INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Nous examinons, pour la deuxième année, les crédits du programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » avec les crédits du programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », au sein de la mission « Conseil et contrôle de l'État », dont le responsable est le Premier ministre.

Les crédits affectés au programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » représentent 60,5 % des crédits de la mission et ceux du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » 33,4 % 2 ( * ) .

Cette année encore, ces deux programmes bénéficient de conditions budgétaires relativement favorables leur permettant d'exercer leurs missions dans des conditions satisfaisantes. Les juridictions administratives voient leur budget progresser d'1 % et bénéficieront de 35 ETPT supplémentaires alors que les juridictions financières voient leurs crédits en légère diminution (- 0,21 %) et leur plafond d'emplois stabilisé au même niveau que les années précédentes (1840 ETPT).

Ces conditions budgétaires favorables ne sont pas seules à l'origine des bonnes performances de ces juridictions qui ont su, malgré la forte pression contentieuse pour les juridictions administratives et la multiplication des missions qui leur sont confiées pour les juridictions financières, mettre en place des outils procéduraux ou organisationnels leur permettant d'éviter la dégradation de leurs performances.

I. DES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES QUI BÉNÉFICIENT DE CONDITIONS BUDGÉTAIRES FAVORABLES

A. UN BUDGET EN LÉGÈRE PROGRESSION

1. L'augmentation des crédits

Le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'État » regroupe les moyens affectés au Conseil d'État, aux huit cours administratives d'appel, aux quarante-deux tribunaux administratifs (dont onze tribunaux ultramarins) et, depuis le 1 er janvier 2009, à la Cour nationale du droit d'asile.

Ce programme inclut le jugement des différends opposant l'administration et les administrés, le conseil aux autorités publiques dans l'élaboration des projets de loi et d'ordonnance ainsi que des principaux décrets, et enfin la réalisation d'études et d'expertises juridiques au profit des administrations.

Les crédits alloués à ce programme par le projet de loi de finances pour 2016 sont en progression de 1 % en crédits de paiement (386,9 millions d'euros) par rapport à 2015. Cette augmentation est moins importante que celle observée lors de l'exercice précédent (+ 2,2 %). Hors dépenses de personnel, ces crédits sont cependant en baisse de 0,8 %, ce qui s'explique par les économies mises en oeuvre dans le cadre du redressement des finances publiques.

Évolution des crédits du programme 165
« Conseil d'État et autres juridictions administratives »
(en millions d'euros)

Numéro et intitulé du programme et de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Ouvertes en

2015

Demandées pour

2016

Évolution

Ouverts en

2015

Demandés pour

2016

Évolution

(en %)

(en %)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

387,3

399,0

+ 3,0

383,2

386,9

+ 1,0

01 - Fonction juridictionnelle : Conseil d'État

26,2

26,5

+ 1,1

26,2

26,5

+ 1,1

02 - Fonction juridictionnelle : Cours administratives d'appel

49,9

50,2

+ 0,6

49,9

50,2

+ 0,6

03 - Fonction juridictionnelle : Tribunaux administratifs

153,5

156,8

+ 2,1

153,5

156,8

+ 2,1

04 - Fonction consultative

11,2

11,2

0,0

11,2

11,2

0,0

05 - Fonction études, expertise et services rendus aux administrations de l'État et des collectivités

16,1

16,2

+ 0,6

16,1

16,2

+ 0,6

06 - Soutien

107,5

114,4

+ 6,4

103,4

102,3

- 1,1

07 - Cour nationale du droit d'asile

22,9

23,7

+ 3,5

22,9

23,7

+ 3,5

Source : commission des lois à partir du projet annuel de performances pour 2016.

Le budget 2016 s'inscrit dans la continuité des exercices précédents. Il ne présente pas d'évolution significative.

Avec 323,07 millions d'euros (contre 318,68 millions d'euros pour 2015), les crédits destinés au personnel (titre 2) augmentent de 1,38 %. Ils constituent le plus gros poste de dépenses de ce budget : 83,5 %.

Avec 57,05 millions d'euros, les dépenses de fonctionnement courant progressent de 0,17 million d'euros (+ 0,30 %).

Les dépenses d'investissement se réduisent de 0,6 million d'euros (- 8,13 %), conformément aux engagements pris pour la période 2013-2016.

Évolution des crédits par titre et catégorie

(en millions d'euros)

Crédits de paiement

ouverts en

2015

Demandés pour

2016

Progression

(millions d'euros)

Progression

(%)

165 - Conseil d'État et autres juridictions administratives

383,19

386,90

+ 3,71

+ 0,97

Titre 2 - Dépenses de personnel

318,68

323,07

+ 4,39

+ 1,38

Rémunération d'activité

201,99

204,68

+ 2,69

+ 1,33

Cotisations et contributions sociales

115,18

116,87

+ 1,69

+ 1,47

Prestations sociales et allocations diverses

1,50

1,52

+ 0,02

+ 1,33

Titre 3 - Dépenses de fonctionnement

56,88

57,05

+ 0,17

+ 0,30

Titre 5 - Dépenses d'investissement

7,38

6,78

- 0,60

- 8,13

Titre 6 - Dépenses d'intervention

0,25

-

- 0,25

- 100,0

Source : commission des lois à partir du projet de loi de finances pour 2016.

Globalement, le programme 165 bénéficie ainsi de conditions relativement favorables, compte tenu du contexte économique morose. Par lettre adressée au vice-président du Conseil d'État le 25 mai 2005, et à l'issue d'un arbitrage interministériel, le Premier ministre a indiqué que le programme « Conseil d'État et autres juridictions administratives » bénéficierait de modalités budgétaires particulières et ne serait pas affecté par les mises en réserve de crédits. En 2015 comme les années précédentes, le Conseil d'État a donc été exonéré de mise en réserve de crédits en début de gestion.

Toutefois, le programme a fait l'objet d'annulations de crédits, comme prévu par le décret d'avance du 14 avril 2015, pour un montant de 0,8 million d'euros, dont 0,6 million d'euros de crédits pour le titre 2.

Les gains générés par la mise en place des téléprocédures

Les téléprocédures ont fait l'objet d'une expérimentation conduite au Conseil d'État depuis 2005 puis étendue aux juridictions franciliennes en 2008 et 2009 pour le contentieux fiscal. Au cours de l'année 2013, elles ont été généralisées à l'ensemble des contentieux et à l'ensemble des juridictions administratives, dans le cadre défini par le décret n° 2012-1437 du 21 décembre 2012 relatif à la communication électronique devant le Conseil d'État, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs.

Les téléprocédures permettent aux avocats et aux administrations de transmettre électroniquement toutes leurs productions (requêtes, mémoires et pièces) au moyen d'une application sécurisée, accessible sur l'internet, « Télérecours ». Les juridictions administratives peuvent communiquer électroniquement à ces parties tous les actes de procédure (communications, mesures d'instruction, avis d'audience, notification des décisions pour les administrations et transmission de leurs ampliations pour les avocats).

Cette application a été mise en service au Conseil d'État le 1 er avril 2013, dans les juridictions des ressorts des cours administratives d'appel de Nancy et de Nantes le 3 juin 2013 et dans l'ensemble des juridictions administratives métropolitaines le 2 décembre 2013. Déployée, le 8 juin 2015, au sein des tribunaux administratifs de Saint-Denis de la Réunion et de Mayotte, la mise en service de l'application « Télérecours » se poursuivra au sein des ressorts des tribunaux administratifs de Fort-de-France, de Basse-Terre, et de Cayenne, au début du mois de décembre 2015.

Au 30 juin 2015, 11 347 avocats et 2 134 administrations ou organismes de droit privé chargés d'une mission de service public utilisaient cette application. Depuis sa mise en service, plus de 10 500 requêtes ont été déposées par ce biais devant la section du contentieux du Conseil d'État et plus de 125 000 requêtes l'ont été devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel.

« Télérecours » rencontre un réel succès. Au 1 er semestre 2015, 57 % en moyenne des requêtes éligibles devant les tribunaux administratifs (c'est-à-dire les requêtes déposées par une administration ou un avocat) et 63  % en moyenne des requêtes éligibles devant les cours administratives d'appel ont été déposées sur l'application (contre respectivement 34 % et 42 % en moyenne au 1 er semestre 2014). Ce taux s'élève à 82 % en moyenne devant le Conseil d'État pour la même période.

Outre la poursuite du déploiement dans les juridictions ultra-marines, le Gouvernement envisage de rendre l'utilisation de l'application obligatoire pour les avocats et les administrations de l'État et de ses établissements publics en 2017.

La généralisation des téléprocédures, moyennant un investissement technologique initial important, est un facteur de rationalisation du travail des agents de greffe mais également d'économies substantielles pour les juridictions administratives, en particulier en matière de frais d'affranchissement.

Au sein des dépenses de fonctionnement (titre 3), l'enveloppe dédiée aux frais de justice (frais postaux, frais d'interprétariat) représente 12 millions d'euros. Ce montant est en légère diminution par rapport à 2005 : - 1,8 %. Cette diminution de l'enveloppe consacrée aux frais de justice, malgré une augmentation de 23,8 % des frais d'interprétariat devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) entre 2014 et 2015, se justifierait par la mise en oeuvre des procédures dématérialisées. En première lecture à l'Assemblée nationale les dépenses de fonctionnement ont encore été minorées de 170 000 euros en raison de l'« optimisation des dépenses sur les frais de justice » 3 ( * ) .

Les représentants du Conseil d'État, entendus par votre rapporteur, ont fait valoir que ces économies avaient peut-être été surestimées par le Gouvernement pour 2016 et ne seraient effectives qu'en 2017 avec la mise en oeuvre de l'obligation d'utiliser « Télérecours » pour les publics qui y sont éligibles.

De plus, ces économies doivent être mises en relation avec les investissements initiaux nécessaires à la mise à niveau des installations informatiques pour permettre le déploiement de ce dispositif dans des conditions satisfaisantes.

Par ailleurs, les représentants des syndicats de magistrats administratifs ont fait part à votre rapporteur de leurs réserves concernant l'utilisation de « Télérecours ». Selon l'union syndicale des magistrats administratifs, « ces nouvelles procédures modifient les méthodes de travail des magistrats, impactant lourdement leurs conditions de travail ». Les représentants du syndicat de la juridiction administrative, entendus par votre rapporteur, estiment, pour leur part, que cette application emporte transfert de charge des avocats vers les juridictions.

En effet, comme l'ont expliqué les représentants du Conseil d'État, entendus par votre rapporteur, les juridictions sont contraintes, dans certains cas, de « rematérialiser » les dossiers transmis pour les parties qui n'utilisent pas « Télérecours ». De plus, les pièces transmises ne sont pas toujours référencées correctement ce qui pose d'importantes difficultés aux magistrats en charge de ces dossiers, de plus en plus volumineux du fait de la dématérialisation.

2. La poursuite de l'effort de recrutement

Au total, le plafond d'autorisation d'emplois pour 2016 est fixé à 3 819 équivalents temps plein travaillé (ETPT), soit trente-cinq emplois de plus qu'en 2015, 29 magistrats et 6 agents de greffe.

Créations d'emplois dans les juridictions administratives

(en ETPT)

2011

2012

2013

2014

2015

PLF 2016

Magistrats

30

5

17

14

14

29

Fonctionnaires

40

35

23

21

21

6

Total

70

40

40

35

35

35

Source : projets annuels de performances.

Ces créations d'emplois sont prioritairement destinées à renforcer les effectifs des tribunaux administratifs et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), mais ce sont les conférences de gestion qui se tiennent à l'automne qui permettront d'ajuster la répartition des emplois en fonction de la charge de travail des juridictions.

Lors de leur audition par votre rapporteur, les représentants du syndicat de la juridiction administrative ont fait part de leurs craintes de voir ces effectifs entièrement affectés à la CNDA, alors que les personnels de certains tribunaux administratifs, en grandes difficultés, devraient être renforcés.

Depuis 1991, la gestion des moyens en personnels et en budget de fonctionnement des juridictions administratives a été transférée au Conseil d'État. L'option ainsi retenue a pour corollaire une « double gestion » des agents de greffe : ceux-ci demeurent statutairement gérés par le ministère de l'intérieur, du fait de leur appartenance aux corps de ce ministère, mais ils sont fonctionnellement gérés par le Conseil d'État, qui décide notamment de leur affectation, et par les chefs de juridiction, qui assurent la gestion de proximité.

Cette double gestion est parfois délicate notamment pour :

- la gestion prévisionnelle des emplois, du fait du caractère parcellaire des informations dont le Conseil d'État dispose ;

- la gestion budgétaire, du fait des incidences de décisions qui ne sont pas entièrement maîtrisées par le Conseil d'État ;

- la gestion des recrutements pour des métiers de plus en plus spécifiques donc exigeant des profils nouveaux ou des compétences nouvelles.

Un bilan du dispositif a été réalisé en 2009 et a abouti à la signature d'une nouvelle charte le 16 décembre 2010 par le directeur des ressources humaines du ministère de l'intérieur et le secrétaire général du Conseil d'État. Cette nouvelle charte s'est attachée notamment à améliorer la mise en oeuvre des actes de gestion liés à la mobilité, le déroulement de carrière et la formation.

Le secrétariat général du Conseil d'État a décidé de procéder en 2015 à un bilan et à une actualisation de cette charte, en lien avec le ministère de l'intérieur. La nouvelle charte tiendra compte notamment du transfert progressif de la pré-liquidation de la paie des agents de greffe au Conseil d'État, qui s'est achevé en octobre 2014.

La justification de ce système un peu particulier, qui n'existe pas pour le greffe de la CNDA, directement géré par le Conseil d'État, pose question.

Selon les représentants du syndicat de la juridiction administrative, entendus par votre rapporteur, ce système serait maintenu pour permettre une plus grande mobilité des personnels de greffe à travers la possibilité pour eux de réintégrer leur ministère d'origine et d'être affectés en préfecture.

Cependant, dans les faits, la fonction de greffier administratif est bien spécifique et les agents qui occupent ces emplois ne réintègrent que très rarement le ministère de l'intérieur.

C'est pourquoi, dans la perspective d'une simplification du système, votre rapporteur estime que la question de confier purement et simplement la gestion des greffes au Conseil d'État doit être posée.

À côté des effectifs de greffe et de magistrats, des dispositifs d' aide à la décision ont été mis en place ces dernières années pour alléger la charge de travail des juridictions. Elles font appel à des assistants qui relèvent de deux catégories : les assistants de justice et les assistants du contentieux.

Le recrutement d'assistants de justice au sein des juridictions administratives a été autorisé par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice. Ce sont des agents contractuels exerçant à temps partiel, recrutés pour une durée maximale de deux ans renouvelable deux fois.

Au 31 décembre 2014 les juridictions administratives comptaient 155 assistants de justice, soit un effectif en légère hausse par rapport à l'année 2013 (146), auxquels s'ajoutaient 13 ETPT au Conseil d'État.

Source : services du Conseil d'État.

Les assistants du contentieux sont, quant à eux, des fonctionnaires titulaires de catégorie A, pour l'essentiel des attachés, affectés à ces fonctions comme le sont les autres agents de greffe. Leurs fonctions se situent à la charnière de celles du greffe et des magistrats. Ils sont notamment chargés de préparer les dossiers contentieux sous le contrôle d'un magistrat, d'assister les présidents de chambre par la préparation d'ordonnances, ou encore de constituer des dossiers de documentation juridique.

En 2014, le nombre d'assistants du contentieux s'est élevé à 100,5 ETPT. Comme les années antérieures, près des deux tiers de ces emplois sont exercés dans les tribunaux administratifs.

Évolution des effectifs d'assistants du contentieux de 2011 à 2014

2011

2012

2013

2014

ETPT

93,38

98,7

99,5

100,5

Effectifs physiques

104

105

107

108

Source : services du Conseil d'État.


* 2 Les crédits attribués au programme 126 « Conseil économique, social et environnemental » constituent 6 % du total des crédits du programme et les crédits du programme 340 « Haut conseil des finances publiques » 0,1 %.

* 3 Cf. objet de l'amendement de seconde délibération n° II-6 déposé par le Gouvernement.

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