B. LE PROJET DE PLAN STRATÉGIQUE 2017-2020 : UNE AMBITION PORTÉE PAR UN FINANCEMENT INCERTAIN

1. Un objectif majeur : la transformation numérique de l'entreprise

Après le repositionnement éditorial, qui était au centre du plan 2014-2016, l'axe majeur du plan stratégique 2017-2020 est la transformation numérique de l'entreprise, qui a été retardée par la cyberattaque du 8 avril 2015. Or, si elle ne veut pas passer à côté de la mutation numérique du marché mondial, TV5Monde doit investir dans son développement.

Ce chantier indispensable sera compliqué, long et difficile, notamment concernant la nécessaire évolution des métiers, qui sera examinée, avec les instances représentatives du personnel dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) 61 ( * ) .

Cette mutation est complexe en raison du caractère mondial de TV5Monde, de la diversité de ses publics et de leurs conditions d'accès aux programmes en mode numérique.

En effet, les technologies, les conditions techniques et financières d'accès aux offres numériques, et les habitudes de consommation sont très différentes d'une zone du monde à l'autre. Ce n'est donc pas une, mais plusieurs déclinaisons de l'identité numérique de TV5Monde qu'il convient d'offrir afin de pouvoir répondre aux attentes très différentes des publics, africains (qui privilégient des offres sur mobiles, peu consommatrices d'une bande passante qui leur coûte cher), japonais et coréens (suréquipés, sur-connectés et sur-sollicités) ou américains (habitués à cumuler des offres tous supports délinéarisés soit organisées par leurs opérateurs de distribution de télévision habituels, soit par des acteurs uniquement numériques).

La chaîne devra donc, sans rien abandonner de la télévision traditionnelle, s'efforcer de rattraper ses retards sur l'ensemble des supports numériques et associés, et pouvoir s'adapter, tant aux différents marchés qu'aux nouveautés technologiques qui ne manqueront pas d'émerger au cours de la période concernée.

La responsabilité de TV5Monde, service public mondial, à l'égard de ses Etats bailleurs de fonds et des Etats de la francophonie plus largement, l'oblige plus que tout autre media, à redoubler de vigilance pour répondre aux impératifs paradoxaux de la responsabilité éditoriale et de la disponibilité immédiate des médias.

L'enjeu essentiel de ce plan est donc de mobiliser chacun sur la finalité globale de son activité, pour tous types de publics, en distribution linéaire ou non linéaire en revoyant la chronologie des médias, et de permettre aux produits mis en ligne d'être repérables dans le foisonnement de l'offre numérique par un meilleur référencement, et en accompagnant les téléspectateurs, internautes et mobinautes sur les réseaux sociaux.

L'architecture du nouveau dispositif technique de TV5Monde a été conçue pour s'adapter aux nouvelles évolutions : il convient toutefois de le compléter au fur et à mesure des développements, de construire les processus techniques d'automatisation correspondants et leur supervision, de remplacer certains matériels obsolètes, et à composer avec les contraintes importantes résultant des nouvelles règles de cybersécurité.

L'objectif de mutation numérique de l'entreprise doit par ailleurs soutenir les priorités géostratégiques de ses gouvernements bailleurs de fonds, en première ligne desquelles se trouve l'Afrique, principale opportunité et premier territoire de développement de la francophonie de demain, où la concurrence se renforce chaque jour davantage.

Pour ce faire, TV5Monde doit obtenir d'être largement diffusée en TNT, et pour cela jouer son rôle de chaîne panafricaine, par des investissements accrus en programmes, en marketing, et potentiellement en sous-titrage dans les langues locales.

La chaîne doit aussi respecter les missions fixées dans sa Charte en termes de distribution la plus large possible : c'est dans ce cadre que TV5Monde se doit de poursuivre la transition de sa distribution linéaire en HD sur les territoires où celle-ci n'a pas encore pu être initiée au cours du plan stratégique 2014-2016 (avec double illumination HD-SD pour tâcher de maintenir sa distribution actuelle).

Afin d'accroître son accessibilité en dehors des seuls publics francophones, le renforcement de sa politique de sous-titrage est indispensable. Si elle dispose des moyens budgétaires pour le faire, ses programmes phares (« 64' le monde en français » et le « Journal Afrique ») seront sous-titrés en direct en français et en anglais.

De même, la distribution des chaînes jeunesse TIVI5 Monde (présente aux Etats-Unis et en Afrique depuis 2016) et art de vivre TV5Monde Style HD (présente depuis 2015 en Asie et dans le monde arabe) devra être poursuivie.

Enfin, TV5Monde doit impérativement rattraper son retard sur le numérique, grâce à la refonte de ses sites dans un format adaptable à toute taille d'écran et aux bas débits usités, notamment en Afrique, au développement d'applications pertinentes, en améliorant la réactivité et la rapidité de ses mises en ligne et son référencement, en développant de nouveaux produits et de nouvelles écritures.

Il serait également souhaitable, pour l'avenir et la pérennité de la chaîne, qu'elle se positionne sur les développements numériques à venir. Ainsi, la chaîne envisage d'accompagner des entreprises francophones innovantes en développement et qui traitent des sujets au coeur de ses métiers : culture, éducation, information, voire technologies.

L'ensemble de ces éléments se retrouve dans un plan articulé autour de trois enjeux, déclinés en 9 orientations qui recoupent 22 objectifs.

2. Une incertitude majeure : l'insuffisance du financement apportée par les bailleurs

CHIFFRAGE DU PROJET DE PLAN STRATÉGIQUE 2017-2020

Le plan de financement (voir tableau ci-dessus) a été examiné par les gouvernements bailleurs de fonds lors de la Conférence multilatérale des 9 et 10 novembre 2016 en Suisse. Si les partenaires ont approuvé ses orientations, ils ne se sont pas engagés sur son financement. Les contributions pour 2017, incluent de façon pérenne la quote-part de chacun dans les coûts liés à la cybersécurité. S'agissant de la partie française, il est proposé d'augmenter sa dotation de 1,4 million d'euros (+1,8 %) et globalement de 0,67 million d'euros (+ 2,7%) pour les autres partenaires 62 ( * ) .

Après la réalisation d'économies de gestion pour financer certains objectifs du plan 2014-2016, TV5Monde a dû amputer sur le financement de sa grille de programme et sur certains développements programmés pour financer la restauration de sa diffusion après la cyberattaque d'avril 2015. Cela démontre son incapacité désormais à effectuer des redéploiements sans altérer l'exécution de sa mission, surtout dans le contexte de surcoûts liés aux conséquences financières de la cyberattaque.

La faisabilité du plan suppose donc une augmentation du « neuvième de référence » de près d'1 M€, ce qui représenterait 5,9 M€ pour la France, engagée à hauteur de 6/9èmes. Pour mémoire, les partenaires francophones doivent également contribuer, de façon pérenne, au financement des coûts récurrents liés à la mise en place d'une cybersécurité renforcée, ce qui représente 0,33 M€ par an et par neuvième. Ainsi, globalement, pour la majorité des partenaires, le financement de la cybersécurité et les moyens nécessaires à la mise en oeuvre du plan représenteraient une augmentation de 17 % de leurs contributions pérennes, ce qui semble hors de portée, compte tenu des tensions budgétaires pesant sur l'ensemble des gouvernements.

A ce stade, l'entreprise ne disposera pas, dès 2017, des moyens nécessaires à la pleine mise en place du projet de plan stratégique. Elle devra procéder au report dans le temps de certaines mesures, à l'allègement d'autres mesures ou même, in fine , à leur abandon. Priorité sera donnée à la transformation numérique et à l'Afrique.

Vos rapporteurs s'étonnent du calendrier d'élaboration de ce plan stratégique et qu'il faille attendre le mois de novembre de l'année 2016 pour que les bailleurs s'accordent sur un plan stratégique engageant la société sur quatre années, de 2017 à 2020, comme pour assurer la société des engagements de ces partenaires sur le montant de ses ressources. Ce manque d'anticipation et surtout de mobilisation des gouvernements bailleurs - il n'est pas besoin d'attendre six mois entre deux réunions des hauts fonctionnaires responsables pour avancer - complique le management de l'entreprise. Il serait souhaitable que les États partenaires réfléchissent sérieusement à un mode de gouvernance plus souple sous forme d'un contrat d'objectifs et de moyens, constituant entre eux et avec la société, un engagement pluriannuel de financement.


* 61 La société va s'efforcer, grâce à la GPEC et aux formations qu'elle implique, de procéder à un accompagnement de ses personnels vers les nouveaux métiers et les nouvelles tâches nécessaires à sa mutation numérique, en évitant le plus possible de créer de nouveaux postes, sauf dans les cas de nouveaux métiers ou compétences absents dans l'entreprise.

* 62 La répartition des contributions entre les différents partenaires figurent dans le tableau infra p. 93.

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