IV. DES ACTIONS QUI ACCOMPAGNENT NOS COMMUNAUTÉS FRANÇAISES À L'ÉTRANGER

A. LA SITUATION SÉCURITAIRE DES COMMUNAUTÉS FRANÇAISES À L'ÉTRANGER

1. Des menaces accrues

Dans un monde où les foyers de tensions et les zones instables se multiplient, particulièrement en cette « année de toutes les crises » (Moyen-Orient, République centrafricaine, Libye, Mali, bande sahélo-saharienne...), la sécurité des Français de et à l'étranger est, plus que jamais, au coeur des préoccupations du ministère des Affaires étrangères.

Les dangers se sont récemment accrus avec la participation de la France à la coalition internationale contre Daech et les menaces proférées contre nos ressortissants par les groupes terroristes qui s'en réclament, comme l'a tragiquement illustré l'exécution, le 24 septembre dernier, d'un de de nos compatriotes séjournant en Algérie.

Ce contexte particulièrement tendu a conduit le ministère des Affaires étrangères et du développement international à appeler les Français, résidents ou de passage, à faire preuve de « la plus grande vigilance » dans une quarantaine de pays.

Par ailleurs, le développement de l'épidémie de fièvre hémorragique virale Ebola fait courir des risques sanitaires importants en Afrique de l'Ouest (notamment en Guinée Conakry, Sierra Leone et Liberia).

Pour connaître les risques liés à leurs déplacements, nos ressortissants sont invités à consulter sur le site « France Diplomatie » du Quai d'Orsay les fiches « Conseils aux voyageurs ». Ces fiches, qui sont mises à jour en continu par le Centre de crise (CDC) du ministère, sont de plus en plus consultées (7 millions de consultations en 2013, soit 28% de plus que l'année précédente).

De la même manière qu'il est conseillé aux résidents français de s'inscrire sur le Registre consulaire, les Français voyageant à l'étranger sont invités à s'inscrire sur le portail numérique Ariane .

Mis à disposition depuis 2011, cet outil permet l'envoi aux voyageurs de messages d'alerte en temps réel et fournit une information sur le nombre de Français présents sur un territoire étranger, dans la perspective de la gestion d'une éventuelle crise. 120 000 personnes possèdent actuellement un compte sur Ariane.

En liaison avec le Centre de crise, les postes consulaires organisent la sécurité des Français de l'étranger par la diffusion de l'information et l'élaboration de plans de sécurité (localisation des Français sur le territoire, ilotage, exercices, envoi de messages d'alerte en cas de crise...).

Le centre de crise (CDC) du ministère des affaires étrangères et du développement international

Outre son rôle de prévention et de diffusion de l'information à destination des ressortissants français à l'étranger, le Centre de crise (qui, soulignons-le, n'est pas financé par les crédits du programme 151, mais par ceux du programme 105), centralise , au moyen d'une cellule de veille disponible en permanence, toutes les informations concernant la sécurité de nos ressortissants , en provenance du réseau diplomatique, des médias ou du public, et prend les mesures d'alerte et de coordination qui sont rendues nécessaires.

Aux termes d'un décret du 16 mars 2009, il est chargé de coordonner l'action des départements ministériels en matière de sécurité des Français à l'étranger ainsi que la réponse de l'Etat pour les opérations d'aide humanitaire d'urgence.

Il est chargé de préparer les postes consulaires à la survenue de crises , en assurant, notamment par la supervision des plans de sécurité des postes , la réalisation de missions de conseil au profit des postes, la fourniture et la maintenance d'un réseau de communications de sécurité, la constitution de stocks de sécurité (eau, nourriture, médicaments) dans certains postes susceptibles de faire face à l'accueil d'urgence de ressortissants ou encore l'organisation d'exercices de gestion de crise.

Enfin, il met en oeuvre, en tant que de besoin, un dispositif de réponse aux crises consulaires. En 2013, ce dispositif a été appliqué une dizaine de fois : lors de la prise d'otages à In Amenas en Algérie (janvier), lors des troubles politico-sécuritaires au Mali (janvier) et en République Centrafricaine (mars), à l'occasion d'un accident en République Tchèque (avril), des attentats de Boston (avril), d'un accident en Inde (octobre), du typhon Hayan aux Philippines (novembre), puis de nouveau en raison de troubles en République Centrafricaine (décembre).

Source : rapport du Gouvernement sur la situation des Français établis hors de France, septembre 2014.

2. Une directive « protection consulaire » au point mort

Les citoyens de l'Union européenne qui voyagent ou qui résident dans un pays tiers dans lequel l'État membre dont ils ont la nationalité ne dispose pas d'une ambassade ou d'un consulat ont le droit de bénéficier de la protection des autorités consulaires de tout autre Etat membre . Celui-ci doit prêter assistance à ces citoyens de l'Union non représentés dans les mêmes conditions qu'à ses propres ressortissants.

LA PROTECTION CONSULAIRE DANS LE DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

Le droit dont jouissent les citoyens de l'Union non représentés de bénéficier de la protection des autorités diplomatiques et consulaires d'autres États membres dans les mêmes conditions que les ressortissants de ces derniers est inscrit à l'article 20, paragraphe 2, point c), et à l'article 23 du TFUE, ainsi qu'à l'article 46 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

Aux termes de ces trois dispositions, tout citoyen de l'Union « bénéficie [...] de la protection des autorités diplomatiques et consulaires de tout Etat membre dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet Etat ». Un droit individuel est ainsi clairement conféré à tout ressortissant 11 ( * ) d'un Etat membre de recevoir un traitement égal de la part des autorités consulaires d'un autre Etat membre sur le territoire d'un pays tiers où son propre Etat membre n'est pas représenté. Le statut de citoyen de l'Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres 12 ( * ) et le droit de l'Union confère des droits individuels, entre autres pour garantir le plein effet des droits légaux des citoyens.

D'après une récente communication de la Commission européenne 13 ( * ) , le nombre de voyages effectués par des citoyens de l'Union dans des pays tiers est passé de plus de 80 millions en 2005 à plus de 90 millions en 2008 , et l'on prévoit que le volume des déplacements continuera à croître. Selon les estimations, plus de 30 millions de citoyens de l'Union résident à titre permanent dans un pays tiers . Or, les États membres ne sont tous représentés qu'aux Etats-Unis, en Chine et en Russie.

On mesure donc l'impact que pourrait avoir désormais ce concept de protection consulaire européenne pour un État comme la France qui dispose d'un réseau consulaire étendu offrant un niveau relativement élevé de services.

La Commission européenne avait présenté, le 14 décembre 2011, une proposition de directive dont l'objectif est de remplacer la décision de 1995 qui régit aujourd'hui les relations consulaires et d'établir les mesures de coordination et de coopération nécessaires pour faciliter la protection consulaire des citoyens européens non représentés. L'adoption de ce texte relève d'une procédure législative spéciale : vote à la majorité qualifiée au Conseil et simple consultation du Parlement européen.

Les discussions qui se sont déroulées pendant presque deux ans dans le cadre du groupe de travail du Conseil « coopération consulaire » (COCON), sous présidence tournante n'ont pas permis d'avancer, compte tenu des divergences entre Etats membres.

Le nouveau projet de directive, présenté en septembre 2013 sous la présidence de la Lituanie , n'a pas non plus été adopté. L'Italie, qui occupe la présidence tournante de l'UE depuis le 1 er juillet 2014, envisageait de présenter une version plus courte et moins technique.

La France est favorable à l'adoption de cette directive qui vise à systématiser (alors que la décision du Conseil de 1995 est fondée sur le principe d'accord préalable des Etats) et à encadrer plus strictement la coopération consulaire européenne prévue dans les Traités (23 TFUE), afin de contribuer à l'élaboration d'une véritable citoyenneté européenne.

Néanmoins, en raison de l'étendue de son réseau consulaire et de la protection consulaire généreuse qu'elle délivre aux particuliers, la France souhaite que ce texte prévoie des garanties qui permettront aux pays représentés dans les Etats tiers de ne pas être pénalisés par un surcroît d'activité lié à l'exercice de la protection consulaire envers les citoyens de l'UE non représentés dans les Etats tiers.

Les garanties demandées sont :

- l'instauration d'un partage de la charge : des arrangements locaux entre États membres représentés sur le terrain préciseraient auprès de quel consulat les citoyens européens non représentés doivent se rendre, selon leur nationalité ;

- l'instauration d'un mécanisme garantissant le remboursement de l'intégralité des coûts à l'État membre qui a prêté assistance au citoyen de l'Etat non représenté ;

- un véritable rôle de coordination et de soutien pour le Service européen d'action extérieure (SEAE) et, sur le terrain, pour les délégations de l'Union européenne, notamment par le secrétariat des réunions locales de coopération consulaire.

En l'absence de ces garanties, et particulièrement dans un contexte de réduction des moyens financiers et humains de son réseau consulaire, la France pourrait être dans l'incapacité d'assurer effectivement et efficacement la protection consulaire des ressortissants des pays membres non représentés hors de l'UE.


* 11 Voir les affaires 57/65, Lütticke, et 26/62, Gend & Loos. L'article 23, paragraphe 2, du TFUE ne prévoit plus que les États membres établissent entre eux les règles nécessaires. L'article 23, premier et deuxième alinéas, du TFUE permet simplement aux Etats membres de prendre les dispositions internes nécessaires.

* 12 Affaire C-184/99, Grzelczyk,

* 13 Bruxelles, le 23.03.2011 COM(2011) 149 final communication de la commission au Parlement européen et au Conseil : La protection consulaire des citoyens de l'Union dans les pays tiers : Bilan et perspectives.

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