C. UN MODÈLE SOUS TENSION

1. Les principaux axes de la politique scolaire à l'étranger

Le Contrat d'objectifs et de moyens de l'AEFE pour la période 2016-2018 prend en compte les recommandations formulées par la Cour des comptes dans son rapport de 2013 1 ( * ) , ainsi que les orientations préconisées dans le Plan d'orientation stratégique 2014-2017 de l'AEFE, approuvé par son conseil d'administration le 12 juin 2014. Le COM tient également compte de la feuille de route 2 ( * ) fixée en 2014 par le Ministre des affaires étrangères et du développement international et la Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

a) Les objectifs de la « feuille de route » de 2014

La feuille de route précitée a fixé les objectifs suivants :

- Mieux accompagner le développement du réseau , en fonction des intérêts d'une diplomatie globale, c'est-à-dire vers les zones de croissance des communautés françaises. Sur ce point, afin de répondre aux préconisations du rapport de M. François Perret, Doyen honoraire, missionné par le ministre des affaires étrangères et du développement international en 2015 3 ( * ) , des « plans enseignement » ont été demandés à 28 postes diplomatiques, en Europe et dans d'autres régions. Leur rédaction devrait être finalisée d'ici la fin de l'année 2016. Sur la base de ces documents, des « stratégies pays » pluriannuelles seront mises en oeuvre afin de renforcer le pilotage du réseau homologué.

- Conforter l'excellence du réseau des établissements partenaires par un suivi systématique et accru de l'homologation et de ses critères : À cette fin, les équipes du service pédagogique de l'AEFE ont été renforcées à la rentrée de septembre 2016 (recrutement de deux IA-IPR 4 ( * ) par l'opérateur et mise à disposition à temps partiel de trois IA-IPR par le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche). Un plan de suivi pluriannuel des établissements français à l'étranger sera également mis en place dès septembre 2016.

- Renforcer les liens avec les anciens élèves du réseau afin de développer l'attractivité de la France, notamment en s'appuyant sur la plateforme « Alumni » de Campus France, lancée en 2014, et qui a vocation à fédérer également les anciens élèves des lycées français à l'étranger.

- Explorer les nouvelles voies de développement du réseau , par la mise en place d'une offre de formation à distance, complémentaire de l'enseignement en présentiel. Le Centre national d'enseignement à distance (CNED) développe depuis 2013 un dispositif de « Scolarité complémentaire internationale » qui permet l'étude en ligne de trois matières fondamentales en français. La communication autour de cette offre doit être renforcée. Parallèlement, une « École française numérique à l'étranger » (EFNe) sera lancée en 2017, en lien avec le réseau d'enseignement français à l'étranger.

- Développer les partenariats avec le secteur privé, comme complément à notre réseau scolaire à l'étranger . Dans un rapport de 2015, M. Xavier Darcos, ambassadeur pour le rayonnement du français à l'étranger, a préconisé la mise en oeuvre d'une politique industrielle en faveur de l'innovation numérique francophone. Le projet d'EFNe s'inscrit dans cette optique en agrégeant des offres de contenus produites notamment par des acteurs privés de la filière française du numérique éducatif. L'EFNe permettra le portage à l'international de ces offres privées, en lien avec le réseau des établissements d'enseignement français à l'étranger.

- Développer des actions communes avec les dispositifs d'enseignement complémentaires du réseau homologué : afin de répondre à une demande croissante, des dispositifs autres que l'homologation sont développés, tels que le réseau des associations « Français langue maternelle » (FLAM) et le Label « FrancEducation ». Ce label regroupe aujourd'hui 157 établissements dans 35 pays, quatre ans après sa création. La structuration en réseau de ces établissements doit être encouragée.

b) Le prolongement de ces objectifs dans le COM 2016-2018

Signé le 29 juin 2016, le COM 2016-2018 est assorti, pour la première fois, d'indicateurs permettant d'améliorer la visibilité des actions de l'AEFE sur le long terme. Les objectifs cadres fixés à l'agence sont les suivants :

- « Le réseau de l'enseignement français à l'étranger est un des outils privilégiés de la diplomatie globale de la France » : à ce titre, l'AEFE devra adapter le réseau des établissements aux priorités définies par le MAEDI et structurer/développer l'offre éducative complémentaire (Label FrancEducation, appui aux filières bilingues, CNED, FLAM).

- « Le réseau des établissements scolaires français à l'étranger concourt à la promotion du modèle éducatif français et de son excellence » : à ce titre, l'AEFE devra dispenser un enseignement d'excellence innovant et adapté au plus grand nombre, approfondir le suivi du programme de bourses scolaires et établir une relation organisée et de long terme avec les anciens élèves du réseau.

- « Le réseau de l'enseignement français s'inscrit dans une démarche de performance et d'optimisation de la gestion budgétaire et des ressources humaines de l'agence » : à ce titre, il s'agit de consolider l'équilibre financier de l'agence, de diversifier les sources de financement en développant les ressources propres et les cofinancements, et d'élaborer une stratégie des ressources humaines dans le réseau. Cette stratégie des RH s'intéressera notamment à l'équilibre entre expatriés, résidents et agents de droit local ; elle cherchera les moyens de valoriser les parcours professionnels des personnels AEFE au sein de leur administration d'origine. Au titre de ce troisième objectif, l'AEFE devra, par ailleurs, assurer une gestion immobilière de l'ensemble de son parc en portant l'effort sur les conditions de sécurité des bâtiments, et harmoniser ses procédures internes en matière de gestion financière et budgétaire.

La politique scolaire extérieure a donc aujourd'hui pour objectif de renforcer son efficacité au regard des objectifs généraux de la diplomatie française , sans augmentation des ressources budgétaires .

Pour y parvenir, deux voix sont privilégiés :

- une stratégie d'optimisation des ressources par augmentation de l'effet de levier de la subvention budgétaire ;

- le développement d'une offre complémentaire hors homologation, au sein des systèmes éducatifs nationaux et par le développement d'une offre numérique.

c) Les réalisations en 2016

En 2016, l'accent a été mis sur la sécurité des établissements scolaires, qui constitue une priorité absolue.

Un poste de conseiller sécurité rattaché à la direction de l'Agence a été créé en juillet 2016 afin de coordonner l'ensemble des actions et des questions liées à la sécurisation des établissements d'enseignement français à l'étranger. En 2017, une dotation budgétaire de 14,7 M€ est prévue au bénéfice de l'AEFE pour la sécurité des établissements d'enseignement à l'étranger.

Par ailleurs, l'Agence s'est efforcée de renforcer l'excellence pédagogique par le recrutement d'inspecteurs supplémentaires , l'approfondissement du rôle des enseignants à mission de conseil pédagogique et le renforcement du dispositif de formation des personnels , notamment des personnels recrutés locaux.

Les dernières évolutions prévues par la loi de refondation de l'École sont mises en oeuvre dans le réseau, notamment la réforme du collège et les nouveaux programmes. En matière d'innovation, la correction des copies du baccalauréat est désormais entièrement dématérialisée. Par ailleurs, un Observatoire pour les élèves à besoins éducatifs particuliers 5 ( * ) a été créé en 2016.

Les partenariats post-baccalauréat ont été développés dans le cadre d'une convention signée le 13 juillet 2016 avec l'Agence Universitaire de la Francophonie (AUF).

Conformément aux orientations de l'AEFE, les dispositifs complémentaires au réseau homologué ont été développés :

- le nombre d'établissements « LabelFrancEducation » est passé de 51 en 2014 à 91 en 2015 et 157 en 2016.

- les associations FLAM sont au nombre de 157, dont 60 reçoivent un appui financier de l'AEFE.

2. Une diversification du réseau : le label « FrancÉducation »

Lancé en 2012, le « LabelFrancÉducation » identifie et promeut à l'étranger les programmes nationaux pour l'enseignement bilingue francophone. Il apporte la reconnaissance des autorités publiques françaises à des établissements d'excellence qui ont fait le choix de la langue française. Le réseau « LabelFrancÉducation » est constitué d'établissements étrangers, publics et privés, proposant à leurs élèves un parcours scolaire conforme aux programmes locaux, et non aux programmes français que suivent les établissements du réseau AEFE. Il s'adresse principalement, dans une logique d'influence, aux élèves étrangers.

Le « LabelFrancÉducation » répond à la nécessité de :

- promouvoir le français dans une démarche conjointe de valorisation de la langue et des programmes nationaux ;

- mettre en réseau les établissements scolaires étrangers à programmes nationaux qui proposent à leurs élèves des sections bilingues francophones de grande qualité, et les aider à promouvoir leur image d'excellence et d'ouverture internationale ;

- attirer vers l'enseignement bilingue, par effet d'entraînement, d'autres établissements en recherche d'excellence ;

- diversifier et compléter le réseau AEFE.

Le « LabelFrancÉducation » est attribué par le MAEDI, après avis d'une commission interministérielle annuelle qui réunit le MAEDI, le ministère de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, l'AEFE, la Mission laïque française et l'Institut Français.

Suite aux recommandations du Plan d'action en faveur de l'enseignement français à l'étranger, présenté le 28 août 2013 par Mme Hélène Conway-Mouret, alors ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, les conditions d'attribution du « LabelFrancÉducation » ont été modifiées à partir de la campagne 2015 par le décret 2014-1483 du 10 décembre 2014. L'objectif est d'assouplir les critères d'obtention, sans déroger à la qualité des enseignements .

Les principales conditions d'attribution sont les suivantes : 20 % minimum d'enseignement en français, présence d'au moins un professeur francophone titulaire d'un diplôme de niveau master ou équivalent, présentation des élèves aux certifications de langue française ou certification de français professionnel, existence d'un environnement francophone et mise en place d'un plan de formation continue.

L'AEFE est chargée de la gestion administrative et financière du label tandis que l'Institut français apporte son expertise dans le domaine de la coopération éducative. Les établissements labellisés participent aux programmes que l'Institut met en place pour le soutien et la promotion de l'enseignement bilingue.

La commission interministérielle du 17 juin 2016 a confirmé la progression du « LabelFrancÉducation » et la structuration de son réseau.

À la fin de l'année 2013, le réseau « LabelFrancÉducation » comprenait 32 établissements dans 9 pays. En 2015, il comptait 91 établissements dans 26 pays.

Il compte, depuis août 2016, 157 établissements dans 35 pays . L'augmentation est donc de plus de 70% en un an.

Le potentiel de développement est encore vaste car le vivier des filières bilingues francophones regroupe plus d'1,7 million d'élèves à travers le monde.

En juin 2016, un Forum mondial des établissements « LabelFrancÉducation », qui a rassemblé une centaine de participants à Paris, a permis de renforcer les liens et la structuration du réseau.

1. 3. Les recommandations de la Cour des comptes : « Insuffler une nouvelle dynamique »

À la demande de la commission des finances du Sénat, en application de l'article 58-2° de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, la Cour des comptes a réalisé une enquête sur l'enseignement français à l'étranger et l'accès des Français de l'étranger à cet enseignement , présentée le 20 octobre 2016.

Dans ce rapport, la Cour des comptes fait le constat d'un réseau « à la croisée des chemins » : « La contribution à la maîtrise des finances publiques s'est traduite par un désengagement de l'Etat caractérisé d'un côté, par une baisse continue des crédits publics et de l'autre, par un nombre d'agents du MENESR détachés à l'étranger durablement plafonné. Cette limitation des ressources publiques est concomitante d'une hausse continue de la demande de scolarisation, qui trouve son origine dans l'augmentation du nombre de Français vivant à l'étranger (+ 3 % par an), et, pour le public étranger, dans la forte attractivité d'un modèle d'enseignement d'excellence.

Dans ce contexte, le ratio « aide nette/frais de scolarité » (58 % pour les établissements en gestion directe et 35 % pour les établissements conventionnés) ne saurait poursuivre sa décroissance sans que soient altérés, non seulement le modèle sur lequel repose l'enseignement français à l'étranger, mais aussi et surtout le développement de cet instrument majeur de l'influence française dans le monde. »

Victime de son succès, le modèle de l'AEFE doit s'adapter, pour éviter que la demande croissante ne se traduise, dans un contexte de diminution des crédits, par une augmentation des droits de scolarité, qui ont déjà augmenté de manière significative depuis 2008, au risque de détourner certaines familles de l'enseignement français à l'étranger.

Pour préserver les fondements du réseau de l'AEFE, tout en optimisant ses effets d'influence, la Cour des comptes formule huit recommandations :

- Établir une cartographie prospective ;

- Fournir à tous les élèves un numéro d'identification étudiant (INE) afin de pouvoir assurer leur suivi dans l'enseignement supérieur français ;

- Intégrer l'Association des anciens élèves des lycées français du monde dans la structure de gouvernance du réseau et lui donner les moyens, sur la base d'une convention, de déployer une mission d'influence ;

- Accroître la place des parents dans la gouvernance des établissements ;

- Établir pour les EGD et établissements conventionnés une valeur cible de la proportion entre les financements publics français et les autres sources de financements ;

- Établir de nouvelles règles de gestion pour les enseignants résidents, en supprimant les recrutements différés et en mettant progressivement un terme à la notion de reconduction tacite du détachement ;

- Réduire progressivement la proportion d'expatriés au profit des résidents à effectif total maintenu ;

- Valoriser le statut de recruté local par la formation et les parcours professionnels.


* 1 « L'enseignement français à l'étranger », rapport de la Cour des comptes du 12 septembre 2013.

* 2 Orientations fixées par le ministre des Affaires étrangères et du développement international et la ministre de l'Éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, figurant dans le relevé de conclusions de la réunion du 20 novembre 2014. Ces orientations viennent en appui au Plan d'action en faveur de l'enseignement français à l'étranger présenté le 28 août 2013 par Mme Hélène Conway-Mouret, alors ministre déléguée chargée des Français de l'étranger.

* 3 « Quel avenir pour l'enseignement français en Europe ? », rapport de M. François Perret, Doyen honoraire, juillet 2015.

* 4 Inspecteurs d'académie - inspecteurs pédagogiques régionaux.

* 5 C'est-à-dire les élèves qui souffrent d'une maladie chronique, les élèves « dys », les élèves intellectuellement précoces, les élèves handicapés et les élèves en grande difficulté d'apprentissage ou d'adaptation.

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