B. LA POLITIQUE D'ACCUEIL, D'HÉBERGEMENT ET D'INSERTION SOUFFRE DE LA SOUS-BUDGÉTISATION SYSTÉMATIQUE DU PROGRAMME 177

1. Une programmation initiale insuffisante
a) La programmation est systématiquement inférieure à l'exécution des exercices précédents

Le programme 177 fait l'objet d'une sous-budgétisation initiale récurrente. Si les crédits alloués en loi de finances initiale progressent régulièrement d'une année sur l'autre, ils sont systématiquement insuffisants pour faire face aux besoins, et de nouveaux crédits doivent être ouverts ou transférés en cours d'année, sans que l'ensemble des besoins puissent être satisfaits.

Or, il n'est pas tenu compte de cet abondement en cours d'exercice dans la programmation budgétaire pour l'année suivante, si bien que les crédits demandés pour une année N sont systématiquement inférieurs à l'exécution de l'année N-2.

b) Les crédits pour 2015 ont d'ores et déjà été majorés

Votre rapporteur note que la programmation pour 2015 s'est une fois encore avérée largement insuffisante. Un premier décret d'avance du 23 octobre 2015 a majoré les crédits du programme à hauteur de 130 millions d'euros. Le projet de loi de finances rectificative déposé le 13 novembre 2015 prévoit l'ouverture de crédits supplémentaires à hauteur de 54 millions d'euros. Enfin, le 18 novembre 2015, le Gouvernement a communiqué à la commission des finances du Sénat un projet de décret d'avance majorant à nouveau les crédits du programme 177 à hauteur de 40,1 millions d'euros. Ramené à la programmation initiale pour 2015 (1 365 millions d'euros), les crédits supplémentaires constituent un écart de 225 millions d'euros, soit plus de 16,4 % des crédits initiaux.

c) La programmation pour 2016 est à nouveau insuffisante

Le montant des crédits demandés dans le projet de loi initial (1,44 milliard d'euros) était inférieur au montant consommé en 2014 (1,47 milliard d'euros). Si l'Assemblée nationale a, à l'initiative du Gouvernement, adopté un amendement majorant les crédits consacrés au programme 177 de 65,85 millions d'euros (portant le montant demandé à 1,51 milliard d'euros), ces crédits supplémentaires visent à répondre au besoin nouveau que représente l'accueil en deux ans de 24 000 demandeurs d'asile dans le cadre du plan décidé lors du Conseil européen d'octobre 2015. Ils ne permettront donc pas de résorber le manque de moyens qui caractérise le programme 177.

Les crédits demandés demeurent, en tout état de cause, inférieurs à l'exécution 2015.

Evolution des crédits de paiement du programme 177

(en millions d'euros)

1 La prévision pour 2015 tient compte des deux décrets d'avance et de la loi de finance rectificative

Votre rapporteur estime donc que les crédits demandés pour 2016 seront à nouveau insuffisants pour satisfaire les besoins. Le budget du programme 177 est donc caractérisé par une insincérité manifeste.

2. Une fongibilité en cours d'exercice en direction de la réponse à l'urgence

Le sous-calibrage initial des crédits destinés à répondre aux situations d'urgence est en partie compensé par des mesures de fongibilité au sein du programme 177 et notamment de son action 12. Ainsi, l'augmentation en cours d'année des crédits destinés à la veille sociale et à l'hébergement d'urgence s'est accompagnée d'une réduction des crédits destinés aux CHRS et surtout au logement adapté.

Cette fongibilité, contrainte par la nécessité de répondre aux besoins immédiats, va à l'encontre des discours qui insistent sur la priorité qui doit être donnée à l'insertion dans le logement et conduit à relativiser l'augmentation des crédits de la sous-action « logement adapté » en 2016 (+ 1,5 % par rapport au PLF 2015 ; + 12 % par rapport à l'exécution 2014).

Comparaison entre la programmation et l'exécution 2014, par action

(en millions d'euros)

Crédits ouverts LFI 2014

Crédits consommés 2014

Ecart

Pourcentage d'exécution

Veille sociale

88,7

109,1

20,4

123 %

Hébergement d'urgence

321,9

475,2

153,3

147,62 %

CHRS

623

622,7

- 0,3

99,95 %

Logement adapté

208,9

179,2

- 29,7

85,78 %

3. Un mode de gestion qui ne peut être satisfaisant

S'il fait peu de doutes que des crédits supplémentaires seront ouverts en fin d'exercice 2016, comme c'est le cas chaque année, votre rapporteur estime que cette gestion n'est pas satisfaisante.

Outre la méconnaissance manifeste du principe de sincérité budgétaire, cette gestion pose des problèmes aux services déconcentrés de l'Etat comme aux opérateurs qui doivent faire face à une incertitude perpétuelle et ne disposent pas de la visibilité de long terme nécessaire à une gestion sereine. De plus, les associations interrogées par votre rapporteur font état de fréquents retards dans le versement par les services de l'Etat des financements et dotations.

La gestion à flux tendus des crédits du programme 177 s'explique en partie par le caractère imprévisible des besoins et il serait probablement impossible de programmer, ex ante , un niveau de crédits suffisants. Il semblerait néanmoins souhaitable que la sincérité de la programmation budgétaire soit renforcée, en prenant a minima en compte le niveau effectivement consommé l'année précédente. En effet, il n'est pas réaliste d'espérer une réduction des besoins en matière d'hébergement.

L'insuffisance manifeste des crédits prévus et, par conséquent, l'insincérité du budget de ce programme ne permet pas, pour votre rapporteur, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Page mise à jour le

Partager cette page