B. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA COOPÉRATION DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ

1. La tendance dénoncée à faire de la coopération de défense et de sécurité la variable d'ajustement du budget
a) Une politique au fort effet de levier

La coopération de sécurité et de défense, dite coopération « structurelle » - par opposition à la coopération « opérationnelle » en la matière, qui relève du ministère de la défense -, constitue un important outil diplomatique d'influence et de prévention des conflits. En effet, cette politique associe les enjeux de sécurité à ceux du développement : elle contribue au maintien de la paix par le renforcement des capacités des pays bénéficiaires à assumer eux-mêmes la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants ou l'insécurité des flux maritimes ; et elle tend à permettre à ces pays d'assurer en propre des missions, non seulement de type militaire, mais aussi de protection civile : lutte contre les catastrophes naturelles (inondations, sécheresse, cyclones...), déminage, dépollution, etc.

En pratique, cette action consiste en une aide à structurer, dans le long terme, les élites nationales concernées. Elle s'exerce :

- soit par des formations, au moyen de missions de renfort temporaire (MRT) et de stages en France ou dans les « écoles nationales à vocation régionale » (ENVR) soutenues par notre pays qui accueillent chaque année environ 2 500 stagiaires en provenance d'une trentaine de pays ;

- soit par le conseil qu'assurent, sur place, des coopérants intégrés dans les structures hiérarchiques des États partenaires.

Les dépenses engagées à ce titre sont considérées comme disposant d'un fort effet de levier . Par exemple, l'impact d'un directeur des études français dans une école régionale africaine s'avère très supérieur aux crédits nécessaires pour financer sa mission. Plus généralement, en organisant et en structurant leurs forces, en planifiant leurs opérations, la coopération de sécurité et de défense permet aux pays bénéficiaires d'accomplir de considérables progrès, dans la mesure où les capacités dans le domaine du génie, de la santé, du transport, de la logistique ou encore des transmissions, bien souvent, sont présentes sur le terrain, mais éparpillées.

b) Une tendance à l'attrition observée sur 10 ans

Le budget de la coopération de défense et de sécurité est passé de 106,41 millions d'euros en 2007 à 62,90 millions d'euros en 2016 , soit une diminution de 40,8 % en une dizaine d'années, comme le montre le tableau ci-dessous. Votre commission n'a pas manqué de le dénoncer avec force chaque année.

La diminution du budget de la coopération de défense et de sécurité

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Crédits hors titre 2

51,43

28,33

33,07

33,31

32,85

34,63

30,46

23,82

27,11

24,87

Crédits de titre 2

54,99

69,65

62,29

62,05

58,99

63,21

74,42

64,46

64,47

62,97

Total

106,41

97,99

95,36

95,37

91,85

97,84

74,42

64,46

64,47

62,90

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

Bien évidemment, ces réductions de crédits n'ont pas été sans conséquence sur l'ampleur de la coopération qui peut être conduite. Pour en réduire les incidences, l'action du MAEDI est recentrée, par force, sur certains axes prioritaires : le renforcement de l'architecture de paix et de sécurité en Afrique, les grands enjeux de sécurité 23 ( * ) , et la formation et le conseil de haut niveau. Néanmoins, ces actions prioritaires elles-mêmes ne peuvent que pâtir de la baisse continue du nombre de coopérants engendrée par celle des crédits, comme le montre le tableau ci-dessous.

Évolution du nombre de coopérants de défense et de sécurité

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Afrique subsaharienne

266

255

252

246

245

240

225

232

226

208

Hors Afrique subsaharienne

68

67

64

64

65

63

60

57

55

55

Total

334

322

316

310

310

303

285

289

281

263

Source : réponse au questionnaire adressé au Gouvernement en application de l'article 49 de la LOLF

Entre 2007 et 2016, la diminution du nombre de coopérants militaires a été de plus de 20 %. Au début des années 2010, on dénombrait encore 310 coopérants, dont près de 80 % se trouvaient dans des pays de l'Afrique subsaharienne. À partir de 2013 , le nombre des coopérants est symboliquement passé sous la barre des 300 coopérants . La déflation du réseau a été de plus de 17 % entre 2015 et 2016 ; 20 postes de coopérants militaires ont ainsi été supprimés à l'été 2016. La majeure partie de l'effort a été supportée par l'Afrique subsaharienne.

Chaque année, cependant, une vingtaine de postes de coopérants en ce domaine étaient redéployés, en tenant compte du plafond ministériel d'emplois, à la suite de la clôture de projets achevés.

c) Une réduction drastique des crédits d'intervention en 2016

L'attrition observée et dénoncée de 2007 à 2015 a été encore aggravée en 2016. Le budget alloué à la direction de coopération de sécurité de défense a été fixé en 2016 à 87,8 millions d'euros . Les crédits d'intervention ont ainsi connu une baisse de 18,6 %.

Ces réductions budgétaires ont considérablement restreint la marge de manoeuvre de la direction en charge qui a continué de compenser les effets de cette décision budgétaire par un effort de définition des missions prioritaires impliquant à la fois des redéploiements et des actions pour attirer de nouveaux financements .

En 2016, a ainsi été recherchée une diversification des partenariats publics avec des fondations, des instituts, des universités ou des régions et grandes villes mais aussi avec des membres du Parlement 24 ( * ) . Un pacte de coopération avec la DCSD a également été mis en place pour favoriser les financements privés des entreprises .

Vos rapporteurs avaient souligné que cette attrition persistante des moyens en la matière constituait, au premier chef, une entrave à la capacité de la France de faire émerger en Afrique des forces de sécurité propres , tant militaires que civiles, qui puissent prendre en charge la sécurité du continent, puisque les trois quarts de la coopération de sécurité et de défense concernent l'Afrique subsaharienne 25 ( * ) . Votre commission n'avait pu que dénoncer l'absence de cohérence des moyens avec la priorité affichée d'un soutien à la consolidation de l'architecture africaine de sécurité . En témoigne, par exemple, la fermeture en 2014 du centre de perfectionnement de la police judiciaire au Bénin.

Ainsi l'orientation du PLF pour 2016 ne semblait pas cohérente avec les ambitions et les priorités affichées de la coopération structurelle. Elle ne l'était pas non plus, et vos rapporteurs l'avaient dénoncé avec force, avec l'engagement de nos forces armées en opérations extérieures (OPEX) dans la bande sahélo-saharienne -notamment au Mali- ou en République centrafricaine (RCA).

2. La coopération militaire structurelle priorité du budget 2017 ?
a) Une hausse des crédits de la DCSD en 2017 de 38 %

Le budget de la direction de la coopération militaire structurelle augmente de 38 % par rapport à 2016, soit 9,46 millions d'euros pour atteindre en 2017 101,60 millions d'euros . Vos rapporteurs pour avis se félicitent de cette évolution.

Le nombre de coopérants militaires continue toutefois de diminuer de 20 équivalents temps plein selon la réponse apportée au questionnaire budgétaire, portant la déflation des personnels de la direction de la coopération de sécurité et de défense à 50 ETP sur 3 ans, entre 2015 et 2017 .

b) Une action maximisée par la définition de priorités sectorielles et géographiques

La coopération militaire structurelle reste contrainte malgré l'augmentation de ses crédits en 2017. Dans cette perspective, le MAEDI, en liaison avec le ministère de la défense, l'état-major des armées et le ministère de l'intérieur a défini des priorités géographiques et sectorielles afin d'optimiser l'utilisation des crédits disponibles.

Les priorités sectorielles sont les suivantes :

- première priorité : la lutte contre le terrorisme . Un effort particulier sera accompli au Sahel et en Afrique de l'Ouest par le renforcement des capacités des états à la fois dans les domaines de la défense de la sécurité intérieure. À cela s'ajoutera également le développement de capacités spécialisées telles que le commandement, le renseignement, l'aéromobilité et la lutte contre les engins explosifs improvisés, la mise en place d'unités d'intervention spécialisée en évitant les redondances, etc.

- 2 ème priorité : la sécurité maritime . La coopération militaire structurelle visera à appuyer la mise en oeuvre de l'architecture interrégionale de sécurité dans le golfe de Guinée sur la base du processus de Yaoundé notamment au profit des pays suivants : Guinée Conakry, RCI, Ghana, Togo, Bénin, Nigéria, Cameroun, Guinée équatoriale, Gabon, Congo et RDC. Un effort particulier sera également mené sur la zone sud de l'océan Indien et Djibouti.

- 3 ème priorité : l'architecture africaine de paix et de sécurité . Il s'agit de faciliter l'intégration régionale au travers de l'union africaine et des organisations sous régionale, avec un effort particulier sur le G5 Sahel, la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CÉDÉAO), la Communauté Économique des États de l'Afrique Centrale (CEEAC) et la Commission de l'océan Indien (COI).

Les priorités géographiques sont inchangées :

- première priorité : la bande sahélo-saharienne avec la Mauritanie, le Sénégal, le Mali, le Burkina Faso, Niger et le Tchad,

- 2 e priorité : l'Afrique francophone bordant le golfe de Guinée,

- 3 e priorité : Djibouti, l'Afrique non francophone, la RCA .

À ces priorités s'ajoutera en 2017, dans le cadre du plan de renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme et de protection de nos communautés de nos intérêts à l'étranger, un renforcement des actions en Afrique et au Moyen-Orient notamment en Tunisie, Libye, Égypte, Jordanie et l'Irak.

Vos rapporteurs pour avis seront attentifs à l'évolution des moyens consacrés à la coopération militaire structurelle afin que l'année 2017 ne soit pas une exception mais bien le début d'un rééquilibrage, rapide et inscrit dans le long terme, essentiel à la cohérence de la politique étrangère de la France .


* 23 Tels que notamment la lutte contre le terrorisme, les trafics, la criminalité organisée ou la piraterie.

* 24 La réserve parlementaire a été ainsi sollicitée à hauteur de 35 000 € pour appuyer des projets de coopération au Sahel.

* 25 Ceci est cohérent avec la concentration des défis sécuritaires dans la région (terrorisme, trafics divers dont la drogue, immigration illégale, instabilité politique, insécurité maritime...).

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