II. L'ACCOMPAGNEMENT DES DEMANDEURS D'EMPLOI : UN RÔLE DE COORDINATION DES RÉGIONS À CONFORTER

A. SI LES RÉGIONS SONT DÉSORMAIS PLEINEMENT COMPÉTENTES EN MATIÈRE DE FORMATION PROFESSIONNELLE ET D'APPRENTISSAGE, LA COMPÉTENCE EN MATIÈRE D'EMPLOI DEMEURE ESSENTIELLEMENT UNE PRÉROGATIVE DE L'ETAT

1. La compétence en matière de formation professionnelle et d'apprentissage a été confiée aux régions

Depuis la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, les régions exercent une compétence de droit commun en matière d' apprentissage et de formation professionnelle .

Différentes lois ont renforcé cette compétence, comme la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, tout en préservant un noyau résiduel de mesures relevant de la compétence de l'Etat.

Afin de lutter contre cet enchevêtrement de compétences, la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, est venue parachever le mouvement de décentralisation initié en 1983 .

En effet, l'article L. 6121-1 du code du travail, dans la rédaction qui entrera en vigueur le 1 er janvier prochain, prévoit que la région est chargée de la « politique régionale d'accès à l'apprentissage et à la formation professionnelle des jeunes et des adultes à la recherche d'un emploi ou d'une nouvelle orientation professionnelle ».

Le transfert de compétences en matière de formation professionnelle
opéré par la loi du 5 mars 2014

Comme l'indique le rapport de notre ancien collègue Claude Jeannerot, rapporteur du projet de loi précité, le bloc des compétences transférées comportait sept mesures 18 ( * ) :

- « un élargissement du champ de compétences de la région à la formation professionnelle de tous les publics (personnes handicapées, Français établis hors de France et personnes détenues) et aux formations relatives au socle de connaissances et de compétences ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme ;

- un renforcement des compétences des régions pour le financement de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle et pour l'accompagnement des candidats à la VAE ;

- un approfondissement des compétences des régions en matière de formations sanitaires et sociales, s'agissant de la mise en oeuvre du numerus clausus et de l'agrément des établissements ;

- la consécration d'un service public régional de la formation professionnelle par la définition d'un socle commun de principes s'appliquant aux régions à ce titre ;

- une clarification apportée à l'organisation des financements de la formation professionnelle des demandeurs d'emploi de Pôle emploi, celui-ci étant responsable des aides individuelles mais pouvant financer des actions collectives de manière complémentaire avec la région dans le cadre d'une convention conclue avec celle-ci ;

- la reconnaissance d'un service d'intérêt économique général (Sieg) pour la formation et l'accompagnement des publics en difficulté afin de permettre aux régions d'habiliter des organismes à assurer cette mission dans le respect des règles de la commande publique ;

- la possibilité ouverte aux régions de se voir attribuer par l'Etat le patrimoine immobilier utilisé par l'association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa). »

Par ailleurs, la loi du 5 mars 2014 a :

- fait de la région le chef de file du service public de l'orientation et précisé le contenu et les acteurs du conseil en évolution professionnelle ;

- créé le contrat de plan régional de développement des formations et de l'orientation professionnelles (CPRDFOP), tout en renforçant son cadre de négociation quadripartite ;

- rationalisé la gouvernance nationale et régionale de la formation professionnelle et de l'emploi qui repose désormais sur un Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Cnefop) et sur un Comité régional de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles (Crefop).

Enfin, cette loi a confié aux régions la responsabilité de conclure des conventions d'objectifs et de moyens (Com) pour le développement de l'apprentissage avec les acteurs concernés et elle a mis un terme au conventionnement national de certains centres de formation d'apprentis (CFA).

Comme le reconnaît Mme Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle, le Gouvernement est allé « au bout de la logique sur la décentralisation des compétences en matière de formation professionnelle et d'apprentissage ».

2. Mais l'Etat reste compétent en matière d'emploi

Le code du travail ne définit pas en tant que telle la politique de l'emploi, qui est appréhendée uniquement à travers les aides à l'emploi.

Définition des aides à l'emploi

Selon l'article L. 5111-1 du code du travail, les aides à l'emploi ont pour objet :

- de faciliter la continuité de l'activité des salariés face aux transformations consécutives aux mutations économiques et de favoriser, à cette fin, leur adaptation à de nouveaux emplois en cas de changements professionnels dus à l'évolution technique ou à la modification des conditions de la production ;

- de favoriser la mise en place d'actions de prévention permettant de préparer l'adaptation professionnelle des salariés à l'évolution de l'emploi et des qualifications dans les entreprises et les branches professionnelles ;

- de favoriser la qualification et l'insertion de demandeurs d'emploi ;

- et de contribuer à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Plus généralement, le cinquième livre du code du travail définit les différents dispositifs en faveur de l'emploi, alors que la compétence emploi n'est pas définie dans le code général des collectivités territoriales.

C'est donc en quelque sorte le silence des textes législatifs qui confère à l'Etat sa compétence en matière d'emploi, dont la légitimité est renforcée par son fort soutien financier aux aides à l'emploi et à Pôle emploi. Pour mémoire, les crédits de paiement de la mission « travail et emploi » dépasseront 11 milliards d'euros l'an prochain : 3 milliards financeront les contrats aidés, et 1,5 milliard abonderont le budget de Pôle emploi.

Le code du travail évoque cependant les collectivités territoriales à de nombreuses reprises :

- les maires ont une compétence résiduelle en cas d'absence d'agence de Pôle emploi ;

- les maisons de l'emploi sont cofinancées par les collectivités territoriales;

- les missions locales sont présidées par un élu local.

Suite à l'adoption de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, une instruction du Gouvernement du 15 juillet 2014 relative à l'organisation et au rôle du service public de l'emploi (SPE) dans les territoires, a indiqué que la politique de l'emploi, pilotée par l'Etat, doit être articulée avec les politiques de l'orientation professionnelle, coordonnées par les régions, et les politiques de formation professionnelle qui relèvent de ces collectivités et des partenaires sociaux. La loi a notamment prévu:

- la création obligatoire d'un service public de l'emploi au niveau départemental (SPE-D) ;

- le cas échéant, la création d'un service public de l'emploi de proximité (SPE-P).


* 18 Cf. le rapport n° 359 sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, fait par M. Claude Jeannerot au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, le 12 février 2014, pp. 123-124.

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