DEUXIÈME PARTIE : LES POINTS DE VIGILANCE

I. FOCUS SUR LE MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE DES MATÉRIELS

A. LA PRIORITÉ DONNÉE AU MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE

L'enjeu de l'ensemble des chantiers de réforme du MCO est d'assurer la remontée, à partir de 2016, de l'activité opérationnelle indispensable aux engagements en opérations et à la préparation opérationnelle.

1. Le développement de la logique interarmées

L'année 2014 a vu la mise en place d'une gouvernance rénovée du maintien en condition opérationnelle. Le chef d'état-major des armées, pour favoriser un meilleur pilotage de la performance, a rendu chaque chef d'état-major d'armée responsable d'un milieu (milieux terrestre, maritime et aérien) et du contrôle de la performance du MCO de son milieu. Cette évolution a d'abord concerné le MCO aéronautique, puis a été étendue à tous les milieux.

La clarification des activités et des structures intervenant dans chaque milieu vise à améliorer le pilotage des activités, tout en affermissant la coopération avec les opérateurs privés. Ainsi la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) assure l'organisation du maintien en condition opérationnelle de tous les matériels aéronautiques qu'ils soient utilisés par l'armée de terre, l'armée de l'air ou la marine. De la même façon, le service de soutien de la flotte (SSF) et la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) interviennent au titre d'un milieu, sur des parcs, et non plus d'une armée.

En 2016, les actions en cours ou en préparation pour maîtriser les coûts de MCO prennent deux directions complémentaires :

- d'une part, la mise en oeuvre d'une logique de milieu pour la gouvernance et le pilotage de la performance, grâce à des chantiers structurants visant l'optimisation du MCO,

- d'autre part, la consolidation de processus contractuels et du développement de l'ingénierie du MCO, notamment au sein des maîtrises d'ouvrage déléguées.

La déclinaison de ces orientations dans le milieu aéronautique fait l'objet du développement infra.

a) Les équipements navals

Le chef d'état-major de la marine est désormais responsable du MCO du milieu naval et contrôle sa performance. Il bénéficie d'une maîtrise d'ouvrage déléguée, le Service de soutien de la flotte (SSF).

Le SSF est engagé dans une démarche permanente d'optimisation des coûts du MCO naval et d'amélioration de la disponibilité des bâtiments sous contrainte de ressources. Après une phase initiale, jusqu'en 2005, de construction de « marchés globaux pluriannuels à engagement de disponibilité », par famille de bâtiments, et d'ouverture à la concurrence la plus large possible, le SSF a développé à partir de 2008 des plans d'actions pour améliorer la disponibilité des armes et équipements. Puis, en 2012, il a lancé un « plan d'actions » avec les principaux acteurs industriels concernés (maîtres-d'oeuvre et principaux équipementiers) afin d'améliorer la productivité et de redéfinir, au plus juste des besoins, le partage des risques entre les acteurs étatiques et industriels.

Ces actions s'appliquent aussi bien aux marchés en vigueur qu'à ceux en cours de renouvellement et portent en particulier sur :

- une rationalisation des processus industriels et de management associés, afin d'améliorer la performance d'ensemble. Il s'agit de développer une meilleure organisation spatiale et temporelle des acteurs étatiques et industriels concernés, autour des zones dédiées au MCO naval au sein des bases navales de Brest et de Toulon,

- une planification pluriannuelle continue des arrêts techniques par grande famille de bâtiments (frégates, SNA, ...) et par façade, compatible avec les besoins de disponibilité opérationnelle des bâtiments,

- une rationalisation de l'exécution des opérations de maintenance qui peuvent être effectuées hors arrêt technique sans remettre en cause la disponibilité opérationnelle des bâtiments (bâtiments de projection et de commandement, frégates),

- et enfin, l'optimisation des processus logistiques et la rationalisation des stocks de rechanges. Le SSF recherche ainsi à définir le meilleur équilibre possible entre l'acquisition des rechanges par l'État et la fourniture par les industriels titulaires des contrats du MCO naval.

Ces dispositions sont complétées par un axe d'optimisation interne. Le SSF met ainsi en oeuvre, en lien avec le service logistique de la marine, trois schémas directeurs relatifs respectivement à la logistique, à l'entreposage et aux compétences des ateliers. Il a également entamé une réorganisation interne destinée à renforcer tant l'efficacité de l'exécution contractuelle des contrats en cours que l'analyse des coûts pour les contrats en préparation (mise en place d'un système de recueil des coûts, recours accru aux enquêtes de coût et avis sur les prix du bureau d'enquête de coût de la DGA). Enfin, la fonction « finance - service exécutant » a été rationnalisée grâce à la création d'un pôle unique à Brest.

b) Les équipements terrestres

Le chef d'état-major de l'armée de terre est désormais responsable du MCO du milieu terrestre et contrôle sa performance. Il bénéficie d'une maîtrise d'ouvrage déléguée, la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT).

Dans le cadre du projet de l'armée de terre « Au contact », des évolutions notables du MCO terrestre sont mises en oeuvre. La maintenance opérationnelle (MO) est dissociée de la maintenance industrielle (MI) pour une meilleure lisibilité et efficacité. La MO regroupe principalement les activités de maintenance réalisées par les maintenanciers militaires en opérations, pour rendre leur disponibilité aux matériels. Elle est mise en oeuvre également en métropole au quotidien pour soutenir la préparation opérationnelle et la capacité d'engagement des forces terrestres. La MI, pour sa part, regroupe principalement les activités de maintenance réalisées par les maintenanciers civils en métropole, afin de régénérer le potentiel des matériels du parc de gestion retirés des forces. La baisse effective des capacités de production étatiques impose un transfert d'activités vers le privé.

Parallèlement, la SIMMT met en oeuvre une politique d'emploi et de gestion des parcs (dite PEGP), dans le cadre d'une politique de préparation opérationnelle différenciée qui doit permettre d'adapter les cycles d'activités aux ressources dédiées au MCO.

Elle recherche également des améliorations de performance dans :

- la régénération plus rapide et économe du potentiel des matériels en retour d'opérations,

- le recours aux marchés globaux à obligation de résultats, qui renforcent la responsabilité des opérateurs privés dans l'atteinte des objectifs de disponibilité tout en leur offrant une visibilité à plus long terme, permettant une diminution des coûts,

- et la recherche permanente d'un meilleur optimum économique entre potentiel alloué et parc en ligne, qui doit permettre de diminuer les coûts de soutien et les délais d'immobilisation des équipements.

2. La rationalisation du MCO par la mise en oeuvre du « Supply chain »

Le projet dit « Supply chain » ou « gestion à la chaîne » a été mis en place en milieu d'année 2013, sous la responsabilité de l'état-major des armées (EMA), avec pour finalité de garantir la satisfaction des chaînes de soutien en fournissant les approvisionnements ou services nécessaires aux forces et aux maîtres-d'oeuvre étatiques au plus juste niveau et dans les délais convenus. Ce projet vise ainsi l'accroissement du niveau de performance des acteurs du maintien en condition opérationnelle.

Cette gestion à la chaîne vise la rationalisation de l'organisation de la logistique physique afin :

- de réduire les coûts de MCO, d'entreposage, d'infrastructures, et les coûts de transport des pièces de rechanges et des équipements en maintenance,

- d'optimiser l'emploi des ressources de MCO en expertisant les plans d'approvisionnement en rechange et en outillage, en systématisant la contractualisation des achats, en définissant les conditions d'une juste utilisation des stocks disponibles, et d'une gestion affinée de la logistique,

- enfin, d'identifier, autant que faire se peut, des pistes de déflation d'effectifs.

Ceci se décline tant en matière de stocks, qu'en matière de flux du MCO :

- en matière de stock, les résultats recherchés sont les suivants :

o définir des méthodes de prévisions plus robustes pour l'évaluation des niveaux des stocks à compléter,

o identifier les excédents dans les stocks existants pour libérer l'espace et rationaliser les entrepôts,

o valoriser les stocks cessibles, notamment dans le milieu aéronautique.

- en matière de flux, trois pistes d'amélioration sont mises en avant afin de :

o fluidifier la distribution des pièces de rechange par le biais d'un réseau de transport réorganisé et plus rapide,

o suivre la ressource en tous points, par la mise en oeuvre d'un nouveau système d'information logistique pour le suivi de la ressource interarmées (SILRIA 12 ( * ) ). Ainsi, un système d'information logistique unique par milieu a été adopté et déployé par chaque service de soutien, à l'exception du milieu aérien pour lequel le travail se poursuit.

o réduire les délais de remise en état des matériels indisponibles et accroître la disponibilité des rechanges donc des matériels majeurs.

Enfin, une meilleure synergie entre la direction générale de l'armement et les maîtrises déléguées de chaque milieu est recherchée. Un gain de l'ordre de 10 % sur les coûts de l'entretien programmé des matériels aéronautiques est espéré, à titre d'exemple, à activité comparable, à l'issue de la période de programmation, soit 2019. À cet effet, trois axes d'efforts font l'objet d'une attention particulière :

- l'axe « physico-financier », visant à mieux caractériser le lien physico-financier du MCO. Il s'agit d'analyser systématiquement les conséquences physiques ou financières des dispositions prévues par un programme budgétaire sur l'autre (en l'occurrence le P146 sur le P178) pour permettre la cohérence globale dans les prises de décision,

- l'axe « contrats », tendant à analyser systématiquement la mutualisation au sein d'un contrat unique de l'acquisition d'un système d'armes ou de sa rénovation avec une période de soutien en service. Cette hypothèse contractuelle n'exclut pas l'analyse comparative d'autres hypothèses, mais permet comme l'a souvent souhaité votre commission, de laisser chaque acteur assumer sa pleine responsabilité à chaque stade d'utilisation d'un équipement,

- enfin, l'axe « ressources humaines ». Il est prévu d'étendre les filières des métiers relevant des compétences de la DGA (acheteurs, managers, spécificateurs, etc.) à l'ensemble des acteurs concernés au sein du ministère dans le but de gérer de façon optimale ces ressources rares.


* 12 Système d'information logistique pour le suivi de la ressource interarmées

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