EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le mercredi 26 novembre 2014, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport pour avis de Mme Agnès Canayer sur la mission « Régime sociaux et de retraite » du projet de loi de finances pour 2015.

Mme Agnès Canayer, rapporteur pour avis . - La mission « Régimes sociaux et de retraite » regroupe les subventions d'équilibre que l'État verse à onze régimes spéciaux de retraite en situation de déséquilibre démographique. Ces régimes comptent environ 739 000 pensionnés. Huit d'entre eux sont des régimes fermés : ils n'accueillent plus de nouveaux affiliés. Parmi ces huit régimes, six ne comptent plus le moindre cotisant.

La mission regroupe trois programmes :

- le programme 198 relatif aux « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », qui comprend les subventions versées à la branche vieillesse des régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, mais aussi celles que reçoivent toute une série de petits régimes en voie d'extinction, tels que celui des chemins de fer d'Afrique du Nord et du Niger Méditerranée, celui des transports urbains tunisiens et marocains ou bien encore celui du Réseau Franco-éthiopien. Ce programme 198 regroupe aussi les crédits affectés au congé de fin d'activité et au complément de retraite des conducteurs routiers. Il représente à lui seul 68 % des crédits de la mission ;

- le programme 197 relatif aux « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » comprend uniquement la subvention d'équilibre versée par l'Etat à la branche vieillesse de l'Établissement national des invalides de la marine (Enim), qui gère l'un des plus anciens régimes de sécurité sociale en France, puisque sa fondation remonte au règne de Louis XIV. Il représente 13 % des crédits de la mission ;

- le programme 195 relatif aux « Régimes de retraite des mines, de la Seita et divers », enfin, regroupe les crédits consacrés à des régimes en extinction rapide et aux caractéristiques démographiques extrêmement dégradées, tels que le régime des mines, celui de la Seita ou bien encore celui de l'ORTF. Il représente 19 % des crédits de la mission. Le régime de retraite de l'Imprimerie nationale ne figure plus parmi les bénéficiaires de ce programme, dans la mesure où son dernier pensionné est décédé en décembre 2013.

Comme je l'ai dit au début de mon intervention, l'ensemble de ces régimes spéciaux, qui sont pour la plupart anciens et antérieurs à la création de la sécurité sociale, se caractérisent par un fort déséquilibre entre leur nombre de cotisants et leur nombre de pensionnés, ce qui explique leur déficit structurel chronique, hors subvention de l'État.

Alors que le rapport « cotisants/retraités » du régime général est de 1,3 - chiffre déjà faible -, il n'est que de 0,89 pour le régime de la RATP, de 0,57 pour celui de la SNCF et de 0,23 pour celui des marins. Ceux du régime des mines et de la Seita atteignent quant à eux à peine 0,01 ! Dans l'incapacité de s'autofinancer, ces régimes doivent faire appel à la solidarité nationale.

Alors que les crédits de la mission n'avaient cessé d'augmenter ces dernières années - + 46 % de croissance entre 2006 et 2013 - à mesure que la situation démographique des régimes subventionnés se dégradait avec l'arrivée à la retraite des classes nombreuses du « baby-boom », ils ont légèrement diminué depuis deux ans. Ils reculent ainsi de 1,5 % en 2015 par rapport à 2014 (après une baisse de 1,6 % en 2014 par rapport à 2013) pour atteindre la somme de 6,4 milliards d'euros.

Quatre séries de facteurs devraient contribuer à cette légère diminution des crédits : la forte baisse des prestations servies par les régimes fermés ou quasi-éteints ; la moindre revalorisation des pensions de retraite attendue pour 2015 en raison du ralentissement de l'inflation ; l'impact des mesures de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, en particulier le report de six mois de la date de revalorisation des pensions du 1 er avril au 1 er octobre ; les efforts d'économies de gestion entrepris par certains régimes.

En dépit de cette baisse des crédits observée pour la deuxième année consécutive, force est de constater que le poids financier de cette mission a considérablement augmenté au cours des huit dernières années. Dès lors, quelle stratégie adopter afin de faire diminuer durablement ses crédits ?

En ce qui concerne les régimes fermés, qui ne comptent plus, ou presque plus, de cotisants, une éventuelle modification des taux de cotisations ou des bornes d'âge n'aurait aucun sens : l'État ne peut qu'accompagner leur extinction progressive.

Pour les régimes de retraite des agents de la SNCF et de la RATP, en revanche il apparaît indispensable, j'y reviendrai dans un instant, de poursuivre la stratégie mise en oeuvre depuis 2008 d'un alignement progressif des paramètres de leurs régimes spéciaux sur ceux du régime de la fonction publique.

J'en viens à présent à l'analyse des principaux régimes de retraite qui bénéficient des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », à savoir ceux de la SNCF, de la RATP, de l'Enim et des mines.

La caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF recevra cette année une subvention de 3,2 milliards d'euros, soit la moitié des crédits de la mission. Cette subvention, qui couvre 60 % du montant des prestations versées par le régime, est en diminution de 4,4 % par rapport à 2014, en raison de la stagnation des prestations versées et de la forte progression des cotisations sociales. Elle demeure toutefois très élevée. La subvention que recevra la RATP, dont le ratio démographique est nettement moins défavorable que celui de la SNCF, sera de 643 millions d'euros, en hausse de 1,4 % par rapport à 2014. Elle couvre 58 % des prestations versées par le régime.

Comme vous le savez, mes chers collègues, les régimes de retraite de la SNCF et de la RATP sont avantageux par rapport au droit commun. L'âge moyen de départ à la retraite des nouveaux pensionnés de la SNCF était ainsi de 56 ans et 1 mois en 2013, les conducteurs partant à 51 ans et 11 mois et les autres agents à 56 ans et 6 mois. Celui des agents de la RATP était de 55 ans et 3 mois. Ces âges de départ effectif à la retraite s'élèvent progressivement d'année en année mais restent très inférieurs à ceux constatés en moyenne pour le reste de la population.

La réforme des régimes spéciaux entrée en vigueur au 1 er juillet 2008 a modifié les modalités de calcul des pensions des personnels de la SNCF et de la RATP.

La durée d'assurance requise pour le bénéfice de la pension à taux plein est progressivement alignée sur celle en vigueur pour les fonctionnaires de l'Etat et le montant des pensions est désormais indexé sur l'évolution des prix.

En outre, la réforme des retraites de 2010 a relevé de 2 ans à partir du 1 er janvier 2017 l'âge d'ouverture du droit à une pension de retraite et la durée de service requise pour l'obtention d'une pension :

- pour les mécaniciens de la SNCF, la pension de retraite actuellement accordée à partir de l'âge de 50 ans après 15 ans de service sera accordée à partir de 52 ans pour les agents nés à compter de 1972, la durée de service requise étant portée à 17 ans de service à partir du 1 er janvier 2022.

- pour les autres agents de la SNCF (les agents « sédentaires »), la pension de retraite actuellement accordée à partir de l'âge de 55 ans après 25 années de service, sera accordée à partir de 57 ans pour les agents nés à compter de 1967, la durée de service requise étant portée à 27 ans de service à partir du 1 er janvier 2022 ;

- pour les agents de la RATP, l'âge de départ sera porté à 52 ans pour les personnels d'exécution nés à compter de 1972, à 57 ans pour les personnels de maîtrise nés à compter de 1967 et à 62 ans pour les cadres nés à compter de 1962 à partir du 1 er janvier 2017, la durée minimale de service pour l'attribution des pensions des personnels d'exécution et de maîtrise étant progressivement portée de 25 à 27 années entre 2017 et 2022.

Comme vous le voyez, mes chers collègues, ces relèvements des bornes d'âge ne s'effectueront que progressivement et seulement à compter de 2017.

Vous n'ignorez pas cependant que nos compatriotes supportent de plus en plus mal les statuts particuliers qui leur paraissent excessivement avantageux. Or, si le métier de cheminot était incontestablement pénible au XIX ème ou au début du XX ème siècle, c'est sans doute moins évident au XXI ème siècle, en particulier pour les agents autres que les mécaniciens.

Dès lors, solliciter tous les ans la solidarité nationale pour financer près de 60 % des prestations versées par ces régimes de retraite n'est pas sans poser quelques problèmes d'équité. Une accélération du relèvement des bornes d'âge pour les agents de la SNCF et de la RATP me paraîtrait de nature à rendre plus légitime la subvention que verse l'Etat chaque année à leurs régimes de retraite.

Les situations respectives des régimes de l'Enim et des mines sont bien différentes de celles des deux régimes que je viens d'évoquer devant vous et appellent moins de commentaires de ma part.

La subvention d'équilibre que versera l'Etat à l'Enim en 2015 s'élèvera à 853 millions d'euros, contre 825,5 millions d'euros en 2014, soit une hausse de 3,3 %. Elle couvre 78 % des prestations versées par le régime.

Eu égard aux difficultés particulières du métier de marin, en particulier la pénibilité et la dangerosité, le régime de retraite géré par l'Enim est resté à l'écart des réformes intervenues en 2008 et 2010, comme de la plupart des mesures prévues par celle de 2014. L'âge normal d'ouverture des droits est ainsi de 55 ans lorsque la carrière maritime accomplie représente au moins 15 ans de service.

L'âge moyen de départ en retraite est actuellement d'environ 58,4 ans. Il est supérieur à l'âge normal de départ en retraite en raison de la part importante des pensions spéciales accordées aux marins disposant de moins de 15 ans de service au titre de l'Enim : ces pensions ne sont accordées qu'à partir de l'âge de 60 ans.

Au total, les difficultés financières de la branche vieillesse de l'Enim apparaissent entièrement imputables à son ratio démographique très dégradé -114 695 pensionnés en 2015 pour seulement 26 276 actifs- et non à des règles trop avantageuses.

Le régime des mines, enfin, régime en extinction, ne compte plus que 2 567 cotisants pour 286 727 pensionnés et les cotisations versées ne couvrent plus qu'1 % de ses dépenses. L'Etat lui versera en 2015 1,36 milliard d'euros, une somme en recul de 2 % par rapport à 2014 qui couvre 99 % des prestations versées par le régime. Cette baisse s'explique par la diminution progressive du nombre de pensionnés.

En raison du caractère très pénible du métier de mineur, l'âge légal d'ouverture du droit à la retraite dans ce régime est fixé à 55 ans. En 2013, l'âge moyen de départ en retraite de ses pensionnés était de 57,7 ans.

Mes chers collègues, les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » étant indispensables au financement des régimes de retraite concernés, je vous demande de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits pour 2015, assortie d'une réserve concernant les règles de départ à la retraite des régimes de la SNCF et de la RATP, encore trop éloignées du droit commun de la fonction publique. Je vous remercie.

Mme Catherine Procaccia . - Merci pour cette présentation très claire. Je rejoins tout à fait votre analyse sur les régimes spéciaux de retraite de la SNCF et de la RATP. Je crois que nous n'avons pas osé aller au fond des choses lors de la réforme de 2008, et que, par crainte des grèves, nous avons adopté des mesures insuffisantes, laissant perdurer une situation difficilement acceptable.

En dehors de ces deux régimes, les crédits qui viennent équilibrer les autres régimes déficitaires de la mission sont consensuels et s'expliquent par la situation démographique très dégradée de ces régimes.

Par ailleurs, même s'il ne s'agit pas d'un sujet relevant de la présente mission, j'aimerais savoir comment ont évolué dans les années récentes les règles relatives aux majorations de retraite des fonctionnaires résidant outre-mer, qui apparaissaient excessivement avantageuses à bien des égards.

M. Michel Vergoz . - Je ne peux pas ne pas réagir aux remarques de madame Procaccia et ne pas rappeler qu'elle a voté les mesures qu'elle critique aujourd'hui.

M. Alain Milon , président . - Je vais mettre aux voix les conclusions du rapporteur pour avis.

Suivant la proposition du rapporteur pour avis, la commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » du projet de loi de finances pour 2015 .

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