B. LA NÉCESSITÉ D'UN AJUSTEMENT DES CRITÈRES DE L'ÉTAT DE NÉCESSITÉ

Récemment, deux événements ont montré l'exposition des militaires sur le territoire national dans le cadre de l'opération Sentinelle.

À Nice, en février 2015, trois militaires ont été agressés par un homme armé d'un couteau. Ils ont réagi avec sang-froid pour neutraliser l'assaillant sans l'éliminer.

Le 1 er janvier 2016, quatre militaires ont été attaqués devant la mosquée de Valence par un homme qui a essayé de les renverser avec son véhicule. Les militaires ont tiré et ont blessé l'homme, tandis qu'une tierce personne a été blessée au mollet par une balle perdue. Une information judiciaire a été ouverte à l'encontre de l'agresseur. Les soldats ont porté plainte contre celui-ci. En outre, la victime collatérale a également porté plainte .

Ces événements, et d'autres du même type mais de moindre gravité, ont conduit les militaires à s'interroger sur la protection juridique dont ils bénéficient lorsqu'eux-mêmes sont amenés à faire usage de la force contre des assaillants et blessent ou tuent ces assaillants avec, parfois, des dommages collatéraux sur des personnes présentes sur les lieux, et qu'ils doivent alors, du fait de la plainte des assaillants ou des personnes ayant subi le dommage collatéral, répondre de leur réaction devant la justice.

Il semble donc utile d'examiner la jurisprudence pour évaluer l'application des critères de la légitime défense et de l'état de nécessité lorsqu'il s'agit d'évaluer l'action des militaires ou des forces de l'ordre.

Il résulte en premier lieu de cet examen que les cas de mise en cause de ces agents ou militaires sont peu nombreux. Cette situation est due au fait que la majorité des procédures impliquant l'usage de la force ne débouche pas sur une procédure judiciaire et s'achève par un classement sans suite après enquête ou un non-lieu après instruction. Au total, les condamnations pour usage de la force en service sont rares .

En ce qui concerne le fait déclencheur de la réaction, il ressort de la jurisprudence qu'il doit être précis et ponctuel et non consister en une menace permanente . En outre, l'agression doit être actuelle. Même si un agresseur vient de commettre une attaque d'une grande gravité, dès lors qu'il est en fuite, la légitime défense ne peut plus s'appliquer . Enfin, l'agression doit être réelle et étayée. Toutefois, si le membre des forces de l'ordre peut raisonnablement penser qu'il est en danger imminent, l'excuse pénale peut être retenue .

Par ailleurs, la force utilisée doit être proportionnée à la nécessité de faire cesser l'attaque. La force létale ne doit être employée qu'en dernier recours. Élément important, les sommations ne sont pas réservées aux gendarmes et le juge les considère comme des éléments permettant de dire que la riposte a été proportionnée.

Au total, la jurisprudence témoigne d'une certaine souplesse de l'appréciation des magistrats , qui évaluent l'impression de danger dans laquelle le membre des forces de l'ordre ou des forces armées s'est senti et qui a justifié sa réaction.

Nonobstant ces éléments, il convient de souligner que la situation est quelque peu différente pour les militaires des armées par rapport à celle des agents de la police ou de la plupart des militaires de la gendarmerie . En effet, les soldats déployés sur le territoire national sont les mêmes que ceux qui interviennent en opérations extérieures. Ils doivent donc avoir la capacité d'adapter leurs réactions lorsqu'ils passent du cadre juridique plus « protecteur » des OPEX à celui, plus contraignant, du territoire national.

Par ailleurs, de légitimes interrogations subsistent s'agissant de la situation, de plus en plus fréquente, ou des terroristes, en fuite après avoir commis un attentat et lourdement armés, sont susceptibles de commettre d'autres meurtres. Dans ce cas, il ne semble pas que les textes actuels relatifs à la légitime défense ou à l'état de nécessité permettent d'assurer que la neutralisation de tels terroristes, en particulier par des tireurs d'élite, sera susceptible d'excuse pénale.

Or, si les soldats sont sans doute moins susceptibles d'avoir à intervenir dans une telle situation que les policiers ou les gendarmes, néanmoins leur présence massive sur le territoire et leur coopération avec les autres membres des forces de l'ordre rendent une telle intervention plus probable qu'auparavant.

Dès lors, il était évidemment nécessaire que les dispositions prévues par l'article 19 pour créer un nouveau cas d'état de nécessité adapté au « périple meurtrier » bénéficient également aux militaires engagés dans le cadre des opérations intérieures. Votre rapporteur se félicite donc de l'extension effective de ces dispositions aux militaires .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page