AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Votre commission des finances a reçu délégation de la commission des lois pour l'examen au fond d'environ un tiers des articles du projet de loi relatif à la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique dit « Sapin II », soit 56 articles. Elle a également souhaité se saisir de cinq articles pour avis.

Les dispositions examinées sont celles relatives au renforcement de la régulation financière, à la protection et aux droits des consommateurs en matière financière, les mesures relatives à l'amélioration du financement des entreprises et de leur parcours de croissance et les dispositions de modernisation de la vie économique et financière.

Les dispositions relatives à la lutte contre la corruption, au registre d'intérêts et aux lanceurs d'alerte ont été examinées au fond par la commission des lois. Votre commission s'est seulement saisie pour avis du volet financier relatif à l'indemnisation des lanceurs d'alerte. Elle a proposé, en pleine coordination avec la commission des lois, la suppression de l'article 6 F relatif au financement des lanceurs d'alerte, dans la mesure où votre commission estime qu'il ne doit pas revenir au Défenseur des droits d'évaluer et d'indemniser les préjudices moraux et financiers des lanceurs d'alerte, seule une juridiction lui semblant à même de le faire. Votre commission des finances note de surcroît que le coût de la mesure n'est absolument pas évalué, de même que les modalités de récupération de sommes indûment versées.

Concernant les articles qui lui ont été délégués au fond, votre commission des finances souligne le grand nombre d'articles portant habilitation du Gouvernement à prendre des mesures relevant du domaine de la loi par ordonnance : le projet de loi comporte 19 habilitations dont 15 habilitations concernent le champ de compétence de votre commission. Si certaines habilitations se justifient, lorsqu'il s'agit de transposer des directives communautaires qui imposent des délais de mise en oeuvre rapprochés, ou lorsque la nature particulièrement technique du sujet l'exige, il y a lieu de s'interroger dans d'autres cas, comme lorsque, après avoir annoncé le dépôt d'un projet de loi, le Gouvernement choisit de procéder par voie d'ordonnance pour refondre le code de la mutualité à l'article 21 bis A. Autre exemple, le projet de loi vise par son article 21 à créer un mécanisme national de résolution des sociétés d'assurance par voie d'ordonnance : votre commission propose d'en rappeler les grands principes dans la loi, comme ce fut le cas pour la résolution bancaire.

De même votre commission souhaite-t-elle rester vigilante quant à l'équilibre entre la loi et le décret et, ainsi, fixer dans la loi les modalités selon lesquelles les fonds d'investissement peuvent prêter aux entreprises afin de ne pas s'en remettre totalement au pouvoir réglementaire pour lutter contre le shadow banking .

Elle estime également que l'élargissement des pouvoirs du Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui se verrait attribuer la possibilité de suspendre, retarder ou limiter les effets des contrats d'assurance-vie, fait peser des contraintes très importantes sur les assurés et qu'il convient dès lors de mieux encadrer ses nouveaux pouvoirs et de motiver et de rendre publique sa décision.

Le projet de loi comprend des dispositions bienvenues en matière d'interdiction de la publicité en faveur des produits financiers hautement spéculatifs et complexes (Forex, options binaires) dénoncés par l'Autorité des marchés financiers (AMF). Votre commission des finances vous propose de sécuriser et de renforcer la portée de ces dispositions. Elle propose également de mieux encadrer la publicité pour les produits défiscalisés, dans la ligne de ce que notre collègue Philippe Dallier avait déjà fait adopter dans la loi de 2010 relative au crédit à la consommation mais qui n'est pas appliqué aujourd'hui.

Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité introduire des dispositions nouvelles concernant le reporting public « pays par pays », le reporting fiscal et des dispositions relatives au prix de transfert et aux bénéficiaires effectifs des personnes morales. Votre commission des finances souscrit aux dispositions qui vont dans le sens d'un renforcement des pouvoirs des administrations fiscales, notamment sur la connaissance des prix de transfert dont il est avéré qu'ils peuvent être un moyen d'optimisation fiscale. En revanche, imposer - comme le prévoit l'article 45 ter - aux entreprises dont le chiffre d'affaires est compris entre 50 et 750 millions d'euros l'échange automatique d'information entre administrations fiscales alors même qu'aucun pays ne l'applique, n'aurait pas de sens. La date d'entrée en vigueur au 1 er juillet 2020, si elle permet de repousser dans le temps cette disposition, montre combien celle-ci relève de la déclaration d'intention et non de la loi. Pour ce qui concerne l'obligation de déclaration publique d'activités « pays par pays » prévue à l'article 45 bis , votre commission des finances propose d'en rester aux dispositions de la directive présentée par la Commission européenne et de prévoir une date d'entrée en vigueur au 1 er janvier 2018 sous réserve bien entendu de l'adoption de cette directive par nos partenaires européens. La France ne peut, toute seule, exposer les données de ses entreprises nationales sans aucun instrument communautaire.

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