C. UNE SOURCE MAJEURE DE PRÉOCCUPATION : L'IMMOBILIER DE LA GENDARMERIE

La disponibilité des gendarmes est permise par leur statut militaire et par leur obligation statutaire d'occuper un logement par nécessité absolue de service , obligation d'ailleurs rappelée dans la loi du 3 août 2009 relative à la gendarmerie nationale.

Le logement est ainsi un élément essentiel dans le fonctionnement de la gendarmerie comme dans la vie des militaires de la gendarmerie et leurs familles.

Au 1 er juillet 2014, le parc immobilier de la gendarmerie compte 75 077 logements , répartis au sein de 3 888 casernes domaniales et locatives (ce qui représente 65 254 logements soit 87 % du parc), d'ensembles immobiliers locatifs (1 417 logements, soit 1,9 % du parc) et de prises à bail individuelles (8 406 logements, soit 11,2 % du parc).

Les 3 888 casernes se répartissent en 671 casernes domaniales (31 239 logements) et 3 217 casernes locatives appartenant à des collectivités territoriales ou des partenaires privés (34 015 logements).

Un parc domanial largement vétuste

L'état du parc domanial n'a cessé de se dégrader ces dernières années, faute d'investissement suffisant de la part de l'Etat.

Le parc domanial de la gendarmerie nationale , dont l'âge moyen des logements est de 41 ans et dont 74 % des logements ont plus de vingt-cinq ans, a atteint un degré de vétusté très préoccupant .

Une centaine de casernes domaniales exigeraient des interventions urgentes (dont certaines des mises aux normes en matière de sécurité - électricité, incendie, ascenseurs...).

L'ÂGE DES LOGEMENTS EN CASERNE (AU 1 er JUILLET 2014)

Age

Logements domaniaux

Logements non domaniaux

Total

Moins de 10 ans

3,36 %

33,86 %

19,45 %

De 10 à 25 ans

22,64%

20,94 %

21,75 %

De 26 à 50 ans

55,73 %

40,85 %

47,88 %

De 51 à 100 ans

15,92 %

2,44 %

8,81 %

Plus de 100 ans

2,35 %

1,91 %

2,11 %

Cette situation pèse lourdement sur les conditions de vie des gendarmes et de leur famille, ainsi que sur leur moral.

On peut citer, à titre d'exemples, les logements des gendarmes mobiles à Versailles-Satory, ceux de Nanterre ou la caserne de Melun, qui sont particulièrement délabrés.

Les études convergentes conduites par des bureaux d'études civils mettent en évidence un besoin annuel de 200 millions d'euros pour des constructions de casernes ou des réhabilitations lourdes et de 100 millions d'euros pour la maintenance lourde, soit au total 300 millions d'euros par an .

Mais dans un contexte de contraction des crédits hors titre 2 de la gendarmerie, les crédits d'investissement immobiliers ont été réduits de moitié entre 2007 et 2012 , passant de 202 à 100 millions d'euros.

Selon la Cour des comptes , si l'on estime à trente ans la durée de vie moyenne d'une caserne n'ayant pas bénéficié d'une maintenance conforme aux standards du marché, la gendarmerie devrait consacrer annuellement 160 millions d'euros à la construction domaniale . Or, entre 2003 et 2008, 122 millions d'euros seulement y ont été consacrés chaque année et à partir de 2010, une centaine de millions d'euros par an.

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS EN M€ (EN CP):

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014 2 ( * )

2015 3 ( * )

Maintenance courante

0

2

2

1

0

1

0

0

0

AOT

0

0

0

4

9

13

24

22

26

Construction

145

147

110

55

34

27

43

43

15

Maintenance lourde

50

51

53

32

41

45

37

23

24

Subventions

7

8

14

11

11

14

12

14

9

TOTAL INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS

202

208

179

102

95

100

116

102

74

Le ralentissement du renouvellement du parc domanial de la gendarmerie est certes compensé par un développement du parc locatif . Mais celui-ci entraîne une hausse du coût des loyers.

• La participation des collectivités territoriales aux programmes immobiliers

Sauf dans quelques cas où n'interviennent que des investisseurs privés, ce sont principalement les collectivités locales qui assurent la construction de locaux de service et de logements.

Elles se fondent pour cela soit aux dispositions du décret du 28 janvier 1993 , soit à la procédure de bail emphytéotique administratif (BEA ) ouverte par la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPSI).

CADRE JURIDIQUE APPLICABLE AUX COLLECTIVITES TERRITORIALES

1) Les opérations réalisées dans le cadre du décret du 28 janvier 1993

En application de ce décret, les collectivités territoriales peuvent bénéficier de subventions d'investissement de l'Etat destinées à alléger la charge qu'elles supportent pour la construction des casernements mis à la disposition de la gendarmerie. Cette aide en capital est déterminée sur la base du coût plafond de l'EUL en vigueur et calculée selon les taux suivants :

- 20 % du montant des coûts plafonds pour les opérations réalisées par les communes dont la population est inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui ne bénéficient pas du concours financier d'une ou plusieurs autres collectivités territoriales. Le programme est alors limité à 20 EUL ;

- 18 % de ce même montant pour les opérations réalisées par les communes dont la population est inférieure ou égale à 10 000 habitants et qui bénéficient du concours financier d'une ou plusieurs autres collectivités territoriales, par les communes dont la population est supérieure à 10 000 habitants, par les groupements de communes ou par les départements. Dans ce cas, le programme ne peut pas excéder 40 EUL.

Pour être éligible à cette aide en capital de l'Etat, la construction doit permettre de regrouper l'ensemble des personnels dans un ensemble immobilier homogène et fonctionnel, comportant logements et locaux de service techniques.

Le loyer annuel versé , calculé conformément à la circulaire du Premier ministre du 28 janvier 1993, s'élève à 6 % du coût-plafond . Invariable pendant neuf ans, il est ensuite revalorisé tous les trois ans en fonction de la valeur locative réelle des locaux estimée par le service local de France Domaine sans pouvoir excéder la variation de l'indice du coût de la construction publié par l'INSEE intervenue sur cette période.

2) Les opérations réalisées dans le cadre d'un bail emphytéotique administratif (BEA)

Cette possibilité a été ouverte jusqu'au 31 décembre 2007 par l'article 3-III-1 de la LOPSI du 29 août 2002 et est reconduite par la LOPPSI du 14 mars 2011. Elle permet à une collectivité territoriale, propriétaire d'un terrain, de conclure un BEA (dont la durée moyenne est de 30 ans) avec un investisseur privé qui construit les bâtiments nécessaires aux besoins de la gendarmerie. Pendant la durée du BEA, la collectivité acquitte un loyer financier à l'opérateur qu'elle a choisi, sachant qu'à son terme elle deviendra propriétaire de l'ensemble immobilier. La gendarmerie, pour sa part, sous-loue les immeubles à la collectivité territoriale par contrat de bail classique. Le loyer acquitté par la gendarmerie est apprécié par le service France Domaine sur la base de la valeur locative de marché. La collectivité territoriale ne peut alors prétendre à aucune subvention de l'Etat. Le volume du programme n'est pas limité.

Le choix du cadre juridique appartenant pleinement aux collectivités, celles-ci ont privilégié jusqu'à présent le dispositif du BEA afin de diminuer leur engagement financier . Le coût de location des casernements réalisés selon cette procédure 4 ( * ) est largement supérieur à celui des opérations conduites dans le cadre du dispositif du décret n° 93-130. Ce cadre de financement d'opérations immobilières a pris fin le 31 décembre 2007. Pour autant, les opérations qui ont connu un début d'exécution (dans le cadre de la LOPSI) avant le 31 décembre 2007 ont été prorogées.

Toutefois, considérant le surcoût de ce type de montage par rapport aux dispositions du décret de 1993, la direction générale de la gendarmerie nationale entend réserver les opérations en BEA aux constructions absolument indispensables et pour lesquelles aucun autre financement n'aura pu être retenu.

Les tableaux suivants présentent les mises en chantier et les livraisons par type d'opérations pour la période 2004-2015 :

_

• L'augmentation continue des dépenses de loyer

La gendarmerie prévoit des dépenses de loyer à hauteur de 499,5 millions d'euros pour l'année 2015, soit une hausse de 19,4 millions d'euros par rapport à l'an dernier .

EVOLUTION DES LOYERS EN M€ EN AE ET CP

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Loyers privés

440,2*

442,5 (AE)

429,1 (CP)

444,8 (AE)

440 (CP)

460,2 (AE)

467,8 (CP)

458,3 (AE/CP)

474,6 (AE/CP)

Loyers budgétaires

22

23

20,5 (AE)

20,3 (CP)

22 (AE)

22 (CP)

21,8 (AE/CP)

24,9 (AE/CP)

Total

462,2

465,5 (AE)

452,1 (CP)

465,5 (AE)

460,3 (CP)

482,2 (AE)

489,8 (CP)

480,1 (AE/CP)

499,5 (AE/CP)

* dont 6 M€ de loyers à échoir en 2011 payés fin 2010 afin d'anticiper d'éventuelles difficultés liées au démarrage de Chorus.

• Perspectives

Depuis 2010, le niveau d'investissement a considérablement chuté, entraînant une chute des mises en chantier et des livraisons. Ce décrochage continuera à se répercuter dans les livraisons des années à venir.

A la date du 30 juin 2014, le nombre d'équivalents unités-logements (EUL) 5 ( * ) mis en chantier et livrés sur la période 2010-2014 est détaillé dans le tableau suivant :

Année

Mises en chantier (EUL)

Livraisons (EUL)

Etat

Collectivités territoriales

Investisseurs privés

Non défini

Total

Etat

Collectivités territoriales

Investisseurs privés

Total

2010

49

291

349

689

706

1 094

216

2 016

2011

0

385

238

623

196

748

366

1 310

2012

43

381

123

547

516

666

286

1 468

2013

144**

176

551

0

871

0

407

326

733

2014 (prév.)*

0

279

409

0

688

58

483

386

927

2015 (prév.)*

1

317

300

0

618

127

260

562

949

2016 (prév)*

0

489

284

5

778

1

277

409

687

* Prévisions au 30 juin 2014

** La mise en chantier de l'AOT La Valette du Var a démarré en septembre 2013 pour une livraison en 2015

Le tableau suivant présente en EUL les perspectives de mises en chantier et de livraisons par cadre juridique s'agissant des années 2015 et 2016 :

Mises en
chantier (EUL)

Opérations domaniales

Opérations locatives*

TOTAL

MOI/MOP

AOT

Total

Décret 1993

BEA

Privé

Cadre juridique non défini

Total

2013

24

120**

144

176

0

551

0

727

871

2014

(prév.)*

0

0

0

279

0

409

0

688

688

2015 (prév.)*

1

0

1

305

12

300

0

617

618

2016

(prév.)*

0

0

0

451

38

284

5

778

778

* Prévisions au 30 juin 2014

** AOT La Valette du Var.

En 2014, 112,6 millions d'euros en CP et seulement 33 millions d'euros en AE ont été consacrés aux opérations immobilières effectuées par la gendarmerie , les engagements de dépenses au profit des travaux de maintenance lourde et réhabilitation étant particulièrement faibles (9,3 millions d'euros d'AE, après une année 2013 où ils avaient été déjà limités, soit 25,6 millions d'euros).

Dans le PAP 2015, un p l an de réhabilitation sur six ans (2015-2020) de l'immobilier domanial est annoncé . Votre commission se félicite de cette mesure qu'elle demande depuis plusieurs années et espère que ce plan sera financé dans la durée.

Pour 2015, première année de mise en oeuvre de ce plan, une enveloppe de 70 millions d'euros sera consacrée à trente opérations de réhabilitation lourde et de mise aux normes de casernes , notamment les secondes phases de réfection du clos et du couvert des casernes de Bouliac et de Gap, ce qui correspond à environ 3 000 logements.

• L'enjeu des produits de cession

Jusqu'en 2009, la gendarmerie percevait, en tant qu'entité du ministère de la défense, 100 % du produit de la vente de ses emprises domaniales, conformément à l'article 47 de la loi de finances pour 2006.

Son rattachement au ministère de l'intérieur en 2009 a conduit à réduire ce taux de retour (60 % en 2009, puis 55 % en 2013 et 50 % en 2014).

De surcroît, la loi relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement (dite « loi Duflot ») permet d'appliquer des décotes sur les cessions.

Sur la période 2012-2014, la gendarmerie espérait percevoir 120 millions d'euros au titre des cessions. Mais la mise à disposition d'emprises au profit d'autres services de l'Etat, l'utilisation des produits de cession par les préfets dans le cadre de la réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat (RéATE) à travers des projets d'initiative locale (PIL) et des ventes parfois inférieures aux montants estimés ont sensiblement réduit la ressource attendue.

Pour 2013, elle a perçu 21,5 millions d'euros sur un montant total des ventes de 43,7 millions d'euros. Au titre de 2014, le retour portait, au 22 juillet, sur 2,8 millions d'euros, sur un montant total des ventes de 8,6 millions d'euros.

Il serait légitime que la gendarmerie, compte tenu de l'ampleur de ses besoins dans le domaine immobilier, puisse bénéficier de l'intégralité du produit de ses cessions, qui est affecté à la réalisation des travaux de réhabilitation les plus urgents.


* 2 prévisions

* 3 prévisions

* 4 Le surcoût important du BEA est établi à plus de 22 % par rapport aux dispositions du décret du 28 janvier de 1993. En effet, pour les casernes livrées en 2010, le loyer annuel d'une unité-logement (UL) réalisé en Décret de 1993 s'établit à 11 526 € (amortissement de la subvention sur 30 années comprise) alors que le BEA représente un loyer annuel de 14 175 €.

* 5 Equivalent unité-logement : unité de compte qui comprend un logement nu pour 75% et une quote-part de locaux de service et techniques pour 25 %. Il est compté un EUL par militaire d'active et 0,33 EUL par gendarme adjoint volontaire.

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