B. UN NOUVEAU SCHÉMA DE REPRISE DE DETTE CONDUISANT À LA SATURATION DE LA CADES DÈS 2016

1. Le transfert anticipé de 23,6 milliards d'euros à la CADES (article 17)

L'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale 21 ( * ) , telle que modifiée par les lois de financement de la sécurité sociale pour 2011 22 ( * ) et 2014 23 ( * ) , prévoit la reprise des déficits 2011 à 2017 de la branche vieillesse, du FSV ainsi que des branches maladie et famille, dans la limite d'un plafond global de 62 milliards d'euros et d'un plafond annuel de 10 milliard d'euros.

L' article 17 du présent projet de loi de financement modifie ce schéma de reprise afin de permettre un transfert anticipé de 23,6 milliards d'euros de déficits du régime général et du FSV à la CADES dès 2016 . Par conséquent, l'article précité modifie l'article 4 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 de façon à :

- supprimer le plafond annuel de reprise de dette de 10 milliards d'euros ;

- ramener la période de couverture des déficits de 2017 à 2015.

Plus précisément, les déficits de la branche vieillesse et du FSV, pour un montant de 4,4 milliards d'euros, les déficits 2013 et 2014 des branches maladie et famille, pour un montant cumulé de 18,9 milliards d'euros, et enfin une partie du déficit 2015 de la branche maladie, seront transférés à la CADES en 2016. Avec cette nouvelle reprise, l'enveloppe de 62 milliards d'euros définie en 2011 , et au titre de laquelle des ressources spécifiques ont été affectées à la CADES, sera donc saturée dès 2016 tandis que ces reprises auraient dû s'échelonner entre 2016 et 2018 , au rythme de 10 milliards d'euros en 2016 et 2017 et de 3,6 milliards d'euros en 2018.

Nouveau schéma de reprise anticipé pour 2016

(en milliards d'euros)

2012

2013

2014

2015

2016

Total

Assurance maladie 2012

4

1,9

5,9

Assurance maladie 2013

0,3

6,5

6,8

Assurance maladie 2014

6,5

6,5

Assurance maladie 2015

1

1

Famille 2012

2,5

2,5

Famille 2013

3,2

3,2

Famille 2014

2,7

2,7

Vieillesse N-1

6

4,9

3,3

1,5

0,1

15,8

FSV N -1

3,8

3,8

2,7

3,8

3,6

17,7

Total

9,8

8,7

10

10

23,6

62

Source : commission des finances du Sénat (à partir de l'annexe 8 au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016)

Cette opération de reprise anticipée est motivée à la fois par les conditions de financement à moyen et long terme particulièrement favorables et par la volonté de limiter le niveau des déficits cumulés portés à court terme par la CADES . Selon l'évaluation préalable annexée au présent projet de loi de financement, attendre l'achèvement de la reprise de dette prévue par les lois de financement pour 2011 et 2014 dans le respect des plafonds annuels de 10 milliards d'euros, « présenterait un coût d'opportunité en cas de remontée des taux des titres obligataires à moyen et long terme. En effet, la CADES ne serait pas en capacité de placer les 13,6 milliards d'euros qui restent à reprendre en 2017 et en 2018 aux taux particulièrement favorables actuellement constatés ». En outre, cette reprise anticipée permettra de soulager momentanément l'ACOSS , contrainte de solliciter de façon croissante les marchés financiers pour faire face au besoin de trésorerie exceptionnel lié aux déficits sociaux non repris par la CADES.

La modification du calendrier de reprise par la CADES, proposée par le présent article, serait, selon l'évaluation préalable , sans impact sur les capacités et l'horizon d'apurement de la dette portée par la CADES, soit 2024 selon le scénario médian.

Perspectives d'apurement de la dette sociale

Source : annexe 8 au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2016

Au regard des conditions actuelles de financement à moyen et long terme particulièrement favorables, votre rapporteur pour avis ne s'oppose pas à l'adoption de l'article 17 . En revanche, il convient de rappeler que cette situation résulte en partie de l'incapacité du Gouvernement à tenir les objectifs de réduction des déficits, conduisant à accroître le montant des déficits cumulés à reprendre au cours de la période.

2. Quelle solution pour les déficits non repris et à venir ?

Si la reprise de dette anticipée proposée par le présent projet de loi de financement semble être une mesure de « bon sens », afin de se prémunir d'une remontée des taux d'intérêt, celle-ci ne règle pas la question de la dette « courante » des organismes de sécurité sociale, pour laquelle aucune reprise par la CADES n'est actuellement prévue et qui reste portée, à court terme, par l'ACOSS .

Malgré la reprise par la CADES de 23,6 milliards d'euros de déficits cumulés, la dette courante s'élèverait à 23,9 milliards d'euros fin 2016. À cette dette courante existante, s'ajouteront les déficits du régime général et du FSV prévus en 2017 et 2018, soit 16,6 milliards d'euros .

Aussi, la Cour des comptes a-t-elle recommandé d' « organiser sans attendre davantage la reprise par la CADES des déficits des branches maladie et famille actuellement portés par l'ACOSS et de ceux des années à venir , en prévoyant, conformément, aux dispositions de la loi organique du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, les recettes nécessaires à l'amortissement de la dette sociale à son terme prévu » 24 ( * ) .

Évolution de la dette « courante » des organismes de sécurité sociale (1)

(situation au 31 décembre, en milliards d'euros)

2013

Reprise 2014

2014 (p)

Reprise 2015

2015 (p)

Reprise 2016

2016 (p)

Solde cumulé du régime général (2)

- 26,9

7,3

- 31,3

6,2

- 31,1

19,8

-17,3

Solde cumulé du FSV (2)

- 2,7

2,7

- 3,7

3,8

- 3,7

3,8

-3,6

Solde cumulé du régime des exploitants agricoles (2)

- 2,8

0,0

- 3,1

0,0

- 3,1

0,0

-3,1

Total

- 32,4

10,0

- 38,1

10,0

- 37,8

23,6

-23,9

(1) Non reprise par la CADES.

(2) Net des reprises de dette.

Source : programme de qualité et d'efficience « Financement » annexé au projet de loi de financement pour 2016

Avec la mesure proposée dans le présent projet de loi de financement, le Gouvernement ne répond que partiellement à cette recommandation. Le transfert de la dette courante et des déficits à venir nécessiterait en effet d'affecter de nouvelles ressources à la CADES - estimées à environ 3 milliards d'euros par la Cour des comptes, soit 0,23 point de CRDS - ce que le Gouvernement a écarté à ce stade afin de ne pas augmenter les prélèvements obligatoires pesant sur les ménages.

Pourtant, l'accumulation des déficits à venir auprès de l'ACOSS fait peser un risque élevé sur cet organisme .


* 21 Ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

* 22 Article 9 de la loi n° 2010-1594 du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011. Cet article prévoyait, d'une part, le transfert dans la limite de 68 milliards d'euros des déficits cumulés du régime général et du FSV pour les années 2009 et 2010 et les déficits prévisionnels des branches maladie et famille pour 2011 et, d'autre part, le transfert des déficits 2011 à 2018 de la branche vieillesse du régime général et du FSV au titre des déficits 2011 à 2018, dans la limite globale de 62 milliards d'euros et de 10 milliards d'euros par an.

* 23 Article 30 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014. L'amélioration du solde de la branche vieillesse ayant permis de limiter les montants de déficits à reprendre, cet article a étendu le périmètre du second volet de reprise de dette prévu par la loi de financement pour 2011 aux déficits constatés et futurs des branches maladie et famille, au titre des exercices 2012 à 2013 ainsi que 2014 pour la branche famille, soit 25 milliards d'euros au total.

* 24 Cour des comptes, op. cit ., p. 61 et suivantes.

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