B. UN « ÉCOSYSTÈME » DE SOUTIEN PUBLIC MAINTENU SUR TOUTE LA CHAÎNE CINÉMATOGRAPHIQUE

1. Les dépenses d'intervention du CNC irriguent l'ensemble de l'activité cinématographique

Le CNC prévoit de mobiliser, l'an prochain, 630 millions d'euros de dépenses d'intervention en matière audiovisuelle et cinématographique ; si cet établissement relève désormais de la mission « Médias, Livre et Industries culturelles», votre rapporteur pour avis ne saurait faire l'économie d'un passage en revue de ces dépenses, qui structurent l'ensemble de la production et de la diffusion cinématographique.

Le fait marquant, c'est que le CNC, qui doit composer l'an prochain avec un nouveau recul des taxes qui lui sont affectées, choisit de maintenir l'ensemble de ses intervention, tout en continuant ses efforts de gestion et en mobilisant des ressources exceptionnelles dont il dispose encore.

Ainsi, le CNC prévoit de mobiliser en 2015 :

- 128,55 millions d'euros pour la production et la création cinématographiques (contre 143,3 millions cette année, un recul de 10,29 %) : 77,71 millions d'euros en aides automatiques et 44,74 millions d'euros en aides sélectives, dont 29 millions d'avance sur recettes et 7 millions pour le court métrage, 4,98 millions d'aide aux cinémas du monde et 2 millions pour les coproductions étrangères ;

- 256 millions d'euros pour la production et la création d'oeuvres audiovisuelles (contre 275 millions cette année, un recul de 6,9 %) : 204,4 millions d'aides automatiques, 46,8 millions d'aides sélectives et 4,76 millions de soutiens sélectifs à la création ;

- 13,8 millions d'euros pour les industries techniques et l'innovation (contre 14,8 millions cette année, un recul de 7 %), principalement pour accompagner la généralisation du numérique et le recours aux technologies les plus innovantes ;

- 42,69 millions d'euros pour la distribution cinématographique (contre 40,98 millions cette année, un recul de 4 %) , dont 32,89 millions de soutiens « automatiques » et 9,8 millions de soutiens « sélectifs » aux distributeurs de films ;

- 89,38 millions d'euros à l'exploitation cinématographique (contre 88,51 millions cette année, un recul de 1 %), dont 67,21 millions d'euros d'aides automatiques et 22,17 millions d'euros d'aides sélectives ;

- 25,38 millions d'euros au soutien sélectif à la diffusion du cinéma (contre 27,56 millions cette année, un recul de 7,9 %) : cette enveloppe regroupe des crédits destinés à la diffusion auprès des jeunes publics (dispositifs scolaires d'éducation à l'image), au financement de l'Agence pour le développement régional du cinéma (ADRC), du fonds Images de la culture (catalogue de films documentaires diffusés publiquement et gratuitement), au financement de la Cinémathèque française ainsi que d'actions en faveur du patrimoine cinématographique ;

- 14,5 millions d'euros pour l'édition et la vidéo à la demande (contre 13,8 millions cette année, un recul de 7 %) : cette aide, pour partie automatique, vise à structurer le secteur, à éditer des catalogues et le travail éditorial ;

- 24,17 millions d'euros pour la promotion du cinéma et de l'audiovisuel (contre 26,80 millions cette année, un recul de 9,8 %), dont 5,6 millions d'aides sélectives à l'exportation ;

- 4,65 millions d'euros pour la conservation numérique des Archives françaises du film (contre 5,2 millions cette année, un recul de 10,6 %) ;

- enfin, 30,4 millions d'euros d'autres interventions (contre 31,7 millions cette année, un recul de 4,2 %), dont 7,22 millions pour les fonds régionaux du cinéma, 6,05 millions pour les fonds régionaux audiovisuels, 8,02 millions pour l'école nationale du cinéma (ENSMIS) et 3,4 millions d'autres aides sélectives (Commission supérieure et technique de l'image et du son, Fonds « Images pour la diversité »...) 19 ( * )

Évaluation des dépenses du fonds de soutien pour 2015

(en euros)

Intitulé des actions

Budget 2013

Exécution 2013

Budget 2014

Reprévisions 2014

Prévisions pour 2015

Action n° 1

Production et création cinématographiques

137 860 000

119 090 818

143 290 000

141 540 000

128 551 000

Action n° 2

Production et création audiovisuelles

274 060 000

285 410 732

275 090 000

267 040 000

255 995 000

Action n° 3

Industries techniques et innovation

15 000 000

17 478 254

14 800 000

14 300 000

13 800 000

Action n° 4

Distribution, diffusion et promotion du cinéma et de l'audiovisuel

198 512 000

242 996 243

197 671 000

196 971 000

196 133 000

Action
n° 4 bis

Plan numérique

6 400 000

51 288 209

5 200 000

5 200 000

4 650 000

Action n° 5

Autres soutiens aux industries cinématographiques et audiovisuelles

35 968 000

56 273 102

31 749 000

31 749 000

30 413 000

Action n° 6

Fonction support

32 200 000

32 200 000

32 200 000

32 200 000

33 900 000

Totaux

700 000 000

804 737 357

700 000 000

689 000 000

663 442 000

Source : Centre national du cinéma et de l'image animée

2. Les investissements des chaînes de télévision, en forte baisse et partiellement obligés, continuent de jouer un rôle moteur dans le financement du cinéma français

En 2013 comme en 2012, les investissements des chaînes de télévision dans les films agréés diminuent globalement pour atteindre le niveau le plus bas depuis 2006 : 291,77 millions d'euros (-18,9 %) 20 ( * ) . Ceux des chaînes à péage reculent de 17,9 %, à 190,22 millions d'euros. Les investissements des chaînes historiques en clair enregistrent une baisse de 20,6 % pour atteindre 101,54 millions d'euros.

Cependant, les chaînes de télévision participent à la production des deux-tiers des films d'initiatives française 21 ( * ) et restent le premier contributeur de la production cinématographique : elles apportent 27,3 % du total des devis 2013, contre 32 % en 2012.

Ces chiffres d'ensemble recouvrent une évolution contrastée puisque les investissements par chaîne :

- progressent de 9,4 % et atteignent 37,4 millions d'euros pour TF1 (14 films contre 17 films en 2012 et 2011) ;

- reculent à France Télévisions (-31,6 %) pour atteindre 42 millions d'euros et se répartissent sur 48 films, contre 60 en 2012. Les investissements reculent de 14,3 % à France 3, avec 19,04 millions d'euros contre 22,21 millions en 2012 (pour 24 films, contre 26 films en 2012) et France 2 diminue ses investissements de 41,4 % avec 24 films produits pour 22,96 millions d'euros (contre 35 films en 2012) ;

- les investissements d'Arte passent de 6,55 millions d'euros en 2012 - 19 films dont 10 films d'initiative française (FIF) - à 7,67 millions en 2013 (25 films dont 17 FIF) ;

- M6, avec 10,48 millions d'euros et 12 films, diminue ses investissements dans la production cinématographique de moitié ;

- 126 films agréés en 2013 ont fait l'objet d'un préachat (dont 113 FIF) de Canal+ pour un montant global de 160,44 millions d'euros, en recul de 13,9 % par rapport à 2012. Ciné+ a investi 18,17 millions d'euros dans 105 films, dont 92 FIF. Sur ces derniers, l'intervention de Ciné+ recule à 17,23 millions d'euros (-25,7 %), pour un nombre de films en baisse également (-13,2 %) ;

- Orange Cinéma Séries a investi en 2013 dans 18 films (tous d'initiative française), pour un montant total de 11,56 millions d'euros (contre 18,52 millions en 2012).

Les nouvelles chaînes de la TNT très « consommatrices » de films contribuent modestement au financement des films mais augmentent leurs investissements en 2013. Ainsi, les nouvelles chaînes de la TNT gratuite apportent 3,99 millions d'euros (3,75 millions en 2012) sur 18 films (21 en 2012) soit 1,3 % (0,9 % en 2012) de l'ensemble des investissements des chaînes de télévision.

Ce recul de l'investissement s'accompagne d'une augmentation de l'offre de films à la télévision : les chaînes nationales gratuites et Canal + ont diffusé, au total, 2 847 films l'an passé, soit 17,6 % de plus qu'en 2012 ; cette progression est principalement due aux chaînes de la TNT privée gratuite, qui ont diffusé 1 238 oeuvres sont diffusées en 2013 (+ 328 films par rapport à 2012), soit 43,5 % de l'offre totale de films à la télévision. Le nombre de films diffusés sur les chaînes de France Télévisions (hors France Ô) diminue pour la quatrième année consécutive à 489 oeuvres en 2013 (-5 % par rapport à 2012).

3. Les fonds régionaux d'aide à la production et aux tournages en région, outils indispensables à la diversité du cinéma

Les fonds régionaux d'aide à la production en région sont un élément incontournable du financement du cinéma et de l'audiovisuel en France.

En 2013, les collectivités territoriales ont mobilisé 64,5 millions d'euros pour soutenir la production cinématographique et audiovisuelle, les trois-quarts en fonds propres et le quart restant en conventionnement avec le CNC. Cette participation régionale progresse de 2,2 %, après une hausse de 5,7 % entre 2011 et 2012. Cette participation a doublé en une décennie et les collectivités territoriales sont devenues de véritables leviers pour la production, surtout pour les films de moins de 4 millions d'euros ; les aides régionales ont représenté 2,1 % du financement des films de long métrage d'initiative française agréés en 2013 ; la présence d'une région au tour de table peut être décisive pour trouver des financements complémentaires.

Les collectivités territoriales - au premier chef, les régions - interviennent de l'amont des projets (aide à l'écriture et au développement) jusqu'au stade de la production. Elles ont mis en place des comités de lecture, composés majoritairement de professionnels, ainsi que des équipes de suivi des dossiers. Une concurrence se développe pour attirer les tournages, les collectivités territoriales financent des bureaux d'accueil des tournages (également appelés « commissions du film »), qui offrent aux professionnels du cinéma et de l'audiovisuel une assistance gratuite portant sur différents types de services, du repérage à la mise à disposition de locaux et facilitation de démarches administrative.

Dans le cadre des conventions pluriannuelles de développement cinématographique et audiovisuel, le CNC et les régions conjuguent leurs moyens, avec la règle du « 1 euro du CNC pour 2 euros de la région ».

En 2013, les 26 conventions conclues engagent un montant de 113 millions d'euros (soit 0,2 % de plus qu'en 2012) ; les montants engagés en 2013 par le CNC dans le cadre des avenants financiers atteignent 20,4 millions d'euros (dont 15,69 millions pour les fonds d'aide à la création et à la production et 4,68 millions pour les festivals et pour les cinémathèques).

4. La participation utile mais trop limitée des Sofica

Les sociétés de financement d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles (Sofica) collectent des fonds privés - ouvrant droit à réduction d'impôt sur le revenu 22 ( * ) - pour financer de la production cinématographique ou audiovisuelle (à 80 % dans des films d'initiative française), contre des droits à recettes des oeuvres cofinancées. À noter que la dépense fiscale est plafonnée chaque année.

En 2013, la collecte réalisée par les 11 SOFICA agréées s'est élevée à 61,5 millions d'euros. Elle a permis le financement de 152 oeuvres en contrats d'association à la production.

Votre rapporteur pour avis s'interroge sur les suites données aux appels récurrents à renforcer cet outil, qui paraît encore insuffisamment mobilisé.

Pour mémoire, la commission d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales avait, en 2011, très bien « noté » ce dispositif et la mission de MM. Jean-Frédérick Lepers et Jean-Noël Portugal sur L'avenir des industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel en France (2013) 23 ( * ) appelait à le modifier pour en renforcer l'efficacité. De fait, la mobilisation de ressources privées pour le cinéma dans notre pays, paraît bien moins efficace que chez nos voisins belges - le tax shelter wallon mobilise trois fois plus de fonds des entreprises que l'ensemble des Sofica françaises...

MM. Jean-Frédérick Lepers et Jean-Noël Portugal appellent à renforcer et à diversifier cet outil : « à l'heure du Web 2.0, du financement participatif et de la ludification, le système gagnerait à ouvrir sa fenêtre de collecte tout au long de l'année et à défricher de nouveaux modèles. Combiner incitation fiscale et attrait pour le cinéma (invitations, informations exclusives, visites de tournages, événements privés sur le web, festivals, etc.) est un levier puissant et déjà exploité, mais il est possible d'aller plus loin. De nouvelles relations entre producteurs, auteurs et public peuvent être explorées. Sans déroger au cahier des charges des Sofica, il y a place pour des modèles hybrides combinant collecte de fonds, ingénierie de production et fonction de plateforme permettant aux investisseurs d'interagir entre eux et avec les porteurs de projets. Les Sofica sont une passerelle de participation économique entre le public et la production ».


* 19 À noter que le CNC ne prévoit pour 2015 aucune dotation pour l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC), estimant que les reversements correspondant aux dotations antérieures non consommées devraient permettre de couvrir les besoins en dotations nouvelles.

* 20 Pour les films d'initiative française, le recul est de 18,3 % en 2013 à 278,21 millions d'euros.

* 21 Parmi les films où la télévision ne participe pas, neuf sur dix ont un budget inférieur à 2 millions d'euros et la moitié sont des premiers films.

* 22 Prévue à l'article 199 unvicies du code général des impôts (CGI).

* 23 L'avenir des industries techniques du cinéma et de l'audiovisuel en France (2013), p. 16.

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