III. LE PROGRAMME « CONDITIONS DE VIE OUTRE-MER » : LA PERMANENCE DES INSUFFISANCES EN MATIÈRE DE LOGEMENT, UN EFFONDREMENT DU RECOURS À LA CONTINUITÉ TERRITORIALE

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » voit ses autorisations d'engagement comme ses crédits de paiement augmentés de respectivement 2,51 % et 2,7 % par rapport à la LFI pour 2015, pour dépasser la barre des 700 millions d'euros.

Ce programme regroupe différentes actions très disparates et au périmètre très différent : celles retraçant les mesures relatives au sanitaire et au social ainsi qu'à l'insertion économique et à la coopération régionale ne représentent respectivement que 1 et 0,03 % du total de la mission, tandis que les crédits dédiés au logement en recouvrent 11 %.

Contrairement à celles du programme 138, la quasi-totalité des actions qui ressortent du présent programme connaîtront une augmentation de leurs crédits - à l'exception notable de l'action « Logement », qui verra une stabilité en AE et une baisse de 3,7 % en CP.

Tableau n° 11 : Évolution des crédits du programme 123
« Conditions de vie outre-mer »

(arrondi en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Action

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

LFI 2015

PLF 2016

Évolution

01 Logement

248

248

- 0,02%

244

235

- 3,7 %

02 Aménagement du territoire

143

144

+ 0,92 %

171

177

+ 3,51 %

03 Continuité territoriale

41

42

+ 3,18 %

41

43

+ 5,09 %

04 Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

9

18

+ 98 %

9

18

+ 98 %

06 Collectivités territoriales

192

199

+ 3,8 %

183

189

+ 3,53 %

07 Intégration économique et coopération régionales

1

1

0 %

1

1

0 %

08 Fonds exceptionnel d'investissement

39

40

+ 1,76 %

26

28

+ 8,18 %

09 Appui à l'accès aux financements bancaires

28

27

- 6,07 %

10

12

+ 21,2 %

Total du programme

701

719

+ 2,51 %

684

702

+ 2,7 %

Source : Commission des affaires sociales du Sénat

1. Les crédits de l'action « Logement » : des moyens qui ne semblent pas à la hauteur des ambitions affichées par le Gouvernement

Depuis plusieurs années, les crédits dédiés au logement connaissent une progression heurtée dans leur structure comme dans leur montant. L'année 2013 avait vu la ligne budgétaire unique (LBU) replacée au fondement de la politique du logement en outre-mer, ainsi qu'un renforcement significatif des crédits associés (+ 6 % en CP). La LFI pour 2014 avait poursuivi cette inflexion avec une hausse de 8 % des crédits concernés, avant le coup d'arrêt brutal marqué par la LFI pour 2015, qui prévoyait une stagnation des CP et une baisse de plus de 9 % des AE - soit de l'investissement.

Pour l'année 2016, il est proposé de stabiliser les AE du logement à hauteur de 248 millions d'euros, tandis que les CP seront réduits de près de 4 % à hauteur de 235 millions. Votre rapporteur souligne que, malgré la satisfaction affichée par le Gouvernement quant à la « [préservation intégrale] des autorisations d'engagement allouées au logement », celles-ci demeurent inférieures de près de 10 % au niveau de 2011 . Il paraît difficile dans ces conditions de parler d'une « priorité donnée au logement ».

Figure n° 12 : Évolution des crédits de la LBU depuis 2010

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Autorisations d'engagement

274,5

274,5

273,05

272

272

248

248

Crédits de paiement

216,5

195,3

214,15

226

245

244

235

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

Ces crédits sont alloués à des dispositifs divers.

Comme l'an passé, les crédits alloués au logement locatif social dans les Dom et à Mayotte s'élèveront à 141 millions d'euros en AE et 126 millions d'euros en CP. La priorité continuera d'être donnée à la construction de logements locatifs sociaux neufs (ce qui recouvre le logement locatif social et très social, ainsi que certains logements spécifiques : Ehpad, logement étudiant, hébergement d'urgence). L'objectif affiché est celui de 6 953 logements locatifs, dont 151 logements spécifiques.

Les aides aux ménages connaîtront une légère diminution. Ces aides recouvrent plusieurs dispositifs : les aides à l'accession à la propriété (20 millions en CP), les aides à l'amélioration de l'habitat privé (30 millions en CP), les aides aux ménages de Guadeloupe et de Martinique pour l'acquisition de terrains dans la zone des cinquante pas géométriques (500 000 euros).

Les crédits visant à l'amélioration de l'habitat existant se déclinent également en diverses mesures (outre les aides à l'amélioration de l'habitat privé pour les propriétaires occupants déjà mentionnée) :

- la réhabilitation du parc locatif social (dispositif dit « SALLS »), qui recouvre, comme en 2015, 13,5 millions en AE et 6 millions en CP ;

- les transferts au fonds régional d'aménagement foncier urbain (FRAFU), géré par les collectivités, à destination du logement social et de la viabilisation des quartiers d'habitat spontané, pour 25 en AE et 23,7 millions en CP ;

- les crédits dédiés à la résorption de l'habitat insalubre (RHI) dans les Dom et à Saint-Pierre-et-Miquelon, à hauteur de 31 millions en AE et 28 millions en CP. Ces crédits, en diminution légère par rapport aux montants prévus pour 2015, sont notablement en dessous des 34 millions qui étaient prévus pour les années 2011 et 2012.

Votre rapporteur souligne que si les crédits dédiés au logement se maintiennent depuis l'année dernière à un « point bas » par rapport à l'évolution au cours des dernières années, le contexte dégradé de l'habitat ultramarin n'a quant à lui malheureusement pas évolué.

Cette dégradation peut-être approchée à travers plusieurs indicateurs, et notamment le déséquilibre structurel existant entre l'offre et la demande de logements sociaux 17 ( * ) , ainsi que la permanence du logement insalubre à des niveaux acceptables sur la plupart des territoires ultramarins.

Cette situation s'inscrit dans un contexte de tension structurelle qui ne laisse pas envisager d'amélioration rapide, et qui se caractérise notamment par des besoins très importants liés au rattrapage des retards actuels et aux effets d'une importante croissance démographique dans certains territoires, la faiblesse des revenus moyens, le caractère limité des disponibilités foncières et l'importance du parc de logements insalubres ou sous-équipés. Compte tenu de ces éléments, les besoins ne devraient pas diminuer dans les prochaines années .

Comme l'an passé, votre rapporteur ne peut donc que constater que le montant des crédits prévu apparaît très insuffisant au regard de l'immensité des besoins constatés dans l'ensemble des outre-mer .

Dans ce contexte, les moyens d'action prévus par le Gouvernement apparaissent en effet pour le moins insuffisants.

Si le fameux « plan Logement », annoncé de longue date par le ministère des outre-mer, a bien été signé le 26 mars 2015, les opérations prévues dans le cadre de ses déclinaisons régionales ne devraient pas bénéficier d'autres crédits que ceux prévus par la LBU.

Votre rapporteur s'inquiète par ailleurs du choix de faire porter une large part de l'effort financier sur la construction de logements neufs, au détriment des actions d'amélioration de l'habitat existant. Les coûts de la construction neuve sont en effet très importants, notamment du fait des coûts liés au respect de normes toujours plus contraignantes, tandis que la prégnance de l'habitat insalubre et la nécessité d'adapter le parc existant au vieillissement de la population plaideraient, dans plusieurs territoires ultramarins, pour un utile redéploiement des crédits.

Il souligne ensuite que, si l'article 43 du présent projet de loi procède à une prorogation bienvenue de divers dispositifs de défiscalisation bénéficiant notamment au secteur du logement social, la question de leur devenir après le 31 décembre 2017 reste entière. Il réaffirme la nécessité de garantir la plus grande visibilité en la matière aux investisseurs comme aux opérateurs du logement.

2. L'aménagement du territoire : des crédits de paiement en légère hausse pour la poursuite de la politique contractuelle

L'action 02 « Aménagement du territoire » vise à apporter un soutien financier aux projets structurants portés par les collectivités territoriales d'outre-mer, principalement par le biais de contrats de projet et de contrats de développement.

Les montants dédiés s'établiront à 144 millions d'euros en AE, soit un montant quasiment stable par rapport à 2015, et à 177 millions en CP, soit une augmentation de 3,5 % (après 6 % l'an passé).

La politique contractuelle menée par l'Etat dans ce cadre se décline en plusieurs outils :

- des contrats de plan Etat-régions pour les cinq Dom, dont la nouvelle génération 2015-2020 est entrée en application l'année dernière. 42,5 millions d'euros en AE et 57,5 millions d'euros en CP sont prévus à ce titre. Selon les réponses au questionnaire budgétaire, l'accroissement sensible des CP (50 millions étaient prévus l'an passé) doit permettre de solder les opérations prévues par l'ancienne génération des CPER ;

- des contrats de projets et de développement dans les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, pour un montant de 95 millions en AE et de 103 millions en CP.

D'autres crédits non contractualisés (3,7 millions en AE et 5,7 en CP) sont par ailleurs retracés par cette action, notamment au titre du plan séisme Antilles et du plan d'accompagnement du parc amazonien.

3. La continuité territoriale : chute spectaculaire de l'ACT et mise en place d'une aide à la continuité funéraire

Après la diminution brutale de l'an passé (de l'ordre de 20 % en AE comme en CP), les crédits de l'action n° 03 « Aide à la continuité territoriale » font l'objet d'une légère augmentation : + 3 % en AE et + 5 % en CP, pour atteindre respectivement 42,5 et 43,4 millions d'euros.

Cette hausse, qui ne vise qu'à couvrir les frais liés à la mise en place de la nouvelle aide à la continuité funéraire, ne doit pas faire oublier la perte définitive du quart des crédits de l'action par rapport à l'année 2013 .

a) Une nouvelle baisse des crédits de l'ACT pour une légère augmentation des crédits dédiés à la formation professionnelle

Cette action retrace principalement les crédits du fonds de continuité territoriale (FCT), qui sera doté de 33,6 millions d'euros en AE comme en CP (contre un niveau de 45,3 millions d'euros en 2014).

Créé par l'article 50 de la Lodeom, le FCT recouvre plusieurs dispositifs qui constituent la traduction des principes d'égalité des droits, de solidarité nationale et d'unité de la République entre l'hexagone et les outre-mer :

- l'aide à la continuité territoriale (ACT) , qui permet de financer une partie des titres de transports des résidents d'outre-mer entre leur territoire d'origine et l'hexagone ;

- le passeport mobilité-études (PME) , qui permet aux étudiants du secondaire et de l'enseignement supérieur de certains territoires ultramarins de suivre une formation hors de leur collectivité d'origine ;

- le passeport mobilité formation professionnelle (PMFP) dans son volet transports, le volet formation relevant du programme 138.

Ainsi que l'indique le tableau ci-après, certains de ces dispositifs sont soumis à des conditions de ressources. En particulier, l'ACT se décline en une aide simple et une aide majorée selon les ressources du foyer.

La gestion de ces différentes aides est assurée par Ladom pour les Dom, Saint Barthélemy et Saint-Martin. Elle relève en revanche de la compétence de l'Etat, au travers de ses services déconcentrés, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie ainsi que Wallis-et-Futuna.

Ces différentes aides subissent des évolutions contrastées. Après la diminution brutale de près de 60 % de ses crédits l'année dernière, l'ACT connaît une nouvelle minoration avec 9,8 millions d'euros en AE comme en CP (contre 11,3 millions d'euros en 2015). Le PME en revanche, qui avait déjà bénéficié d'une augmentation de 2 millions d'euros pour 2015, connaît une nouvelle hausse du même montant et atteint 16 millions d'euros. Le volet transports du PMFP, enfin, est stable.

Votre rapporteur rappelle que ces évolutions surviennent au terme d'une courte année de mise en application de la réforme indiquée dans le précédent PAP de la mission, mise en oeuvre par le décret n° 2015-166 du 13 février 2015, et qui consistait à modifier les critères d'éligibilité de l'aide dite « tout public » , c'est-à-dire de l'ACT. Ainsi, le montant des aides à taux simple a été réduit de 50 %, tandis que le droit annuel est devenu triennal - le délai entre le bénéfice de deux aides étant évalué de manière calendaire, ce qui fait qu'il peut s'écouler au maximum 3 ans et 364 jours entre deux recours à l'ACT.

Il rappelle également que cette réforme avait été mise en oeuvre sans véritable concertation et selon des modalités extrêmement floue. Au moment du vote des crédits associés en 2014, les parlementaires comme l'opérateur chargé de sa mise en oeuvre ne disposaient que d'éléments extrêmement vagues sur les contours des modifications envisagées. Le Sénat avait d'ailleurs exprimé ses fortes inquiétudes sur la question, en commission puis en séance, par l'adoption d'un amendement d'appel visant à rétablir les crédits associés.

La principale nouveauté du budget proposé pour l'année 2016 réside dans la mise en place d'une aide à la continuité funéraire , qui sera dotée de 0,8 à 1 million d'euros selon les besoins qui seront constatés.

Selon les indications transmises à votre rapporteur, cette aide, qui sera mise en oeuvre par voie réglementaire, devrait comporter deux volets :

- une aide au transport à destination des personnes endeuillées, qui sera attribuée sous condition de ressources aux familles touchées par le décès d'un parent direct résidant sur un territoire ultramarin, afin d'assurer la prise en charge d'une partie des frais engagés pour le déplacement sur ce territoire ;

- une aide aux frais de rapatriement du corps , dans le cas où le décès d'une personne résidant régulièrement dans un outre-mer surviendrait sur le territoire hexagonal, dans le cas d'un accident ou dans le cas où la personne concernée serait venue se faire soigner dans l'hexagone, par exemple.

Dans les deux cas, le bénéfice de l'aide sera ouvert aux seuls ayants droit directs, à savoir les parents et les enfants ; son montant serait calculé comme celui de l'ACT, avec deux niveaux d'aide en fonction des ressources du foyer ; les personnes concernées devront avoir leur lieu de résidence habituelle en outre-mer.

Financement

Bénéficiaires

Conditions

Montant de l'aide

Destinations possibles

Passeport mobilité formation professionnelle (PMFP) , hors aide au transport, réparti en deux aides :

- l'allocation complémentaire de mobilité (ACM)

- l'action mobilité formation emploi (MFE)

Programme 138 « Emploi outre-mer », action n° 02 « Aide à l'insertion et à la qualification professionnelle »

36 M€ AE/ 31 M€CP

Personnes ayant
un projet de formation
ou d'insertion professionnelle
en mobilité

Projet de formation
ou d'insertion professionnelle
en mobilité

Conditions
de ressources : QF plafonné à 26 631 €/an

100 % du coût
du transport aérien

4 aides à la formation : frais pédagogiques, allocation d'installation, allocation mensuelle, accompagnement
vers l'emploi

ACM : indemnité différentielle plafonnée

Non limité

Passeport mobilité formation professionnelle (PMFP), volet transports

Programme 123 « Conditions de vie outre-mer », action n° 03 « Continuité territoriale »

7 M€ AE/CP

Passeport mobilité études (PME)

Programme 123 « Conditions de vie outre-mer », action n° 03 « Continuité territoriale »

16 M€ AE/CP

Etudiants

Lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy

Etudiants de moins
de 26 ans

Formation indisponible sur place - conditions de réussite
à la formation choisie

Conditions de ressources : QF inférieur à 26 631 €/an

100 % du coût
du transport aérien pour les étudiants boursiers
et pour les lycéens

50 % pour les étudiants titulaires d'une bourse d'Etat sur critères sociaux

Hexagone, outre-mer français, UE

Aide à la continuité territoriale (ACT)

Programme 123 « Conditions de vie outre-mer », action n° 03 « Continuité territoriale »

9 M€ AE/CP

Tous publics

Résidents rattachés
à un foyer fiscal du département d'origine pour un vol à destination de l'hexagone ; valable également pour
les déplacements à l'intérieur de la Guyane

Conditions
de ressources : QF plafonné à 11 896 €/an (6 000 € pour l'aide majorée)

Bonification de 15 % pour le Pacifique

Bénéficie triennal
à compter de 2015

Aide sous forme de bon de réduction, variable selon la collectivité
(aide simple : 270 euros pour un QF inférieur à 6 000 euros, 170 au-delà)

Hexagone

Continuité funéraire

Programme 123 « Conditions de vie outre-mer », action n° 03 « Continuité territoriale »

0,8 à 1 M€ AE/CP

non renseigné

non renseigné

non renseigné

De l'Hexagone
vers un outre-mer

b) EXPOSÉ GÉNÉRAL

- 35 -

Un effondrement du recours à l'ACT, une hausse modeste des dispositifs de formation professionnelle

La mise en oeuvre de la réforme de l'ACT entraîne un bouleversement bien plus important qu'initialement prévu par le Gouvernement dans le recours à cette aide. Parallèlement, le recours aux aides à la formation en mobilité semble peu évoluer, ce qui tend à relativiser la nécessité, affichée par le Gouvernement parmi les éléments justifiant cette réforme, de procéder à un rééquilibrage entre les différents dispositifs.

Selon les informations transmises à votre rapporteur par Ladom, on a assisté au cours de l'année 2015, après seulement quelques mois d'application de la réforme de l'ACT, à un effondrement du recours à l'aide tous publics .

L'on enregistre en effet, sur les huit premiers mois de l'année 2015, une chute de 84 % du nombre de bons de continuité territoriale réalisés par rapport à la même période sur l'année 2014, soit 60 500 bons de moins. Cette forte baisse se traduit logiquement dans le budget de l'Etat alloué à cette politique, qui connaît sur la même période une diminution de 16,5 millions d'euros (soit 85 %), pour s'établir à moins de 3 millions d'euros.

Cette baisse globale s'est faite sans pour autant, selon toute vraisemblance, améliorer l'accès des plus démunis à cette aide , ainsi que l'annonçait pourtant le Gouvernement l'an passé - cela s'explique, au moins en partie, par le fait que le montant des aides simples accordées a diminué sans pour autant que celui des aides majorées n'augmente, ce qui n'améliore en rien le problème des restes à charge pour les ménages les plus modestes. Ainsi, dans les Dom les plus défavorisés et les moins consommateurs de l'ACT que sont la Guyane et Mayotte, la consommation des bons atteint d'une part 709 bons seulement (en légère augmentation), tandis qu'elle est d'autre part en diminution de 35 %.

Votre rapporteur relève en outre, en analysant les données définitives relatives au recours à l'ACT pour l'année 2014, que le dispositif semblait bien loin d'être « en explosion » , ainsi que le soulignait le Gouvernement. Si sa progression était certes dynamique dans certains territoires ultramarins - ce dont il faudrait se féliciter au regard de l'effectivité du principe de continuité entre l'hexagone et les outre-mer -, elle semblait amorcer une stabilisation globale autour de 97 000 mesures bénéficiant à l'ensemble des territoires ultramarins.

Figure n° 13 : Évolution du recours à l'ACT depuis 2011

(en nombre de bénéficiaires)

2011

2012

2013

2014

2015
(au 31 août)

Guadeloupe, St Barthélemy, St-Martin

10 629

16 631

19 677

18 530

4 085

Guyane

217

554

940

1 726

709

Martinique

17 985

22 410

25 094

26 879

5 246

La Réunion

38 276

38 607

44 583

42 283

475

Mayotte

1 335

2 407

3 436

3 876

1 643

Sous-total DOM

68 352

80 609

93 730

93 294

12 158

Polynésie française

950

737

722

670

365

Nouvelle-Calédonie

3 093

2 601

2 977

3 277

1 229

Wallis-et-Futuna

308

270

152

409

188

Saint-Pierre-et-Miquelon

47

28

29

42

20

Sous-total COM

4 398

3 636

3 880

4 398

1 802

TOTAL

72 750

84 245

97 610

97 692

13 960

Source : Réponses au questionnaire budgétaire (2011-2014) ; données provisoires transmises par Ladom (2015)

Les dernières données disponibles sur le dispositif PME tendent également à relativiser le dynamisme du dispositif, qui semble se stabiliser autour de 15 000 déplacements annuels et d'un coût de 15 millions d'euros.

Figure n° 14 : Évolution du dispositif PME depuis 2011

2011

2012

2013

2014

Prévisionnel
2015

Nombre de déplacements

12 279

13 286

16 723

15 181

14 950

Budget (en M€)

12,23

16,69

14,39

17,58

14,36

Source : Réponses aux questionnaires budgétaires

Face à ces constatations, votre rapporteur ne peut que réitérer les observations émises l'an passé. Afin de permettre effectivement à la majeure partie de la population ultramarine de se déplacer le plus simplement possible sur l'ensemble du territoire national, et au regard des principes de cohésion nationale et d'égalité entre tous les citoyens, il semble impératif de renforcer, au cours des prochaines années, les crédits de la continuité territoriale.

Il observe que, ici comme dans d'autres domaines, la réforme opérée a in fine abouti à un désengagement encore plus marqué de l'Etat et au transfert d'une part importante du dispositif de l'ACT vers le budget des collectivités territoriales - pour mémoire, les collectivités prenaient déjà en charge 45 % de cette politique en 2013. La plupart des collectivités ultramarines ont en effet dû mettre en place des aides complémentaires à celles apportées par l'Etat. A La Réunion, la majeure partie de ceux qui souhaitent bénéficier d'une aide se sont d'ores et déjà reportés sur le dispositif proposé par la région, légèrement plus avantageux que celui proposé par l'Etat.

4. Une légère augmentation des crédits du fonds exceptionnel d'investissement

Créé par l'article 31 de la Lodeom, le fonds exceptionnel d'investissement (FEI) a pour but d'apporter un concours financier de l'Etat à des investissements publics structurants réalisés dans les territoires d'outre-mer, dans le but de rattraper le retard des outre-mer en la matière et d'améliorer durablement les conditions de vie des populations ultramarines.

Les crédits du fonds sont, par rapport à la loi de finances initiale pour 2015, en légère augmentation de 1,76 % en AE pour atteindre 40 millions d'euros. Ils bénéficient d'une hausse plus marquée en CP, de l'ordre de 8 %, et atteignent 27,9 millions d'euros. Ces crédits seront majoritairement affectés au mandatement des opérations engagées au cours des années précédentes.

Selon les premiers éléments fournis à votre rapporteur pour l'année 2015, 29 projets bénéficient d'une part de financement FEI dans l'ensemble des outre-mer, pour un investissement public de l'ordre de 89 millions d'euros. Ont ainsi par exemple été financés :

- plusieurs opérations visant à améliorer l'alimentation en eau potable et à renforcer l'efficacité du traitement des eaux usées en Guadeloupe, en Guyane et à Mayotte ;

- des travaux de réhabilitation d'établissements scolaires en Guadeloupe, à La Réunion et à Saint-Martin ;

- la mise en place d'un parc d'activités d'animation et de valorisation entrepreneuriale et agricole à La Réunion ;

- des opérations visant à l'amélioration des infrastructures de télécommunications à Wallis et Futuna.

Le projet annuel de performances indique que, depuis 2013, 108 opérations représentant un volume d'investissement d'environ 365 millions d'euros ont ainsi pu être financées. 50 millions devraient être prévus en 2017.

5. L'action sanitaire et sociale : un effort de solidarité avec la Polynésie française

Les crédits de l'action 04 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » sont fixés pour 2015 à 17,75 millions d'euros en AE comme en CP, en augmentation de 98 % par rapport à l'année 2015.

Cette hausse très importante s'explique par l'intégration sur cette ligne budgétaire d'une contribution temporaire de l'Etat au financement du régime de solidarité territorial de Polynésie française (RST), à hauteur de 12 millions d'euros par an . Cette contribution a été décidée par le biais d'une convention signée le 16 avril dernier entre l'Etat et le Pays pour la période 2015-2017.

Selon les informations figurant dans le PAP annexé à la présente mission, il s'agit ainsi d'assurer la pérennité de ce régime mis en place en 1994 et qui constitue « le seul amortisseur social » de la collectivité. Initialement considéré comme un simple régime résiduel permettant de couvrir les personnes qui ne relevaient pas des régimes de droit commun 18 ( * ) , le RST a cependant vu le nombre de ses bénéficiaires croître fortement, jusqu'à remettre en cause sa viabilité financière. Dans ce contexte, l'Etat a conduit une mission d'appui sur le système de santé et de solidarité polynésien, dont les conclusions, rendues en juin 2014, ont permis de dégager une série de recommandations fiscales, budgétaires et organisationnelles visant au redressement des comptes sociaux de la Polynésie française.

Par ailleurs, l'action n° 04 finance principalement des actions de santé publique dans les domaines de la petite enfance, des personnes âgées isolées et des mineurs isolés, notamment à Mayotte (1,95 millions d'euros en CP, contre 2,85 millions pour 2015). Elle recouvre également des actions culturelles et un soutien financier au secteur associatif dans les secteurs sanitaire et social des outre-mer (1,3 million d'euros en AE comme en CP, soit un montant stable).

Elle finance en outre, à hauteur de 800 000 euros, l'allocation spéciale vieillesse et l'allocation supplémentaire à Saint-Pierre-et-Miquelon, qui correspondent à l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa) dans l'hexagone, ainsi que l'allocation aux personnes âgées et handicapées à Wallis-et-Futuna (1,7 million d'euros pour 1 700 personnes).

6. Les autres actions du programme

Les crédits de l'action 06 « Collectivités territoriales » s'élèvent à 199 millions d'euros en AE et 189 millions d'euros en CP, respectivement en augmentation de 3,8 % et de 3,5 %.

Cette action recouvre principalement les crédits destinés au financement de l'aide à la reconversion de l'économie polynésienne (141 millions en AE et 134 millions d'euros en CP). Elle finance également une dotation spéciale d'équipement scolaire en Guyane (à hauteur de 8 millions d'euros), le fonds intercommunal de peréquation en Polynésie française (9 millions d'euros en AE comme en CP), des subventions d'équilibre à Wallis-et-Futuna ainsi qu'aux Terres australes et antarctiques françaises (5,7 millions d'euros).

Il est à noter que pour l'année 2016, les crédits de la dotation globale de construction et d'équipement des collèges de Nouvelle-Calédonie (DGCEC) sont intégrés à cette ligne budgétaire. D'un montant de 12 millions d'euros en AE comme en CP, cette dotation relevait auparavant du programme 122 « Concours spécifiques et administration ».

Avec 10 millions d'euros en AE comme en CP, les crédits dédiés au fonds de secours demeurent au niveau de la forte augmentation destinée en 2015 du fait d'une mobilisation importante au cours des années précédente. Ce fonds vise à indemniser les dégâts causés par les nombreux aléas naturels (cycloniques, sismiques, volcaniques...) auxquels sont soumis les territoires ultramarins.

Après une augmentation de près de 10 % en 2013, les crédits de l'action 07 « Insertion économique et coopération régionales » demeurent à leur niveau de 2015, qui avait vu leur réduction de moitié à un million d'euros en AE comme en CP. Ces crédits visent à la fois à favoriser l'intégration et l'insertion économique des territoires ultramarins dans leur environnement régional et à affirmer la présence française dans ces zones.


* 17 A Mayotte, on compte ainsi 6 760 demandes de logements sociaux non satisfaites pour un parc de 14 500 logements, et alors que 80 % de la population mahoraise satisfait aux conditions de ressources du logement locatif social.

* 18 Depuis la mise en place de la protection sociale généralisée (PSG) en 1994, les habitants de la Polynésie française sont en règle générale couverts par le régime des salariés ou des non salariés, le régime de solidarité étant destinés à ceux qui ne relèvent d'aucun de ces deux régimes.

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