibrage » des postes - désormais catégorisés, comme vous le savez, en postes « à mission élargies », postes « à missions prioritaires » et postes « de présence diplomatique » ; c'est surtout le redéploiement géographique.

Ce redéploiement est en effet indispensable pour adapter notre outil diplomatique aux évolutions stratégiques, notamment dans les pays émergents. Cependant, la marche est lente : au 1 er janvier de cette année, les effectifs étaient encore répartis à plus de 40 % en Afrique et au Moyen-Orient, contre seulement 16 % en Asie, où les enjeux stratégiques et économiques sont pourtant, désormais, majeurs, comme l'a montré notre rapport d'information de juillet dernier, précisément intitulé « Reprendre pied en Asie du Sud-Est ».

Le réseau devrait également pouvoir assumer dans de bonnes conditions la mobilisation qui en est attendue sur le terrain de la « diplomatie économique », comprise comme le soutien aux exportations françaises et la promotion de la destination « France », tant auprès des investisseurs qu'auprès des voyageurs étrangers. Je vous rappelle que le ministère des affaires étrangères, en avril dernier, est en effet devenu « ministère des affaires étrangères et du développement international », avec compétence en matière de commerce extérieur et de tourisme.

On ne peut que se réjouir d'une implication renforcée du ministère des affaires étrangères au service de la compétitivité nationale. Mais il reste quelques aspects à régler.

D'abord, il faudra que l'organisation budgétaire suive la nouvelle architecture gouvernementale. Dans le PLF 2015, la subvention d'Atout France, l'agence de développement touristique de notre pays, est bien imputée à la mission « Action extérieure de l'État », sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » (pour un montant de 30 millions d'euros) ; mais la subvention d'UbiFrance, agence française pour le développement international des entreprises (95 millions d'euros), reste inscrite au sein de la mission « Économie »... De sorte que 75 % des crédits identifiés en faveur de la diplomatie économique relèvent, pour l'année prochaine, non du Quai d'Orsay, mais de Bercy !

Nous avons bien compris que l'essentiel des moyens de la diplomatie économique tient dans une mobilisation du réseau diplomatique (qui dépend du programme 105) et celle du réseau consulaire (qui relève du programme 151), et que cette mobilisation n'est pas quantifiée au plan budgétaire. Mais, précisément, cette absence de quantification - dont les ressources de la comptabilité analytique devraient pourtant autoriser un calcul - est gênante, car elle fait obstacle à la capacité du Parlement d'apprécier, aujourd'hui, l'adéquation des moyens prévus aux objectifs fixés à une politique réputée prioritaire et, demain, l'efficience de l'action conduite en la matière, dont la mesure supposerait de rapporter les résultats aux moyens qui auront été alloués.

Il faudra donc qu'un plus grand effort d'information soit témoigné, à l'avenir, de la part du Gouvernement, pour rendre compte de cette action, en indiquant le plus complètement possible suivant quels objectifs et pour quels coûts elle aura été menée. Du reste, le meilleur indicateur sera l'évolution du solde de notre balance commerciale !

Sur le fond, Leila Aïchi développera sans doute le contenu de notre rapport commun mais, pour ma part, je pense que cette politique de « diplomatie économique » reste à consolider au moyen, principalement, d'un renforcement de l'implication des régions françaises. Les régions représentent en effet des acteurs de premier plan pour le soutien des PME exportatrices ; leur mobilisation constitue donc une clé maîtresse pour redresser notre commerce extérieur. Car ce sont ces PME qui ont besoin de soutien à l'international : les grands groupes savent prendre par eux-mêmes les contacts à l'étranger dont ils ont besoin ! Le dispositif des « ambassadeurs pour les régions », que le Gouvernement a mis en place, va dans ce sens, mais il demeure insuffisant. Les régions doivent être plus amplement et plus systématiquement associées aux initiatives des services de l'État en faveur du développement économique national à l'étranger, notamment pour la préparation et dans la réalisation des déplacements officiels.

Malgré les réserves que je viens d'exposer, c'est sous le bénéfice de ces observations et de celles que va vous présenter Leila Aïchi dans un instant, qu'elle et moi - j'anticipe un peu - émettrons une appréciation globalement positive sur les crédits inscrits dans le PLF 2015 pour le programme 105, notamment parce que ce budget préserve les moyens du réseau diplomatique.

Mme Leila Aïchi, rapporteure . - Comme mon collègue Christian Cambon l'a déjà indiqué, les crédits du programme 105 sont en baisse, dans le PLF 2015 (- 2,5 %), et cette baisse résulte d'abord des hypothèses retenues pour les contributions obligatoires dues par la France aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix. Je suis moi aussi fort sceptique sur certaines de ces hypothèses, notamment le taux de change entre le dollar et l'euro, qui devra vraisemblablement être révisé.

Cela dit, dans la baisse des contributions internationales, il faut mettre au crédit du Gouvernement un constant effort de la France pour faire adopter, par les 72 organisations internationales et autres instruments internationaux auxquels notre pays est partie, un budget en croissance zéro. La France adopte en effet, au sein des instances de gouvernance de ces organisations, une ligne systématique de rigueur, fondée sur l'évaluation de la performance et sur la bonne gestion. De manière générale, notre pays souhaite rationaliser et mieux maîtriser les coûts de fonctionnement du système onusien. C'est là une ligne qu'on ne peut que soutenir.

Par ailleurs, une économie de 6,3 millions d'euros par an résulte du retrait de la France de l'Organisation des Nations-unies pour le développement industriel (l'ONUDI), décidé en 2013. Ce retrait, vous le savez, était le premier qu'effectuait notre pays, acteur de premier plan dans le système multilatéral, d'une organisation internationale dont il était membre. D'après les indications qui nous ont été données, il n'est pas envisagé de poursuivre dans cette voie, car le retrait d'une organisation internationale n'entraîne d'économies significatives que si la contribution en cause est suffisamment importante ; or le retrait d'une organisation importante se traduit par un coût politique, en termes de recul d'influence internationale. Ce coût politique a été jugé mineur dans le cas de l'ONUDI, mais il ne le serait pas forcément dans le cas d'autres organisations.

On notera en effet que la France ne verse actuellement que quatorze contributions obligatoires (l'ensemble des opérations de maintien de la paix étant compté comme l'une de ces contributions) dont le montant est plus important que celui qui était dû à l'ONUDI. Ces contributions concernent notamment l'ONU, l'OTAN, l'OMS, l'OCDE... que l'on voit mal la France quitter. À elles seules, ces contributions représentent plus de 90 % de celles que supporte le programme 105.

L'orientation à la baisse des crédits prévus pour l'année prochaine, pour le programme 105 comme pour la mission « Action extérieure de l'État » dans son ensemble, traduit également l'effort du ministère des affaires étrangères pour contribuer au redressement de nos comptes publics en poursuivant la baisse de ses effectifs. Je voudrai m'arrêter un instant sur ce sujet.

Le plafond d'emplois retenu par le PLF 2015 pour le programme 105 - c'est-à-dire l'administration centrale du Quai d'Orsay et le réseau diplomatique -, avec 7 920 ETPT, représente 65 % du plafond d'emplois de la mission « Action extérieure de l'État » l'année prochaine. Le réseau culturel, relevant du programme 185, disposera quant à lui de 918 ETPT et le réseau consulaire, objet du programme 151, de 3 334 ETPT.

Pour le programme 105, ce plafond représente une diminution de 109 ETPT, soit 1,35 % ; c'est la moitié de la diminution des effectifs programmée pour l'ensemble de la mission « Action extérieure de l'État ». Les dépenses de personnel associées à ces effectifs seront contenues, pour le programme 105, à 603,9 millions d'euros, soit une baisse de 0,3 % par rapport à 2014.

Selon les données transmises par le ministère, pour l'ensemble de celui-ci (donc en tenant compte de tous les programmes de la mission « Action extérieure » et du programme 209 « Solidarité avec les pays en développement » de la mission « Aide publique au développement »), les crédits de rémunération diminuent de 0,7 % par rapport à 2014. Sur la période du budget triennal 2015-2017, la diminution des emplois du ministère devrait atteindre 450 ETPT ; la répartition de ces diminutions entre programmes n'est cependant pas encore arbitrée au-delà de l'année prochaine. Cet objectif marque la poursuite d'une tendance engagée depuis près de dix ans. Je crois qu'il faut saluer cette contribution à l'effort de maîtrise de la dépense publique, aussi rude soit-elle.

De même, il faut saluer des mesures qui visent à limiter l'année prochaine, notamment, les frais de représentation et d'indemnités de changement de résidence.

Le programme 105, en 2015, poursuivra en effet un mouvement engagé depuis plusieurs années : la réduction des dotations destinées aux frais de représentation et dépenses dites « de protocole ». De 2007 à 2014, les crédits de représentation de l'Hôtel du ministre ont ainsi baissé de 45 % ; ils représentent, pour 2014, un peu moins de 2 millions d'euros. Pour 2015, le PLF prévoit, à ce titre, 1,6 million d'euros. Dans les ambassades, les dotations au titre des frais de représentation ont diminué de près d'un tiers de 2007 à 2014 ; ils représentent actuellement 8,4 millions d'euros. Le recours au « sponsoring » des entreprises françaises a en partie compensé cette baisse.

Les dépenses liées aux voyages de mutation et indemnités de changement de résidence, de même, évaluées pour le PLF 2015 à 20,5 millions d'euros, enregistreront ainsi une économie de 0,5 million. Cette économie résulterait d'un changement de voyagiste, dans le cadre d'une réattribution du marché, de l'allongement progressif de la durée d'affectation des agents, et de ce que la documentation budgétaire désigne soit comme une « rationalisation de la détermination des droits », soit comme « une application stricte des textes réglementaires » - ce qui laisse penser que la gestion passée a pu manquer de rigueur... En tout cas, on ne peut qu'approuver cette exploitation légitime d'un gisement d'économies !

L'ensemble de ces économies, ainsi que celles que Christian Cambon a critiquées pour ce qui concerne la coopération de sécurité et de défense - pourtant un outil indispensable de notre politique de prévention des conflits - permettent, il l'a dit, de préserver les moyens de fonctionnement, essentiels, qui augmenteront l'année prochaine de 1,5 % par rapport à cette année, et les moyens destinés à la sécurisation des postes, non moins importants.

Concernant ce dernier point, à compter de 2014, un budget supplémentaire de 20 millions d'euros par an, sur trois ans, a été programmé par la voie d'un redéploiement de crédits. Les dépenses que tend à couvrir ce budget sont en partie liées à l'obligation de mettre en place des moyens techniques modernes de surveillance.

Cette année, au total, 31,3 millions d'euros sont consacrés à la sécurité du réseau diplomatique. La priorité est donnée aux postes qui nécessitent une remise à niveau urgente, notamment Le Caire, Tripoli, Niamey, Bamako, Jakarta, Abuja, N'Djamena, Bangui, Beyrouth, Dakar, Islamabad, Kaboul, Nouakchott ou encore Téhéran. Tous ces projets, commencés en 2013 voire avant, pourront encore durer un voire deux ans, ce qui témoigne de la difficulté de sécuriser en urgence des emprises dont l'architecture n'est pas toujours adaptée, avec des coûts en constante augmentation.

L'effort se trouve conforté dans le projet de budget triennal pour 2015-2017. L'enveloppe allouée pour 2015 au profit de la sécurité des postes à l'étranger s'élève ainsi à 29,1 millions d'euros au total. Aujourd'hui, seuls 42 % des postes sont considérés comme mis à niveau face à la menace qui prévalait au moment du démarrage des travaux.

Je voudrais dire à présent quelques mots du redéploiement de notre réseau diplomatique. Le basculement de ce réseau, le troisième du monde, d'un héritage, implanté en Europe occidentale et en Afrique, vers un réseau d'avenir, présent en Asie et dans les grands pays émergents, est une priorité affichée ; mais quels sont les résultats ?

Nous notons bien évidemment avec grande satisfaction le redéploiement de 300 postes en trois ans vers les pays prioritaires (Chine, Inde, Afrique du Sud, Indonésie, par exemple) et nous nous félicitons que la Chine, l'Inde, le Brésil, soient entrées dans le « top 10 » des plus gros postes diplomatiques français.

Ce redéploiement est indispensable pour la réussite de notre diplomatie économique. Toutefois, force est de constater, que cette évolution reste lente, trop lente. Les chiffres évoqués par Christian Cambon sont particulièrement révélateurs de cette inadaptation et méritent d'être rappelés : au 1 er janvier de cette année, les effectifs étaient encore répartis à plus de 40 % en Afrique et au Moyen-Orient, contre seulement 16 % en Asie. Pourtant cette région présente de nombreux enjeux économiques, stratégiques et politiques pour la France et l'Union Européenne. Encore d'autres chiffres : au 31 décembre 2013, l'ambassade du Maroc comptait 336 ETP, soit plus que la Chine (311 ETP) ; et le Sénégal devançait largement le Brésil avec 208 ETP contre 177.

Du reste, ne nous enfermons pas dans une vision trop étroite de l'émergence. Je me permettrai de réitérer une proposition que j'avais déjà formulée, l'année dernière, en tant que rapporteure pour avis sur le même programme : instituer une représentation permanente de plein exercice auprès de l'Union Africaine. Je pense que l'idée fera son chemin : l'Afrique de deux milliards d'habitants demain, sa classe moyenne qui monte, ses ressources naturelles et ses taux de croissance ne nous attendront pas ! Notre ambassade à Addis-Abeba, qui fait aujourd'hui fonction de cette représentation permanente auprès de l'Union Africaine, ne peut pas tout faire. Cette création serait un signal fort de notre confiance dans l'avenir du continent africain.

Je voudrais enfin revenir, comme l'a prévu Christian Cambon, sur les enjeux de la diplomatie économique.

Cette politique, en pratique, vise à coordonner les initiatives diplomatiques et celles des entreprises, dans le but de favoriser le développement des entreprises françaises à l'international et de promouvoir l'attractivité de notre pays pour les investisseurs et pour les touristes étrangers. C'est une orientation bienvenue dans un contexte où la part de marché de la France au sein du commerce mondial, désormais de l'ordre de 3 %, s'est fortement dégradée, y compris au sein de la zone euro, et alors que les exportations françaises ont enregistré, l'année dernière, un repli de 1,3 %, après une croissance ralentie en 2012.

Cette mobilisation de l'outil diplomatique fait de longue date partie intégrante du rôle des représentants de la France à l'étranger ; mais c'est, depuis quelques années, l'une des premières priorités du ministère chargé des affaires étrangères. Dans cette perspective, depuis 2012, le Gouvernement a pris une série d'initiatives ; je les rappelle : la création, à compter du 1 er mars 2013, de la direction des entreprises et de l'économie internationale ; l'instauration de conseils économiques pour les postes diplomatiques situés dans un pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises ; l'insertion systématique d'un volet économique dans les plans d'action des ambassades ; la nomination d'« ambassadeurs pour les régions » et celle de représentants spéciaux dans certains pays ou régions clés. Le décret du 16 avril 2014 est venu compléter ces réformes, en offrant une pleine latitude au ministère, désormais « des affaires étrangères et du développement international », pour piloter le commerce extérieur et la promotion internationale du tourisme en France.

Je ne reviens pas sur les paradoxes de l'imputation budgétaire pour 2015 qu'a relevés Christian Cambon. Je souscris, bien sûr, aux propos qu'il a tenus sur la nécessité que le Gouvernement rende mieux compte, à l'avenir, des objectifs qu'il se donne et des moyens qu'il déploie au service de la diplomatie économique. Je souscris également pleinement à sa préconisation que les régions soient mieux associées à cette action.

Je signalerai brièvement trois autres voies qui me paraissent devoir également être suivies, afin de contribuer au succès en la matière.

En premier lieu, une réflexion sur le recrutement, la carrière et la formation des diplomates semblerait fort opportune, dans la mesure où la plupart d'entre eux ne sont pas naturellement familiers du monde économique.

En deuxième lieu, il conviendrait de mettre en oeuvre les préconisations récemment émises par la Cour des comptes en vue de clarifier et hiérarchiser les missions des services économiques à l'étranger, et de rationaliser leur organisation en recentrant ce réseau sur les zones à fort enjeux, comme le réseau diplomatique dans son ensemble.

En troisième lieu, la promotion du tourisme en France doit être accentuée, compte tenu des enjeux considérables qui s'attachent pour l'avenir à ce secteur. Je rappelle les propos que le ministre, M. Laurent Fabius, a tenus devant nous, lors de son audition du 14 octobre dernier : « actuellement, 150 millions de Chinois voyagent, mais dans 15 ans, ils seront 500 millions ! Si nous savons les attirer, notre balance extérieure s'en ressentira ». À cet effet, en particulier, l'amélioration de notre système de délivrance de visas me semble incontournable.

En dernier lieu, il faudrait, je crois, améliorer, en quantité et en qualité, la « présence politique » de l'État qu'assurent les visites officielles, notamment les déplacements ministériels, dans les pays où les entreprises françaises sont susceptibles de se développer. Souvent, ces visites constituent des occasions essentielles de mise en valeur des atouts de nos PME ; les multiplier, c'est donc ajouter à leurs chances. Encore doivent-elles être calibrées - en termes de durée sur place, notamment - pour ne pas produire un contreproductif effet d'« attente déçue ».

Sous le bénéfice de ces observations, et malgré nos réserves, Christian Cambon et moi-même émettons une appréciation positive sur les crédits inscrits dans le PLF 2015 pour le programme 105. Cette appréciation nous conduit à recommander à la commission un vote favorable sur les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » dans son ensemble.

M. Jeanny Lorgeoux . - Je signale que l'ambassadrice de France en Éthiopie a récemment obtenu un poste supplémentaire pour développer la fonction de représentation permanente auprès de l'Union africaine. Mais ce n'est pas, certes, un autre poste d'ambassadeur...

M. André Trillard . - Vu les montants que notre pays débourse en contributions internationales obligatoires, la moindre des choses serait qu'il s'en serve comme d'un moyen d'influence. Vingt emplois font actuellement défaut à l'ONU dans le domaine des zones économiques exclusives : il faudrait que nous puissions « flécher » nos contributions !

Autre sujet : dans un contexte de rationalisation immobilière des postes diplomatiques commandée par la contrainte budgétaire, je crois qu'il faudrait réfléchir au regroupement physique des ambassades européennes situées dans des pays où nos intérêts sont faibles ; je pense, par exemple, au Kosovo. On pourrait imaginer, dans chaque capitale concernée, un « immeuble européen », dûment sécurisé. Ce serait un beau projet pour l'Europe.

Par ailleurs, la France n'a-t-elle toujours pas vendu le palais dont elle dispose à Florence, et qui est d'ailleurs agrémenté d'un théâtre ?

M. Robert del Picchia . - Les négociations à l'ONU sur la répartition des quotes-parts nationales constituent un travail de longue haleine. Des pays comme le Brésil ou l'Inde, pour accepter de payer davantage à ce titre, revendiquent un siège permanent au Conseil de sécurité.

Les rapporteurs ont évoqué la baisse des frais de représentation. C'est une bonne chose, sans doute, pour l'Hôtel du ministre, mais ce n'est pas forcément aussi positif dans les ambassades. En effet, il y a là un risque pour l'image de la France. On pallie en partie la pénurie budgétaire par le « sponsoring » des entreprises, mais cette publicité peut sembler déplacée, dans certaines réceptions officielles...

En ce qui concerne les cessions d'immeubles à l'étranger, à côté de la vente récente de la résidence du représentant permanent auprès de l'ONU, celle de la résidence du consul général à Hong Kong doit être relevée comme une belle opération. Mais il faudrait faire davantage attention aux enjeux diplomatiques de certaines de ces ventes. Par exemple, nous avons cédé, à Innsbruck, un bâtiment qui avait été offert à notre pays par l'Autriche ; ce n'était guère habile !

M. Jean-Vincent Placé . - Je salue le travail des rapporteurs. Pour autant, je crois que nous acceptons un peu trop facilement la réduction des crédits de nos ambassades.

En la matière, il y a, à mes yeux, deux vrais sujets : d'une part, il faut rationaliser les services en charge de la promotion à l'international de l'économie française, pour développer celle-ci ; d'autre part, il faut assurer à la France un meilleur rayonnement culturel. La présence de notre pays en Asie, sur les deux plans, est insuffisante.

L'universalité du réseau diplomatique français constitue une chance extraordinaire. Ne devenons pas, en rognant les budgets en la matière, un pays secondaire sur la scène internationale ! Je rejoins une remarque de notre collègue Robert del Picchia : il faut saluer le « sponsoring » des entreprises, mais cette publicité produit parfois d'étranges effets, dans les ambassades.

Mme Hélène Conway-Mouret . - La vente des emprises immobilières françaises à l'étranger relève souvent d'une gestion de court terme. Dans certains pays où la spéculation immobilière est forte, une fois ces bâtiments vendus, nous serons réduits à recourir à des locations, ou à nous installer en périphérie des villes. Or cette situation est de nature à créer le risque d'un moindre intérêt pour la France.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Je souscris, bien sûr, aux remarques d'André Trillard sur l'intérêt que nos contributions internationales soient utilisées comme un moyen d'influence.

En ce qui concerne le palais à Florence qu'il a évoqué, ce bâtiment n'est pas vendu, à notre connaissance, mais ce type de bien immobilier n'est pas aisé à vendre...

M. André Trillard . - Il faut essayer !

M. Christian Cambon, rapporteur. - Je suis également d'accord avec ce qui a été dit de la gestion immobilière du ministère des affaires étrangères. De toute évidence, même dans des villes dont les enjeux diplomatiques sont moyens, les États-Unis suivent une tout autre logique de présence physique ! Sans doute arrivera-t-on un jour à des coopérations européennes plus étroites pour le regroupement de services diplomatiques sur un même site ; pour l'heure, c'est surtout avec l'Allemagne que cette politique s'est développée.

Je signale par ailleurs que Leila Aïchi et moi, le 30 octobre dernier, avons été reçus par M. Matthias Fekl, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger. Il nous a paru tout à fait mobilisé sur le terrain de la diplomatie économique.

Mme Gisèle Jourda . - Nos régions, voire nos départements, et même certaines villes françaises, entretiennent, de par le monde, des formes d'« ambassades » qui constituent autant de pôles d'accueil possibles pour les entreprises de notre pays. Il faut encourager les synergies potentielles en ce domaine. La région Rhône-Alpes, par exemple, dispose d'un pavillon à Shanghai qui est utile à la stratégie de puissance économique de la France.

Parallèlement, il convient d'optimiser les dépenses publiques. On voit en Amérique du Sud pléthore de « micro-présences » françaises assurées par nos régions : cet éparpillement n'est pas à la hauteur de ce que devrait être la présence de la France dans ces pays.

M. Christian Cambon, rapporteur. - Je suis d'accord. Je citerai un autre exemple : que peut faire la « maison » d'un département français implantée dans la ville d'Osaka ? Les enjeux économiques locaux appellent des implantations mieux proportionnées !

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Les « ambassadeurs pour les régions » sont actuellement sous-employés.

En ce qui concerne la vente de bâtiments français à l'étranger, c'est une gestion de court terme ; notre commission le dit depuis longtemps ! Ainsi, on vend des immeubles dans des pays où la hausse des prix de l'immobilier devrait nous commander de surseoir à ces ventes ; pour vendre vite, l'État vend même à perte, parfois ! Et, cependant, certaines de nos ambassades ne sont pas à la hauteur de l'image de la France. Je pense, par exemple, à celle du Cap-Vert.

Mme Leila Aïchi, rapporteure . - Choisir, c'est renoncer... Les contraintes financières actuelles sont fortes. Le mérite du budget prévu pour 2015, c'est qu'il préserve les moyens de fonctionnement et de sécurisation de nos ambassades.

Cependant, il reste à mener, je crois, une réflexion sur ce que doit et peut être, aujourd'hui, la France dans le monde. Notre pays a-t-il encore les moyens d'un rayonnement mondial ? Le Parlement pourrait s'attacher à cette réflexion, qui sous-tend le redéploiement de notre réseau diplomatique en cours.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Les ministres en charge des affaires étrangères successifs ont confirmé le choix de maintenir l'universalité de notre réseau diplomatique. Une réflexion poussée a été menée, il y a deux ans, par le Quai d'Orsay ; elle a conduit à la mise en place des « postes de présence diplomatique » et à la création de consulats « à gestion simplifiée ».

À l'issue de ce débat, la commission ayant examiné les crédits de l'ensemble des programmes de la mission « Action extérieure de l'État » inscrits dans le PLF pour 2015, elle a décidé, à l'unanimité, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission.

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