D. LE PROGRAMME 206 : UN DEMI-MILLIARD D'EUROS POUR LA SÉCURITÉ SANITAIRE.

1. Une légère réduction des crédits qui traduit un « optimisme sanitaire ».

Pour la première fois depuis le projet de loi de finances pour 2012, les crédits du programme n° 206 passent dans le projet de loi de finances pour 2016 sous la barre des 500 millions d'euros.


La réduction d'enveloppe de crédits destinés à la sécurité sanitaire est cependant modérée : - 2,6 % en AE et - 3 % en CP (avec respectivement des dotations de 487,9 millions d'euros en AE et 486,6 millions d'euros en CP). C'est un peu moins de 15 millions d'euros qui ont été amputés du budget du programme.


Une partie de la baisse s'explique par des raisons techniques liées aux dépenses de personnel : la rémunération de 71 postes équivalents temps plein travaillé (ETPT) relevant des services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication est basculée du programme 206 vers le programme 333 : « moyens mutualisés des administrations déconcentrées », qui relève d'une autre mission.

En sens inverse, 60 postes sont créés, en plus des 60 postes créés en 2015, pour renforcer les moyens de contrôle sanitaire, en particulier dans les abattoirs de volaille, dans les établissements de remise directe et pour assurer les activités de certification à l'exportation. Vos rapporteurs qui avaient salué cet effort budgétaire en faveur des services vétérinaires l'année dernière, sont satisfaits de constater que l'engagement de renforcement de 120 postes sur deux ans, en particulier pour répondre aux critiques de la Cour des comptes et de l'Union européenne, sera tenu en 2016.

Au final, le nombre d'emplois devrait être quasi-stable , passant de 4 017 postes à 4 003 postes dans les services régionaux de l'alimentation et dans les services départementaux. Les crédits correspondants inscrits à l'action n° 6 passent de 286,4 millions d'euros en 2015 à 285,4 millions d'euros en 2016 et représentent presque 60 % de l'ensemble de l'enveloppe du programme. Vos rapporteurs rappellent à cet égard que seuls les crédits des services déconcentrés figurent au sein du programme 206, les crédits des services centraux relevant du programme n° 215.


• La baisse des crédits de l'action n° 1, destinés à la prévention et à la gestion des risques dans le domaine végétal, qui passent de 22,6 millions d'euros en AE et CP en 2015 à 21,4 millions d'euros en AE et 20,9 millions d'euros en CP pour 2016, ne traduit en rien un désengagement des pouvoirs publics sur la sécurité du végétal :

- l'enveloppe de 3,2 millions d'euros en AE et CP qui était inscrite en 2015 pour financer les indemnisations des producteurs pour les pertes résultants d'évènements sanitaires ou environnementaux, est remplacée par une enveloppe résiduelle de 170 000 euros en AE et CP, destinée à indemniser les pertes liées aux premiers foyers détectés de menaces émergentes, comme la Xylella fastidiosa . Les autres indemnisations seront prises en charge par le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) , alimenté par des crédits européens ;

- en sens inverse, le plan « semences et agriculture durable » est doté pour la première fois de 700 000 euros en AE et 560 000 euros en CP. Les moyens attribués aux fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles (FREDON), sont de nouveau augmentés de 500 000 euros, après une hausse quasi-identique en 2015, et représentent désormais 12,27 millions d'euros en AE, soit plus de la moitié des crédits de l'action n° 1. Dans le même temps, les crédits destinés aux programmes de lutte contre les organismes nuisibles tant en métropole qu'outre-mer, ou encore ceux destinés aux usages orphelins, sont maintenus en 2015 au même niveau qu'en 2016. Au final, le budget disponible dans le secteur de la santé végétale, même s'il reste modeste, sort plutôt renforcé du projet de loi de finances pour 2016.


• C'est sur les crédits de lutte contre les maladies animales de l'action n° 2 que la baisse des crédits est concentrée au sein du programme , l'enveloppe disponible passant de 94,8 millions d'euros en AE et CP à respectivement 87 millions d'euros en AE et 85,6 millions d'euros en CP.

L'essentiel de l'économie budgétaire est réalisée sur le poste d'indemnisation des éleveurs touchés par des mesures d'abattage en cas de danger sanitaire. L'ensemble de ces moyens s'était élevé à 39,2 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, dont une bonne partie sur la tuberculose bovine, qui reste difficile à combattre, même si les abattages partiels semblent commencer à porter leurs fruits. Le budget total consacré à la tuberculose bovine en 2016 devrait tout de même encore s'élever à un peu plus de 25 millions d'euros.

Globalement, les indemnisations d'éleveurs s'avèrent nécessiter moins de crédits comme le montre le tableau ci-après :

Exécuté 2013

Exécuté 2014

Exécuté 2015 (au 1 er août)

AE = CP

AE = CP

AE = CP

Indemnisations des éleveurs

23,3 M€

17,4 M€

16,2 M€

Une autre part des économies budgétaires est réalisée grâce à l'allègement des dépistages de la tremblante des petits ruminants à l'équarrissage.

En revanche, les moyens destinés aux visites sanitaires d'élevage ou encore au suivi sanitaire des ruchers dans le cadre du plan apiculture durable ont été renforcés au sein de l'action n° 2.


L'action n° 3 consacrée à la prévention et gestion des risques sanitaires liés aux denrées alimentaires, l'action n° 5 finançant l'équarrissage et l'action n° 8 consacrée à la qualité de l'alimentation et l'offre alimentaire ont un poids budgétaire modeste, avec respectivement 14,5 millions d'euros en AE et CP pour l'action n° 3, 3,7 millions d'euros en AE et 4,2 millions d'euros en CP pour l'action n° 5 et presque 4 millions d'euros pour l'action n° 8.

L'essentiel de la légère baisse constatée sur l'action n° 3 correspond à de moindres dépenses anticipées d'indemnisation des éleveurs de volailles touchés par la salmonelle, tandis que les autres postes budgétaires, notamment les moyens des inspections dans les abattoirs et dans les autres établissements de la chaîne alimentaire ne sont pas modifiés.

L'enveloppe accordée à l'élimination des cadavres et sous-produits animaux augmente de 800 000 euros en AE pour prendre en compte la passation d'un nouveau marché et faire face aux variations des coûts d'intervention en outre-mer.

Enfin, les crédits de l'action n° 8 sont stables, et permettront notamment de financer le renouvellement de l'appel à projets du programme national de l'alimentation (PNA).


L'action n° 4 , enfin, avec 72 millions d'euros de dotation contre 74 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2015, comprend essentiellement la subvention pour charges de service public attribuée à Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES).

Les missions de l'ANSES ont été étendues à la délivrance des autorisations de mise sur le marché (AMM) des produits phytopharmaceutiques, à la phytopharmacovigilance et à la délivrance des autorisations pour les fertilisants et supports de culture.

Pour autant, sa subvention baisse d'1 million d'euros en 2016 par rapport à 2015, pour s'établir à 62,4 millions d'euros.

Des petites économies, comme par exemple une moindre dépense auprès de l'AFNOR, contribuent à la réduction de la dotation sur cette action.

La baisse des crédits d'indemnisation des éleveurs traduit un réel « optimisme sanitaire » pour l'année 2016 . Il faut souhaiter qu'aucune épidémie ou crise sanitaire ne vienne perturber l'exercice 2016, faute de quoi, le budget de l'État ne disposera pas de marges de manoeuvre pour y faire face.

2. L'ANSES, agence de référence pour les risques de la vie quotidienne.

Seul opérateur rattaché au programme n° 206, l'ANSES s'est imposé comme organisme de référence en matière de santé environnementale.

Ses missions ont été singulièrement renforcées depuis deux ans . Outre son rôle d'évaluation des risques liés aux produits phytopharmaceutiques, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a confié à l'ANSES la mission de délivrance des autorisations de mise sur le marché pour ces produits, auparavant assurée directement par le ministère de l'agriculture. L'ordonnance n° 2015-615 du 4 juin 2015 a étendu la compétence de l'Agence à la gestion des autorisations de mise sur le marché pour les matières fertilisantes, supports de culture et adjuvants.

Par ailleurs, l'ANSES est chargée de mettre en oeuvre la phytopharmacovigilance, c'est-à-dire le recensement des effets indésirables des produits phytopharmaceutiques, constatés en situation réelle.

L'ANSES joue également le rôle d'agence nationale du médicament vétérinaire, en évaluant les risques et procédant aussi aux autorisations de mise sur le marché.

Enfin, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans le domaine de la prévention des risques en cours d'adoption au Parlement prévoit le transfert à l'ANSES des autorisations de mise sur le marché pour les produits biocides au 1 er juillet 2016. De même, l'ANSES devrait assurer le pilotage de la toxicovigilance, c'est-à-dire l'animation du réseau des centres antipoison, à compter de la même date.

L'extension des missions de l'ANSES s'accompagne d'une complexification de celles-ci et de l'ouverture permanente de nouveaux champs d'expertise :

Le développement des techniques alternatives aux pesticides conventionnels amène l'ANSES à intervenir dans le domaine des produits de bio-contrôle (macro-organismes, stimulateurs de défenses naturelles des plantes, médiateurs chimiques à base de phéromones ...), qu'il faut évaluer avant les autorisations de mise sur le marché.

De la même manière, l'ANSES est appelée à développer ses travaux pour perfectionner l'analyse des risques pas suffisamment bien documentés, par exemple dans le domaine des perturbateurs endocriniens ou encore des nanomatériaux.

Le renforcement permanent des exigences sociétales en matière sanitaire et environnementale demandent à l'ANSES de perfectionner ses travaux, en prenant en compte de nouvelles menaces.

Dans le même temps, les moyens de l'ANSES sont globalement stables , voire en baisse. Pour 2016, le budget de l'Agence devrait atteindre 134,6 millions d'euros.

L'essentiel des ressources est apportée par des subventions pour charges de service public (SCSP) des cinq ministères de tutelle : le ministère chargé de l'agriculture, le ministère chargé de l'environnement, le ministère chargé de la santé, le ministère chargé de de la consommation et le ministère chargé du travail. Elles représenteront 94,7 millions d'euros en 2016 (94 millions d'euros en 2015), soit près de 70 % des recettes.

Le programme 206 reste cependant le plus gros contributeur en fournissant environ les deux tiers de la subvention. Mais cette contribution s'établit aujourd'hui plus de 4 millions en dessous de celle attribuée en 2012.

L'équilibre du budget de l'ANSES dépend donc de manière croissante des ressources fiscales affectées , qui représentent désormais 25,9 millions d'euros. Pour 2016, la nouvelle taxe sur les produits phytopharmaceutiques, issue du projet de loi de finances rectificative pour 2015, devrait permettre de financer la phytopharmacovigilance, à hauteur de 4 millions d'euros.

L'équilibre du budget de l'ANSES dépend aussi des ressources apportées par des conventions de recherche avec d'autres acteurs que l'Etat : organismes de recherche ou collectivités territoriales. Le projet de loi de finances prévoit une progression forte de ces recettes en 2016, qui devraient passer de 9,1 millions d'euros en 2015 à 13,5 millions d'euros.

Le regroupement de l'ensemble des services de l'ANSES sur le nouveau site de Maisons-Alfort en juillet 2015 permet de rationaliser l'organisation de l'Agence. Mais l'Agence ne se réduit pas à son siège. Elle gère 11 laboratoires de référence chargés de mettre au point les méthodes des laboratoires d'analyse.

Avec 1 350 agents, un réseau de 800 experts, 250 publications scientifiques par an, l'ANSES a une place centrale et essentielle dans l'expertise scientifique et entretient un dialogue permanent avec les organismes similaires des autres États membres de l'Union européenne.

Vos rapporteurs attirent l'attention sur la nécessité de ne pas créer d'effet de ciseaux, avec des missions en progression et des dotations en baisse.

Vos rapporteurs notent avec satisfaction que la levée des obstacles mis au recrutement d'agents hors plafond d'emploi financés sur ressources propres de l'ANSES a permis d'accélérer le stock des évaluations en matière de produits phytopharmaceutiques, mais le retard n'est pas encore totalement résorbé. La rapidité des réponses de l'ANSES sera plus difficile en situation de budgets trop serrés.

3. Un enjeu pour 2016 : faire face au retour de la fièvre catarrhale ovine (FCO).

Le retour de la fièvre catarrhale ovine (FCO) dans les élevages français en septembre 2015 constitue un défi majeur, à la fois sanitaire et économique .

Maladie virale vectorielle, transmises par les moucherons, la FCO est susceptible de toucher en réalité tous les ruminants : ovins, caprins ou bovins. Elle n'est pas transmissible à l'homme et ne présente pas de danger pour la santé humaine.

Il en va différemment pour la santé animale : la FCO entraîne des baisses de productivité, perturbe la reproduction des ruminants en augmentant considérablement le nombre des avortements et réduit la productivité, notamment en production laitière.

Considérée initialement comme touchant uniquement les régions chaudes, la FCO s'est- étendue au Nord de l'Europe lors de la précédente crise de 2006-2009. Avec le réchauffement climatique, il faut probablement s'attendre à ce qu'elle s'installe durablement.

La lutte contre la FCO passe dans un premier temps par la limitation des mouvements d'animaux pour ralentir la propagation de la maladie, et ensuite par la vaccination du cheptel touché, pour endiguer l'épidémie . C'est la stratégie qui avait été mise en place lors de la précédente crise, qui avait fortement perturbé le commerce des animaux vivants.

Entre 2008 et 2011, la vaccination des troupeaux était obligatoire et financée par l'État, ce qui a permis d'éradiquer la FCO, le nombre de foyers passant de 15 800 en 2007 et 32 300 en 2008 à 83 en 2009 et un seul en 2010. La France avait retrouvé son statut de pays indemne fin 2012, avec une simple obligation de surveillance par une enquête annuelle.

Un autre foyer de FCO existe en Corse depuis le début des années 2000, mais le virus ne correspond pas aux mêmes souches que celles présentes sur le continent . Une campagne de vaccination obligatoire, financée par l'Etat, y est menée depuis 2013, pour un coût d'1 million d'euros par an.

C'est le coeur du croissant allaitant français, autour du massif central, qui est aujourd'hui touché par la résurgence sur le continent de la FCO . Le premier cas de FCO de sérotype 8 a été détecté dans l'Allier et des cas supplémentaires ont rapidement été détectés dans les régions voisines. Des interdictions de circulation des animaux vivants ont été prises immédiatement dans ces départements. Seuls les animaux vaccinés ont été autorisés à quitter les zones infectées. Mi-octobre, la zone règlementée a été étendue, tandis que la surveillance concerne l'ensemble du territoire national.

L'interdiction de faire circuler des animaux non vaccinés a de lourdes conséquences économiques pour les élevages , en particulier ceux qui habituellement vendent leurs broutards à l'export pour l'engraissement en Italie ou en Espagne, ou encore pour les éleveurs qui vendent leurs animaux en vue de la reproduction.

Une campagne de vaccination, systématique est désormais lancée, mais elle se heurte au manque de disponibilité des vaccins. Le ministre Stéphane Le Foll a annoncé devant notre commission lors de son audition du 4 novembre dernier, que la France s'était portée acquéreur de tous les vaccins existants sur le marché mondial, soit 2,8 millions de doses. Les 3 millions de doses disponibles pour chaque sérotype devraient permettre de vacciner en priorité les 900 000 bovins destinés à l'exportation.

Par ailleurs, la production de 4 millions de doses qui devraient être disponibles en février prochain a été annoncée par le ministre.

Au-delà de ces annonces, la direction générale de l'alimentation (DGAl) du ministère de l'agriculture pilote la mise en place d'une banque d'antigènes spécifique à la FCO, d'un coût de 5 millions d'euros devant permettre la vaccination d'urgence de l'ensemble du cheptel. Une ouverture de crédits supplémentaires sur le programme 206 est ainsi prévue par le projet de loi de finances rectificative pour 2015, actuellement discuté à l'Assemblée nationale.

La période hivernale met en sommeil la propagation de la FCO, mais de nouveaux foyers risquent fortement d'apparaître au printemps prochain.

Vos rapporteurs pour avis insistent sur la nécessité d'anticiper cette crise en se dotant des quantités adéquates de vaccins . Ils insistent également sur la nécessité d'anticiper les besoins en crédits budgétaires liés à la lutte contre la FCO. Au plus fort de la crise en 2008 et 2009, la prise en charge de la FCO par les pouvoirs publics coûtait 50 millions d'euros par an. Une telle enveloppe n'est pas inscrite dans le budget 2016, et aucune marge de manoeuvre d'une telle ampleur ne peut être dégagée sur le programme 206.

Par ailleurs, le Fonds national agricole de mutualisation sanitaire et environnementale (FMSE) doit être mis à contribution pour indemniser les éleveurs pour l'immobilisation de leurs animaux dans les zones touchées, mais il n'est pas certain qu'il dispose de ressources suffisantes pour faire face aux besoins, estimés pour la seule année 2015 à 20 à 25 millions d'euros par les professionnels.

Au final, vos rapporteurs demandent que la période hivernale soit mise à profit pour définir un « plan FCO » comprenant d'une part les mesures sanitaires et de prophylaxie propres à endiguer la propagation de la maladie et d'autre part les mesures d'accompagnement permettant de neutraliser les effets économiques de l'épidémie sur les éleveurs touchés.

LES TERRITOIRES TOUCHÉS PAR LA FCO

Source : MAAF

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