B. UN RÉSEAU DE VENTE PRÉSERVÉ

1. Un optimisme encore fragile

Le réseau de détaillants de vente de livres présente, sur le territoire national, de multiples visages et une santé financière très variable.

Les 3 000 librairies indépendantes, si elles réalisent encore 45 % des ventes au détail et représentent 18,5 % du marché du livre, ne sont pas toutes logées à la même enseigne . Les plus importantes, comme le Furet du Nord dans le Nord-Pas-de-Calais, tirent parfaitement leur épingle du jeu. C'est également le cas de grandes librairies de centre-ville : Ombres Blanches à Toulouse, Le Failler à Rennes, Gibert à Paris ou encore Mollat à Bordeaux, qui misent sur un nombre élevé de références en littérature, visent les familles et développent des politiques actives d'animation.

Les petites et moyennes librairies de quartier , dont les charges sont élevées, sont quant à elles bien souvent menacées . Elles doivent faire face aux charges de personnel et de loyer, à l'augmentation des frais de transport, ainsi qu'à des difficultés de trésorerie structurelles liées à l'étendue et à la nature de leurs stocks de livres, souvent à rotation lente.

L' absence de capacités d'investissement compromet l'avenir de nombreux commerces en ce qu'elle constitue un frein puissant à la modernisation : face au tassement du marché du livre, à la diminution du nombre de grands lecteurs, à la concurrence de la grande distribution et d'Internet et à l'envolée des charges, l'économie de la librairie demeure fragile. Avec une rentabilité nette moyenne divisée par trois en moins de dix ans, pour s'établir à 0,6 % du chiffre d'affaires, la librairie constitue le secteur le moins rentable du commerce de détail.

En conséquence, les fermetures de commerces se sont multipliées et plusieurs villes moyennes, certaines régions rurales, mais également des zones de périphérie urbaine défavorisées sont quasiment privées d'un accès proche à une librairie, ce qui pose question au regard des objectifs de maillage du territoire et d'égal accès de tous à la lecture poursuivis par les pouvoirs publics et rappelés ostensiblement chaque années en introduction de la présentation du programme 334 du projet de loi de finances.

Paris, ville des Lumières, n'est pas épargnée . Selon les données publiées en mars dernier par l'Atelier parisien d'urbanisme (APUR), Paris comptait 756 librairies en 2014 (librairies généralistes et spécialisées, librairies-papeteries et presse, vendeurs de livres d'occasion), avec une nette prédominance des 5 e et 6 e arrondissements qui comptaient respectivement 129 et 110 magasins. Or, ce décompte enregistre un recul de 28 % par rapport à 2000 , recul majeur dans le 16 e arrondissement (- 50 %), le 8 e arrondissement (- 46 %) et les 1 er et 6 e arrondissements (- 42 %). Dans ce dernier quartier, en février 2015, a ainsi fermé la mythique librairie La Hune ; en cause, comme souvent, la hausse inconsidérée du loyer . Ce constat doit toutefois être nuancé par l'observation d' un déplacement d'une partie de l'offre vers les quartiers périphériques et moins coûteux, comme le 13 e et le 20 e arrondissements.

Pourtant, après plusieurs années de marasme, les libraires ont vu certaines de leurs initiatives couronnées de succès, notamment s'agissant de leur présence sur Internet. Si Amazon reste l'acteur dominant dans ce secteur, la place des indépendants - plus de 500 librairies proposent un service de vente et de réservation en ligne - progresse. Après l'échec de l'aventure du site 1001libraires.com, en raison de difficultés de gouvernance, d'un nombre trop peu important de titres proposés, de l'absence d'un service de livraison à domicile et d'un sous-investissement chronique, les libraires ont appris de leurs erreurs. Désormais, des portails réunissant jusqu'à plusieurs centaine de libraires , à l'instar de leslibraires.fr, tiennent la dragée haute aux plateformes internationales.

Les libraires ont obtenu, par l'intermédiaire du Syndicat de la librairie française (SLF), une amélioration sensible des conditions commerciales accordées par les éditeurs , qui devrait leur permettre d'accroître leurs marges. Des efforts considérables ont été réalisés par les professionnels pour mutualiser et accélérer les flux de transport , afin d'améliorer la compétitivité des plateformes indépendantes face à Amazon. Enfin, la profession a lancé la première campagne nationale commune aux libraires indépendants « Entrez ici, vous êtes ailleurs » , visant à mettre en valeur le rôle de conseil et d'animation culturelle des librairies.

Peut également être saluée la reprise, avec le soutien du CNL, de trente-sept des soixante librairies du réseau Chapitre , qui a permis de maintenir une offre dans plusieurs villes moyennes.

Ces efforts n'ont pas été vains comme s'en félicitaient les représentants du SLF lors de leur audition par votre rapporteur pour avis : en 2014, la part de marché des librairies indépendantes a, pour la première fois depuis longtemps, progressé de 0,5 points.

La Fnac elle-même, champion français de la vente de produits culturels, qui représente environ de 16,5 % du marché du livre, enregistre, pour la première fois depuis 2011, une augmentation de 0,9 % de son chiffre d'affaires en 2014, notamment grâce à la vente en ligne. L'enseigne vend environ 20 millions de livres par an, correspondant à 350 000 titres : le livre constitue 23 % de son chiffre d'affaires et son premier vecteur de trafic , comme le rappelaient ses responsables à votre rapporteur pour avis.

2. Un soutien public efficace
a) Un prix unique qui a fait ses preuves

À l'aube des années 70, la concurrence est déjà difficile pour les librairies indépendantes face aux grandes surfaces généralistes et spécialisées. La Fnac, mais également Leclerc, proposent alors des ouvrages à des prix inférieurs de 20 à 40 % à ceux, conseillés par les éditeurs, appliqués en librairie . Le secteur entier est déstabilisé par des méthodes commerciales contre lesquelles il ne peut efficacement lutter. Commandé par le SNE et la Fédération française des syndicats de libraires (FFSL) au cabinet de conseil Chetochine, une étude estime, dès 1974, que les librairies indépendantes ne pourront longtemps supporter une telle pression concurrentielle sur les prix , la disparition programmée de nombres d'entre elles entraînant une limitation de l'accès au livre, notamment aux ouvrages à rotation lente, et, à terme, un appauvrissement de la création par une raréfaction des titres diffusés.

Sur la base de ces conclusions, les promoteurs de la régulation du marché par la fixation d'un prix unique s'organisent au sein de l'Association pour le prix unique du livre, fondée en 1977 par Jérôme Lindon des Éditions de Minuit. René Monory, ministre de l'économie, décide alors, par un arrêté en date du 23 février 1979, de remplacer le « prix conseillé » par un « prix net », laissant le détaillant responsable du prix de vente. Au cours des trente mois d'application de ce régime, les meilleures ventes, bénéficiaires de prix fort bas, ont concerné les best-sellers et les nouveautés, au détriment des ouvrages à rotation lente dont le prix avait, à l'inverse, tendance à augmenter.

Finalement, la loi n° 81-766 du 10 août 1981, dite loi « Lang » du nom du ministre de la culture de l'époque, instaure un prix unique du livre imprimé à compter du 1 er janvier 1982 . Ce prix, qui s'impose à tous les détaillants, est fixé par l'éditeur ou par l'importateur. Il ne varie ni en fonction de la période de l'année, ni des territoires. Des remises peuvent toutefois être consenties par le détaillant, sans toutefois dépasser 5 % du prix fixé (9 % pour certaines commandes publiques). L'objectif est de soutenir les libraires, afin de maintenir un réseau commercial dense sur l'ensemble du territoire national, mais aussi de favoriser la diversité littéraire et la création par un dispositif qui ne dessert pas la vente d'ouvrages difficiles.

Cette loi, dont la conformité avec le droit européen a été reconnue à plusieurs reprises, fait l'objet, à quelques très rares exceptions près, d'une acceptation unanime des professionnels du livre : auteurs, éditeurs, libraires, grandes surfaces spécialisées comme bibliothécaires.

De nombreux rapports, et notamment celui réalisé par Sophie Barluet en 2007 pour le ministère de la culture et de la communication intitulé « Pour que vive la politique du livre » , en établissent un bilan particulièrement positif. Plus de vingt ans après sa création, il apparaît en effet que le dispositif a permis le maintien d'un réseau de librairies dense, qui représente toujours le principal acteur de la vente au détail de livres physiques, mais également d'une création éditoriale riche et variée avec plus de 60 000 nouveaux titres chaque année. Surtout, le prix unique du livre n'a nullement eu l'effet inflationniste que craignaient ses détracteurs : l'évolution du prix du livre demeure inférieure ou égale à celui des prix à la consommation et le prix moyen du livre n'a pas progressé plus fortement en France que dans d'autres pays.

Par parallélisme, la loi n° 2011-590 du 26 mai 2011 relative au prix unique du livre numérique a ouvert à l'éditeur, comme pour le livre papier, la liberté de fixer le prix de vente d'un ouvrage numérique, prix qui demeure toutefois inférieur d'environ 30 % à celui du livre physique. D'autres pays ont adopté des législations similaires , à l'instar de l'Allemagne, de l'Espagne et de l'Italie.

Ailleurs, les éditeurs ont réussi à maintenir une pluralité de réseaux de diffusion, via un contrat de mandat leur permettant également de fixer le prix du livre. Toutefois, la validité de ce type de dispositif a été mise à mal par les décisions des autorités de régulation de la concurrence américaines et européennes , convaincues de l'entente de certains groupes d'édition en matière de fixation du prix du livre numérique.

Les éditeurs incriminés se sont alors engagés, pour éviter de trop coûteuses condamnations, à résilier leurs contrats de mandat avec les revendeurs pour leur permettre à nouveau de fixer librement le prix de vente des livres numériques aux consommateurs. L'entrée en vigueur de ces accords, à partir de la fin de l'année 2012, a donc signé le terme d'une période inédite pour les pays ne possédant pas de système de prix fixe du livre, où le prix des livres numériques était fixé par les éditeurs.

Dès lors, un bras de fer s'est engagé, aux États-Unis, entre les éditeurs et Amazon, soupçonné d'avoir largement contribué à l'ouverture de ces procédures judiciaires, qui souhaitait imposer un prix de revente extrêmement bas pour les ouvrages numériques. Si le danger semble désormais écarté, après de longs mois de conflit, le mérite en revient à la mobilisation sans faille des éditeurs, notamment Hachette Book Group , et des écrivains contre le géant du Net. Ce type de conflits, qui pourrait se répéter à l'avenir, serait évité dans un système de prix unique du livre, rappelle votre rapporteur pour avis.

b) Un plan librairie bienvenu

Si la politique du prix unique du livre a préservé, en France, un réseau dense de librairies indépendantes, le secteur n'a pour autant pas été épargné, comme le rappelait précédemment votre rapporteur pour avis, par un double phénomène de crise des industries culturelles et des commerces de centre-ville.

La réaction des pouvoirs publics, si elle ne fut pas immédiate et demeure limitée dans son ampleur budgétaire, mérite néanmoins d'être saluée. Annoncé à l'occasion du salon du livre au mois de mars puis dévoilé le 3 juin 2013 lors des rencontres nationales de la librairie par Aurélie Filippetti, alors ministre de la culture et de la communication, un « plan librairie » , qui s'inspire largement des conclusions de la mission confiée à Serge Kancel sur le soutien aux entreprises de librairie rendues publiques en janvier 2013, a ainsi été mis en oeuvre à compter du 1 er janvier 2014.

Les différentes mesures de ce plan, doté de 11 millions d'euros dont 9 millions d'euros de crédits nouveaux, visent à redonner à la librairie indépendante une rentabilité suffisante pour lui permettre d'engager les investissements de modernisation nécessaires dans un contexte de transition qui touche l'ensemble de la filière et voit apparaître de nouveaux modèles de diffusion, qu'il s'agisse du livre numérique ou de la vente en ligne. Ce plan de soutien vise également à conforter, sur le long terme, le modèle économique et culturel de la librairie.

Le triple dispositif du « plan librairie »

Le fonds d'aide à la transmission des librairies , géré depuis 2008 par l'Association pour le développement de la librairie de création (ADELC), a été renforcé par une dotation supplémentaire de 4 millions d'euros apportée par le CNL. Cette mesure doit permettre de répondre à l'augmentation attendue du nombre de transmissions de librairies dans les années qui viennent, en particulier du fait du renouvellement générationnel des responsables de plusieurs grandes librairies indépendantes. Au 31 décembre dernier, le fonds d'aide à la transmission avait été engagé à hauteur de 5,6 millions d'euros, soit 80 % de sa totalité. Il a notamment été fortement sollicité pour soutenir certaines reprises de librairies de l'ex-réseau Chapitre , placé en liquidation judiciaire : onze opérations ont ainsi été accompagnées pour un montant total de 1,4 million d'euros.

Un fonds d'avances en trésorerie (FALIB) a été créé à l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Doté de 5 millions d'euros par le CNL , ce fonds est destiné à pallier les difficultés croissantes que rencontrent les librairies pour accéder au crédit bancaire de court terme et restaurer la confiance du secteur bancaire à leur égard. Depuis l'ouverture du fonds au 1 er janvier 2014, quarante-cinq librairies ont bénéficié d'une avance de trésorerie de 30 000 euros en moyenne, pour un montant total engagé de 1,3 million d'euros. Le résultat est encore loin des prévisions, puisque la dotation du fonds avait été calibrée pour pouvoir aider deux cent librairies par an.

Enfin, le budget consacré par le CNL au soutien à la librairie a été renforcé de 2 millions d'euros par redéploiement interne à compter de l'exercice 2014.

Dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2014, Jacques Legendre, alors rapporteur pour avis au nom de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, avait estimé que, « si le plan annoncé peut être qualifié de satisfaisant, trois sujets , non pris en compte, demeurent préoccupants et mériteraient d'être prochainement traités : le relèvement du seuil de procédure d'appel d'offres de 15 000 à 50 000 euros, afin de permettre aux collectivités d'organiser la mise en concurrence entre les librairies de leur territoire (...) ; la limitation de l'augmentation des loyers avec, éventuellement la création d'un droit de préemption sur les locaux commerciaux pour permettre leur location à des librairies ; l' amélioration des marges commerciales ». Il regrettait, par ailleurs , « que les conclusions de la mission Kancel relatives au ciblage des aides dans une logique d'offre territoriale n'aient pas été suivies d'effet, de même qu'aucune réflexion n'ait été menée sur sa proposition de création d'un fonds de soutien à la librairie, dotée d'une dizaine de millions d'euros, comme il en existe pour d'autres industries culturelles ».

Si cette dernière proposition ne semble guère avoir retenu l'attention de la ministre de la culture et de la communication, la réflexion se poursuit autour de nouvelles mesures à mettre en oeuvre en faveur de la librairie indépendante. Fleur Pellerin a annoncé, en juin dernier, qu'elle réfléchissait aux moyens de favoriser une meilleure prise en compte de la librairie indépendante dans les achats de livres des bibliothèques et des collectivités au travers de plusieurs instruments : le relèvement du seuil de dispense de procédure pour le seul secteur du livre, la distinction entre les marchés publics et les services qui y sont associés, une réflexion relative aux circuits courts de façon à ce que les librairies de proximité soient prises en compte lors des passations de marchés publics, mais également le renforcement du dialogue entre les librairies et les bibliothèques.

Le décret n° 2015-1163 du 17 septembre 2015 modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics a ainsi relevé le seuil de dispense de procédure de 15 000 euros à 25 000 euros pour les commandes de livres . Si cette initiative doit être saluée, elle demeure timide en comparaison de la recommandation de la mission commune d'information du Sénat 2 ( * ) sur la commande publique de relever le seuil de l'ensemble des marchés à procédure adaptée (MAPA) à 40 000 euros et, plus encore, du souhait du Syndicat de la librairie française (SLF) de le fixer à 100 000 euros. Cette modification devrait toutefois bénéficier aux libraires pour lesquels, en moyenne, les commandes publiques représentent 20 % du chiffre d'affaires.

Parallèlement, une réflexion a été engagée concernant les fondements du métier de libraire. Des « Assises du métier de libraire » , associant les représentants de la profession, les principaux organismes de formation et les institutions concernées, se sont tenues en septembre dernier avec pour objectif d'identifier, sous un angle prospectif, les besoins qui seront ceux des entreprises et de leurs salariés dans les années à venir. Y a notamment été annoncée une réforme de la formation initiale et continue des libraires, dont le contenu devrait être présenté au Salon du livre, qui se tiendra en mars 2016.

Enfin, un élargissement des conditions d'intervention du FALIB est envisagé, afin de lui permettre d e répondre également aux besoins des librairies en matière de financement de la restructuration de fonds de roulement . Cette mesure, qui pourrait constituer une réponse aux besoins de nombreux libraires dont les difficultés ne sont pas forcément liées aux cycles saisonniers de trésorerie, nécessite néanmoins la mise en place d'un accompagnement professionnel auprès des libraires bénéficiaires. Le nouveau dispositif pourrait être proposé en début d'année 2016.

c) Une législation adaptée aux évolutions de la concurrence

Outre le « plan librairie », trois dispositions législatives récentes permettent de renforcer, dans l'univers numérique, l'application des lois précitées de 1981 et de 2011 relatives au prix du livre.

D'abord, afin de prévenir les litiges pouvant survenir sur l'application des lois relative au prix du livre, une instance de médiation pour le secteur du livre a été créée par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Cette mission de conciliation est confiée à un médiateur du livre, dont les modalités de désignation ont été précisées par le décret n° 2014-936 du 19 août 2014, lequel définit également les modalités d'organisation de la procédure de conciliation. Par décret du 5 septembre 2014, Laurence Engel, conseillère maître à la Cour des comptes, a été nommée à ce poste. Elle a, au mois de février dernier, remis un premier avis à la ministre de la culture et de la communication sur la conformité des offres d'abonnement avec accès illimité à la loi du 26 mai 2011 . Une procédure de conciliation a également été menée, au terme de laquelle tous les prestataires d'abonnement concernés se sont engagés à adapter leur offre pour la rendre conforme à la législation sur le prix du livre numérique.

Ensuite, afin de renforcer les moyens de contrôle de l'application des lois de 1981 et 2011 , la même loi du 17 mars 2014 a prévu une procédure d'assermentation d'agents relevant du ministère chargé de la culture afin de leur accorder des pouvoirs d'enquête et de constatation des infractions aux lois relatives au prix du livre. De fait, le développement des ventes de livres d'occasion sur Internet conduit à contourner la loi sur le prix unique du livre : de grands sites de vente de livres présentent ainsi des livres neufs (au prix unique fixé par l'éditeur) aux côtés de livres d'occasion « à l'état neuf » à un prix sensiblement inférieur, ce qui a pour conséquence de brouiller la perception du prix par le consommateur et à le détourner de l'achat en librairie . Le décret n° 2015-519 du 11 mai 2015 relatif aux agents habilités en matière du contrôle du prix des livres organise, d'une part, la désignation et l'assermentation des agents chargés du contrôle des lois relatives au prix du livre et, d'autre part, la recherche et la constatation des infractions par ces mêmes agents. Les premiers agents devraient être habilités puis assermentés d'ici le début de l'année 2016.

Enfin, pour mieux encadrer les pratiques commerciales non prévues par le législateur lors de l'adoption de la loi du 10 août 1981 relative au prix du livre et apparues chez certains opérateurs avec le développement du marché de la vente en ligne, la loi n° 2014-779 du 8 juillet 2014 encadrant les conditions de la vente à distance des livres prévoit l'interdiction de pratiquer la gratuité des frais de livraison des livres à domicile et la remise de 5 % dans le cadre de la vente à distance. Cette loi a pour objectif de restaurer les conditions d'une concurrence équilibrée entre les différents réseaux de la distribution de livres, notamment entre vendeurs de livres en ligne et librairies physiques. On assistait alors à une systématisation, par certaines plateformes, du double avantage de la remise légale de 5 % et de la gratuité de la livraison. Comme l'indiquait Bariza Khiari, rapporteur du texte pour votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, « un tel niveau de concurrence commerciale ne laisse guère d'espoir aux librairies qui souhaiteraient développer leur activité en ligne. Pire, il contribue à l'érosion du commerce physique de livres, désormais plus coûteux et d'accès moins aisé qu'un site de e-commerce délivrant, rapidement et gratuitement, toute commande à domicile. »

Votre rapporteur pour avis souhaite rappeler, à cet égard, que le texte, originellement issu d'une proposition de loi du groupe Les Républicains de l'Assemblée nationale, a été profondément modifié par le Sénat à l'initiative de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication pour en renforcer l'efficacité . En effet, dans un premier temps, le dispositif prévoyait que la prestation de livraison à domicile ne pouvait être incluse dans le prix du livre ; le seul avantage autorisé dans le cadre de la vente en ligne demeurait donc le rabais de 5 %. Puis, l'Assemblée nationale a préféré interdire le rabais de 5 % sur les livres commandés en ligne et livrés à domicile. Il est in fine revenu au Sénat de renforcer la proposition en interdisant la gratuité des frais de port.

Auditionnés par votre rapporteur pour avis, le SLF a estimé que la loi du 8 juillet 2014 avait représenté un élément majeur de la reprise économique constatée par de nombreux établissements : l'espoir du législateur qu'il pourrait contenir la concurrence d'Amazon et contribuer à faire revenir une partie du public en magasin n'était pas vain.


* 2 « Passer de la défiance à la confiance : pour une commande publique plus favorable aux PME » - Rapport d'information n° 82 (2015-2016).

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