II. DEUX ENJEUX À SUIVRE

A. LA CROISSANCE DES COMMANDES D'ARMEMENT POURRAIT-ELLE AVOIR DES RÉPERCUSSIONS FAVORABLES SUR L'EPM ?

1. Le succès des exportations d'armement

Le montant des commandes annuelles d'armement français est passé de 5,1 milliards d'euros en 2010, à 6,9 milliards d'euros en 2013, 8,2 milliards d'euros en 2014 et 15 milliards d'euros en 2015.

L'exportation de nos armements était une hypothèse de construction de la LPM. Celle-ci prévoyait l'acquisition de 26 rafales sur la période de programmation, ce qui n'était pas suffisant pour permettre à l'industriel de maintenir la chaîne de production en activité. Il lui était nécessaire de produite 40 Rafale supplémentaires, ce qui représentait un coût que la LPM ne couvrait pas. Les exportations de 24 Rafale en Égypte et 24 Rafale au Qatar ont permis de garantir le modèle de production. L'Inde est, par ailleurs, toujours en pourparlers pour acheter 36 appareils. Les Émirats arabes unis pourraient suivre.

À cela s'ajoute des ventes aux Émirats arabes unis dans le secteur satellitaire. Des contrats ont été signés avec l'Arabie Saoudite, que ce soit dans le domaine terrestre, naval ou aéronautique, à hauteur de 3 milliards de dollars. Outre les Rafale, l'Égypte s'est dotée de quatre corvettes, d'une frégate multi missions et des armements associés. Elle a également acheté, pour 950 millions d'euros, les deux bâtiments de projection et de commandement initialement produit pour la Russie.

Début octobre, le gouvernement australien a annoncé l'acquisition de 1.100 4x4 tactiques blindés à Thalès pour plus de 800 millions d'euros. De son côté, Renault Trucks va livrer des véhicules blindés légers au Koweït après avoir décroché en juillet un contrat historique de 1.500 camions pour l'armée canadienne.

2. Le dispositif de soutien à l'exportation

Comme l'indique le ministère de la défense dans le rapport au Parlement 2015 sur les exportations d'armement de la France : « les armées accompagnent par ailleurs tous les grands contrats : en amont en participant à tous les salons d'armement, en France comme à l'étranger, ou en organisant des démonstrations opérationnelles du matériel proposé à l'exportation ; au moment où ils sont conclus, en prêtant aux États clients des capacités initiales avant les premières livraisons ; et durant la vie des contrats, en en assurant souvent intégralement le volet formation, dans le cadre de la coopération militaire entre la France et les états partenaires (en particulier certaines activités ou déploiement uniquement lié aux exportations). Cet accompagnement par les armées représente un véritable investissement financier et humain : en particulier les prêts et mises à disposition constituent, dans les faits, d'importantes d'immobilisation d'actifs ».

Le décret n° 83-927 du 21 octobre 1983 fixant les conditions de remboursement de certaines dépenses supportées par les armées organise le soutien à l'exportation-SOUTEX et prévoit que les industriels remboursent la participation des militaires. Les actions de SOUTEX peuvent prendre deux formes, non exclusive l'une de l'autre : la mise à disposition de personnels des armées et la réalisation d'une prestation effectuée par les armées.

Les dépenses courantes, c'est-à-dire les soldes, les primes d'alimentation et les frais d'amortissement du matériel ne font pas partie des dépenses remboursables. Les dépenses dites supplémentaires, résultant directement de la nature de l'activité ou de la prestation fournie, sont-elles remboursées.

Les dépenses supplémentaires remboursables sont : les majorations de soldes, de traitement ou d'indemnités prévues par la réglementation, les majorations des primes d'alimentation, les frais de déplacement et de transport, les dépenses spéciales d'instruction, les dépenses de carburant, ingrédients et lubrifiants, et une quote-part des dépenses d'entretien et de réparation des matériels mis en oeuvre. À cela s'ajoutent les dépenses du service des transmissions et les dépenses de réparation des dommages causés aux tiers ainsi qu'aux personnes et biens meublent et immeubles des armées.

En 2013 l'armée de terre a facturé 1,3 million d'euros aux industriels dans le cadre du SOUTEX, l'armée de l'air 6,3 millions d'euros. La mise en oeuvre du nouveau système d'information relatif au SOUTEX devrait permettre à l'avenir de collecter des données complètes pour les années 2014 et 2015. Elles ne seront pourtant pas exhaustives, n'incluant pas certains coûts de maintien en condition opérationnelle.

3. Les coûts de maintien en condition opérationnelle non pris en compte par le dispositif de SOUTEX

Outre le soutien ci-dessus décrit, les armées contribuent au soutien des commandes d'armement en prêtant aux États clients les capacités initiales avant les premières livraisons.

Ainsi la frégate livrée à l'Égypte était initialement destinée à la marine nationale, comme l'avait été la frégate livrée au Maroc en 2014. Le programme de livraison de la frégate à la marine a été décalé d'un an, ce qui oblige à prolonger de cette même durée la durée de vie de trois frégates d'ancienne génération F70 et de leurs équipages.

De même, pour honorer la commande passée par l'Égypte, six Rafale ont été prélevés sur la chaîne de production en 2015. Le programme de livraison de l'armée de l'air subira, en 2016, une nouvelle ponction de cinq Rafale au titre du contrat avec l'Égypte. En ajoutant le contrat avec le Qatar, c'est une trentaine d'avions qui seront exportés au lieu d'être livré à l'armée de l'air. L'absence de livraisons oblige là encore à maintenir en activité des matériels vieillissants tels que des Mirage 2000 version D pour l'attaque au sol et des Mirage 2000-5 pour la chasse.

Les dépenses remboursables du SOUTEX ne comprennent pas les frais supplémentaires de maintien en condition opérationnelle des matériels vieillissants, utilisés plus longtemps pour permettre à l'industriel de prendre aux armées les frégates ou les rafales qu'il n'a pas encore produits et qu'il exporte ainsi. Cette conception du coût du soutien à l'exportation ne paraît pas complète si l'on n'ajoute pas le « coût de possession des matériels » remplaçant les livraisons des matériels attendus et finalement exportés.

Si l'on ne peut que se féliciter des bons résultats des exportations d'armement de la France, il convient de ne pas négliger leur impact sur la progression des coûts du maintien en condition opérationnelle. Les exportations permettent de réduire les frais fixes de la chaîne de production que supportent les armées. Des efforts devraient sans doute être faits pour réduire les frais de maintien en condition opérationnelle afin que les armées obtiennent ainsi une sorte de « retour » compensant les coûts induits des exportations d'armement.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page