C. VERS LA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION D'UNE GESTION IMMOBILIÈRE POTENTIELLEMENT PAUPÉRISANTE ?

Au 31 décembre 2014, le patrimoine du ministère représentait 4,9 milliards d'euros , soit 4,24 milliards d'euros pour l'étranger et 0,66 milliard d'euros pour la France. Au total, on comptait 2,14 millions de mètres carrés de surface utile brute , dont 2 millions à l'étranger, pour environ 1 700 bâtiments répartis dans 170 pays, dont la France.

1. La rationalisation des sites parisiens doit être poursuivie
a) Le contexte

Depuis 2006, le MAEDI s'est engagé dans une démarche de rationalisation de son patrimoine immobilier en France. Les principes, qui l'ont guidé, était le regroupement des services et l'optimisation des surfaces . La multiplicité des sites en région parisienne nécessitait la mise en oeuvre d'une stratégie immobilière claire au travers d'un schéma pluriannuel de stratégie immobilière France ayant pour objectif la réduction du nombre d'implantations afin d'aboutir à une gestion optimale des biens.

En 2007, on dénombrait 10 sites franciliens dont l'un était occupé par l'organisation internationale de la francophonie. Ceci constituait un inconvénient sur le plan fonctionnel et un facteur générateur de coût supplémentaire.

b) Les modalités de modernisation des sites parisiens

Progressivement, le ministère a réduit le nombre de ses implantations, conformément à son schéma pluriannuel, ayant pour objectif final de réduire à trois sites les implantations en Île-de-France.

Au 1 er janvier 2015, on comptait encore cinq sites franciliens. Il s'agissait du Quai d'Orsay, du site de Convention, du site de la Courneuve, du site des Invalides et du site de Châtillon, pris à bail, qui doit à terme accueillir la valise diplomatique.

En 2016, la stratégie de regroupement sera poursuivie. Le projet de transfert de la valise diplomatique à la Courneuve est en cours de réalisation. Le déménagement est prévu en 2017, ce qui permettra de libérer le site de Châtillon, pris à bail pour un montant de 350 000 euros par an.

Par ailleurs, le projet de rénovation et de modernisation du site du Quai d'Orsay était l'occasion d'une réflexion globale sur les sites franciliens. Après des études menées avec un assistant à maîtrise d'ouvrage, il a été décidé d'envisager une rénovation et une modernisation de l'ensemble du site du Quai d'Orsay, seules à même de permettre au ministère de respecter son schéma pluriannuel de stratégie immobilière France. Ce projet se décompose ainsi : réhabilitation de l'aile des gardes, rénovation du centre enterré, restructuration de l'aile des archives située rue de l'Université et construction d'un bâtiment neuf en fond de jardin. Ce projet intègre également l'accessibilité pour les personnes à mobilité réduite. Le coût total de cette opération est estimé à 70 millions d'euros . L'année 2016 devrait voir la fin des phases études préparatoires. Les travaux devraient débuter en 2017 par l'aile des gardes.

2. La politique immobilière du MAEDI à l'étranger
a) Le contexte

La politique immobilière du ministère à l'étranger vise à gérer de manière dynamique un patrimoine diversifié soumis à de nombreux aléas politiques, juridiques, réglementaires et financiers dans un contexte de fortes contraintes budgétaires et d'exigences sécuritaires et environnementales. Tout en réaffirmant l'ambition d'une présence aussi universelle que possible , l'adaptation du réseau à l'étranger est constante et nécessite un redéploiement des effectifs dans les zones géographiques prioritaires, en particulier les pays émergents.

Tout en visant à assurer aux agents de l'État un cadre de travail de qualité et fonctionnel, la politique immobilière est fondée sur les trois principes suivants :

- la rationalisation des implantations grâce au regroupement, mutualisation des espaces, relocalisation dans des sites mieux sécurisés et adaptés aux missions ;

- la performance immobilière en respectant les ratios d'occupation conforme à la politique immobilière de l'État ;

- et la valorisation du patrimoine . Les cessions et acquisitions de biens immobiliers devant permettre de dégager un bénéfice.

L'évolution du réseau à l'étranger s'accompagne d'une nécessaire adaptation des implantations immobilières dont certaines sont aujourd'hui sur ou mal dimensionnées. Dans le cadre notamment de la mise en place des postes de présence diplomatique, des regroupements sur un site unique ou bien des colocalisations avec des partenaires européens doivent permettre une meilleure adaptation du dispositif immobilier.

Vos rapporteurs pour avis ont été frappés par le fait que la politique immobilière du ministère à l'étranger s'inscrit dans un cadre interministériel contraignant. La programmation annuelle et les opérations les plus importantes font l'objet d'un examen par la commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur les opérations immobilières de l'État à l'étranger (CIME). Les projets sont examinés dans le cadre des exercices de programmation annuelle, présentés en CIME, tout comme chaque projet significatif, c'est-à-dire de plus de 5 millions d'euros. Cette politique immobilière se traduit dans des schémas pluriannuels de stratégie immobilière à l'étranger, qui ne sont toutefois pas exhaustifs et ne couvrent pas l'ensemble du patrimoine.

b) Les cessions et les projets

De 2006 à 2014, 194 ventes ont été signées pour un montant total de 503,12 millions d'euros ce qui représente environ 12 % de la valeur actuelle du parc immobilier du ministère. Les huit plus grosses ventes ont totalisé 55,5 % de la totalité des cessions réalisées en neuf ans, soit 279,18 millions d'euros . Il s'agit des ventes suivantes :

- la villa Trotty à Monte-Carlo pour 49,5 millions d'euros en 2006-2007 ;

- le lycée franco-japonais de Tokyo pour 37,62 millions d'euros en 2010 ;

- le site Kuningan à Jakarta pour 11,27 millions d'euros en 2010 ;

- la villa Sofar à Beyrouth, soit une recette de 17,48 millions d'euros réalisée en 2011 ;

- le site de Sathorn à Bangkok dont la vente en 2011 a rapporté 31 millions d'euros ;

- la villa du consul général à Hong Kong pour 52 millions d'euros en 2011 ;

- la résidence du 740 Park avenue à New York pour 51,8 millions d'euros en 2014 ;

- l'immeuble de logements de la cinquième avenue à New York pour 28,5 millions d'euros en 2014.

Le rythme se ralentit puisque, entre 2012 et 2014, 35 % des biens vendus avaient une valeur inférieure à 1 million d'euros, 30 % des biens vendus avaient une valeur comprise entre 500 000 euros et 1 million d'euros et 35 % des biens vendus avaient une valeur inférieure à 500 000 euros.

Certes, d'importants produits de cession ont encore été réalisés cette année : la vente d'une partie du vaste campus diplomatique en Malaisie, à Kuala Lumpur, à hauteur de 171 millions d'euros, amenant le produit de cessions, pour 2015, à 252 millions d'euros . Notons au passage que le risque de change n'a, encore une fois, pas été couvert et a réduit de 20 millions d'euros la recette attendue . En 2016, sont encore prévues les ventes du palais Clam-Gallas à Vienne (22 millions d'euros) et de la résidence consulaire à Munich (10 millions d'euros). Des projets de vente à Londres sont également à l'étude : les bâtiments de la chancellerie et du consulat général à Londres pourraient être cédés en 2017 pour un montant aujourd'hui évalué à 120 millions d'euros. Votre commission regrette de ne pas disposer d'une programmation pluriannuelle des opérations de cession envisagées par le ministère.

Les prochains mois de l'année 2016 seront également marqués par le lancement de l'opération de construction de trois nouvelles ambassades :

- à Libreville pour 12 millions d'euros,

- à Doha pour 4 millions d'euros,

-  et à Séoul pour 14 millions d'euros.

La relocalisation, après cession de l'ambassade et de la résidence à Kuala Lumpur, aura un coût de 3,62 millions d'euros, celle du consulat général à Amsterdam de 2 millions d'euros et celle de l'institut français de Vienne de 5,2 millions d'euros.

3. Des modalités de gestion non optimales

Le modèle de gestion immobilière que met en oeuvre le ministère des affaires étrangères suscite l'inquiétude. Le problème de cette gestion - notre commission des affaires étrangères, des forces armées et de la défense le dit depuis longtemps, comme notre commission des finances ou la Cour des comptes -, c'est qu'elle fait dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles. Ce modèle, en termes économiques, n'est pas vertueux : il revient à faire financer des dépenses de fonctionnement par des recettes patrimoniales, ce qui tend à appauvrir le patrimoine de l'État. De plus, ce système semble être en voie d'essoufflement comme le montre la structure des ventes entre 2012 et 2014.

a) Le nécessaire développement des colocalisations

Les ventes ne semblent avoir de sens que si elles permettent de rationaliser les implantations de la France et d'assurer le rayonnement international de notre pays. Dans le cas contraire, c'est une perte sèche de patrimoine et de prestige.

Ces cessions doivent être l'occasion de développer des colocalisations bilatérales avec nos partenaires européens au-delà des sept ambassades colocalisées existant déjà :

- la France héberge la représentation allemande à Brazzaville au Congo au sein de son ambassade depuis novembre 2012 ;

- le bureau de coopération français de Pyongyang, en Corée du Nord, est installé depuis septembre 2013 avec la représentation suédoise au sein de la chancellerie allemande ;

- les chancelleries à Asmara en Érythrée et à Bandar Seri Begawan à Brunei sont accueillies au sein des ambassades d'Allemagne respectivement depuis décembre 2014 et mars 2015 ;

- le Royaume-Uni dispose depuis 2007 d'un bureau de passage au sein de notre ambassade à Niamey au Niger ;

- à Tegucigalpa au Honduras, en prévision de la transformation en poste à présence diplomatique, l'ambassade a été relocalisée dans les locaux de la délégation de l'Union européenne en avril 2015 ;

- la France dispose à l'intérieur du campus européen d'une maison de 102 m² à Djouba au Soudan du Sud sur la base d'un accord signé en avril 2009 avec la Commission européenne ;

- enfin, la maison de France à Rio de Janeiro accueille le consulat général allemand depuis décembre 2013.

Trois nouveaux projets verront le jour en 2016 :

- à Dacca au Bangladesh, la construction d'une ambassade franco-allemande est en cours, la livraison du bâtiment est envisagée pour l'été 2016 ;

- à Koweït City, le projet d'installation d'une ambassade franco-allemande dans une tour de bureaux est en cours de réalisation et devrait être livré à la mi-2016 ;

- de même, les colocalisations avec les services extérieurs de l'Union européenne doivent être privilégiées comme ce sera le cas au Nigéria à Abuja. Le projet vise à regrouper, sur une parcelle de 7 500 m² appartenant à l'Union européenne, les différents services de l'État ainsi que des logements. La livraison du campus est attendue pour la fin de l'été 2016.

Par ailleurs, huit postes susceptibles d'être concernés par une colocalisation font actuellement l'objet d'études qui seront poursuivies en 2016. Les pays concernés sont le Paraguay, les îles Fidji, le Soudan, le Nicaragua, le Salvador, le Rwanda, la Chine, et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

b) Le désendettement de l'Etat ne doit pas être un objectif de gestion du patrimoine du MAEDI

Le MAEDI devrait verser, au titre du désendettement de l'État, 25 millions d'euros par an en 2015, 2016 et 2017. En 2016, pour tenir compte des recettes exceptionnelles de Kuala Lumpur, sa contribution sera portée à 100 millions d'euros. A l'heure actuelle, le ministère contribue donc au-delà de ses obligations au désendettement de l'État alors que ses perspectives de cession s'essoufflent et que ses besoins d'investissement et de dépenses d'entretien sont mal connus .

Les 5 millions d'euros supplémentaires prévus au titre des dépenses d'entretien en 2016, soit un total de 7,2 millions d'euros sont très loin d'être suffisants : le projet de modernisation et de rénovation du Quai d'Orsay devrait coûter à lui seul 27 millions d'euros en 2016 et le besoin d'entretien des biens situés à l'étranger se situe dans une fourchette allant de 15 à 30 millions d'euros par an . Cette imprécision est à elle seule le signe qu'une amélioration est possible. La « re-budgétisation » partielle de l'entretien « lourd », sur le programme 105, prévue pour le triennum 2015-2017, fixe une cible de 12 millions d'euros en 2017, qui ne semble donc pas suffisante . Il est regrettable que le maintien en l'état du patrimoine du MAEDI dépende d'objectifs de vente pour 2017 qui sont par nature soumis à la fois au risque de change et aux incertitudes liées au marché de l'immobilier.

Enfin, la participation du ministère au désendettement de l'État est louable mais elle doit être assortie de deux conditions :

- l'inscription des crédits nécessaires en loi de finances initiale, comme le recommande la Cour des Comptes ;

- l'établissement de schémas pluriannuels de stratégie immobilière systématique pour l'ensemble du patrimoine immobilier du ministère ou d'un état sanitaire des bâtiments permettant de connaître le besoin d'investissement. Il est indispensable de connaître le besoin d'investissement global du MAEDI sans se limiter aux plus gros postes diplomatiques comme cela a été le cas jusqu'ici.

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