C. RADIO FRANCE : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE QUI SE FAIT TOUJOURS ATTENDRE

La situation de Radio France demeure la plus délicate de l'ensemble de l'audiovisuel public. Les fragilités apparues depuis 2015 et illustrées par le premier déficit de l'histoire de l'institution ne sont pas résorbées aujourd'hui, bien au contraire. L'absence de véritable feuille de route donnée à l'entreprise dans le nouveau COM comme la dégradation du climat social consécutive à la grève qui a touché le groupe du 11 février au 12 mars 2015 expliquent sans doute les difficultés rencontrées par Radio France pour aller véritablement de l'avant.

Les réformes ont depuis la grève été reportées ou édulcorées. Les nombreuses recommandations du rapport de la Cour des comptes en particulier ont - pour un temps au moins - été laissées de côté 7 ( * ) . Et des inquiétudes sont apparues tant en ce qui concerne l'avenir de la CAP du fait de l'absence de réforme de son assiette que de la place de plus en plus importante prise par la publicité sur les sites Internet du groupe.

Face à ce climat de défiance persistant en interne, la direction de Radio France a repris son bâton de pèlerin afin de convaincre que la situation s'améliore même si les défis demeurent nombreux.

1. Des résultats d'audience particulièrement satisfaisants qui constituent une marque de reconnaissance pour l'entreprise

Si France Télévisions n'a pas réussi sa rentrée à l'automne 2016, ce n'est pas le cas de Radio France qui a pu se féliciter dernièrement des bons résultats d'audience obtenus au cours des derniers mois. Radio France réalise en effet sa meilleure part d'audience jamais obtenue avec 25 % et gagne 787 000 auditeurs en un an.

Dans le détail, France Inter est écoutée quotidiennement par plus de six millions d'auditeurs (6 039 000 auditeurs, + 596 000 en un an), soit 11,3 % d'audience cumulée (+ 1,1 point en un an). Franceinfo fait sa meilleure rentrée depuis trois ans et réunit chaque jour 4 251 000 auditeurs, France Bleu, avec 7 % d'audience cumulée, rassemble pour sa part 3 729 000 auditeurs (+ 0,7 point en une vague, soit 329 000 nouveaux auditeurs). La nouvelle grille, renforcée par de nouveaux programmes locaux, permet à France Bleu de réaffirmer son rôle majeur de média de proximité. France Culture confirme un très bon résultat d'audience (2,1 % d'A.C - 1,116 million d'auditeurs) tandis que France Musique affiche une progression de 0,2 point par rapport à l'année dernière et séduit 100 000 nouveaux auditeurs.

Ces bons résultats d'audience doivent être salués et viennent rappeler les grandes compétences des personnels de Radio France à un moment où l'entreprise traverse une période difficile de son histoire. La légitimité de la radio publique est confortée par ces bons résultats et il n'est pas superflu de le rappeler à un moment où les interrogations demeurent sur l'avenir de l'entreprise. Ce n'est évidemment pas l'existence d'une société nationale puissante de radio qui est en cause mais la politique qui permettra d'assurer son développement dans les meilleures conditions compte tenu de la réalité de la situation budgétaire de notre pays.

Votre rapporteur pour avis observe à cet égard avec satisfaction que les performances de l'antenne de Franceinfo n'ont pas été pénalisées par le lancement de la nouvelle offre commune d'information du service public. Bien au contraire, même la tranche du matin, qui comprend des programmes communs avec la chaîne de télévision, progresse, ce qui illustre bien l'effet d'entraînement de l'offre globale et éloigne toute idée de « cannibalisation » entre les différents supports. L'objectif de développement des mutualisations trouve donc dans ces résultats également matière à être confirmé.

Pour la direction de Radio France, ces bons résultats trouvent leur origine dans les changements de grille engagés depuis 2014 qui commencent à porter leurs fruits.

2. Une situation financière qui demeure très fragile

Si les chiffres d'audience viennent mettre du baume au coeur de l'ensemble des personnels de Radio France, ils ne suffiront malheureusement pas à résoudre les difficultés de l'entreprise en l'absence de réformes importantes dans les mois et les années à venir.

La direction de l'entreprise rappelle que la trajectoire est orientée à la baisse depuis 2012 avec une inflexion particulière en 2014/2015. Par ailleurs, les moyens nouveaux accordés en 2017 ne concernent que l'investissement - c'est-à-dire en fait le chantier - et non le fonctionnement. Le surcoût généré par le chantier pèse donc sur le fonctionnement de l'entreprise. La réhabilitation de la Maison de la Radio est elle-même à l'origine de nouveaux coûts pour l'entreprise, notamment en raison des frais de location occasionnés par les déménagements et les travaux.

La dotation totale de ressources publiques sera de 612,3 millions d'euros HT (soit 625,1 millions d'euros TTC), en augmentation de 5,5 millions d'euros. 577,7 millions d'euros seront consacrés au fonctionnement et 34,6 millions d'euros à l'investissement.

Cette hausse de 5,5 millions d'euros se répartit entre 5 millions d'euros de CAP pour financer les travaux de la Maison de la radio et 0,5 million de dotation complémentaire hors COM pour compenser la perte de recettes publicitaires liées au nouveau site de Franceinfo dépourvu de publicité. On peut rappeler que le Gouvernement s'est engagé à apporter 80 millions d'euros à Radio France sur la période du COM (55 millions d'euros de dotation en capital et 25 millions d'euros de CAP).

Au final, le déficit de 2016 estimé à - 16,5 millions d'euros devrait finalement atteindre - 13,5 millions d'euros. Un déficit de - 6,5 millions est prévu en 2017 .

Un déficit moindre que prévu en 2016

Votre rapporteur pour avis s'est trop inquiété de l'aggravation de la situation financière de Radio France dont témoignaient ses déficits pour ne pas se réjouir de l'amélioration constatée en 2016 qui a vu passer le déficit de -16,5 millions d'euros en prévisionnel à -13,4 millions d'euros.

Cette amélioration tient à un ensemble de facteurs qui ne sont pas tous récurrents comme l'amélioration des ressources propres autres que publicitaires (ex : billetterie) ou le report de l'application de l'accord collectif (ce report et les autres dispositions concernant les personnels permanents et occasionnels permettent un gain comptable de 3 millions d'euros). L'économie sur les charges d'intérêt s'explique également par la non-mise en place de l'emprunt au cours de cette année.

À noter que des éléments sont également venus dégrader ce résultat comme la baisse des recettes publicitaires sur les annonceurs traditionnels compensée avec retard compte tenu des délais nécessaires pour modifier le cahier des charges. La masse salariale a également été impactée par la hausse des effectifs occasionnels et l'impact de l'ancienneté des journalistes. Enfin, le coût relatif à la participation de Radio France à la nouvelle chaîne d'information a augmenté de 0,5 million d'euros à 0,738 million d'euros.

Source : Radio France

3. Des réformes à poursuivre pour permettre le redressement

Un peu plus d'un an après la grève du printemps 2015, Radio France doit à la fois mettre en oeuvre les objectifs de son COM et avancer sur les réformes déjà identifiées comme prioritaires.

Les objectifs du COM prévoient de :

- poursuivre le travail de dynamisation des antennes et de participation à la nouvelle offre Franceinfo, affirmer le positionnement de la Maison de la Radio comme lieu ouvert au public et à la création musicale et culturelle et accélérer le développement numérique ;

- poursuivre le renforcement du contrôle interne de l'entreprise à travers le renouvellement du dialogue social, le travail sur les organisations, la refonte des systèmes d'information de gestion ;

- maîtriser la trajectoire financière, notamment en matière de masse salariale et mettre en oeuvre les mesures nécessaires pour permettre le retour à l'équilibre progressif des comptes de l'entreprise à l'horizon 2018.

Votre commission avait décidé en 2015 de donner un avis défavorable à l'adoption de ce COM au motif qu'il n'était pas sain pour l'entreprise de connaître une situation de déficit pendant plusieurs années et que la maîtrise de la masse salariale était insuffisante . Elle avait également regretté l'absence de rapprochement des différentes rédactions de France Inter, France Info et France culture et le report de la réforme des formations musicales en dépit des recommandations du rapport de M. Stefan Gehmacher.

Même si les attentes de votre rapporteur pour avis ne se retrouvent pas dans le COM de Radio France, il n'en demeure pas moins que ce document comprend des orientations a minima qui vont dans le bon sens et qui doivent être mises en oeuvre.

C'est le cas du contrôle interne qui doit continuer à être renforcé et du dialogue social qui demeure une priorité.

La baisse du déficit d'exploitation devrait donc se poursuivre en 2017 grâce notamment :

- au développement des recettes commerciales de l'entreprise à travers, en particulier, le nouveau régime publicitaire mis en oeuvre en avril 2016 qui permet de diversifier les annonceurs et de stabiliser les recettes publicitaires. Les autres ressources propres (éditions, concerts, locations d'espaces etc...) devraient par ailleurs bénéficier des actions de marketing mises en oeuvres depuis 2015 ;

- à l'arrêt, le 31 décembre 2016, de la diffusion en ondes courtes qui permet des économies sur les frais de diffusion ;

- à des économies supplémentaires sur les achats et les consommations ;

- à un effort de maîtrise de la masse salariale (modération salariale, travail sur les effectifs, réduction de la précarité...).

Votre rapporteur pour avis estime que la maîtrise des charges doit passer par un effort volontariste de réduction de la masse salariale , ce que ne prévoit pas véritablement le COM. À cet égard, il observe une évolution favorable - même si elle reste modeste - puisque les charges de personnel sont en baisse de 9 millions d'euros sur l'année 2015 (- 2,3%) et sont estimées en 2016 à 395,2 millions d'euros soit 2 millions d'euros de moins par rapport au niveau prévu dans le COM. Le niveau des effectifs devrait quant à lui s'établir à 4 201 ETP sur l'année 2016 soit un niveau légèrement inférieur à la prévision du COM (4207 ETP). Les arbitrages en cours pour 2017 devraient être conformes aux prévisions du COM.

Il ressort, par ailleurs, de l'audition de la direction générale de Radio France par votre rapporteur pour avis que, si la réforme des formations musicales reste à conduire, un accord est en voie de conclusion pour permettre une meilleure articulation entre les deux orchestres qui verraient leurs périmètres redéfinis.

Pour mémoire, le coût des formations musicales s'élevait en 2016 à 43,3 millions d'euros (contre 42,1 millions d'euros en 2015). Les dépenses de personnel restent stables depuis plusieurs années à un niveau élevé de 31,2 millions d'euros tandis que les dépenses de fonctionnement connaissent une hausse sensible depuis trois ans pour atteindre 12 millions d'euros en 2016. A défaut de supprimer ou fusionner les orchestres, la recherche de mutualisations doit permettre de mieux maîtriser l'évolution des coûts dans l'attente d'une réforme de plus grande ampleur.

Au final, la situation financière de l'entreprise reste assez tendue, ce qui ne la met pas dans les meilleures dispositions pour poursuivre ses missions, notamment en matière de développement de la filière production, de couverture des festivals sur le territoire et d'éducation aux médias. Le développement numérique pour toucher des publics plus jeunes, qui est une autre des priorités de l'entreprise, a également un coût.

Outre ses propres difficultés, la direction de Radio France a exprimé sa plus vive inquiétude sur l'absence de réforme de la CAP. Elle craint que la baisse inéluctable du rendement de la CAP puisse, le moment venu, se traduire par une rupture dans les moyens alloués à l'entreprise, qui se traduirait inévitablement par une modification du périmètre des activités.

4. Des interrogations qui subsistent sur la fin du chantier de la Maison de la Radio

Le financement des travaux de réhabilitation de la Maison de la Radio a été organisé dans le cadre de plusieurs COM. Compte tenu des travaux restant à réaliser, le COM 2015-2019 prévoit :

- une dotation en capital de 55 millions d'euros versée en deux fois (27,5 millions d'euros en 2016 et 27,5 millions d'euros en 2017) ;

- le maintien de la subvention d'investissements courants de 24,6 millions d'euros par an sur la période du COM et le versement d'une subvention d'investissement complémentaire de 25 millions d'euros répartie sur les exercices 2016, 2017 et 2018. Au total, la subvention issue de la CAP pour l'investissement représenterait 24,6 millions d'euros en 2015, 29,6 millions d'euros en 2016, 34,6 millions d'euros en 2017 et 2018, et 24,6 millions d'euros en 2019 ;

- la possibilité pour l'entreprise de recourir à un emprunt dans la limite de 70 millions d'euros.

Concernant l'avenir de Radio France, l'actionnaire sera confronté à un choix difficile dans les mois à venir concernant la fin du chantier. La réfection des studios moyens de la maison de la Radio dont le coût est estimé à 67,5 millions d'euros n'a pas été budgétée. Or il apparaît difficilement imaginable de ne pas finir complètement ces travaux. Y revenir ne ferait en effet qu'augmenter les coûts puisqu'il faudrait à nouveau mettre le bâtiment en « mode chantier ». Si l'entreprise annonce être prête à prendre 35 % du coût de ce dernier chantier à sa charge, il reviendra néanmoins à l'actionnaire de trouver les 43 millions d'euros restants.


* 7 Dans son rapport, la Cour des comptes regrettait en particulier que : « à l'évidence, ni l'entreprise ni ses tutelles n'ont fait jusqu'à présent des COM un véritable levier de changement ».

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