II. LE SPECTACLE VIVANT : ENTRE SOUTIEN CONFORTÉ ET NOUVEAUX DÉFIS

A. DES CHOIX BUDGÉTAIRES QUI RENFORCENT LA POLITIQUE DE SOUTIEN À LA CRÉATION

Les crédits de l'action n°1 progressent de près de 36 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), à 705,21 millions d'euros ( + 5,35 % ) , et de 23,77 millions d'euros en crédits de paiement (CP), à 700,19 millions d'euros ( + 3,51 % ).

Le projet annuel de performances pour 2017 indique que cette action a pour objet d'accroître le soutien à la création, de faciliter l'accès du public - en particulier celui des jeunes - aux oeuvres sur l'ensemble du territoire et de favoriser la structuration des professions du spectacle vivant. Il précise que les crédits supplémentaires accordés pour l'exercice 2017 devraient permettre principalement de « conforter la structuration des réseaux du spectacle vivant avec l'ambition de répondre aux priorités gouvernementales en faveur de l'emploi artistique et technique, de la jeunesse et de l'irrigation des territoires, et de renforcer l'investissement ».

Il est vrai que les dépenses d'investissement sont en très forte hausse , à 22 millions d'euros en AE (+ 286 %) et 15,05 millions d'euros en CP (+ 76 %). Une grande partie de cette augmentation s'explique par la poursuite du programme de travaux initié en 2016 d' accessibilité aux personnes à mobilité réduite des établissements du spectacle vivant, le lancement des études pour le projet de « Cité du théâtre » , ainsi que la revalorisation du montant de la première phase des travaux effectués au théâtre national de Chaillot et le lancement d'une étude pour la suite des travaux. En outre, une première tranche de travaux devrait être lancée au Centre national de la danse , dont les façades, très dégradées, menacent la sécurité et plusieurs travaux menés chez différents opérateurs devraient être poursuivis (ateliers de la Comédie-Française à Sarcelles, théâtre de l'Odéon, théâtre national de Strasbourg, théâtre national de la Colline). Enfin, le programme 131 devrait participer aux travaux de désamiantage de l' Institut de recherche et de coordination acoustique- musique (IRCAM) et prendre en charge les travaux destinés à intégrer le numérique.

Le projet de « Cité du théâtre » sur le site Berthier

Les Ateliers Berthier , seule oeuvre à caractère industriel de Charles Garnier, pourraient être reconfigurés pour créer une « Cité du théâtre ». Ce projet s'appuierait sur le succès rencontré par le théâtre de l'Odéon, dont la deuxième salle est implantée sur le site depuis 2003 et qui a su attirer depuis son installation un public nombreux, souvent plus jeune et venant de quartiers plus excentrés par rapport aux salles situées au coeur de la capitale.

Le site, qui s'étend sur une superficie de près de 20 000 mètres carré, abrite aujourd'hui les ateliers de décor et de peinture, des espaces de stockage et une salle de répétition de l'Opéra de Paris, ainsi que la deuxième salle du théâtre de l'Odéon précitée d'une capacité de 600 places.

Les premières études menées par le ministère de la culture et de la communication ont montré qu'il était possible de loger les fonctionnalités de l'Opéra de Paris installées dans les Ateliers Berthier sur le site de l'Opéra Bastille, ouvrant ainsi la voie à la reconversion des Ateliers Berthier au profit des besoins de développement de trois opérateurs : la Comédie-Française, le théâtre de l'Odéon et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique .

Ce projet permettrait de répondre aux problèmes de bureaux, de stockage pour le matériel technique, de loges pour les artistes, de régie et d'espaces d'accueil rencontrés par le théâtre de l'Odéon sur le site des Ateliers Berthier.

Il pourrait offrir à la Comédie-Française la salle modulable, plus adaptée aux mises en scène et esthétiques contemporaines qu'une salle à l'italienne, qu'elle réclame depuis plusieurs années, ainsi qu'une autre salle et lui permettrait d'accéder à de nouveaux publics. En contrepartie, la Comédie-Française pourrait fermer, à terme, le Studio Théâtre situé dans le Carrousel du Louvre.

Il constituerait une solution pour le Conservatoire national supérieur d'art dramatique, actuellement implanté dans le 9 e arrondissement de Paris, dont les locaux exigus et non conformes aux normes en vigueur ne sont plus adaptés aux besoins de l'établissement. Il donnerait à ses élèves une ouverture précieuse sur la formation. Les locaux du 9 e arrondissement serait alors revendu, à l'exception de ceux qui abritent le théâtre à l'italienne de 429 places.

Ce projet permettrait enfin plusieurs mutualisations via , par exemple, la réunion des bibliothèques des trois opérateurs.

De son côté, l'Opéra de Paris obtiendrait la création d'une deuxième salle modulable de 800 places sur son site de Bastille, prévue dans le projet initial, mais jamais construite. Elle accueillerait de la musique et la danse.

La phase d'étude du projet devrait débuter en 2017. À cette fin, 5 millions d'euros ont été inscrits en autorisations d'engagement et 2 millions d'euros en crédits de paiement. Les travaux pourraient débuter en 2018, avant que la Cité du Théâtre n'ouvre ses portes aux alentours de 2022 ou 2023.

À ce stade, le coût du projet est évalué aux alentours de 90 millions d'euros pour le projet Berthier et à 60 millions d'euros pour le projet d'aménagement de l'Opéra Bastille.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Les dépenses d'intervention progressent de près de 13 millions d'euros en AE , à 397 809 137 millions d'euros ( + 3,4 % ), et de près de 15 millions d'euros en CP , à 396 544 443 millions d'euros ( + 3,9 % ).

Les nouveaux crédits devraient permettre de financer trois priorités :

- soutenir les marges artistiques des labels et réseaux et rénover les équipements devenus obsolètes des structures labellisées ;

- soutenir la création indépendante orientée vers les territoires et la jeunesse ;

- consolider le maillage territorial . A ce titre, sont mises en avant les mesures destinées à donner de nouveaux moyens aux pôles nationaux du cirque et aux centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public, à renforcer le dispositif des résidences d'artistes, et faire évoluer le programme des scènes conventionnées.

Pour l'année 2017, les crédits d'intervention centraux en fonctionnement , d'un montant de 71,16 millions d'euros (+ 1,27 %), se répartissent comme suit :

- 18,89 millions d'euros en soutien aux institutions et lieux de création et de diffusion non labellisés (+4,6 %), dont 13,87 millions d'euros pour des théâtres (Cartoucherie de Vincennes, théâtre du Vieux-Colombier, théâtre du Rond-Point, Tréteaux de France, théâtre des Bouffes du Nord, théâtre de l'Athénée et le Tarmac) et 3,75 millions d'euros pour l'Office national de diffusion artistique, qui exerce une mission de diffusion des oeuvres théâtrales, musicales et chorégraphiques sur le territoire national ;

- 14,90 millions d'euros pour le soutien aux artistes et aux équipes artistiques , comprenant 13,74 millions d'euros (+ 32,9 %) destinés à financer une quarantaine d'équipes indépendantes, et 1,16 million d'euros (comme l'an passé) pour le soutien à la création dans les domaines du cirque et des arts de la rue ;

- 14,25 millions d'euros (comme l'an passé) pour soutenir les structures qui jouent le rôle de pôle de ressources, de recherche ou de valorisation du patrimoine du spectacle vivant . Il s'agit, par exemple, dans le domaine musical, du Hall de la chanson, du centre de documentation de la musique contemporaine, du centre de musique baroque de Versailles (2,5 millions d'euros), du centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles ou de l'IRCAM (5,67 millions d'euros) et, dans le domaine du théâtre, d'Artcena ;

- 10,40 millions d'euros pour les festivals et les résidences , un montant identique à celui qui avait alloué en 2016 ;

- 8,44 millions d'euros pour la structuration des professions et de l'économie du secteur du spectacle vivant (+ 1,8 %), dont 3,65 millions d'euros destinés à l'association pour le soutien au théâtre privé (+ 3,1 %), 2,31 millions d'euros pour aider les organismes professionnels et syndicaux (+ 11,6 %), 2,3 millions d'euros pour permettre la poursuite du financement du fonds de professionnalisation et de solidarité assuré en partenariat avec Audiens (- 8 %), et 0,18 million d'euros au titre du soutien aux contenus culturels discographiques, qui regroupe essentiellement les aides à Musiques françaises d'aujourd'hui ;

- 4,29 millions d'euros au titre des aides à la création et aux nouvelles écritures , comprenant le soutien aux structures qui valorisent les écritures contemporaines dans les domaines de la musique et du théâtre, la politique de commande musicale du ministère, ainsi que des projets multimédia et numériques. Ces crédits sont stables par rapport à 2016.

5 millions d'euros de crédits centraux d' investissement sont par ailleurs prévus pour faciliter la mise en sécurité des lieux subventionnés en administration centrale et soutenir leurs besoins d'équipements urgents.

Le soutien de l'État aux festivals

Après une saison 2014-2015 marquée par la mise en place d'une « cartocrise », une réflexion a été engagée sur le soutien de l'État aux festivals. Une mission a été confiée par le Gouvernement à Pierre Cohen pour faire le point sur la situation et l'avenir des festivals.

Le financement de l'État dans ce domaine devrait s'établir en 2017 au même niveau qu'en 2016, à 17 millions d'euros , dont 10 millions d'euros pour une dizaine de manifestations d'envergure nationale, parmi lesquelles les festivals d'Aix et d'Avignon.

Depuis 2003 , l'État a recentré son intervention : le nombre de festivals subventionnés a baissé , passant de 342 en 2004 à 170 en 2015 avec, en contrepartie, une augmentation de la subvention moyenne allouée à chacun d'entre eux.

Le rapport de Pierre Cohen, remis en mai dernier, rassure en montrant que la France reste une terre de festivals avec une très riche diversité de programmation . Malgré les inquiétudes suscitées par la diminution des aides publiques, les créations de festivals restent encore très légèrement supérieures aux disparitions. En revanche, le nombre de festivals gratuits se réduit comme peau de chagrin. Le rapport souligne que « la souplesse structurelle des festivals leur a sans doute permis de s'adapter à ces baisses plus facilement que les lieux permanents, [mais qu']un seuil pourrait avoir été atteint, en deçà duquel les ajustements vont devenir très difficiles ». S'il écarte la création d'un label « festivals », Pierre Cohen estime que la reconnaissance et la pérennité des festivals passe par le développement d' outils d'observation , par le renforcement des outils de contractualisation et la mise en place de véritables co-constructions, ainsi que par un soutien financier ciblé de l'État .

Des échanges que votre rapporteur a eus avec le ministère de la culture et de la communication, il apparaît que, dans le contexte largement décentralisé des festivals, l'État ne devrait plus intervenir dans l'ensemble du champ, mais seulement là où des lacunes sont constatées ou des impulsions sont nécessaires . Dans tous les cas, le soutien de l'État n'est envisagé que sous l'angle d'une co-construction avec les collectivités territoriales ; il se limiterait aux festivals au sens strict et ne prendrait pas en charge les temps forts des établissements permanents. Il serait réservé aux festivals qui permettent de promouvoir la diversité artistique, à ceux qui sont ouverts à un public large ou attachent une attention particulière à diversifier leurs publics, à ceux qui se situent dans des zones blanches de la culture ou à ceux qui construisent des projets avec les acteurs culturels locaux et contribuent à la structuration du territoire.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Les crédits d'intervention déconcentrés en fonctionnement , d'un montant de 302,29 millions d'euros (+ 3,1 %) , se répartissent comme suit :

- 200,53 millions d'euros d'aide aux labels (+ 4%) , dont plusieurs nouveaux crédits :

- 2 millions d'euros pour consolider la structuration du réseau des SMAC, dont 500 000 euros devraient notamment servir au développement du réseau en milieu rural, comme l'a indiqué Audrey Azoulay lors de son audition devant votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication. Même si le nombre de SMAC bénéficiaire des subventions octroyés au titre de cette ligne budgétaire a augmenté entre 2016 et 2017, le montant de ces nouveaux crédits devrait pouvoir permettre d'accroître le montant moyen de la subvention allouée aux SMAC, passant de 112 000 à 121 000 euros. Dans ce contexte, le Syndicat des musiques actuelles demande que l'élaboration des nouveaux cahiers des missions et des charges soit l'occasion de relever le montant plancher de la subvention de l'État, actuellement fixé à 75 000 euros, soit le plancher le plus faible de tous les établissements labellisés, pour garantir une certaine pérennité des financements publics et soutenir des lieux à forte contribution au maillage territorial ;

- 1,18 million d'euros en faveur des centres dramatiques pour favoriser la création et la diffusion et accompagner la transformation en centre dramatique national des centres dramatiques régionaux de Tours, de Vire et de l'Océan Indien ;

- 1 million d'euros pour les scènes nationales pour notamment garantir à chaque scène nationale un minimum de dotation de 500 000 euros ;

- 750 000 euros pour consolider les centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public

- 700 000 euros pour consolider les pôles nationaux du cirque ;

- 600 000 euros pour renforcer les moyens des opéras en région ;

D'après les informations communiquées à votre rapporteur, l'État souhaite encourager les lieux labellisés à développer leurs actions « hors les murs » et dans les petites communes et devraient prévoir une enveloppe de 1,5 million d'euros à cet effet.

- 34,49 millions d'euros pour les autres lieux de création et de diffusion (+3,5 %) , qui ne relèvent pas d'un label et sont financées majoritairement par des collectivités territoriales. Des crédits supplémentaires, pour un montant de 670 000 euros, devraient être alloués aux scènes conventionnés, dont 200 000 euros profiteront directement à la marionnette ;

- 51,26 millions d'euros pour aider les équipes et ensembles artistiques dans les domaines du théâtre, de la musique et de la danse (+ 8,3 %) ;

- 7,23 millions d'euros au titre du soutien aux festivals , comme l'an passé ;

- 4,89 millions d'euros pour les résidences , soit 2,7 millions d'euros de crédits supplémentaires par rapport à 2016 (+ 123,3 %) ;

- une nouvelle enveloppe de 2,5 millions d'euros répartie entre les DRAC pour renforcer les moyens accordés à la jeune création et aider des lieux de diffusion orientés vers le jeune public et situés dans des territoires délaissés .

Enfin, plus de 17 millions d'euros de crédits déconcentrés d'intervention en investissement sont également prévus pour l'entretien, l'équipement ou la restructuration des établissements subventionnés et, en particulier, des structures labellisées.

Les dépenses de fonctionnement , qui représentent près de 40 % des crédits affectés à l'action n° 1 , progressent de plus de 7 millions d'euros , pour s'établir à 275,23 millions d'euros ( + 2,7 % ).

Cette hausse non négligeable, alors même que le périmètre des opérateurs n'a pas évolué par rapport à 2016, s'explique principalement par la revalorisation de 4,6 millions d'euros de la subvention de l'Opéra-comique , qui doit rouvrir ses portes en février prochain, et par l'octroi de 2,31 millions d'euros de crédits supplémentaires pour financer les mesures de sécurité renforcées prises à la suite des attentats de novembre 2015.

Trois opérateurs de l'État obtiennent une revalorisation spécifique de leur subvention :

- le théâtre de l'Odéon pour consolider sa marge artistique,

- le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) pour la mise en place de l'observatoire de la musique, décidée par la loi du 7 juillet 2016, dont il assurera la gestion. Il obtient également deux nouveaux emplois pour lui permettre de faire face à l'augmentation de ses charges. Toutefois, le directeur du CNV a indiqué à votre rapporteur qu'il craignait de manquer de personnel pour développer l'observatoire ;

- la caisse nationale de retraite de l'Opéra national de Paris pour compenser l'accroissement structurel de ses charges.

Les dépenses d'opérations financières , qui correspondent aux dotations en fonds propres attribués à dix établissements publics nationaux, sont globalement en repli par rapport à 2016 , à 10,17 millions d'euros en AE et 13,37 millions d'euros en CP : la forte baisse des dotations en fonds propres accordés à l'Opéra-comique, liée à la fin du chantier de travaux, ne compense pas la revalorisation des dotations en fonds propres alloués à l'établissement public du parc de la grande halle de la Villette, qui doit lui permettre de mieux couvrir ses besoins structurels d'investissement.

Le montant des dotations en fonds propres allouées aux huit autres établissements (Comédie-Française, théâtre national de Chaillot, théâtre national de l'Odéon, théâtre national de la Colline, théâtre national de Strasbourg, Opéra national de Paris, Centre national de la danse et Cité de la musique-Philharmonie de Paris) reste stable par rapport à 2016.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page