LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

1. Audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :

- Mercredi 5 octobre : M. Jean-Marc AYRAULT, ministre des affaires étrangères et du développement international

2. Auditions des rapporteurs :

- Mercredi 12 octobre : M. Graham PAUL, Directeur des Immeubles et de la logistique (DIL) ;

- Mercredi 26 octobre : M. Nicolas de RIVIERE, Directeur général des affaires politiques et de la sécurité, Responsable du programme 105 ;

- Jeudi 27 octobre : Mme Hélène FARNAUD-DEFROMONT, Directrice générale de l'administration et de la modernisation ;

- Jeudi 3 novembre : Général Didier BROUSSE, directeur de la coopération de sécurité et de défense.

ANNEXE 1 : AUDITION DU MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

Réunie le mercredi 5 octobre 2016 sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a entendu M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Nous sommes réunis pour débattre du projet de loi de finances, un budget avec des bonnes nouvelles et des contraintes, dans une période qui n'est pas facile.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre . - Merci de me recevoir. Je souhaitais commencer sans tarder ce parcours parlementaire pour la loi de finances 2017, par une audition devant votre commission. J'ai rencontré ce matin l'ensemble des rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat. Ce débat est essentiel. Je serai présent autant que possible dans l'hémicycle. Les parlementaires s'intéressent beaucoup à ce budget, en témoigne l'augmentation du nombre de questions parlementaires adressées à mon ministère : 1 100 contre 750 l'année dernière.

Les crédits augmentent cette année, à périmètre constant, sans compter les crédits du programme 341 ouverts en 2016 pour la Cop 21, et qui ne seront plus reconduits. Le budget du ministère augmente de 53,4 millions d'euros, soit + 1,15 %, grâce aux 145,6 millions d'euros de crédits additionnels pour répondre à deux priorités. La sécurité des implantations et des communautés françaises à l'étranger verra son budget augmenter de 62,6 millions d'euros, avec la création de 67 ETP. Sur la mission « Aide publique au développement » (APD), les crédits consacrés à l'aide publique au développement sous forme de dons augmentent de 83 millions d'euros pour le programme 209. Si ce n'est jamais assez, c'est la première fois depuis cinq ans que ce budget de l'aide au développement augmente.

Le budget est responsable sur de nombreux aspects, et notamment pour les finances publiques, mais aussi parce que la sécurité des implantations de notre ministère et des communautés françaises est de notre responsabilité. Les crédits additionnels à l'APD sont conformes aux engagements du Président de la République de respecter la trajectoire d'augmentation de l'aide sous forme de dons à l'horizon 2020. Ce sont aussi des engagements pour la santé, le climat, les réfugiés ou des aides transitant par les ONG.

Le ministère poursuit son chantier de modernisation et de rationalisation. Les réformes structurelles du programme MAEDI 21 dégageront des économies et contribueront à la priorité gouvernementale de réduction des déficits publics, puisque notre objectif est d'atteindre un déficit de 2,7 % du PIB en 2017.

Pour la principale mesure de la mission extérieure de l'État, à savoir la mise en place d'un plan de renforcement de la sécurité des communautés et intérêts français, j'ai obtenu 62,6 millions d'euros de crédits additionnels, soit 31,7 millions d'euros pour la sécurité des réseaux diplomatiques, consulaires et culturels - y compris les alliances françaises et les instituts et la création de 40 postes de gardes de sécurité. Pour la sécurité des communautés à l'étranger, l'effort atteindra 14,7 millions d'euros pour la sécurité des écoles et des lycées français, et le renforcement des moyens du centre de crise et de soutien du ministère sera poursuivi, notamment dans le cadre de la cellule interministérielle d'aide aux victimes (Ciav), excellent centre qui nécessitait un renforcement.

Près de 14,3 millions d'euros de crédits additionnels seront consacrés à la coopération de sécurité et de défense, dont 25 postes de coopérants.

Les crédits du plan de renforcement de la sécurité augmenteront sur les programmes 105 « Action de la France dans l'Europe et dans le monde » et 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de la mission. Les crédits du programme 151 sur les Français de l'étranger progressent de 4,36 %, soit +11 millions d'euros, du fait de l'augmentation des crédits nécessaires pour l'organisation des élections.

Globalement, les crédits de la mission diminuent de 1,4 %, à périmètre constant. Les crédits du programme 105 baissent de 2,1 %, ceux du programme 151 sur les Français de l'étranger et les affaires consulaires augmentent de 1,3 %, et les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » diminuent de 0,8 %.

Cette diminution des crédits de la mission, en dépit de 62 millions d'euros supplémentaires liés au plan de sécurité, s'explique par la baisse de notre contribution aux organisations internationales et aux opérations de maintien de la paix (OMP), à hauteur de 100 millions d'euros. Cette somme très importante répond à certaines logiques : phénomène structurel, le taux de participation de la France a baissé, conséquence mécanique de l'augmentation du barème des grands pays émergents. Tous les cinq ans, le taux de participation de chaque pays est revu. Conjoncturellement, la décroissance substantielle de certaines OMP est une bonne nouvelle budgétairement, même si elle est contestable politiquement. Un certain nombre de blocages à l'ONU sur la gestion des crises se traduisent par une baisse des OMP. Plusieurs de ces contributions doivent être payées en devises. Le risque de change sera couvert en 2017 : nous avons utilisé une facilité de France Trésor de 500 millions d'euros en dollars et 40 millions d'euros en francs suisses, ce qui nous protège de tous les aléas de change, uniquement pour les dépenses. Les parlementaires ont fait des propositions l'année dernière pour le volet recettes. Nous y travaillerons.

Certaines mesures sont techniques : 2017 sera une année creuse pour l'organisation des conférences internationales, avec un budget en réduction de 12 millions d'euros, sans sommet de la francophonie ni de sommet Afrique-France, ni de COP 21 !

D'autres mesures sont d'ajustement technique : ainsi, les bourses de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) diminuent de 5 millions d'euros, pour achever l'amortissement de l'excédent de trésorerie de 42 millions d'euros résultant fin 2014 du changement de mode de comptabilisation des bourses. Nous souhaitons aligner le montant de la dotation en loi de finances sur nos prévisions de dépenses, et partir de la réalité, qui continue d'augmenter. Nous répondrons à toutes les demandes : en 2015, nous avons versé 100 millions d'euros ; en 2016, 106 millions seront versés, et nous prévoyons de verser 110 millions d'euros en 2017, inscrits dans le texte.

Pour les mesures structurelles liées à la modernisation du ministère et à la rationalisation de ses outils, elles sont d'une ampleur maîtrisée, 38 millions d'euros, soit 1,2 % des crédits de la mission, et concernent la rationalisation des réseaux engagée depuis deux ans - c'est le dispositif de poste de présence diplomatique (PPD), dont la mise en place s'achèvera en 2017. Ce qui a été engagé se met en oeuvre, mais la troisième vague envisagée est supprimée. Nous mettrons en cohérence le réseau des instituts français avec celui des alliances françaises : la négociation est en cours.

Après prise en compte du plan de sécurité, le plafond d'emplois du ministère est quasiment stabilisé : moins 48 ETP. Celui de l'AEFE - l'opérateur avec le plus d'effectifs - est inchangé, et le nombre d'emplois hors plafond, autofinancé par l'Agence, augmentera. On m'a demandé plus d'emplois ou de revenir sur certaines mesures catégorielles. Je m'en suis tenu aux engagements précédents. Nous tenons nos engagements, ni plus ni moins. Les mesures catégorielles ne seront pas remises en cause, et amélioreront la situation des recrutés locaux. Les organisations syndicales du ministère ont jugé ces aspects positifs.

Nous participons au désendettement de l'État avec le produit des cessions. Nous avons restitué 100 millions d'euros l'année dernière, 60 millions d'euros cette année.

La mission « Aide publique au développement » sera l'objet d'un effort important du gouvernement, avec des crédits budgétaires augmentant de 133 millions - 83 millions pour l'aide sous forme de dons, 50 millions d'euros pour l'aide sous forme de prêts pour le programme 110, géré par le ministère des finances - et au total une augmentation de 5 %. L'augmentation des crédits pour les dons est plus importante en volume que celle des crédits pour l'aide sous forme de prêts, garantissant l'équilibre entre dons et prêts.

En parallèle, les recettes extrabudgétaires affectées à l'APD sont maintenues à leur niveau de 2016, à hauteur de 738 millions d'euros sur le Fonds de solidarité et de développement (FSD), alimenté par la taxe sur les transactions financières pour 528 millions d'euros et la taxe sur les billets d'avion à hauteur de 210 millions d'euros. Il n'y a pas de substitution entre ressources budgétaires et ressources extrabudgétaires. L'augmentation de 133 millions d'euros des crédits budgétaires de l'APD est une véritable augmentation, traduisant une volonté de rééquilibrer notre dispositif en faveur des crédits budgétaires votés par le Parlement, après la forte croissance des ressources extrabudgétaires ces dernières années. Ce point est très sensible, et les ONG sont très attentives à ce rééquilibrage. Elles ont réagi positivement à ces annonces.

En 2017, le champ des dépenses financées par le FSD sera recentré sur deux grands domaines d'action : la santé, dont nos contributions aux instruments verticaux que sont le Fonds mondial sida ; l'environnement - le Fonds vert - pour rendre plus lisible notre dispositif APD, répondant ainsi à une forte demande. Ces moyens additionnels sont la traduction concrète pour 2017 des engagements du Président de la République : augmentation de 4 milliards d'euros de la capacité d'intervention de l'Agence française de développement (AFD) et de 400 millions pour les dons à horizon 2020.

Une part importante des crédits additionnels du programme 209 sera consacrée au Fonds européen de développement (FED). Notre contribution augmentera de 41,6 millions d'euros en 2017. Rappelons le rôle des instruments communautaires dans le contexte européen actuel. L'aide au développement de l'Union européenne est significative, la France est le 2 e contributeur du FED. La France fait beaucoup par ce biais, et finance 17,8 % du fonds. Cette politique comprend des priorités géographiques en direction des 16 pays les plus pauvres - comme le Burkina-Faso, la République démocratique du Congo, le Mali, le Niger, Madagascar... - et des priorités thématiques comme le Fonds fiduciaire d'urgence pour l'immigration, la facilité d'investissement pour l'Afrique ou le financement par le FED de la facilité africaine de paix. La France travaille pour que le FED respecte un objectif chiffré et contraignant de 20 % des ressources affectées au climat à l'horizon 2020. Notre aide bilatérale augmentera de 37 millions d'euros, et ses moyens additionnels viendront alimenter les nouvelles priorités et orientations qui seront débattues très prochainement, à l'occasion du prochain Comité interministériel de la coopération internationale et du développement (Cicid) de novembre.

Des crédits de coopération multilatérale sont maintenus constants à 250 millions d'euros, engagement notamment pour aider les réfugiés syriens sur la période 2016-2018 en Jordanie, au Liban et en Turquie.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Merci beaucoup Monsieur le ministre. Les rapporteurs des différents programmes vont vous poser quelques questions.

M. Christian Cambon, rapporteur pour avis sur le programme 105, « Action de la France en Europe et dans le monde » - Nous allons résumer nos demandes pour nos collègues, même si le ministre nous a déjà répondu ce matin. Le programme 105 est au coeur de votre ministère avec la moitié des emplois et l'ensemble du réseau, et les contributions aux organisations internationales. J'en suis rapporteur avec Mme Leïla Aïchi.

Nous sommes satisfaits de la diminution de la contribution aux organisations internationales, souvent réclamée par notre commission, et qui est due à la revue des critères de répartition, source d'économies et de meilleure utilisation des crédits.

Comme chaque année, je m'inquiète de la politique de cession immobilière, avec 200 ventes de bâtiments diplomatiques intervenues de 2006 à 2014, dégageant 500 millions d'euros. Mais nous souhaitons une véritable stratégie immobilière. Les ambassades de Doha, Libreville et Séoul ont été construites cette année. Il est important de regrouper les services, pour dynamiser leur action. Il y a trois semaines, nous avons vu à Sydney qu'une résidence luxueuse du consul général a été vendue au profit d'une résidence tout à fait convenable et permettant une belle action diplomatique, et que les services économiques et culturels étaient regroupés au même étage d'un bâtiment central. Quels sont les risques de change lors de ces cessions ? L'année dernière, 20 millions d'euros ont été perdus faute de provisions. Qu'en est-il des projets de co-localisation avec les services de l'Union européenne à Dacca, à Koweït City ou à Abuja ? Est-ce une source d'économies ? À force de ne plus avoir de bâtiments, il faudra partager. Est-ce réalisable, va-t-on vers une intensification de cette politique ?

Mme Leila Aïchi, rapporteur pour avis sur le programme 105 . - La coopération de sécurité et de défense a eu ces dernières années un budget en baisse significative. En 2007, le budget était de 106 millions d'euros, il s'élève à 87 millions d'euros en 2016. L'augmentation légère de ces crédits pour le projet de loi de finances pour 2017 est-elle ponctuelle - ce qui serait insuffisant - ou répond-elle à une réelle dynamique ? Quel bilan tirez-vous de l'impact de l'organisation de la Cop 21 sur notre économie nationale ?

M. Henri de Raincourt, rapporteur pour avis sur le programme 110, « Aide économique et financière au développement », et sur le programme 109, « Solidarité à l'égard des pays en développement ». - Je suis co-rapporteur pour avis sur les programmes 110 et 109 avec madame Conway-Mouret. Je m'excuse de ne pas avoir pu répondre positivement à votre matinale et aimable invitation.

Nous ne pouvons qu'être satisfaits de la tenue des engagements du chef de l'État à échéance de 2020. Cela commence en 2017.

Nous approuvons l'augmentation de la part de la taxe sur les transactions financières consacrée à l'APD. Même si c'est surtout le Trésor qui s'en occupe, où en sont les démarches pour amener la plupart des pays européens à participer à cette ardente nécessité ? Même si l'APD augmente, nous sommes loin du compte... Les crédits affectés aux dons et projets distribués par l'AFD s'élevaient à 230 millions en 2016. Quelle somme sera allouée en 2017 ?

Mme Hélène Conway-Mouret, rapporteur pour avis sur les programmes 110 et 109 . - Nous nous réjouissons de la stabilisation voire de l'augmentation de certaines lignes budgétaires, et des efforts conséquents réalisés compte tenu des contraintes budgétaires. Vous avez bien défendu votre budget, soyez-en félicité.

Avec Henri de Raincourt, nous avons présenté en juillet dernier un rapport Sahel : repenser l'aide publique au développement . Nous nous sommes efforcés de mettre en lumière des éléments perfectibles, une approche globale. Il manque une capacité d'action rapide et massive pour gérer les risques d'extension d'une crise. Nous avons préconisé la création d'un instrument de 100 millions d'euros géré par l'AFD. Est-il possible, sera-t-il introduit dans la loi de finances ?

L'éducation revêt un caractère particulier au vu de l'explosion démographique de l'Afrique. Or la France a réduit son soutien à l'éducation de base. Ne peut-on pas remettre l'accent sur ce secteur, en conformité avec les objectifs des Nations-Unies pour généraliser l'éducation primaire et secondaire dans les réseaux nationaux ?

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis sur le programme 185, « Diplomatie culturelle et d'influence » . - Monsieur le ministre, vous avez souligné des éléments positifs, mais la diminution des moyens des opérateurs de la diplomatie culturelle est très préoccupante, cette année encore. Comment augmenter l'effet de levier du reste de ces subventions en baisse en accroissant les autres sources de financement ? Quels sont la stratégie et les résultats ? Ne faudrait-il pas impliquer davantage le ministère de l'éducation nationale, qui a des marges de manoeuvre supplémentaires, dans l'AEFE ? Ne peut-il pas concourir un peu au financement ?

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis sur le programme 185 . - Je n'ajouterai rien, Jacques Legendre a tout dit!

M. Jean-Pierre Grand, rapporteur pour avis sur le programme 151, « Français à l'étranger » . - Les crédits du programme 151 baissent de 5,5 millions d'euros, et ont été un peu plus consommés l'an dernier, peut-être en raison de l'évolution de la réglementation, mais cela reste flou. Il serait bon d'avoir un groupe de travail pour évaluer l'adaptation du règlement aux besoins réels. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'annulation de crédits de 20,8 millions d'euros ?

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, rapporteur pour avis sur le programme 151 . - Vous avez mentionné 76 emplois créés dans le plan pour la sécurité, dont 40 gardes de sécurité et 25 postes de coopérants dans l'antiterrorisme. À quoi correspondent les deux postes prévus pour la protection des Français de l'étranger ? Dans quels pays seront-ils affectés ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis sur le programme 844, « France Médias Monde » et sur le programme 847, « TV5 Monde » . - Lors de la conférence des ambassadeurs en septembre 2014, votre prédécesseur a rappelé la place des médias audiovisuels extérieurs dans la diplomatie d'influence et affirmé la volonté du ministre des affaires étrangères d'être plus présent dans les définitions de leurs orientations stratégiques. À la veille de la présentation du contrat d'objectifs et de moyens 2016-2020 de France média monde et du plan stratégique 2017-2020 de TV 5 monde, sur quels points le ministère s'est-il particulièrement engagé, avec quels résultats obtenus avec les opérateurs et les partenaires exerçant leur cotutelle et avec quels moyens de financement dans le projet de loi de finances pour 2017 ?

Pour compléter les propos de M. Legendre, une réunion s'est tenue avec le ministre de l'éducation nationale en 2014, sans suite depuis, alors que cela serait très important pour la cohérence des moyens. Les rectorats refusent des nominations d'enseignants à étranger ; nous en manquons très sérieusement.

M. Richard Yung, rapporteur spécial de la commission des finances sur la mission « Action extérieure de l'État » . - Je rejoins le concert de louanges montant vers le ministre sur l'augmentation des crédits de l'APD, sur celle des modalités de rémunération des recrutés locaux, et sur la sécurité. Le budget de l'ensemble de la mission reste à peu près constant.

Nous aurions besoin d'éclaircissements sur la restitution immobilière. Précédemment, l'argent spécifique du ministère était déposé sur un compte d'affectation spéciale (CAS), avant qu'il en restitue une partie. Désormais un CAS global de l'État a remplacé le CAS du ministère des affaires étrangères. Nous y mettons le produit des ventes, mais je n'ai pas bien compris ce qui ressort vers le ministère. C'est un peu technique mais nous sommes attentifs à la vente des bijoux de famille.

Les bourses baissent car on fait face à tous les besoins. Mais il y a aussi une partie d'autocensure des commissions des bourses faisant du zèle en appliquant de nouvelles règles. Par ailleurs, sur une certaine durée, on observe une augmentation du nombre d'enfants scolarisés - de l'ordre de 3 à 4 % par an - et des frais de scolarité. Cela sera source de débats.

Le ministère de l'éducation nationale s'intéressera à l'AEFE quand il aura la tutelle ou la cotutelle de l'établissement. Sans cela, il ne donnera ni un poste, ni un euro. Dans le budget de l'AEFE, 15 à 17 millions d'euros de crédits sont affectés à la sécurité des établissements. L'année prochaine, il y en aura davantage tandis que le budget aura été réduit. Nous devons être vigilants.

Cette ponction injuste de Bercy de 100 millions d'euros sur un budget de 400 millions d'euros sur les fonds de roulement des établissements à gestion directe revient à prendre dans la poche des parents français et étrangers les frais de scolarité pour financer le déficit de l'État. Politiquement, c'est un problème.

M. Jean-Marie Bockel . - Monsieur le ministre, que pensez-vous des événements syriens ?

M. Yves Pozzo di Borgo . - Je suis président du groupe d'amitié Asie centrale. La suppression d'un poste consulaire au Turkménistan est une source de faiblesse pour nos entreprises. Vous en avez été saisi par le président de la chambre de commerce, M. Gilles Rémy, par une lettre datée du 12 septembre. Pouvez-vous regarder plus attentivement ce courrier ? Malgré sa promesse, le Président de la République n'a pu se rendre dans ce pays, ce qui ajoute à cette image négative de la France.

M. Alain Néri . - Le monde est frappé par une maladie qui devient une épidémie : la crise migratoire. Je me félicite de l'effort sur les crédits de l'AFD. Il faut soigner la maladie et faire de la prévention. Y a-t-il une esquisse de réflexion pour traiter des causes des migrations ? Personne ne quitte son pays par plaisir, mais en l'absence de sécurité, d'une économie insuffisante pour vivre. À cela s'ajoute l'immigration liée aux causes environnementales et notamment aux problèmes de l'eau, et la démographie. Aura-t-on le courage d'affirmer que la cause démographique doit être affrontée ? Aujourd'hui, personne ne s'inquiète qu'on passera de 550 millions d'Africains à 2 milliards dans 20 ans.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Mes chers collègues, pour rester dans les temps impartis, soyons raisonnables : restons dans le cadre du budget, plutôt que d'évoquer la guerre en Syrie et la démographie africaine. Nous avons la chance que le ministre ne compte pas son temps, mais n'en abusons pas.

Mme Michelle Demessine . - La réduction du budget d'Atout France m'interpelle. Tout votre budget est présenté en cohérence avec l'actualité, en réponse aux problèmes immédiats. Une baisse du budget d'Atout France n'est pas un bon signe pour l'économie touristique qui souffre beaucoup des attentats. C'est dommage, ce budget est un levier sur des budgets très importants pour la promotion de la France.

M. Joël Guerriau . - Le ministère des affaires étrangères dispose d'un large réseau grâce auquel il peut encourager la diplomatie économique. Quelle part du budget renforce cette dynamique, en particulier la promotion du tourisme et la sécurisation des exportations françaises ?

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, rapporteur pour avis . - La diffusion des chaînes de télévision francophones à l'étranger rencontre des difficultés. Il devrait y avoir une obligation de diffusion pour les États membres de l'Organisation internationale de la francophonie. On a créé une nouvelle chaîne publique d'information alors que France 24 existait déjà. Il fallait l'aider. En outre, un projet de chaîne pour enfants en Afrique est à l'arrêt depuis des années faute de moyens.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre . - Votre rôle est de pointer les insuffisances, je l'accepte.

Qu'il s'agisse de l'AEFE ou d'autres, les augmentations liées à la prise en compte de la sécurité sont une base budgétaire et non une intervention ponctuelle : elles perdureront. Nous finançons les dépenses de sécurité qui devaient être à la charge des opérateurs, qui disposent donc d'une substantielle marge de manoeuvre financière supplémentaire. Les instituts français accueillant beaucoup de cours, des dépenses de sécurité et des investissements étaient nécessaires. Les alliances françaises voient la participation de l'État à leur budget croître de 25 %. Étant convaincu comme vous de l'importance du rayonnement culturel de la France, j'y suis particulièrement attentif.

La baisse du budget d'Atout France est de 0,8 %. Optiquement, il vaudrait mieux qu'il soit en hausse. Néanmoins, j'ai annoncé un abondement de 10 millions d'euros au dernier comité d'urgence économique pour le tourisme. L'organisation de la filière est également importante. Elle sera abordée lors d'un comité interministériel dans les prochaines semaines, ainsi qu'à la conférence annuelle du tourisme. Ce secteur important a besoin d'une communication positive à l'étranger de la part de tous ceux qui parlent de la France. Tel vol de bijoux, telle agression dans un bus font beaucoup de mal en raison de leur impact négatif sur les réseaux sociaux et dans les médias. Nous devons nous-mêmes résister au discours anxiogène.

J'entends parler d'une ponction de 100 millions d'euros sur le fonds de roulement de l'AEFE. Ce n'est pas la vérité. J'ai résisté à cette demande de ponction, qui serait extrêmement mal vécue. Je tiens bon.

M. Robert del Picchia . - On a pris de l'argent aux écoles.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre . - C'est autre chose : c'était pour financer les investissements de sécurité.

Concernant l'AFD, j'ai veillé à ce qu'aucun crédit du programme 209 ne soit annulé. La trajectoire votée en loi de finances initiale est préservée. J'ai demandé le dégel de tous les crédits pour savoir exactement quelles étaient les dépenses.

En matière d'immobilier, Richard Yung a évoqué l'ancien compte d'affectation spéciale (CAS). Il fonctionne. Les cessions sont passées de 124,5 millions d'euros en 2014 à 255,3 millions en 2015 et à seulement 50 millions en 2016. Nous récupérons à 100 % nos cessions. Nous finançons nos investissements, qui sont nombreux, comme nos besoins, et contribuons à ce CAS en restituant 60 millions d'euros.

Quelque 98 opérations de regroupement ont eu lieu depuis 2000, dans un effort de rationalisation, tandis qu'une dizaine de colocalisations ont été réalisées avec des Européens. Ce n'est pas si facile. Trois nouvelles opérations sont en cours, à Dacca, Abuja et Asuncion. La piste de Tripoli avait été évoquée avec l'Allemagne mais les conditions de sécurité ne sont pas réunies.

Il est difficile de donner un chiffre précis sur l'AEFE et l'Éducation nationale. Des détachements de personnel ont eu lieu. Le sujet est complexe. Veut-on une cotutelle de l'Éducation nationale sur l'AEFE, contrairement à la situation actuelle ?

Nous finançons des actions d'éducation par un grand nombre d'instruments, qu'ils soient bilatéraux ou en lien avec des ONG. L'éducation, priorité transversale, constitue par exemple une part très importante des 200 millions d'euros consacrés aux réfugiés, dans les camps.

Les deux postes cités par Mme Marie-Françoise Perol-Dumont seront affectés au Centre de crise.

Les bourses ont été évoquées ce matin à la réunion de présentation du projet de budget du ministère avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale et du Sénat. Une réflexion sur la révision de leurs critères d'attribution a été demandée. Je n'ai pas d'objection.

La taxe sur les transactions financières existe à l'échelle française ; la France est le pays le plus engagé pour la faire exister à l'échelle européenne. Malheureusement, elle n'a pas beaucoup d'alliés - les pressions du monde financier sont efficaces. Je continue de penser que c'est une bonne chose.

Le développement de la diffusion de la télévision représente un travail de longue haleine qu'il faut poursuivre. On peut se féliciter du développement multilingue de France 24. Franceinfo vise en revanche une cible nationale et non internationale. France 24 est en train de trouver sa place. Nombre de pays ne la reçoivent pas, mais sa diffusion progresse. Ainsi, j'ai pu la regarder en Mongolie. Son lancement en espagnol est prévu en février. Elle peut toucher un très grand nombre de téléspectateurs. Les retours sont extrêmement encourageants.

La sécurité, qu'il s'agisse des entreprises ou des écoles, fait l'objet d'une politique globale que nous amplifions.

Je me suis adressé cet après-midi aux 200 cadres de Business France. La fusion entre Ubifrance et l'Agence française pour les investissements internationaux (AFII) a été difficile au début mais elle nous dote d'une vraie force de frappe sur le terrain. Business France travaille beaucoup avec BPI France. J'ai dit aux cadres que je souhaitais que la diplomatie des territoires soit totalement prise en compte. On peut s'améliorer. Les ambassadeurs travaillent de plus en plus avec les opérateurs Business France, Campus France, Atout France, dans un esprit de coopération. Tout le monde a compris l'intérêt de parler d'une même voix. En moyenne, les ambassadeurs consacrent 40 % de leur temps de travail à la diplomatie économique. Les esprits ont changé.

Nous avons restitué une partie des 17 millions d'euros prévus par la loi de finances initiale pour la COP21. Celle-ci a créé des recettes, puisque les entreprises ont engendré 1,16 euro de chiffre d'affaires pour un euro d'argent public.

M. Daniel Reiner . - La commission des affaires étrangères et de défense du Sénat a produit un rapport sur l'aide au développement dans le Sahel et un autre sur les interventions extérieures de la France, intitulé Renforcer l'efficacité militaire par une approche globale coordonnée . Lors des auditions, nous avons mesuré combien il était difficile d'obtenir une action interministérielle globale, et combien les crédits attribués au Centre de crise ou à l'AFD étaient insuffisants pour accompagner des petits projets en fin de crise. Nous avons suggéré une facilité, repoussée avec les hauts cris par Bercy.

Nous devons inscrire dans nos perspectives financières des moyens immédiats d'accompagnement dans les zones de crise, que ce soit au Sahel ou en Centrafrique.

M. Jean-Marc Ayrault, ministre . - Je suis tout à fait d'accord. Ce point, qui sera discuté au Cicid, est valable en Centrafrique comme au Mali.

J'ai bien noté les propos du sénateur Pozzo di Borgo ; j'y répondrai.

Monsieur Néri, la question des migrants est centrale. Je ne cesse de sensibiliser les pays européens aux flux migratoires qui nous attendent. À ceux qui ont des difficultés à accepter quelques centaines de Syriens relevant du droit d'asile, je dis de faire attention. Le plus grand problème de l'avenir est celui des migrations liées à la misère, au terrorisme et au changement climatique.

La crise libyenne est politique, sécuritaire, liée à Daesh. La Libye, qui court le risque d'une guerre civile, est un pays de passage des migrants du Sud vers l'Europe. Ce ne sont pas des Syriens. Il faut prendre du temps pour répondre dans le détail à cette question stratégique centrale. Cette réunion n'est peut-être pas le lieu.

La France est en première ligne sur la question syrienne ; elle tient la plume au Conseil de sécurité des Nations unies pour obtenir une résolution de cessez-le-feu. Les Européens sont prêts à apporter de l'aide humanitaire, mais il est impossible d'accéder aux zones touchées. Le président du Comité international de la Croix-Rouge, M. Peter Maurer, sait prendre des risques. Pourtant, il dit qu'il ne peut pas exiger de son personnel de se rendre sur place. Vous avez vu ces membres du Croissant rouge bombardés mortellement par des avions sans doute russes, sinon syriens.

La bataille de Syrie est d'abord diplomatique. Je me rendrai demain à Moscou et après-demain à Washington. Il faut parler directement avec les Russes et avec les Américains. Je leur tiendrai un langage de vérité et de responsabilité. L'accord du 9 septembre n'a porté aucun fruit. Les bombardements de civils de ces derniers jours sont une honte. Des gens meurent et davantage de réfugiés affluent, dont la majorité ont l'espoir de rentrer un jour en Syrie.

Hier, j'ai déclaré à l'Assemblée nationale qu'il fallait poursuivre le dialogue avec les Russes, dans un langage de vérité. Mon objectif est de les convaincre de voter une résolution. La priorité va à l'aide humanitaire, avant la reprise de négociations de paix. Les Américains, quant à eux, doivent s'engager clairement.

M. Jean-Pierre Raffarin, président . - Nous approuvons cette position indépendante de la France et sa volonté de dialogue, qui est le fondement de la diplomatie.

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