EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du 2 novembre 2016, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 105 - Action de la France en Europe et dans le monde - de la mission « Action extérieure de l'Etat» inscrits dans le projet de loi de finances pour 2017.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis . - Les crédits de paiement du programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » s'élèvent à 1,93 milliards d'euros en 2017, soit une diminution de 1,7 % par rapport à 2016.

Si les crédits du titre 2 portant sur la masse salariale augmentent de 6,3 % - pour des raisons que Leïla Aïchi vous détaillera - les autres crédits du ministère diminuent de 5,3 % pour des motifs qui apparaissent justifiés. L'un d'entre eux est de nature conjoncturelle : les dépenses de protocole sont en baisse de 12 millions d'euros parce qu'aucun sommet international n'est prévu en 2017, alors que le sommet de la Francophonie à Antananarivo avait mobilisé des crédits de 2016.

L'autre raison, structurelle, est la réduction de 98,6 millions d'euros des crédits dédiés aux contributions obligatoires de la France ; elle résulte de l'ajustement à la baisse du barème des contributions internationales de notre pays et de la diminution du budget de l'ONU, attendus depuis quelques années. Cela explique en grande partie la baisse de 11,2 % des contributions obligatoires qui s'établissent à 795,24 millions d'euros. La fin ou la réduction de format de certaines opérations de maintien de la paix au Libéria, au Darfour, en Haïti, au Kosovo ou encore en Côte d'Ivoire amplifient ce mouvement de baisse.

Autre motif de satisfaction : conformément aux recommandations formulées l'année dernière, le différentiel entre la somme appelée et les dépenses réelles pour les opérations de maintien de la paix closes a été recouvré par la France, soit 13 millions d'euros venus en atténuation de dépenses liées aux opérations de maintien de la paix (OMP).

Pour 2016, les reliquats s'élevaient à 3,4 millions d'euros dont il conviendra de vérifier, comme l'année dernière, le reversement au programme 105. On voit tout l'enjeu d'une gestion rénovée des contributions internationales et des opérations de maintien de la paix !

Après ce satisfecit , le modèle de gestion immobilière du ministère appelle une critique significative. La vente des biens immobiliers détenus par le ministère à l'étranger me semble devoir être soutenue aux conditions suivantes : il vaut mieux acheter que louer, la location revenant à jeter l'argent par les fenêtres sur le long terme ; et il convient de vendre pour améliorer le rayonnement de la France. Je comprends la nostalgie qui pousse à regretter la vente d'un vieux palais au coeur d'une vieille capitale européenne ; mais lorsque le bâtiment concerné est peu pratique, qu'il n'est plus aux normes, et qu'il engendre des coûts d'entretien disproportionnés que nous n'avons plus les moyens d'honorer, le conserver n'est pas une solution de bonne gestion. Au contraire, lorsque la vente rend possible le regroupement sur un même plateau de tous les services - services consulaires, poste économique, etc. - tout en conservant une résidence bien placée et bien calibrée, le rayonnement de la France y gagne. Le nouveau consulat général de Sydney, qu'une délégation de notre commission a récemment visité, montre la voie à suivre.

Enfin, et c'est une conviction forte, la vente se justifie lorsqu'elle favorise la mutualisation et la co-localisation avec des pays amis ou des services de l'Union européenne comme à Abuja, au Nigeria. Comme les responsables du ministère nous l'ont confirmé, ces expériences donnent des résultats positifs en contribuant au partage des coûts de sécurité, à la visibilité accrue de notre action, et au maintien de l'universalité de notre réseau. Autant de bonnes raisons pour les soutenir ! La construction en 2016 d'ambassades franco-allemandes à Dacca, au Bangladesh, et à Koweit City sont de bons exemples d'une co-localisation réussie.

La gestion de notre patrimoine à l'étranger fait malheureusement dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles. Ce modèle n'est pas vertueux : financer des dépenses de fonctionnement par des recettes patrimoniales, c'est appauvrir l'État. De plus, ce système est en voie d'essoufflement en raison de la diminution des produits de cession. On est loin des 171 millions d'euros obtenus en 2015 pour la vente du seul campus diplomatique à Kuala Lumpur, amenant le produit de cessions, cette année-là, à 252 millions d'euros. En 2016, les ventes les plus importantes portaient sur le palais Clam-Gallas à Vienne, pour 22 millions d'euros, et de la résidence consulaire à Munich pour 12 millions d'euros. Certes, notre bâtiment viennois abritera désormais l'ambassade du Qatar, ce qui n'est pas idéal au point de vue de la lisibilité, mais il n'était plus adapté aux besoins. Il faut réaliser plus d'une vingtaine d'opérations pour espérer obtenir, si toutes les ventes aboutissent, un montant total de cessions de 66 millions d'euros en 2016 et de 71 millions d'euros en 2017.

Le PLF pour 2017 prend acte, au demeurant, de cette évolution : il augmente les crédits d'entretien lourd de l'immobilier à l'étranger de cinq millions d'euros pour les porter à 12,23 millions. Toutefois, cette dotation budgétaire est augmentée sur le programme 105 pour financer des dépenses d'entretien auparavant imputées sur le compte d'affectation spéciale (CAS) intitulé « Immobilier de l'État ». Il s'agit par conséquent d'un transfert d'imputation et non d'une augmentation de crédits à proprement parler.

Il est normal que les projets du ministère soient examinés par la Commission de l'immobilier de l'État - encore faut-il qu'elle se réunisse suffisamment tôt dans l'année pour que les projets validés puissent être menés à bien... Espérons donc qu'elle se réunira avant le mois de mai, ou même de mars 2017.

De plus, les conditions du droit de tirage du ministère des affaires étrangères sur le CAS doivent être optimisées. La gestion interministérielle de ce compte et la prise en compte de son montant dans les déficits publics ne doit pas empêcher le ministère qui l'alimente et qui en dépend pour l'entretien de ses biens à l'étranger de disposer des fonds, en temps et en heure. Il est également nécessaire et de bonne gestion publique de sécuriser la programmation pluriannuelle. Sa mise en place, à la demande de la Cour des Comptes et des rapporteurs du budget, conduit à des situations ubuesques où le ministère engage plus de 300 000 euros pour un projet en phase d'étude sans savoir s'il pourra ensuite financer les travaux, les études et les travaux n'ayant pas lieu sur le même exercice... Qui plus est, lorsqu'il s'agit d'un projet de co-localisation avec nos partenaires allemands, nous perdons toute crédibilité et toute capacité à peser sur les choix d'investissement !

On considère louable que le ministère participe au désendettement de l'État pour 60 millions d'euros encore en 2017, portant sa contribution totale à 220 millions d'euros depuis 2012. Mais en 2017, aucune vente exceptionnelle ne justifie cette contribution exceptionnelle. Si vous me passez l'expression, c'est une goutte d'eau dans le tonneau des Danaïdes de la dette... De plus, le besoin d'entretien des biens situés à l'étranger est compris entre 15 et 30 millions d'euros par an. Les crédits inscrits en loi de finances initiale étant insuffisants, il est regrettable que le maintien en l'état du patrimoine du ministère dépende d'une part d'objectifs de vente pour 2017, par nature soumis à la fois au risque de change et aux incertitudes liées au marché de l'immobilier, et d'autre part des règles d'utilisation des crédits du CAS. Nous ne nous opposons pas aux ventes immobilières, mais que leur produit bénéficie au ministère, plutôt que d'être affecté au désendettement de l'État !

Enfin, quelques remarques sur le recalibrage des postes du réseau diplomatique. Un bilan interne a conduit à l'ajustement des postes de présence diplomatique (PPD) ; l'ambassadeur sera assisté par un cadre B plutôt que par un cadre C, et deux à six personnes en contrat de droit local : ainsi, en toute circonstance, la présence française sera maintenue à un niveau suffisant. De plus, ces postes, jusqu'à présents offerts aux cadres les plus âgés avant leur départ en retraite, seront occupés en priorité par de jeunes ambassadeurs motivés par le défi qui consiste à faire au mieux avec peu de moyens. Ils auront un cahier des charges centré sur deux ou trois objectifs adaptés à la réalité locale.

En application de l'extension prévue du dispositif, 25 PPD seront créés. Pour que la politique menée ne se cantonne pas à une politique d'influence, ces postes doivent s'appuyer sur l'ensemble du réseau de l'action publique française. Il convient, pour cela, de mettre à profit les ressources dont disposent les treize grandes régions nouvellement créées. Laurent Fabius avait décidé l'affectation d'un conseiller diplomatique auprès des présidents de région ; c'est désormais aux préfets qu'ils seront rattachés. Quoi qu'il en soit, le relais est indispensable pour mobiliser les PME et les aider à saisir les opportunités que présentent les marchés à l'étranger.

Enfin, il apparaît que ces postes de présence diplomatique reposent tout entier sur la personnalité de l'ambassadeur nommé. Le métier étant désormais orienté à 40 % vers des objectifs économiques, il convient que le ministère réfléchisse au parcours de formation de ces personnels traditionnellement tournés vers l'analyse politique. Le partenariat noué avec Business France sur ce sujet va dans le bon sens.

Les crédits du programme 105 feront l'objet, avec l'ensemble des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », d'un vote global le 16 novembre prochain. Je vous proposerai d'émettre un avis favorable au vu de la prise en compte de certaines de nos observations et de la contraction du budget, qui doit être encouragée.

Mme Leila Aïchi, rapporteure pour avis . - Comme Christian Cambon l'a indiqué, les crédits du titre 2 du programme 105 sont en hausse de 6,7 % pour atteindre 630,8 millions d'euros en 2017. Le nombre d'équivalents temps plein travaillés (ETPT), qui s'élevait à 7 836 en 2016, sera de 7 871 en 2017. La programmation triennale 2015-2017 prévoyait la suppression de 246 emplois sur trois ans dont 56 en 2017. La définition de nouvelles priorités en matière de sécurité se traduit par la création de 67 ETP par dérogation au schéma d'emplois initialement prévu et par la révision dudit schéma pour 2017, qui prévoit désormais une baisse de 48 ETP.

Cette évolution appelle deux remarques. D'abord, pour financer les différentes priorités définies en 2017, un effort substantiel est prévu au titre des moyens de fonctionnement des ambassades portés à 83,3 millions d'euros, soit une baisse de 4,6 %. Il porte sur le fonctionnement courant et les voyages et missions qui constituent l'essentiel du programme 105. Or les économies déjà réalisées depuis plusieurs années laissent à penser que la marge d'action est désormais très réduite dans ce domaine.

Les priorités définies pour 2017, très attendues, me semblent pertinentes. Le Plan de renforcement des moyens de lutte-antiterroriste et de protection des communautés et des intérêts français à l'étranger, qui sera doté de 78 millions d'euros, augmente de 22 millions d'euros les crédits consacrés à la sécurisation de nos emprises. 40 ETP supplémentaires sont prévus pour les effectifs de policiers et gendarmes en poste dans notre réseau diplomatique et consulaire. Cet effort s'accompagnera d'un accroissement parallèle des dispositifs de gardiennage à hauteur de 16,6 millions d'euros. 53 millions d'euros seront consacrés aux dépenses de sécurité passive et active et à l'achat de véhicules blindés. Voilà un effort nécessaire, urgent et sans doute de long terme ! Nous ne pouvons plus nous contenter de renforcer les postes dits exposés, l'action terroriste pouvant frapper n'importe quelle emprise.

La coopération de sécurité et de défense appelée coopération structurelle est une ligne de dépenses dite pilotable du programme 105, par opposition aux lignes contraintes que sont les contributions aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix et les dépenses de personnel ; à ce titre, elle a souvent été la variable d'ajustement du programme 105 : ses crédits sont passés de 106,41 à 62,90 millions d'euros en une dizaine d'années, ce que nous avons regretté et dénoncé. Cette politique au fort effet de levier voit enfin ses crédits augmenter après des années de baisse : le PLF pour 2017 augmente de 38 % les moyens consacrés à la coopération militaire structurelle pour les porter à 101,60 millions d'euros.

S'il faut s'en féliciter, il faut aussi regretter que le nombre de coopérants militaires continue de baisser de 20 ETP en 2017, soit une baisse de 50 unités entre 2015 et 2017. Nous avions 334 coopérants en 2007, nous en aurons 243 l'année prochaine. Cette réduction des moyens entrave la capacité de la France à faire émerger une architecture de sécurité africaine. Elle ne répond pas à la nécessité de lutter contre le terrorisme et les trafics transnationaux dans la bande sahélo-saharienne et de renforcer la sécurité maritime, notamment dans le golfe de Guinée. Enfin, elle n'est pas compatible avec l'implication de nos forces armées sur tant de théâtre d'opérations extérieurs. Il est essentiel que les crédits consacrés à la prévention et à la consolidation des capacités de sortie de crise de nos partenaires africains ne soient plus sacrifiés aux autres priorités du ministère. Un tournant décisif et durable s'impose pour mettre fin à cette contradiction de la politique étrangère française.

En matière de diplomatie économique, je déplore que, malgré nos recommandations et alors que les indicateurs de performance sont largement basés sur ses actions et ses résultats, l'opérateur Business France reste rattaché au ministère de l'économie. L'essentiel des crédits de la diplomatie économique dépend par conséquent de Bercy et non du Quai d'Orsay.

Il faut saluer l'initiative des rencontres express ou speed dating , lancée lors de la semaine des ambassadeurs, qui donne la possibilité à toute entreprise le demandant de rencontrer l'ambassadeur à Paris ou dans le cadre de rendez-vous réguliers par visioconférence. Ce rendez-vous devient annuel et pérenne. De même, l'instauration de conseils économiques pour les 126 postes situés dans les pays recevant plus de 50 millions d'euros d'exportations françaises, et l'insertion systématique d'un volet économique dans les plans d'action des ambassades forgent peu à peu de nouvelles habitudes qui ancrent la diplomatie économique comme composante essentielle de la politique étrangère de la France. Nous le savons, les points de PIB indispensables à notre croissance doivent être recherchés sur les marchés étrangers plus que sur le marché national.

Pour autant, l'emploi trouve sa source sur nos territoires, dans nos régions : c'est pourquoi nous suivrons avec attention l'évolution du dispositif des ambassadeurs pour les régions, évoqués par mon co-rapporteur, qui seront désormais remplacés par des conseillers diplomatiques auprès des préfets de région. Si leur rattachement à la tutelle étatique est compréhensible, il est essentiel que ces conseillers nouent des liens étroits avec les régions qui sont certainement les grands acteurs de demain du développement du commerce international français. Par leur connaissance du tissu industriel et économique, les régions sont le lien essentiel à travers lequel le ministère des affaires étrangères accompagnera efficacement les PME sur le chemin de l'exportation. Il est également souhaitable que le réseau diplomatique mène une action proactive, en analysant les marchés puis en sollicitant les PME, qui n'ont pas les réflexes ou les outils pour envisager l'exportation.

Enfin, à l'appui de Christian Cambon, je rappelle que la politique immobilière du ministère ne saurait subir les diktats de Bercy sans que soit pris en compte son impact essentiel sur la diplomatie économique. Nos emprises influent sur notre rayonnement, sur l'attractivité de notre territoire et sur l'image de la France. Mener une diplomatie économique efficace dans des locaux délabrés n'a pas de sens. Il me semble donc peu compréhensible qu'en 2017 le ministère contribue à un tel niveau au désendettement de l'État au détriment de ses propres investissements.

Enfin, un mot sur le programme 341 « Organisation de la COP21 », créé à titre temporaire en 2014 au sein de la mission « Affaires extérieures » afin de retracer les dépenses liées à la préparation et à l'organisation de la COP 21. Sa vocation remplie, il a été supprimé du PLF 2017.

Que la COP 21 ait été un grand succès pour la protection du climat et pour le rayonnement de notre pays n'exclut en rien un examen de sa gestion. Sur une enveloppe initiale de 187 millions d'euros dans les PLF 2015 et 2016, le programme 341 aura consommé 172 millions d'euros. Le respect du budget initialement prévu ne prend cependant pas en compte les 26 millions d'euros de dépenses supplémentaires que les attentats ont rendues nécessaires pour la sécurisation de la manifestation. Aux 13 millions d'euros initialement prévus pour le dispositif de sécurité ont été ajoutées des mesures de sécurité complémentaires déployées sous la responsabilité des ministères de l'Intérieur et de la Défense et imputées sur leurs crédits. L'essentiel de ces dépenses, soit 20,6 millions d'euros, sont des dépenses de rémunération de personnels titulaires (policiers, gendarmes...) qui auraient, sans la COP 21, touché la même rémunération en étant affectés à d'autres missions. Le ministère a considéré qu'il ne s'agissait donc pas là de surcoûts liés directement à la COP 21, interprétation qui prête à discussion. En effet, le chiffrage du dispositif de sécurité aurait été très incomplet et n'aurait eu que peu de sens si l'impasse avait été faite sur ces dépenses de personnel, coeur du dispositif de sécurisation.

La commission des finances et la nôtre avions recommandé que les recettes de mécénat couvrent les dépenses exceptionnelles qui n'étaient pas prévues au budget initial de la COP 21. Pour mémoire, les contributions financières des entreprises mécènes devaient représenter, selon les informations recueillies par vos rapporteurs lors de leurs auditions, un montant total attendu de 5,8 millions d'euros cumulés sur 2015 et 2016.

57 partenariats et mécénats ont été réalisés avec 49 organismes français et 8 groupes étrangers, permettant de réunir des contributions à hauteur de 26,9 millions d'euros (coût de commercialisation), soit plus de 15 % des dépenses publiques imputées sur le programme 341. Sur la foi de ce résultat, nous accordons un satisfecit au ministère pour la gestion de la COP 21.

M. Henri de Raincourt . - Merci à nos rapporteurs. Christian Cambon a indiqué que certains postes d'ambassadeurs seraient désormais occupés par des personnes jeunes. Or j'ai entendu dire que nombre d'ambassadeurs en fin de carrière restent sans affectation. Est-ce vrai, et dans ce cas quelles tâches pourrait-on confier à ces personnes intelligentes et expérimentées, qui n'ont contre elles qu'un âge pourtant loin d'être canonique ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - J'ai plutôt rencontré, dans les PPD, des ambassadeurs expérimentés. Mon collègue vient de pointer le problème de ressources humaines que pose l'absence d'affectation de nombre d'ambassadeurs.

Le ministre des Affaires étrangères nous a annoncé que le mouvement d'extension des PPD, dont les Français de l'étranger sont les premières victimes, allait s'arrêter. Les Français établis en Papouasie-Nouvelle-Guinée sont obligés d'aller faire leurs démarches consulaires à Sydney. On voit parfois des aberrations : les élus consulaires du Brunei ont appris qu'ils dépendraient désormais non plus du consulat de la Malaisie mais de celui de Singapour, alors même que la circonscription consulaire de Malaisie englobe le Brunei... Puisque chaque PPD comptera désormais un poste de catégorie B, pourquoi ne pas attribuer à ce dernier certaines tâches consulaires pour éviter aux Français de l'étranger des déplacements très lourds ? Ce serait un progrès considérable.

Pourriez-vous préciser ce qui des 175 millions dégagés par la fermeture du campus de Malaisie - qui plus est installer les services en location dans des locaux très onéreux - est revenu au Quai d'Orsay ? Le ministère des affaires étrangères fait des efforts considérables depuis une quinzaine d'années ; je ne suis pas sûre que Bercy en fasse autant. Il conviendrait d'examiner les regroupements et les ventes au niveau interministériel. Alors que le nombre de postes dans les ambassades se réduit, que les consulats ferment, Atout France emploie des dizaines de personnes dans des pays non prioritaires, et à des tâches qui pourraient être effectuées à Paris. Autre exemple : Business France et les chambres de commerce font souvent exactement le même travail, sans suivi ni contrôle. Dès lors que Business France vend ses rapports à un prix assez élevé, il serait normal que nous soyons informés du résultat, positif ou négatif, de ses études.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Les PPD permettent de maintenir un ambassadeur au lieu de procéder à des fermetures nettes. De plus, la diplomatie économique devenant une priorité, il est normal que de jeunes diplomates soient affectés à ces postes.

Je partage les analyses de mes collègues sur le manque d'investissement et d'entretien de nos locaux. Faute d'investissements réguliers, l'état de l'Institut français d'Amsterdam nous oblige à nous en séparer, alors même que ses 5 000 mètres carrés auraient permis d'y rassembler l'ensemble des services. Comptez-vous présenter un amendement pour l'augmentation des crédits d'entretien ? Nous avons besoin d'une volonté politique d'investir et d'inverser la tendance.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Toute dépense supplémentaire doit être compensée par une économie...

M. Alain Gournac . - Je poserai la même question que l'an dernier : que prévoit-on pour la sécurité de nos ambassades dans les pays les plus dangereux, par exemple pour le transport de nos ambassadeurs ? L'an dernier, il m'a été répondu que des efforts seraient consentis. La mise en sécurité de nos locaux est-elle forte et bien ciblée ?

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis . - Nous connaissons les orientations du ministère en matière d'effectifs. Comme Henri de Raincourt le rappelle, il y a un nombre important d'ambassadeurs hors sol. Or pour les ambassades thématiques, le Gouvernement a souvent fait appel à des personnalités extérieures au ministère, au détriment des diplomates les plus expérimentés.

Concernant la nomination de jeunes ambassadeurs, je rappelle que le nombre de postes concernés ne dépassera pas 25. C'est à mes yeux une pratique bienvenue, d'autant que les jeunes en question ne sont pas nécessairement inexpérimentés, ni de moins de trente ans. L'évolution des effectifs vise à concilier les deux exigences contradictoires de modération budgétaire et de maintien d'un réseau universel. C'est pourquoi certains postes sont allégés et resserrés sur des objectifs de présence et de vigilance. C'est aussi le sens des co-localisations. Avec l'Allemagne, l'expérience a été concluante. Enfin, la gestion des carrières soulève des difficultés analogues dans le corps préfectoral.

Il n'est pas raisonnable de confier les tâches consulaires à des PPD, en raison de la forte demande dans les pays concernés. De plus, les formalités consulaires font l'objet d'une forte dématérialisation, d'autant plus nécessaire dans les pays comme l'Australie où les distances sont très grandes. On rattache au poste consulaire le plus important et le plus proche les problèmes nécessitant des rendez-vous physiques, même si l'on va vers toujours plus de dématérialisation.

Oui, la location à long terme peut être dispendieuse. Revoyons cette politique qui porte atteinte au patrimoine de l'État et qui n'est pas le meilleur calcul économique.

Nous avons Business France, Atout France, l'équipe France, les chambres de commerce franco-étrangères - beaucoup de monde avec les mêmes tâches, qu'ils effectuent souvent très bien. Rationalisons et améliorons la lisibilité de notre action économique.

Je rejoins les observations de Mme Conway-Mouret sur l'entretien des locaux. Une délocalisation est parfois préférable à la rationalisation des locaux. Les bâtiments de Knightsbridge de l'ambassade de France seront probablement vendus. Mieux vaut que les services économiques à Londres se trouvent dans la City que dans les quartiers bourgeois de Mayfair. Ne faisons pas du regroupement systématique une religion manquant d'efficacité ! Demander au Quai d'Orsay de revoir les montants des crédits d'entretien aurait une certaine portée, mais nécessite de trouver un gage pour éviter l'irrecevabilité au titre de l'article 40.

Mme Leila Aïchi, rapporteure pour avis . - Des progrès significatifs ont été réalisés pour la sécurité, avec une augmentation de 22 millions pour atteindre 78 millions d'euros. La sécurité sera renforcée sur tous les postes, et non seulement sur ceux à haut risque.

Les emprises sont globalement en baisse. Nous pourrions déposer un amendement symbolique gagé par un petit pourcentage sur les autres programmes de la mission, afin de montrer la véritable difficulté sur le programme 105. Le ministère des affaires étrangères a particulièrement contribué au désendettement de l'État. À Kuala Lumpur, alors que l'ambassade était évaluée à 220 millions d'euros, elle a été vendue 193 millions d'euros avec la perte de change et le Quai d'Orsay n'en a récupéré qu'à peine 100 millions d'euros : cela ne l'incite pas à vendre... Bercy doit-il penser la diplomatie de demain ? Lors des siècles passés, elle était définie par des philosophes. Désormais, c'est la comptabilité qui prime...

On envisage de recruter davantage de jeunes ambassadeurs. Réfléchissons sur les profils idéaux des diplomates de demain.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis . - Organisons des passerelles avec le monde économique. Ainsi, l'ambassadeur en Australie a conduit avec succès les négociations sur les sous-marins ; il a eu une solide formation économique.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Mme Aïchi rouvre le débat sur Bercy. Plus largement, la question est : quels sont les intérêts de la France ? Une politique étrangère doit hiérarchiser les enjeux. Un budget ne peut pas remplacer la vision stratégique. De plus en plus, émerge la notion de stabilité. À quoi sert-il de remplacer un dictateur civil par un dictateur religieux ?! L'image de la France est très liée à notre histoire, à nos valeurs, au contexte historico-politique. Comment la faire vivre ? Beaucoup reste à faire sur les questions économiques. Ainsi, j'entendais encore récemment répondre à un investisseur - de près de 40 milliards d'euros - que tel ministre était au-dessus de son « rang » et qu'il devait plutôt rencontrer le Trésor !! C'est une logique dépassée. Mettons ces sujets sur la table, pour penser une politique avec des arbitrages clairs.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - J'avais cru comprendre, un temps, que sur la cession de Kuala Lumpur, pas un centime n'était revenu au ministère, l'intégralité de la vente étant revenue à Bercy...

Mme Leila Aïchi, rapporteure pour avis . - Ce n'est pas le cas. Certes, une partie du produit de la vente est retournée à Bercy, mais entre 60 et 100 millions d'euros sont revenus au Quai d'Orsay.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis . - Le CAS retrace très fidèlement la réalité.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Nous reportons le vote au 16 novembre, avec un avis qui pourrait être favorable.

La commission a réservé son vote jusqu'à la fin de l'examen des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » le 16 novembre 2016.

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À l'issue de sa réunion du mercredi 16 novembre 2016, La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'Etat », M. Jacques Legendre ainsi que les membres du groupe communiste, républicain et citoyen votant contre et M. Gaëtan Gorce s'abstenant.

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