B. LES DYSFONCTIONNEMENTS DU SERVICE PUBLIC DE L'EMPLOI PLAIDENT POUR UNE EXPERIMENTATION AMBITIEUSE SELON L'ASSOCIATION DES RÉGIONS DE FRANCE

1. Les nombreuses difficultés du service public de l'emploi découlent en partie de la multitude d'acteurs chargés de sa mise en oeuvre

La multiplicité des acteurs en matière de politique de l'emploi est dénoncée depuis des années par de nombreux observateurs. Dans un rapport remis en janvier 2004 au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur le rapprochement des services de l'emploi, Jean Marimbert qualifiait de « mosaïque » le service public de l'emploi, en relevant que « la France a le dispositif d'intervention sur le marché du travail le plus éclaté d'Europe » 19 ( * ) .

De fait, les acteurs intervenant dans ce domaine sont nombreux : l'Etat et ses services déconcentrés, Pôle emploi, les missions locales, Cap emploi, les maisons de l'emploi, les structures en charge des plans locaux pour l'insertion et l'emploi (Plie), les collectivités territoriales, les partenaires sociaux, les chambres consulaires...

Les méfaits de ce « mille-feuilles » institutionnel sont bien connus.

En premier lieu, il ne permet pas une bonne adéquation entre les offres et les demandes d'emploi, générant un grand nombre d'offres non pourvues.

En deuxième lieu, la situation actuelle est source de complexité pour les usagers et les entreprises, qui sont souvent confrontés à de nombreux interlocuteurs avant de rencontrer les services compétents pour traiter leurs demandes. Pour les élus et nos concitoyens, la situation actuelle est également source d'incompréhension.

En troisième lieu, la répartition de ces acteurs est inégale sur le territoire. Ainsi, les structures en charge des Plie ne sont présentes que sur un tiers du territoire, tandis que certaines agences Pôle emploi sont surchargées ou éloignées des territoires ruraux ou périurbains.

En dernier lieu, le coût de la multiplication des acteurs est significatif pour les finances publiques.

2. L'Association des régions de France propose une expérimentation du transfert de la compétence relative à l'accompagnement des demandeurs d'emploi

L'Association des régions de France propose, à titre expérimental, le transfert de la compétence relative à l'accompagnement des demandeurs d'emploi vers les régions.

Pendant une durée de cinq ans, renouvelable une fois dans la limite de trois ans, les régions volontaires deviendraient « autorité organisatrice en matière d'accompagnement à l'emploi ».

Dans ce cadre, les régions passeraient une convention avec le directeur régional de Pôle emploi, et des conventions d'objectifs et de moyens avec les autres acteurs du service public de l'emploi.

Cette expérimentation ne concernerait ni le régime d'indemnisation des demandeurs d'emploi, ni la gestion des contrats aidés.

Les régions recevraient, pour exercer ces nouvelles missions, une compensation forfaitaire de l'Etat, dont le montant serait celui observé l'année précédant le transfert.

Les agents de l'Etat en charge des missions transférées seraient mis à disposition à titre gratuit de la région expérimentatrice.

Toutefois, indépendamment d'une appréciation sur le fond de cette expérimentation, votre rapporteur pour avis estime qu'un amendement parlementaire en proposant la mise en place soulèverait une difficulté au regard de l'article 40 de la Constitution.

3. Mais les critiques à l'encontre de la décentralisation des compétences en matière de formation professionnelle et d'apprentissage ne peuvent pas être ignorées

Comme l'a souligné notre collègue Michel Forissier, rapporteur pour avis de la mission « travail et emploi » et du compte d'affectation spéciale relatif à l'apprentissage, il est urgent de définir de nouvelles relations entre l'Etat et les régions en matière d'apprentissage. Dans son rapport, celui-ci rappelait avec raison que « la compétence en matière d'apprentissage souffre d'un déficit de suivi statistique et d'un manque d'implication du ministère de l'éducation nationale, comme le déplore M. Martinot, ancien directeur de la DGEFP. De nouveaux équilibres sont sans doute à trouver entre l'Etat et les régions pour faire de l'apprentissage une voie d'excellence prisée par les jeunes ».

Lors de son audition, le directeur général de l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), M. Hervé Estampes, après avoir rappelé que son organisme avait été « victime de la décentralisation », a déploré la baisse des formations des personnes handicapées financées par les régions. Il a indiqué que son organisme avait formé 5 162 personnes handicapées en 2013 par an, contre 10 321 en 2011. En effet, les régions utiliseraient à d'autres fins les sommes versées par l'association chargée de gérer le fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph). Une telle pratique risquerait d'entraîner une marginalisation croissante des personnes handicapées. D'autres personnes auditionnées ont également souligné que les régions méconnaissaient les règles d'affectation des sommes transférées par l'Etat en matière de formation professionnelle et d'apprentissage.

M. Hervé Estampes a par ailleurs estimé que la décentralisation en matière de formation portait un grave préjudice aux 27 centres Afpa à rayonnement national, qui forment par exemple aux métiers du bâtiment et des travaux publics. En effet, les conseils régionaux ne sont pas enclins, compte tenu des règles actuelles, à acheter des formations dans ces centres spécialisés, aujourd'hui aux trois-quarts inoccupés, ce qui menace directement la survie de certains d'entre eux. Il est par conséquent important de veiller à ce que la politique de formation professionnelle ne se résume pas à la juxtaposition de visions parcellaires régionales ou sectorielles.

Lors de son audition, Mme Emmanuelle Wargon, directrice de la DGEFP, a considéré qu'une éventuelle décentralisation aux régions de la compétence « emploi » priverait le Gouvernement de tout levier d'action, serait contraire au principe selon lequel « qui finance décide », et rendrait caduque toute politique publique nationale d'envergure.


* 19 Jean Marimbert, Conseiller d'Etat, rapport au ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité, sur le rapprochement des services publics de l'emploi, janvier 2004.

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