II. QUELLES COORDINATIONS ET SYNERGIES POUR LES STRUCTURES D'APPUI AUX ENTREPRISES ?

A. LE BESOIN D'UNE PLUS GRANDE COORDINATION DES ACTEURS DE L'ACCOMPAGNEMENT DES ENTREPRISES

1. Des réseaux d'accompagnement nombreux
a) Les réseaux consulaires

Les réseaux consulaires ont une mission de service public relative à l'accueil, à l'orientation et à la formation des créateurs d'entreprise, en complément de leur mission relative à la gestion des procédures d'immatriculation.

- Les chambres de commerce et d'industrie

Selon les informations fournies par le Gouvernement et CCI France, les stages d'initiation à la gestion (SIG) des chambres de commerce et d'industrie (CCI) sont suivis par environ 10 000 stagiaires par an, dont 70 % de demandeurs d'emploi. Les CCI ont par ailleurs reçu environ 200 000 porteurs de projets en 2015 et accompagné 160 000 entrepreneurs.

Depuis 2012, le réseau des CCI s'attache à un nouveau positionnement en matière de création-transmission-reprise. Les 1 500 conseillers des CCI, mobilisés sur l'accompagnement des entrepreneurs, ont renforcé leur activité de conseil.

Le réseau des CCI - comme le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat - est également partie prenante du réseau « Transmettre et reprendre ». Créé en mars 2015 à l'initiative des acteurs publics et privés de la reprise et de la transmission d'entreprise (réseaux consulaires, Conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, Conseil supérieur du notariat, Conseil national des barreaux, Bpifrance, Agence France Entrepreneur...) en vue de proposer des conseils intégrés et coordonnés aux futurs cédants et repreneurs d'entreprise, il est un partenaire du ministère de l'économie et des finances pour les actions mises en oeuvre au sein du comité de pilotage sur la transmission et la reprise d'entreprises.

Dans ce cadre, on ne peut que regretter le nouvel abaissement du montant du plafond de la TACVAE (qui constitue l'un des éléments de la taxe pour frais de chambres (TFC) des CCI), prévu par l'article 17 du présent projet de loi, qui diminuerait à nouveau de 60 millions d'euros le montant de cette taxe affectée perçue par le réseau , qui s'établirait ainsi à 317 millions d'euros. Au total, compte tenu de cette nouvelle baisse, le financement des CCI par la TFC aura diminué de 37,5 % depuis 2013. La forte restructuration du réseau territorial des CCI peut certes générer, à terme, certaines économies de fonctionnement. Toutefois, il faut veiller à ce que la baisse continue du financement public du réseau conduise à remettre en cause la qualité d'un accompagnement des entreprises jugé pour l'essentiel efficace.

- Les chambres de métiers et de l'artisanat

Environ 55 000 personnes participent chaque année aux stages de préparation à l'installation (SPI) organisés par le réseau des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA). Des actions d'accompagnement en cours d'activité, qui prennent en compte les spécificités de l'artisanat, sont également proposées.

La loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, adoptée en lecture définitive par l'Assemblée nationale le 8 novembre dernier, est arrivée à un équilibre satisfaisant sur les conditions d'exercice de ce stage.

L'extension, par cette même loi, du « droit de suite » à des entreprises artisanales comportant jusqu'à 50 salariés, permettant un maintien de l'adhésion au réseau des chambres de métiers d'entité économiques relativement importantes, renforce le risque de « doublonnage » des réseaux des CMA et des CCI dans l'accompagnement des entreprises en croissance. Votre rapporteur regrette, à cet égard, que l'Assemblée nationale n'ait pas conservé le dispositif adopté par le Sénat à l'initiative de votre commission 1 ( * ) , consistant à ce que le maintien d'inscription au répertoire des métiers au-delà de 10 salariés découle d'une démarche volontaire de l'entreprise là où, actuellement, elle constitue pour un certain nombre d'entre elles une situation qu'elles subissent par défaut.

Au cours des quinze dernières années, on constate une extension continue du périmètre d'action du réseau des chambres de métiers, coïncidant avec une évolution de la notion d'entreprise artisanale, qui englobe des effectifs salariés croissants. Cet état de fait peut conduire à questionner la pertinence et l'efficience de l'organisation consulaire actuelle - qui reste très cloisonnée avec des synergies faibles sinon inexistantes dans beaucoup de territoires - pour disposer d'un accompagnement optimal des entreprises qui prenne en considération les spécificités de chacune.

b) Les réseaux associatifs

Outre les actions menées par les réseaux consulaires, des prestations d'accompagnement sont proposées par de nombreux organismes privés à but non lucratif soutenus par l'État. Ces prestations sont le plus souvent complétées, lorsque le projet est retenu, par un financement permettant de déclencher des financements bancaires (prêt d'honneur), ou de les remplacer (micro-crédit).

Cinq grands réseaux existent à ce jour :

- Initiative France, dotée de 223 plateformes locales, qui revendique 16 100 entreprises et 40 750 emplois créés ou maintenus en 2015, pour des montants de prêts de 176 millions d'euros ;

- France Active, qui présente pour 2014, via 41 structures locales, plus de 33 000 créations d'emplois grâce à l'accompagnement d'environ 7 000 projets et 236 millions d'euros de fonds mobilisés ;

- le Réseau Entreprendre qui, en 2015, a accompagné 978 nouveaux lauréats à l'origine de 730 entreprises en cours de développement, totalisant 21 millions d'euros de prêts ;

- le réseau BGE, doté d'un budget global de 48 millions d'euros principalement abondé par les collectivités territoriales, qui revendique l'accompagnement chaque année de 80 000 personnes dans un parcours de création d'entreprise et de 27 000 entrepreneurs ;

- l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE), spécialisée dans l'octroi de micro-crédits aux entreprises, qui annonce un financement de 18 000 entreprises en 2015, conduisant à la création de 220 emplois par semaine.

Selon la Cour des comptes, les budgets globaux de ces cinq réseaux d'accompagnement représentaient en 2011 (dernières données disponibles) environ 175 millions d'euros , financés à 71 % par des crédits publics, dont la moitié provenait des collectivités territoriales, en majorité des régions, le solde étant financé par l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations et Pôle Emploi.

c) Un rôle d'accompagnement nouvellement développé par Bpifrance

Essentiellement tournée vers l'activité de financement direct des entreprises ou l'activité de garantie de prêts, BPIfrance entend aujourd'hui développer une offre d'accompagnement des entreprises.

Cette offre est aujourd'hui essentiellement tournée vers les entreprises qu'elle soutient par des investissements en fonds propres. Il s'agit d'environ 460 entreprises relevant de la catégorie des PME et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) de l'industrie, de l'industrie créative et du tourisme, avec un engagement de 1,3 milliards d'euros.

BPIfrance estime en effet nécessaire de fournir elle-même certaines réponses et certains appuis pour le développement et la croissance de ces entreprises, ainsi que, le cas échéant, leur transmission. Elle assure, dans ce domaine, environ 1 000 missions par an en accompagnant de 700 à 800 personnes chaque année. Pour ce faire, elle entend développer des partenariats avec les régions (des actions partenariales s'étant ainsi récemment engagées en Provence-Alpes-Côte d'Azur ou en Auvergne-Rhône-Alpes) et fait appel à divers partenaires extérieurs - comme Business France et la DGE, ou privés, comme l'Institut du mentorat entrepreneurial ou Women business mentoring initiative (WBMI).

Surtout, la banque a créé en mars 2015 des programmes « d'accélérateur de croissance » qui permettent un accompagnement sur une à deux années d'un nombre restreint d'entrepreneurs : l'Accélérateur « Start up », l'Accélérateur « PME », l'Accélérateur « ETI ».

En outre, dans le cadre de l'initiative « French Tech », un accompagnement et un suivi spécifiques (le « Pass French Tech ») sont proposés à des entreprises à fort potentiel d'emplois du secteur numérique, leur donnant accès à l'ensemble des aides et des prestations offertes par les partenaires publics et privés (l'Etat via les DIRECCTE, Bpifrance, l'AFIC, les pôles de compétitivité, la Coface, Business France, l'INPI). Le Pass French Tech, déployé aujourd'hui dans neuf régions, est animé par des opérateurs locaux qui sont souvent des pôles de compétitivité.

d) Les spécificités de l'accompagnement à l'international

L'accompagnement des entreprises à l'international fait également l'objet d'actions spécifiques.

En particulier, le nouveau parcours à l'export simplifié et commun à Business France et aux réseaux consulaires (CCI en France et à l'étranger) est opérationnel. Plus de 700 PME sont en cours d'accompagnement et 3 000 le seront d'ici la fin 2017. Une déclinaison dans 43 pays a été rendue possible grâce aux conventions signées entre les bureaux Business France et les chambres de commerce et d'industrie françaises à l'étranger. Une convention prochaine entre Business France et l'OSCI (Opérateurs Spécialisés du Commerce International) permettra de poursuivre la rationalisation du dispositif au profit des PME.

Selon le Gouvernement, ces efforts pour faciliter les démarches des entreprises à l'export ont conduit à une augmentation du nombre d'entreprises exportatrices en 2015 qui passe de 121 000 à 125 000 (soit +3,1 %), retrouvant ainsi un niveau jamais atteint depuis 2003.

2. Des offres d'accompagnement qui doivent trouver une plus forte complémentarité

Le paysage de l'accompagnement de l'entreprise s'avère donc particulièrement riche et les entreprises sont en principe en mesure d'y trouver un appui dans leurs démarches quotidiennes et dans leurs stratégies de croissance. Votre rapporteur souhaite néanmoins attirer l'attention sur deux points de vigilance.

D'une part, les entreprises doivent être pleinement conscientes des services qu'elles peuvent trouver dans les différents réseaux d'accompagnement. À ce titre, l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) jouait jusqu'ici un rôle déterminant d'information « grand public » sur la diversité des offres disponibles, notamment grâce à son site internet. Cette réussite ne doit pas être mise à mal par sa disparition au sein de la nouvelle Agence France entrepreneur.

D'autre part, cette abondance d'actions ne doit pas conduire à des stratégies concurrentes des acteurs. Elle doit au contraire favoriser des complémentarités.

Les réseaux doivent pouvoir mieux coopérer entre eux, par le biais de partenariats plus développés, pour apporter aux entrepreneurs une gamme de services complémentaires, déclinés selon la spécificité de ces réseaux. Sur ce point, la convention de partenariat conclue entre Business France et CCI France a valeur d'exemple, car elle montre la voie d'une démarche commune, rationnelle et raisonnée, entre deux acteurs qui pourraient se retrouver en concurrence sur certaines missions et ou implantations géographiques mais qui ont décidé d'agréger leurs savoir-faire respectifs en bonne intelligence.

Si votre rapporteur salue ainsi la démarche de Bpifrance d'offrir un service d'accompagnement complet aux entreprises qu'elle finance, qui est à l'avantage de ces dernières, elle estime qu'il convient d'éviter que cet accompagnement « doublonne » avec d'autres actions déjà existantes. Plutôt que de développer ses propres actions, elle doit s'engager dans des partenariats avec les offres des autres acteurs, quitte à repenser en commun la structuration de l'offre actuellement disponible.

Votre rapporteur note avec satisfaction le développement d'une volonté de « mise en réseau » des différents acteurs, notamment dans les territoires . En témoigne notamment la création de réseaux régionaux portant sur la transmission et la reprise d'entreprises.

Quelques exemples de réseaux régionaux de la transmission d'entreprises

Région Pays de la Loire :

Un réseau de 18 membres a été constitué regroupant de nombreux acteurs : l'Etat, la région, la chambre de commerce et d'industrie de région, la chambre de métiers et de l'artisanat de région, la chambre régionale de l'économie sociale et solidaire (CRESS), la Caisse des dépôts et consignations (CDC), BPIfrance, Pôle emploi, l'UPA, la CGPME, le MEDEF, l'URSCOP, PEPITE (université Bretagne Loire), l'ORDEC, la fédération régionale des entreprises d'insertion par l'économie, la CRA Pays de la Loire, Pays de la Loire initiative, FONDES France Active, le réseau Entreprendre et le réseau BGE.

Le réseau s'est réuni les 29 janvier, 2 juin et 18 octobre 2016 à l'initiative conjointe de l'Etat et de la région. Les actions déjà réalisées portent notamment sur l'information à destination des cédants, avec la mise en place d'un site dédié reprenant les éléments de la campagne de communication nationale. Les axes de travail en cours portent notamment sur :

- l'harmonisation des méthodes d'intervention auprès des cédants (sensibilisation) et des repreneurs (accompagnement) en associant davantage les fédérations professionnelles et les experts comptables ;

- le renouvellement de l'offre de formation continue par la région ;

- le développement de nouveaux outils financiers adaptés aux besoins régionaux, portant notamment sur les garanties et le crédit-vendeur.

Région Ile-de-France :

Un réseau de 30 membres a été constitué comprenant : l'État, la région, la CDC, la DRJSCS, la DRDFE, Pôle emploi, l'ARML, la CRMA, la CCIR Paris Ile-de-France, Reseau BGE, Initiative IDF, IDFA, Réseau entreprendre, l'ADIE, le MEDEF, la CGPME, l'UPA IDF, le conseil régional de l'ordre des experts comptables, les représentants des barreaux et du notariat, Bpifrance, la FBF, CRA, PEPITE, la CAPEB IDF, trois fédérations du bâtiment, SIAGI, URSCOP, UDES, la Fédération IDF Scop BTP.

Le réseau s'est réuni le 21 juin 2016 et une seconde réunion est prévue en janvier 2017. Des travaux par sous-groupe sont organisés :

- un groupe de travail « repreneurs », dont l'objet porte sur l'offre d'accompagnement et de financement des repreneurs, avec un focus sur les territoires prioritaires (QPV et ZRR) et les publics cibles des politiques de l'emploi (jeunes, seniors, femmes) ;

- un groupe de travail « cédants », qui a pour mission de définir des cibles de cédants en Ile-de-France : entreprises de 2 à 20 salariés dans le secteur de la fabrication (industrie et artisanat) disposant d'un savoir-faire spécifique ainsi que dans celui des services aux entreprises industrielles. Les thématiques d'actions retenues sont la sensibilisation, la communication ciblée et la détection de cédants.

Les missions de coordination des acteurs de l'accompagnement d'entreprise qui viennent d'être confiées à l'Agence France entrepreneur revêtent également un grand intérêt pour développer cette complémentarité d'action.


* 1 Voir le commentaire de l'article 43 ter du projet de loi dans l'avis n° 68 (2016-2017) de notre collègue Daniel Gremillet, fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 25 octobre 2016.

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