E. LA LOGISTIQUE ET LE SOUTIEN INTERARMÉES

1. Le service de santé des armées (SSA)

Le service de santé des armées prend ses racines à la fin du XVII e siècle avec la création des écoles de santé navale (1689), de l'institution des Invalides (1670) ou encore de la pharmacie centrale des armées (1708). Employant aujourd'hui environ 16 000 personnes, dont 11 000 militaires et 5 000 civils, ses ressources atteignent 1,5 milliard d'euros par an dont 63 % en provenance du budget de l'Etat et 37 % de recettes extrabudgétaires (remboursements de l'assurance maladie, participation des patients...).

A la croisée du monde de la défense et de la santé, le SSA a été touché depuis une vingtaine d'années par les changements profonds de ces deux mondes : évolution du cadre stratégique avec la fin de la Guerre froide et fin de la conscription ; application de la tarification à l'activité (T2A) à l'hôpital, technicisation et strict renforcement des procédures médicales, organisation régionale des soins via les agences régionales de santé (ARS).

Alors que la France est le seul pays, avec les Etats-Unis, à être capable de mettre en place une chaîne complète de santé au profit des troupes engagées, ce qui lui permet notamment d' entrer en premier sur un théâtre d'opérations , la loi de programmation militaire a pris acte de la nécessité de faire évoluer le soutien santé aux armées.

Extrait du rapport annexé à la loi de programmation militaire 2014-2019

Le service de santé des armées engagera une reconfiguration obéissant à un double principe de concentration sur ses missions majeures et d'ouverture dynamique sur la santé publique.

Il continuera en effet de jouer le rôle essentiel qui est le sien pour le soutien des soldats, particulièrement en opération, comme plus largement dans notre stratégie de défense et de sécurité nationale sur le territoire. Acteur déterminant de l'engagement opérationnel des forces, jusque dans les missions d'entrée en premier sur les théâtres d'opérations les plus exigeants, ses capacités seront également planifiées et sollicitées dans la gestion des crises, notamment en matière de gestion des crises sanitaires. Il prolongera les actions lui permettant de disposer de capacités uniques pour réagir aux situations en ambiance NBC.

Il continuera à développer le dispositif de suivi et d'accompagnement médical et psychologique mis en place pour les militaires ayant été engagés dans des opérations extérieures (OPEX) à l'issue desquelles ils risqueraient de développer des symptômes post-traumatiques.

Il sera en mesure de mettre en oeuvre un dispositif sanitaire de veille opérationnelle composé d'un ensemble de modules d'intervention susceptibles d'être projetés avec une forte réactivité et dans la durée pour tous les types de missions des forces, notamment pour la protection des populations.

Dans le même temps, les relations du service de santé des armées avec la santé publique seront renforcées dans un esprit de synergie et de complémentarité géographique et fonctionnelle, en intégrant les structures militaires d'offre de soins dans les évolutions du système de santé public.

Dans ce cadre, un nouveau projet de service « SSA 2020 » a été présenté en novembre 2013. Il présente cinq grands axes : la concentration et la densification des moyens sur la mission de soutien santé ; l'ouverture au service public, nécessaire à la performance technique et à l'efficience économique du SSA ; les coopérations internationales ; la promotion du SSA dans le champ interministériel ; la simplification de la gouvernance.

Il s'agit ainsi de se recentrer sur les besoins opérationnels des armées et de rééquilibrer les activités au profit du premier recours , alors que l'hospitalisation avait eu tendance à prendre une place disproportionnée par rapport aux besoins. Auditionné par vos rapporteurs, le médecin général Debonne, directeur central du SSA, estime que le SSA est à un moment charnière de son histoire et qu'il est nécessaire de changer de paradigme. Le SSA doit par exemple mettre fin à son isolement , que ce soit avec les acteurs du système de santé, y compris en ce qui concerne la formation et la recherche, ou dans le cadre des coopérations internationales.

Alors que le Royaume-Uni et le Canada ont, ces dernières années, fermé leurs hôpitaux militaires, la France a décidé de conserver un tel outil qui est indispensable pour entrer en premier sur un théâtre car les personnels sont tout de suite disponibles pour une projection. Les huit hôpitaux militaires français (hors celui du Val-de-Grâce qui devrait progressivement fermer à compter de 2016) seront différenciés selon leur activité : quatre constitueront des plates-formes hospitalières à même de soutenir les besoins des armées en opération, tandis que ceux de Brest, Metz, Bordeaux et Lyon auront un rôle de régénération du contrat opérationnel et seront moins militarisés.

En ce qui concerne le Val-de-Grâce , l'hôpital qui a été ouvert en 1979 nécessiterait d'importants investissements pour une mise aux normes, en particulier en termes de sécurité incendie. Les modalités pratiques de ces travaux posent en outre problème : devrait-on fermer l'établissement durant les trois ou quatre ans nécessaires ou pourrait-on réaliser les travaux par tranches en fermant certaines parties de l'hôpital, ce qui aurait pour inconvénient d'allonger leur durée ? Les activités du Val-de-Grâce ne sont que partiellement tournées aujourd'hui vers les besoins opérationnels des forces (pas d'urgences, pas de traumatologie orthopédique...), comme le sont les deux autres hôpitaux militaires d'Ile-de-France (Bégin à Saint-Mandé et Percy à Clamart). Qui plus est, l'offre de soins dans ce secteur de Paris est largement suffisante pour faire face aux besoins de la population. Pour autant, le SSA et le ministre de la défense ont considéré, tant pour des raisons historiques et symboliques qu'opérationnelles, que le site ancien devait être préservé. Deux directions du SSA y seront transférées de Vincennes ; l'école de formation continue et de préparation et le musée resteront sur place.

Dans le PLF pour 2015, les crédits dédiés à la fonction santé du programme 178 s'élèvent à 239 millions d'euros en AE et 139 millions en CP, auxquels il faut ajouter 3 millions d'euros inscrits au programme 212 au titre des restructurations.

Du fait de l'évolution de la maquette budgétaire de la mission, les dépenses de personnel sont dorénavant recensées dans le programme 212 ; elles s'élèvent pour la fonction santé à 768 millions en AE et CP contre 795 millions dans le PLF pour 2014, soit une baisse de 3,4 % . Pour la programmation en cours, le SSA devra diminuer ses effectifs d'environ 2 000 personnes, sur un total actuel d'environ 16 000, soit 12,5 %.

Le SSA perçoit également des recettes liées à son activité de soins ; elles sont estimées à 515 millions d'euros pour 2015, dont 437 millions en provenance de l'assurance maladie, 69 millions des organismes complémentaires et des patients et 8 millions liés à la fabrication de produits de santé. Un montant de 532 millions étaient prévus pour 2014 après une exécution égale à 527 millions en 2013.

On peut noter que les recettes externes du SSA ont tendance à diminuer ces dernières années. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette situation : diminution de l'activité de soins en raison de la concurrence avec les hôpitaux, déflations de personnel,... Mais il faut aussi prendre en compte les opérations extérieures qui ont un impact certain, difficile à évaluer, sur l'activité des personnels : en opération, un praticien ne peut plus pratiquer dans son hôpital de rattachement et cela pèse aussi en amont (préparation au déploiement) et en aval (conditions de retour du personnel). Le « surcoût OPEX » pour le SSA est donc aujourd'hui sous-évalué car il n'intègre pas les conséquences sur le déficit d'activités ; or, celles-ci sont génératrices de recettes.

Au total, le SSA devrait donc disposer d'un budget de 1,4 milliard d'euros en 2015, en baisse de 2,9 % par rapport à 2014 (142 millions de crédits budgétaires hors personnel, 768 millions en dépenses de personnel et 515 millions en ressources externes).

2. La fonction pétrolière

Le service des essences des armées (SEA) est chargé de pourvoir aux besoins pétroliers des forces armées en tous lieux et en toutes circonstances. Il dispose d'une cinquantaine d'établissements de stockage et de ravitaillement, dont une quarantaine en métropole. Le budget du service s'élève à environ 32 millions d'euros hors personnel , en baisse de 0,5 % en AE et de 2,2 % en CP. Il faut cependant ajouter 122 millions de dépenses de personnel , en baisse de 2,9 % par rapport à 2014.

3. Le soutien des forces par les bases de défense

Les bases de défense, au nombre de 60 dont 51 en métropole, constituent des formations administratives interarmées au niveau local. Généralisées et stabilisées depuis 2011, les bases ont pour mission de répondre aux besoins en matière d'administration générale et de soutien commun des formations implantées dans leur zone géographique.

Par rapport aux dotations des gestions antérieures qui avaient dû être complétées en cours d'exercice (de 60 millions d'euros au total en 2013), l'adéquation de la dotation 2014 avec les ressources nécessaires au fonctionnement des BdD a été renforcée.

La LFI pour 2013 prévoyait ainsi des crédits budgétaires de 686 millions d'euros en autorisations d'engagements pour le soutien des forces par les bases de défense. A l'issue des travaux de suivi de gestion de l'automne 2013, la ressource globale a été portée à 713 millions, incluant des recettes non fiscales (20 millions d'euros) et des ressources provenant de mouvements réglementaires et réallocations de crédits.

Malgré un plan d'économie encadrant strictement la part la plus ajustable des dépenses, les bases de défense avaient consommé fin septembre 2013 près de 630 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit environ 88 % de leurs ressources sur 75 % de l'année. Une première allocation complémentaire de 30 millions d'euros a été décidée , avec une mise à disposition des autorisations d'engagement correspondantes mi-octobre. Cette majoration était destinée à la couverture des dépenses urgentes telles que les remboursements de droits individuels (frais de déplacement), les commandes d'énergie (maintien de la température de chauffe réglementaire), les marchés de prestations de services (entretien des locaux), les fournitures indispensables au bon fonctionnement des organismes et les réparations urgentes de matériels.

Par ailleurs, un plan d'action spécifiquement orienté sur la condition du personnel a été décidé par le ministre de la défense, en complément de cette première rallonge . Ce plan a fait l'objet de 1 200 mesures proposées par les 60 commandants de base de défense. Elles ont été validées à hauteur d'un montant global de 30 millions d'euros, avec un engagement à réaliser avant la fin de la gestion, pour une exécution des prestations étendue au premier trimestre 2014. Trois objectifs étaient fixés pour l'emploi de ces crédits : améliorer et entretenir le cadre de vie et de travail, faciliter les achats de proximité touchant à la vie quotidienne, renforcer les moyens d'exécution de la mission.

Un tiers de ces dépenses a porté sur le mobilier-ameublement, un tiers sur les réparations de l'immobilier (besoins urgents répondant à la nécessité d'assurer des conditions minimales de vie et de travail) et le dernier tiers sur d'autres dépenses telles que les produits pétroliers, fournitures de bureau, péages, transports, informatique ou encore frais de déplacement. L'emploi de cette rallonge a fait l'objet d'un suivi ligne à ligne.

Antérieurement à ce plan, les travaux de préparation de la loi de finances initiale pour 2014 ont fixé à 731,6 millions d'euros la dotation prévue pour les bases de défense, soit un accroissement de 46 millions d'euros par rapport à la LFI pour 2013.

Les travaux d'actualisation de la programmation sur les années 2015-2019 menés au premier semestre 2014 ont conclu à un nécessaire ajustement de la ressource budgétaire des bases de défense. Ainsi, le niveau en crédits budgétaires retenu en PLF 2015 est dorénavant de 735 millions d'euros , auxquels s'ajoutent 14,25 millions d'euros de recettes non fiscales.

Si un effort manifeste a été consenti, on peut toutefois noter qu'en 2013, les crédits consommés se sont élevés à 743 millions d'euros et que les recettes non fiscales étaient également plus importantes.

Des mesures d'économie sont donc nécessaires pour respecter l'enveloppe budgétaire . Pour cela, les bases de défense ont engagé une réforme de leurs achats en s'inspirant des pratiques des autres ministères et en ayant recours à des services acheteurs partagés. A l'instar des pratiques développées dans le domaine de l'entretien des matériels, elles modifient leur politique de contractualisation des dépenses courantes en notifiant des marchés sur des périodes plus longues ; pour autant, ce procédé a tendance à rigidifier la dépense budgétaire, donc à diminuer les marges de manoeuvre ultérieures.

Parallèlement, les réductions d'effectifs tendent globalement à diminuer les besoins mais il faut bien avoir conscience du fait que celles qui sont réalisées par fonction ou disséminées au sein des unités ne diminuent qu'à la marge les charges fixes car le nombre de bâtiments reste le plus souvent constant. Les gains budgétaires ne sont donc significatifs au titre du soutien que dans le cas de la dissolution de la totalité d'une unité .

S'agissant des dépenses énergétiques, celles-ci sont corrélées aux indices de prix et aux évolutions des besoins. Ainsi, les nouveaux matériels (radar, bâtiments de la marine, aéronefs) mis en service sont souvent plus consommateurs d'électricité que les générations précédentes. Pour limiter ces facteurs haussiers, les bases de défense ont mis en place un plan d'action abordant aussi bien les pratiques que la performance énergétique des infrastructures ou encore les moyens innovants actuellement disponibles.

Enfin, les dépenses supplémentaires liées aux restructurations (déplacement d'unités et de leurs matériels, frais liés à la mobilité du personnel) sont également des facteurs haussiers à prendre en compte.

Aux dépenses de fonctionnement inscrites au programme 178 doit également être ajouté 1,5 milliard d'euros de dépenses de personnel, en baisse de 2,8 % .

4. Les soutiens complémentaires

La sous-action « Soutiens complémentaires » contient des dépenses diverses concourant au soutien. Une ligne de 3,7 millions d'euros est par exemple consacrée à la remise en état de l'atoll d'Hao et au soutien courant des personnels participant aux travaux de dépollution des constructions nucléaires.

La compensation versée par l'Etat à la SNCF représente une part prédominante (85 %) de cette sous-action : depuis 2013, le programme 178 porte l'ensemble de cette compensation, elle s'élève à 115,5 millions d'euros en 2015. Dans sa réponse à un contrôle effectué par la Cour des comptes en 2011, le ministère de la défense indiquait que « le « quart de place » accordé aux militaires est la contrepartie de l'exigence statutaire de disponibilité qui ne leur permet pas de choisir le lieu et l'exercice de leurs fonctions, contrairement aux autres agents de l'État, ou de négocier des contreparties financières dans le cadre d'un contrat de travail en cas de mobilité professionnelle imposée, contrairement aux salariés du secteur privé. Cette forte disponibilité professionnelle et géographique s'exerce tout au long de la carrière professionnelle, un officier étant muté en moyenne tous les trois ans et un militaire non officier tous les sept ans. Ainsi le « quart de place » est-il aujourd'hui perçu par les militaires comme un élément important de compensation de la mobilité. Soumis à des déménagements professionnels fréquents, ceux-ci exercent leurs fonctions à des distances parfois très importantes du lieu de résidence de leurs familles et beaucoup vivent en situation de célibat géographique. »

Les crédits de la « compensatrice SNCF » diminuent régulièrement depuis quelques années : elle s'est élevée à 119,4 millions d'euros en 2013 et la LFI pour 2014 a inscrit un montant de 116,1 millions.

5. Le service interarmées des munitions

Le service interarmées à compétence nationale (SIMu), rattaché au chef d'état-major des armées, a été créé le 25 mars 2011 pour rationaliser et améliorer la gestion, le stockage, la maintenance et l'élimination des munitions, ainsi que le ravitaillement « en tous lieux et en tous temps » des forces. Après plusieurs années de restructurations, le SIMu est composé de sept établissements principaux en métropole et de neuf dépôts outre-mer et à l'étranger.

En 2013-2014, le SIMu a participé aux opérations Serval et Sangaris , durant lesquelles il a été seul responsable du ravitaillement des forces en munitions.

Au 31 mai 2014, le SIMu emploie 1 349 personnes (506 militaires et 843 civils). Dans le cadre de son projet de service « SIMu 2019 », sont prévues une déflation de 257 postes et la réduction de 30 % de ses emprises en métropole. Cette déflation concerne principalement le personnel civil du service (90 % des suppressions de postes) afin de préserver la ressource militaire pyrotechnique indispensable pour assurer les contrats opérationnels.

De ce fait, les crédits prévus dans le PLF pour 2015 diminuent de 9 % en CP (9 millions d'euros).

6. Le service du commissariat aux armées

Créé le 1 er janvier 2010, le service du commissariat aux armées (SCA) est le service d'administration générale des armées ; il est chargé des achats pour la vie courante et le transport des forces, ainsi que de l'exécution des dépenses relevant du soutien commun (soutien de l'homme, restauration, achats, finances, contrôle interne comptable, droits financiers individuels et soutien juridique...).

Depuis 2013, le SCA met en pratique la logique dite « de bout en bout » qui permet de mettre en place une chaîne de soutien continue, de la conception à la fourniture des prestations. Pour cela, le service fonctionne dorénavant selon une logique de filière (restauration-hôtellerie-hébergement-loisirs, habillement, soutien de l'homme, formation, assistance juridique...) et non plus territoriale .

Depuis le 1 er septembre 2014, les groupements de soutien de base de défense sont hiérarchiquement rattachés au SCA. Le SCA devient donc le service unique (interarmées) de soutien en appui des bases de défense, qui deviennent l'échelon de proximité.

La LPM 2009-2014 a créé un nouvel agrégat, l'entretien programmé des personnels (EPP) , qui couvre les dépenses en lien direct avec l'activité opérationnelle qui conditionnent la sécurité et la vie courante du personnel. Il s'agit des dépenses d'habillement et d'équipements individuels (gilets pare-balle, casques, équipement de déminage, tenues de protection NRBC, tenues de combat, équipements de protection professionnelle...) et des dépenses relatives au matériel de campagne et l'ameublement de bureau et des bâtiments d'hébergement.

Dans le cadre de la réforme du SCA et de l'interarmisation des fonctions qu'il exerce, les dépenses d'EPP du programme 178 sont, à compter de 2015, recensées dans le budget du SCA. De manière « optique », ses crédits de paiement passent donc de 26 millions en 2014 à 206 millions en 2015 mais il s'agit de transferts comptables au sein du programme.

Sur l'ensemble du programme 178, l'agrégat EPP passe de 171,6 millions dans la LFI 2014 à 188,9 millions dans le PLF 2015.

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