III. POURSUIVRE LA MODERNISATION DES OPÉRATEURS ET DE L'ACTION SOCIALE EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT

A. TOURNER LA PAGE DES DIFFICULTÉS PASSÉES DE L'OFFICE NATIONAL DES ANCIENS COMBATTANTS ET VICTIMES DE GUERRE

Créé en 1916 en tant qu'Office national des mutilés et réformés, puis transformé en Office national des anciens combattants et victimes de guerre (Onac-VG) par un décret du 17 juin 1946 et réformé, dans son fonctionnement et son organisation territoriale, par une ordonnance 45 ( * ) et un décret 46 ( * ) du 7 janvier 1959, l'Onac a connu, au cours des cinq dernières années, des bouleversements plus importants qu'il n'en avait subis au cours du dernier demi-siècle. Chargé de « veiller en toute circonstance sur les intérêts matériels et moraux de ses ressortissants », selon l'article D. 432 du CPMIVG, il a été le principal bénéficiaire des réformes de l'administration au service des anciens combattants conduites dans le cadre de la RGPP puis de la MAP puisqu'il s'est vu confier plusieurs nouvelles missions auparavant remplies par la DSPRS et les Diac et a accueilli de nouveaux ressortissants (cf. supra ).

Dans un cadre budgétaire contraint, l'Onac a subi de profondes mutations et a réalisé d'importants efforts de productivité . Alors que des services relevant de la DSPRS, comme ceux chargés de l'entretien des sépultures et des hauts lieux de mémoire ou ceux situés en Algérie, au Maroc et en Tunisie lui étaient transférés (en 2010 et 2011 respectivement), 149 postes ont été supprimés dans les services départementaux entre 2006 et 2014, soit 25,6 % des effectifs. Ces restructurations ont toutefois mis en lumière les limites de l'organisation adoptée par l'Onac depuis sa création et son incapacité à assurer le pilotage et la bonne réalisation d'un chantier pourtant essentiel à la bonne marche de son activité, celui de la modernisation de l'outil de délivrance des cartes et titres.

Confronté, à la fin des années 2000, à une forte augmentation du nombre de demandes de carte du combattant , liée à l'assouplissement des critères d'attribution et à la réouverture du service d'Alger, fermé pour des raisons de sécurité depuis 1994, le secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense a confié au directeur général de l'Onac la mission de superviser le développement d'un outil informatique permettant d'accélérer le traitement des demandes et de résorber les retards accumulés. Ce projet, dénommé Kapta et basé sur un logiciel de gestion du courrier de la société Effea, s'est transformé , par une succession de décisions malencontreuses , à tous les échelons de l'Onac, en un fiasco coûteux pour l'argent public et pénalisant pour les ressortissants de l'Office .

Comme le souligne la Cour des Comptes dans un rapport de juillet 2015 intitulé « La gestion de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre » 47 ( * ) , les irrégularités ont débuté dès l'origine, en 2006, lorsque la société Effea a été choisie pour réaliser des prestations informatiques auprès de la direction de l'Onac, s'apparentant à une « externalisation de fait de la fonction informatique à une société choisie jamais mise en concurrence ». Entre 2008 et 2012, ce sont ensuite vingt marchés à procédure adaptée qui ont été passés, pour un total de 2, 57 millions d'euros . Selon la Cour, ils ont été artificiellement découpés , en contradiction avec les règles du code des marchés publics , sans cahier des charges ni appel d'offres. Si les trois premiers marchés visaient le développement de Kapta, les dix-sept suivants ont uniquement porté sur de la mise à disposition de personnel , en infraction notamment avec l'interdiction du prêt de main d'oeuvre à but lucratif figurant à l'article L. 8241-1 du code du travail. La stratégie de la société Effea consistait à organiser la dépendance de l'Onac envers ses services et prestations.

Sans formalisation initiale des objectifs par l'Onac, capacité technique d'évaluer l'outil développé faute d'informaticien compétent en son sein à l'époque, ou pilotage du marché dans le temps, le cas Kapta traduit, d'après la Cour, « un manque de rigueur et un défaut de professionnalisme dans le fonctionnement de l'Onac à tous les niveaux hiérarchiques ». Ce n'est qu'en 2013, soit cinq ans après le début du développement de cet outil de gestion des cartes et titres, qu'une nouvelle équipe de direction à l'Onac a décidé de rompre les relations contractuelles avec Effea et de reprendre la main sur ce logiciel. Alors que cette société a tenu l'Onac en otage durant tout le premier semestre 2013 en bloquant Kapta et donc toute émission de nouvelle carte, le service informatique de l'Onac a été en mesure de le modifier et de le rendre opérationnel.

Un audit récent, réalisé par la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (Disic), a considéré que Kapta était désormais stable et fonctionnel . Après l'échec de plusieurs tentatives de transaction, un contentieux se poursuit toujours avec Effea, désormais placée en dépôt de bilan , afin de permettre à l'Onac de récupérer la documentation écrite nécessaire au fonctionnement et à la maintenance de Kapta. En son absence, des difficultés sont susceptibles de se produire à moyen terme, lorsque l'actuelle équipe informatique de l'Onac, qui a réussi à maîtriser le fonctionnement de Kapta, aura été remplacée. La Cour des comptes conclut en estimant que, de février 2008 à juin 2013, « l'Onac a versé 2,57 millions d'euros à la société Effea pour la réalisation d'un logiciel qui n'a jamais fonctionné correctement pendant cette période, sur la base de relations bilatérales consenties en dehors des règles les plus élémentaires de la commande publique ».

Votre rapporteur pour avis est conscient que ces agissements relèvent du passé . L'actuelle direction générale de l'Onac, en place depuis maintenant deux ans, a, dès son arrivée, cherché à mettre un terme à une situation qui, en raison de ses implications en matière de service rendu aux anciens combattants, mettait en péril la pérennité même de l'Office . Elle est désormais pleinement engagée, tout comme l'ensemble du personnel, dans sa modernisation afin que l'Onac reste, au XXI ème siècle, l'opérateur d'un monde combattant renouvelé, qui ne soit pas prisonnier de son héritage ou de lourdeurs administratives mais soit prêt à s'adapter aux besoins de la population qu'il sert.


* 45 Ordonnance n° 59-69 du 7 janvier 1959 portant réorganisation de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre.

* 46 Décret n° 59-166 du 7 janvier 1959 déterminant la composition, l'organisation et le fonctionnement de l'Office national des anciens combattants.

* 47 Relevé d'observations définitives S2015-0981, juillet 2015.

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