C. LE CAS DU MAINTIEN EN CONDITION OPÉRATIONNELLE DES MATÉRIELS TERRESTRES DU MINISTÈRE DE LA DÉFENSE

1. Les acteurs du MCO terrestre
a) Le rôle du chef d'état-major de l'armée de terre

En application du décret n°2009-1177 du 5 octobre 2009 relatif aux attributions du chef d'état-major des armées (CEMA) et des chefs d'état-major d'armée, le chef d'état-major de l'armée de terre (CEMAT) est responsable, par délégation du CEMA, du MCO des équipements de l'armée de terre et, à ce titre, assure la maîtrise d'ouvrage (MOA) de l'entretien programmé des matériels de l'armée de terre.

Dans le nouveau modèle d'organisation du MCO-Terrestre, entré en vigueur depuis le 1 er juillet 2016, les 3 niveaux de responsabilité existants (MOA, maîtrise d'ouvrage délégué dite MOAd, maîtrise d'oeuvre dite MOE) fixés par l'état-major des armées sont conservés. L'autorité fonctionnelle du directeur central de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) est clarifiée et confirmée sur l'ensemble des acteurs du MCO terrestre.

Le chef d'état-major de l'armée de terre est désormais responsable du MCO du milieu terrestre et contrôle sa performance. Il bénéficie d'une maîtrise d'ouvrage déléguée, la SIMMT.

Dans le cadre du projet de l'armée de terre « Au contact », des évolutions notables du MCO terrestre sont mises en oeuvre. La maintenance opérationnelle (MO) est dissociée de la maintenance industrielle (MI) pour une meilleure lisibilité et efficacité. La MO regroupe principalement les activités de maintenance réalisées par les maintenanciers militaires en opérations, pour rendre leur disponibilité aux matériels. Elle est mise en oeuvre également en métropole au quotidien pour soutenir la préparation opérationnelle et la capacité d'engagement des forces terrestres. La MI, pour sa part, regroupe principalement les activités de maintenance réalisées par les maintenanciers civils en métropole, afin de régénérer le potentiel des matériels du parc de gestion retirés des forces. La baisse effective des capacités de production étatiques impose un transfert d'activités vers le privé.

Parallèlement, la SIMMT met en oeuvre une politique d'emploi et de gestion des parcs (dite PEGP), dans le cadre d'une politique de préparation opérationnelle différenciée qui doit permettre d'adapter les cycles d'activités aux ressources dédiées au MCO.

b) La SIMMT

La structure interarmées du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) est la structure de soutien du milieu terrestre à vocation interarmées et relève de l'autorité du chef d'état-major de l'armée de terre. L'activité de la SIMMT est réalisée au profit des maîtrises d'ouvrage (MOA) lui ayant délégué le maintien en condition opérationnelle (MCO) de leurs matériels terrestres (EMAT 22 ( * ) , EMM 23 ( * ) , EMAA 24 ( * ) et DCSEA 25 ( * ) ). Les maîtrises d'ouvrage expriment les besoins dans le cadre d'un contrat annuel et d'un dialogue de gestion en cohérence avec les ressources allouées.

La SIMMT est organisée en une portion centrale localisée à Versailles-Satory, 8 sections d'expertise technique du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, 4 sections d'assistance et d'expertise informatique réparties sur le territoire national, la section technique d'assistance SIM@T à Bourges et la mission de contrôle et d'assistance de la maintenance à Lyon.

Les effectifs autorisés de la SIMMT au 1 er janvier 2016 sont les suivants :

Militaires

Civils

Total

Officiers

S/officiers

EVAT

Cat 1

Cat 2

Cat 3

Ouvriers

TERRE

215

220

10

111

295

175

63

1 089

DGA 26 ( * )

10

10

SCA

10

10

AIR

9

45

54

MER

2

4

6

SEA

1

1

2

Total

247

270

10

111

295

175

63

1 171

En réalisation, un sous-effectif récurrent est constaté pour le personnel civil comme pour le personnel militaire. Le taux de réalisation des effectifs autorisés atteint 85,6 % en 2015.

Le budget de la Sint atteint en 2015 780 millions d'euros en autorisations d'engagement et 728 millions d'euros en crédits de paiement.

Les ressources financières de la SIMMT sont réparties entre trois opérations stratégiques :

- l'entretien programmé des matériels (EPM) pour financer le MCO ;

- les équipements d'accompagnement et de cohérence (EAC) qui permettent de financer des investissements en matériels d'accompagnement hors programme d'armement (exemple : jumelles, armement, matériels de chantier, de manutention, outillage, moyens de stockage) ;

- l'activité opérationnelle (AOP) pour couvrir une partie des frais de structure (ex : dotation des ateliers en quincaillerie, frais de déplacement, achats de dépannage).

En 2015, la SIMMT, responsable de quatre unités opérationnelles positionnées au sein des BOP « Terre », « Air », « Marine » et « Soutien », a bénéficié en gestion de ressources complémentaires, notamment du fait du remboursement des surcoûts OPEX, qui ont permis de couvrir les besoins du MCO terrestre. La répartition du budget par milieu est présentée dans le tableau suivant.

Budget de la SIMMT en 2015 et 2016

(en millions d'euros)

AE

AE

CP

CP

LFI 2015

exécuté

LFI 2015

exécuté

TERRE

525

695

500

650

AIR

37

51

46

41

MARINE

12

18

10

15

SOUTIEN

7

16

16

22

TOTAL

581

780

572

728

c) L'évolution de l'outil industriel étatique

Un nouveau modèle intitulé « MCO terrestre 2025 » repose sur le principe majeur de la séparation entre maintenance opérationnelle et maintenance industrielle et sur la reconnaissance de l'autorité fonctionnelle du directeur central de la SIMMT sur le maintien en condition opérationnelle terrestre dans sa globalité. La séparation entre maintenance opérationnelle (MO) et maintenance industrielle (MI), pour une meilleure lisibilité et efficacité, se traduit par la création du commandement de la maintenance des forces terrestres (CMF) centré sur la MO et du service de la maintenance industrielle terrestre (SMITer) responsable de la MI.

La maintenance opérationnelle relève désormais des régiments du matériel (RMAT) regroupés dans un commandement de la maintenance des forces placées sous l'autorité organique du CMF, à Lille. Celui-ci dispose d'une autorité fonctionnelle sur les unités de maintenance de tous les régiments des forces et organismes de l'armée de terre.

La MO regroupe principalement les activités de maintenance réalisées par les maintenanciers militaires en opérations extérieures (OPEX), pour rendre leur disponibilité aux matériels. Elle est mise en oeuvre également en métropole au quotidien sur le PEO (parc en exploitation opérationnelle) pour soutenir la préparation opérationnelle et la capacité d'engagement des forces terrestres. Sous l'autorité du général COM MF, le CMF assure le commandement organique de 6 régiments du matériel (RMAT) et relaie l'autorité fonctionnelle du DC SIMMT sur les moyens de maintenance des formations et des écoles. Le RMAT est le coeur de la performance de la MO dans sa zone de responsabilité.

La maintenance industrielle est à la charge des bases de soutien du matériel (BSMAT), aux ordres du SIMter placée sous l'autorité organique du directeur central de la SIMMT à Versailles Satory. La MI regroupe principalement les activités de maintenance réalisées par les maintenanciers civils en métropole, afin de régénérer le potentiel des matériels du parc de gestion retirés des forces (PIT - parc en indisponibilité technique). Sous l'autorité du général COM SMITer, le SMITer Nouvelle Génération (SIMTer NG) assure le commandement organique de 3 BSMAT. Cependant, la baisse effective des capacités de production étatiques impose un transfert d'activités vers le privé. Dans ce cadre, la MI doit être consolidée via un partenariat renforcé du SMITer avec les industriels.

L'optimisation de l'outil industriel étatique requiert une densification et une spécialisation des sites de production. Ainsi, le modèle MI étatique est construit, dans son principe, à partir :

- des sites qui permettent d'assurer plus de 100 000 heures de charge, pour la filière « mobilité terrestre » ;

- des sites qui permettent d'assurer plus de 30 000 heures de charge, pour la filière « électronique et armement ».

Pour asseoir son positionnement comme référent en termes de maintenance sur la mobilité terrestre et de pilote industriel des MOE privés sur l'ensemble des filières, le SMITer NG développera des fonctions existantes (par ex. : méthodes industrielles, études de production, pilotage des sous-traitants, diagnostic) et s'ouvrira sur d'autres (par ex. : ingénierie, MI logicielle, sourcing, amélioration continue).

Au profit des autres maîtrises d'ouvrage n'ayant pas encore totalement ralliées le MCO terrestre, l'activité de la SIMMT consiste principalement à les accompagner dans la mise en oeuvre du processus d'intégration qui repose sur :

- l'identification des matériels terrestres concernés et leur entrée en gestion logistique des biens ;

- le recueil des besoins de la MOA en termes de prestations de MCO au regard de leurs contraintes et exigences opérationnelles ;

- l'élaboration d'un contrat et du dialogue de gestion fixant les engagements réciproques sur la base des objectifs fixés et des ressources allouées ;

- la définition des éventuels besoins en acquisition avec une visibilité pluriannuelle ;

- la mise en oeuvre de protocoles d'exécution budgétaire pour la mise à disposition des ressources financières associées.

Les années 2017-2018 devraient voir aboutir les processus d'intégration du SIMu, du SID, du SSA et du SCA.

2. Les points forts et les inquiétudes pesant sur le système du MCO terrestre
a) Les objectifs de réactivité de la SIMMT

Pour répondre à un besoin urgent, la SIMMT dispose d'une triple capacité :

- une capacité d'achat réactive au niveau central, notamment au profit des opérations intérieures ou extérieures ;

- une capacité d'urgence au niveau régional (Moulins et Neuvy-Pailloux) qui permet de procéder à l'exécution urgente d'une opération de maintenance des matériels par l'achat de rechanges ou de fournitures ne figurant pas sur un marché central ou indisponibles ;

- enfin, une capacité au niveau local qui permet de satisfaire rapidement un besoin prévu et couvert par un marché central exécuté par carte d'achat.

En cas de nécessité opérationnelle et sur ordre, la procédure de l'échange de lettres est adoptée. Elle permet de répondre à un besoin en quelques jours. Cette procédure a notamment été utilisée récemment au profit des opérations BARKHANE et SANGARIS.

Par ailleurs, le centre opérationnel interarmées et interservices (CO2I), nouvellement mis en place, agit aussi bien en temps réel qu'à moyen et long terme au profit d'une meilleure réactivité et d'une vision complète sur le soutien, parc par parc, selon l'approche porteur-porté. Sa finalité est la satisfaction du besoin.

Les objectifs de disponibilité de la SIMMT sont traduits par des contrats de gestion avec chacune des MOA concernées. Pour l'armée de terre, ces objectifs sont plus particulièrement détaillés afin de répondre à trois contrats opérationnels différents :

- les seuils de contrat opérationnel issus du Livre blanc qui précise un seuil bas et un seuil haut, ce dernier devant permettre de répondre au contrat opérationnel le plus dimensionnant. La situation de la disponibilité des matériels au regard de ces deux seuils remonte au tableau de bord ministériel et au travers des PAP et RAP ;

- les seuils planchers qui correspondent au volume minimum d'équipements disponibles du parc de service permanent nécessaire aux formations pour réaliser au quotidien leurs activités en garnison (service courant, instruction individuelle et collective jusqu'au niveau 6) ;

- enfin l'objectif de disponibilité des opérations extérieures de 90 % de matériel disponible par théâtre afin d'être en mesure d'intervenir à tout moment et sans restriction.

b) Le plan d'activité de la SIMMT pour les prochaines années

La période 2016-2018 verra la mise en place d'une politique d'emploi et de gestion des parcs (PEGP) rénovée qui vise à apporter un gain en lisibilité tant vers l'EMA que vers les grands commandements de l'armée de terre. La PEGP 2016-2018 rénovée permet un meilleur pilotage de la performance. Une seconde étape suivra, à compter de 2018, avec l'arrivée d'équipements majeurs en quantité significative (les Griffon et les Jaguar du programme Scorpion).

L'organisation du MCO terrestre, en application du plan de transformation du MCO-T 2025, va générer une activité transverse significative dans les années à venir.

Un bilan intermédiaire sera nécessaire avant la fin de phase de transition (2019-2020), en fonction duquel, des inflexions pourront être apportées au modèle, ce qui est susceptible de conduire à une redistribution, voire une évolution, de l'activité au sein de la SIMMT.

La politique de la SIMMT prévoit :

- la mise en place de la politique d'emploi et de gestion des parcs (PEGP), ainsi que l'application d'une politique de préparation opérationnelle différenciée qui permet d'adapter les cycles d'activités aux ressources dédiées au MCO ;

- la prise en compte des matériels en retour d'OPEX, qui génère des investissements supplémentaires afin de permettre le maintien des standards et celui de l'activité, notamment pour les matériels les plus anciens ;

- le recours aux marchés globaux à obligation de résultats, qui renforcent la responsabilité des opérateurs privés dans l'atteinte des objectifs de disponibilité et leur offrent une visibilité à plus long terme permettant une diminution des coûts ;

- la recherche permanente d'un meilleur optimum économique entre potentiel alloué et parc en ligne, qui doit permettre de diminuer les coûts de soutien et les délais d'immobilisation des équipements.

c) Le risque de croisement des courbes

Le nouveau modèle de maintien en condition opérationnelle à objectif 2025 repose sur une évolution de la maintenance industrielle. La maintenance industrielle étatique va diminuer, c'est la courbe descendante, qui correspond à la diminution des crédits du titre 2 dédiés à ce poste. Sur un effectif de 16 000 personnes que compte aujourd'hui le maintien en condition opérationnelle terrestre, les départs à la retraite entre 2015 et 2025 sont évalués à 2 500 personnes. En comité ministériel des investissements, il a été décidé de conserver une maintenance étatique d'un périmètre plus limité qui conduit toutefois à recruter en dix ans 1 600 personnes.

Cette courbe croise la courbe montante des dépenses de titre 3 qui augmente pour intégrer à la fois :

- les dépenses transférées du titre 2 vers le titre 3 pour que la maintenance bascule de l'État vers le secteur industriel,

- mais aussi les coûts dus à la sur-utilisation, la sur-usure de nos équipements militaires, À titre d'exemple, les équipements militaires s'usent 6 fois plus vite sur l'opération BARKHANE 27 ( * ) qu'en métropole. Les canons César sont conçus pour être utilisés 6 à 9 000 fois par an, sur l'opération Chammal depuis début octobre 6 000 coûts ont déjà été tirés. Il faut donc organiser la rotation de ses équipements.

- et enfin, les coûts dus à l'obsolescence de nombreux parcs qui entraîne des coûts de maintien en condition opérationnelle exagérément hauts. Vos rapporteurs pour avis estiment qu'il n'est pas raisonnable de reconstruire des véhicules légers tactiques polyvalents « P 4 » au prix de 300 heures de maintenance et pour un coût de 30 000 euros au lieu d'acheter sur étagère un véhicule remplissant le cahier des charges pour un prix certainement inférieur.

L'intensité des phases de combat, le rythme des opérations, leur dureté et la dureté physique des théâtres d'opérations sur consomme les équipements amenant un vieillissement accéléré et plus de casse. Il en résulte une charge de maintenance encore plus élevée à confier au secteur privé et donc à financer.

Le seul financement du délestage d'activités vers le privé a été chiffré à près de 500 millions d'euros sur la période 2017-2022. Ce montant ne tient toutefois pas compte de la compensation de la sur-usure des équipements liés à la suractivité et la surintensité de leur exploitation par rapport au contrat opérationnel initial, qui n'est, à ce jour, pas pleinement chiffré mais se situe probablement dans une fourchette comprise entre 100 et 150 millions d'euros par an.

La loi de programmation en cours ne prend pas en compte ces réalités. Le chef d'état-major de l'armée de terre a indiqué que le financement du nouveau modèle de maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres est envisagé sur 2017 et 2018 mais n'est absolument pas garanti au-delà, moment où les courbes se croisent. C'est là un lourd tribut qui pèse sur la prochaine loi de programmation militaire d'autant que ces difficultés se retrouvent certainement dans le maintien en condition opérationnelle des matériels aériens. C'est le capital opérationnel de notre armée qui est en jeu !

La prochaine loi de programmation devrait donc prévoir le recrutement de 160 personnels civils par an et garantir dans la durée des moyens financiers permettant de construire un partenariat solide avec l'industrie privée en charge d'assurer désormais la maintenance industrielle.


* 22 État-major de l'armée de terre.

* 23 État-major de la marine.

* 24 État-major de l'armée de l'air.

* 25 Direction centrale du service des essences des armées.

* 26 Direction générale de l'armement.

* 27 Lors de l'opération serval en 2013 la surconsommation était-elle que les équipements de s'usaient 12 fois plus vite qu'en métropole. Des progrès ont donc été réalisés.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page