C. DES CONTRATS AIDÉS QUI DEMEURENT À UN NIVEAU ÉLEVÉ

1. Trop nombreux et peu lisibles, les contrats aidés demeurent insuffisamment tournés vers la sphère marchande

Votre rapporteur pour avis regrette que le nombre de contrats aidés demeure à un niveau élevé, même s'il connaît un tassement significatif . Le PLF pour 2017 prévoit une dotation de 1,175 milliard d'euros en AE et 1,472 milliard en CP pour financer l'entrée de 200 000 personnes en CAE (secteur non marchand) et 45 000 en CIE (secteur marchand) . Or, le PLF pour 2016 prévoyait une enveloppe de 1,439 milliard d'euros en AE et 1,278 milliards en CP pour financer la conclusion de 260 000 nouveaux contrats. Il convient toutefois de rappeler que l'instruction n° DGEFP/MIP/2016/215 du 30 juin 2016 relative à la programmation des contrats uniques d'insertion et des emplois d'avenir au deuxième semestre 2016 a prévu un effort budgétaire supplémentaire de 150 000 contrats aidés (y compris les emplois d'avenir) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2016.

Votre rapporteur pour avis constate que la programmation des contrats aidés est très complexe et rend malaisée son pilotage au niveau national . Soucieux d'objectiver la fixation des objectifs par région , les services ministériels concernés ont ainsi considéré que le nombre de CUI-CAE à conclure au second semestre 2016 dépendait pour 40 % du nombre de contrats déjà conclus, pour 25 % du nombre de demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an, pour 20 % du volume des renouvellements estimés au second trimestre, pour 10 % du nombre de bénéficiaires du RSA socle et pour 5 % du nombre de demandeurs d'emploi de plus de 50 ans. Par ailleurs, il existe au sein des CUI-CAE des objectifs spécifiques selon les administrations concernées , par exemple pour l'Éducation nationale 18 ( * ) ou la police nationale 19 ( * ) .

En outre, les services ministériels fixent des objectifs d'embauche spécifiques selon les publics jugés prioritaires, par exemple les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui varient selon le contrat aidé (13 % pour les CUI mais 20 % pour les emplois d'avenir et 35 % pour les CIE-starter) ou les personnes handicapées (10,9 % de contrats aidés sont attribués à des personnes handicapées). Enfin, des objectifs sont fixés selon la nature des prescripteurs : par exemple, en 2015, Pôle emploi devait prescrire 75 % des CUI-CAE, les conseils départementaux 13 %, les missions locales 7 % et Cap emploi 5 %.

Au final, la multiplication des objectifs fixés par les services ministériels rendent peu lisible la politique de l'État en matière de contrats aidés, d'autant que les ajustements prévus en loi de finances rectificative aboutissent à un nombre de contrats effectivement conclus systématiquement supérieur à celui prévu en loi de finances initiale comme le montre le tableau ci-après.

Présentation de l'évolution du nombre de contrats aidés entre 2013 et 2017

Source : ASP-DGEFP

Contrats

Nombre

AE (en M€)

CP (en M€)

LFI 2013

Emplois d'avenir

100 000

2 320,6

466,6

CUI-CAE

340 000

1 726,4

1 479,2

CUI-CIE

50 000

201,5

186,6

Total CUI

490 000

4 248,5

2 132,4

Réalisé au 31/12/2013

Emplois d'avenir

88 175

1 633,79

294,68

CUI-CAE

405 610

2 132,40

1 577,48

CUI-CIE

50 655

125,88

63,78

Total CUI

544 440

3 892,07

1 935,94

LFI 2014

Emplois d'avenir

50 000

1 170,87

1 246,25

CUI-CAE

340 000

2 198,29

1 807,94

CUI-CIE

40 000

164,50

135,63

Total CUI

430 000

3 533,66

3 189,82

Réalisé au 31/12/2014

Emplois d'avenir

96 755

1 694,53

1 024,05

CUI-CAE

311 092

1 842,84

1 714,73

CUI-CIE

49 130

142,13

123,75

Total CUI

456 977

3 679,5

2 862,53

LFI 2015

Emplois d'avenir

65 000

1 381,64

1 270,03

CUI-CAE

300 000*

1 634,27

1 577,73

CUI-CIE

80 000

332,01

206,92

Total CUI

445 000

3 347,92

3 054,68

Réalisé au 31/12/2015

Emplois d'avenir

82 557

1 505,37

1 319,63

CUI-CAE

288 881

1 974,28

1 714,45

CUI-CIE

91 743

336,84

178,67

Total CUI

463 181

3 709,80

1 370,72

LFI 2016

Emplois d'avenir

35 000

742,88

1 186,49

CUI-CAE

200 000

1 106,93

1 023,31

CUI-CIE

60 000

274,24

196,50

Total CUI

295 000

2 124,1

2 406,3

Réalisé au 31/07/2016

Emplois d'avenir

45 647

944,68

769,26

CUI-CAE

167 690

894,83

1 006,29

CUI-CIE

63 673

288,34

191,71

Total CUI

277 010

2 127,84

1 967,26

PLF 2017

Emplois d'avenir

35 000

600,14

933,56

CUI-CAE

200 000

1 006,06

1 329,85

CUI-CIE

45 000

169,41

142,89

Total CUI

280 000

1 775,61

2 406,30

* Volume inscrit en LFI hors débasage de 100 000 CAE en ETP en ACI dans le cadre de la réforme du financement des structures de l'IAE

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

Votre rapporteur pour avis déplore également que seulement un cinquième des CUI concerne la sphère marchande . Les publics bénéficiaires des CUI dans la sphère non marchande sont en général plus éloignés du marché du travail que ceux qui bénéficient de contrats aidés dans la sphère marchande. En effet, une circulaire interministérielle du 30 juin 2016 20 ( * ) rappelle que les publics prioritaires des CUI-CAE sont les demandeurs d'emploi de longue et de très longue durée, les bénéficiaires des minima sociaux, les demandeurs d'emploi seniors ainsi que les travailleurs handicapés.

Mais les différences de profil des publics bénéficiaires ne peuvent à elles-seules justifier les faibles taux d'accès à l'emploi des bénéficiaires de contrats aidés dans le secteur non marchand par rapport aux personnes qui ont conclu des contrats aidés dans le secteur marchand . Votre rapporteur pour avis rappelle à cette occasion les résultats d'une enquête de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), selon laquelle six mois après la fin de leur contrat, 66 % des personnes sorties d'un contrat unique dans le secteur marchand (CIE) sont en emploi, contre seulement 36 % des personnes sorties d'un contrat aidé du secteur non marchand (CAE) 21 ( * ) . En outre, une étude du même organisme de juillet 2016, se référant à un panel de demandeurs d'emploi entre 2005 et 2007, a montré « un effet négatif ou nul du passage en contrat aidé dans le secteur non-marchand » 22 ( * ) . Ainsi, deux ans et demi après l'entrée en contrat aidé, seulement 33 % des bénéficiaires d'un CAE ont une probabilité d'être en emploi non aidé (CDD, CDI, intérim, création d'entreprise), contre 38 % des personnes de même profil n'ayant pas bénéficié de CAE. Inversement, après la même période, 66 % des salariés passés par un CIE ont une probabilité d'être en emploi non aidé, contre 43 % pour les personnes similaires n'ayant pas bénéficié de ce dispositif. Votre rapporteur pour avis ne peut qu'adhérer à l'analyse de la Cour des comptes, qui constate que « les contrats aidés dans le secteur non marchand ne parviennent pas à corriger le facteur défavorable que constitue une faible qualification initiale » 23 ( * ) .

Le Gouvernement estime que les contrats aidés auraient permis la création nette de seulement 32 000 emplois en 2014 et de 15 000 en 2015. Les emplois aidés auraient également permis de réduire le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A d'environ 13 000 personnes en 2015. Autrement dit, les emplois aidés mis en oeuvre en 2015 n'auraient fait baisser le nombre de demandeurs d'emploi en catégorie A que de 0,5 point environ 24 ( * ) .

En définitive, il convient selon votre rapporteur pour avis de donner la priorité absolue à l'apprentissage, d'accorder plus de place aux contrats aidés dans la sphère marchande, de conserver un volant de contrats aidés dans le secteur non-marchand le plus réduit possible et de prescrire des actions de formations systématiques et adaptées aux besoins des bénéficiaires de contrats aidés.

2. Les emplois d'avenir : un bilan mitigé

Le PLF pour 2017 prévoit une dotation de 600 millions d'euros en AE et 933,5 millions en CP pour financer les contrats d' emploi d'avenir conclus avant 2017 (89 000 en 2014, 82 829 en 2015 et 68 175 en 2016) et ceux qui seront signés l'an prochain (35 000).

Pour mémoire, le PLF pour 2016 avait prévu une dotation de 743 millions d'euros en AE et 1,2 milliard en CP pour financer 95 000 contrats conclus en 2013, 87 000 en 2014, 90 000 en 2015 et 35 000 en 2016.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité de septembre dernier, « alors que les entrées dans le dispositif sont habituellement réparties entre les deux semestres de l'année, les prescripteurs d'emplois d'avenir ont été autorisés, dès le début de l'année, à consommer la totalité de l'enveloppe des 35 000 emplois d'avenir au cours du premier semestre de l'année 2016 », d'où une enveloppe complémentaire d'emplois d'avenir ouverte courant 2016 25 ( * ) .

Dans une instruction du 24 octobre dernier , le ministère du travail a indiqué que les prescriptions d'emplois d'avenir pour les mois d'octobre à décembre 2016 devaient désormais être réservées aux seules demandes de renouvellement , afin de sécuriser la trajectoire des bénéficiaires qui souhaitent poursuivre leurs activités chez le même employeur ou un nouvel employeur. Face à l'émoi qu'a suscité cette recommandation dans de nombreux territoires et à la crainte d'un coup d'arrêt imprévu au développement de ce dispositif, la ministre du travail a indiqué à l'Assemblée nationale qu'il n'était « pas question de mettre fin aux emplois d'avenir » mais de « garantir l'égalité territoriale et le respect des procédures ». En effet, selon la ministre, « certaines régions ayant dépassé leur objectif de 120 % ou de 130 % », le nombre des emplois d'avenir aurait explosé au détriment d'autres régions 26 ( * ) .

Une étude de la Dares d'octobre dernier a montré que 3 jeunes sur 4 en emploi d'avenir avaient suivi une formation pendant la première année de leur contrat, étant rappelé que les actions de formation sont obligatoires pour ce type de contrat, contrairement aux autres contrats aidés 27 ( * ) . La moitié des jeunes ont même suivi une formation certifiante pendant la première année (diplôme reconnu par l'Éducation nationale, certificat de qualification professionnelle, habilitation ou permis). Mais il est nécessaire de s'assurer de la qualité des actions de formation ainsi réalisées et du taux d'insertion des bénéficiaires d'un emploi d'avenir à l'issue de leur contrat.

Enfin, votre rapporteur pour avis constate avec satisfaction que le PLF pour 2017 ne mentionne plus les dispositifs d'emploi aidé spécifiques à l'outre-mer, ce qui permettra de simplifier la politique de l'emploi dans ces territoires.


* 18 En effet, à l'occasion de la Conférence nationale du handicap du 19 mai 2016, l'engagement a été pris de pérenniser les CAE en contrats d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH).

* 19 En 2016, 2 200 postes d'adjoints de sécurité sont prévus dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

* 20 Circulaire DGEFP/MIP/2016/215 du 30 juin 2016 relative à la programmation des contrats uniques d'insertion et des emplois d'avenir au deuxième semestre 2016.

* 21 Etude de la Dares n° 71 de septembre 2014, « Que sont devenues les personnes sorties de contrats aidés en 2012 ? ».

* 22 Document d'étude de la Dares n°192, « quels effets du recrutement en contrat aidé sur la trajectoire professionnelle ? Une évaluation à partir du Panel 2008 de la Dares », juillet 2015, pp. 20-27.

* 23 Rapport public thématique de la Cour des comptes, « L'accès des jeunes à l'emploi : construire des parcours, adapter les aides », 5 octobre 2016, p. 50.

* 24 En effet, selon la Dares, la catégorie A comptait 3 590 600 demandeurs d'emploi fin 2015.

* 25 Rapport public thématique de la Cour des comptes, « L'accès des jeunes à l'emploi : construire des parcours, adapter les aides », 5 octobre 2016, p. 43.

* 26 http://www.assemblee-nationale.fr/14/budget/plf2017/commissions_elargies/cr/c015-1.asp

* 27 Etude de la Dares n° 56 d'octobre 2016 « Les jeunes en emploi d'avenir : quel accès la formation, pour quels bénéficiaires ? ».

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page