B. AIR FRANCE PASSE À L'OFFENSIVE POUR PRÉSERVER SON RÉSEAU

Le groupe Air France-KLM représente 5,3 % du trafic international mondial en 2015 en passagers kilomètres transportés (contre 5,5 % en 2014 et 6% en 2013) : il est le 2 ème transporteur aérien mondial pour le trafic de PKT à l'international après Emirates et devant United Airlines ; pour le trafic total de PKT (domestique et international), il se situe au 5 ème rang mondial, les quatre premières places étant occupées par trois groupes américains ( American Airlines , Delta Air Lines , United Airlines ) et par Emirates . Le groupe Air France-KLM est le 7 ème transporteur aérien mondial pour le trafic de fret derrière Fedex , Emirates , UPS , Cathay Pacific , Lufthansa et Korean Air en tonnes-kilomètres-transportées.

HISTORIQUE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE D'AIR FRANCE

Air France est née en 1933 du regroupement de cinq compagnies aériennes françaises : Air Union, Air Orient, Société Générale de Transport Aérien (SGTA), la CIDNA et l'Aéropostale. La compagnie a été nationalisée en 1945 et devient en 1948, la compagnie nationale.

En janvier 1999, le gouvernement ouvre le capital d'Air France en prévoyant de réduire progressivement la participation de l'État à 54,5 % .

Le 6 mai 2004, lors de l' offre publique d'échange (OPE) d'Air France sur KLM , l'État français est dilué et voit sa participation passer de 54,5 % à 44,1 % ; l'État s'engage alors à réduire sa participation à environ 20% du capital, sans toutefois donner de calendrier.

Le 9 décembre 2004, l'État français ramène finalement sa participation de 44,1 % à 23,2 %. En mars 2005, conformément à ce qu'il avait annoncé, l'État français ramène sa participation de 23,2 % à 18,6 % par cession de titres dans le cadre de l'opération réservée aux salariés (ORS) d'Air France-KLM, puis progressivement à 15,88 % en 2011 .

Dernière opération en date, en mai 2015, afin d' assurer une minorité de blocage à l'assemblée générale et sécuriser l'obtention des droits de vote double dans la cadre de la « loi Florange » du 29 mars 2014, l'État a acquis 1,7% du capital du groupe Air France-KLM portant sa participation à 17,58 % et ses droits de vote à 26,85%.

1. Des résultats en nette amélioration en dépit d'une érosion des parts de marché

• Sur l'année 2015, le groupe Air France-KLM a transporté un total de 79 millions de passagers (+2 % par rapport à 2014). Le trafic du groupe a atteint 235,7 milliards de passagers-kilomètres transportés (PKT), soit une hausse de 1,2 % par rapport à 2014, pour une offre en sièges-kilomètres offerts (SKO) en hausse de 0,7 %. Le coefficient de remplissage du groupe s'est établi à 85,1 %, en hausse de 0,4 point.

La part de marché du groupe sur les principaux faisceaux de trafic passagers de/vers la France baisse légèrement entre 2014 et 2015, passant de 37,7% à 37,4 %. Elle reste forte sur les liaisons intérieures mais s'érode régulièrement : elle est de 72 % en 2015 contre 84 % en 2008. Pour le trafic international , la part de marché s'améliore vers l'Afrique (+1 %), l'Amérique Latine (+0,6 %) et le Moyen orient (+0,7 %), diminue vers l'Europe (-0,3 %) et l'Outre-mer (-1,1 %), et reste stable vers l'Amérique du Nord et L'Asie pacifique.

• Dans ce contexte, le chiffre d'affaires d'Air France-KLM s'élève à 26 Md€ en 2015 , en hausse de 4,6 % par rapport à l'année 2014. Le résultat d'exploitation du groupe affiche un bénéfice de 816 M€ , contre une perte de 129 M€ en 2014 principalement due à une grève importante dont l'impact avait été évalué à 425 M€.

VENTILATION DU CHIFFRE D'AFFAIRES D'AIR FRANCE-KLM

CA en M€

2014

Part dans CA total en 2014

2015

Part dans CA total en 2015

Variation

Passagers réguliers (hors Transavia)

18 740

75,2%

19 707

75,6%

5,2%

Autres recettes passagers

830

3,3%

834

3,2%

0,5%

Transavia (Holland et France)

1 056

4,2%

1 099

4,2%

4,1%

Fret

2 509

10,1%

2 263

8,7%

-9,8%

Autres recettes fret

172

0,7%

162

0,6%

-5,8%

Total transport aérien

23 308

93,6%

24 066

92,4%

3,3%

Maintenance

1 251

5,0%

1 577

6,1%

26,1%

Autres

354

1,4%

417

1,6%

17,8%

Total chiffre d'affaires

24 912

100,0%

26 059

100,0%

4,6%

Au total, le résultat net retrouve une valeur positive , à 118 M€ contre - 225 M€ en 2014. Les dettes nettes ont diminué entre 2014 et 2015 pour s'élever à 4,3 Md€ (-20,4%) et le ratio d'endettement (dette nette / EBITDA) est passé de 3,4 % à 1,8 %. Par conséquent, l'objectif initial du plan Transform 2015 (4,5 Md€ de dette nette à fin 2014) est atteint avec une année de retard .

La baisse des capitaux propres d'Air France-KLM, passés de 8-10 Md€ en 2007-2008 à 5-6 Md€ entre 2009 et 2011, pour atteindre -692 M€ en 2014 s'interrompt : ils redeviennent positifs à 225 M€ en 2015 mais restent à un niveau faible. Le groupe n'a toutefois pas de problème de liquidités : au 31 décembre 2015, la trésorerie s'élève à 3,8 Md€.

• Au cours du premier semestre 2016 , le groupe a enregistré un trafic passager de 38,6 millions de passagers (hors Transavia), stable par rapport au premier semestre de l'année 2014. De même, le coefficient de remplissage augmente légèrement à 84,6 %. Mais la recette unitaire au passager-kilomètre transporté subit une baisse de 3,7 % à change constant . Le trafic cargo diminue quant à lui de 6,5 %, pour des capacités en baisse de 5,6 %, soit une baisse de 1,2 point du coefficient de remplissage qui s'établit à 58,9 %.

Au total, le chiffre d'affaires s'établit à 11,8 Md€, en recul de 2,6 % mais le résultat d'exploitation est en forte augmentation à 218 M€ contre -238 M€ au 1er semestre 2015. Les dettes nettes s'élèvent à 4 Md€ au 30 juin 2016, contre 5,41 Md€ au 31 décembre 2014 et les capitaux propres sont négatifs à -775 millions d'euros.

Les chiffres du troisième trimestre viennent d'être publiés : le chiffre d'affaires est de 6,9 Md€ et le groupe dégage un bénéfice net de 544 millions d'euros, contre 480 millions un an plus tôt. Au total, sur les neuf premiers mois de 2016, le chiffre d'affaires de 18,76 Md€, en recul de 3,1% à données comparables, et le résultat net s'élève à 430 M€ contre -158 M€ sur les neuf premiers mois de 2015.

2. Un nouvel élan avec « Trust Together » et le lancement d'une compagnie low-cost long courrier

• L'année 2015 a marqué la fin du plan Transform 2015 qui a sorti Air France du risque financier majeur au prix d'une importante réduction des effectifs : pour la seule société Air France, ils sont passés de 56 851 personnes en 2008 à 47 920 en 2014, soit une baisse de 16 %.

Ce plan avait été dicté par la situation critique du groupe après la crise économique de 2008 : la compagnie Air France s'était retrouvée avec une perte nette de près d'un milliard d'euros en 2012 et un endettement dépassant les 6 Md€ .

Pour restaurer la rentabilité de l'entreprise, le conseil d'administration avait alors annoncé fin 2011 la mise en place d'un plan de redressement sur trois ans (2012-2014), destiné à restaurer la compétitivité grâce à une réduction de l'ordre de 10 % du coût unitaire hors carburant , à restructurer son activité court et moyen-courrier et à réduire son endettement (pour atteindre 4,5 Md€ contre 6,5 Md€ début 2012).

En dépit de sa mise en oeuvre incomplète, le groupe considère que le plan Transform 2015 a constitué une étape essentielle de son redressement : repositionnement réussi du produit et du service au client au meilleur niveau mondial, baisse des coûts unitaires de 8% entre 2011 et 2014, résultat bénéficiaire, endettement réduit d'un tiers.

• Dans le prolongement du plan Transform 2015 qui a permis d'améliorer la situation de la compagnie sans pour autant lui permettre de renouer avec la rentabilité, la direction générale d'Air France-KLM a présenté le plan Perform 2020 en septembre 2014, qui vise le retour à la croissance .

Ce plan prévoyait initialement l' arrivée de nouveaux appareils (Boeing 787) et un développement du réseau long-courrier à partir de 2017, à la condition que des gains de productivité soient réalisés pour faire baisser les coûts unitaires de 8,5 % environ, notamment par le biais de plans de départs volontaires. L'annonce de ce plan dans un contexte tendu, a entraîné une grève de pilotes d'une durée exceptionnelle (14 jours). Le bilan a fortement pesé sur les comptes de la compagnie, avec un impact estimé à 425 millions d'euros et une image sévèrement abîmée : 10 000 touristes ont dû annuler leurs vols et 30 000 voyages d'affaires ont été perdus.

Les négociations sur la mise en place de Perform 2020 n'ayant pas abouti, un « plan B » a été présenté fin 2015 par Air France. Ce plan d'attrition prévoyait, en première phase, la suppression de 5 lignes long-courrier vers l'Asie et le Moyen-Orient, des diminutions de fréquences hebdomadaires (35), la réduction de 14 avions (sur 106) de la flotte long-courrier d'ici 2017 et l'annulation des commandes de Boeing 787. Ce « plan B » incluait également la suppression de 2 900 emplois, dont 900 pour les personnels navigants commerciaux et 300 pour les pilotes.

En vue d'entamer une nouvelle phase de négociations avec les personnels, un « plan A+ » a finalement été présenté en janvier 2016 . Potentiellement plus ambitieux que le plan A, il prévoyait notamment, pour le long courrier : une croissance de l'offre de 2 à 3 % par an de 2016 à 2020 ; le développement de la flotte, avec jusqu'à deux nouveaux appareils chaque année dès 2017, en plus du remplacement des appareils anciens ;  l'ouverture de nouvelles destinations, principalement en Amérique et en Afrique (une à deux nouvelles par an à partir de 2017) ;  l'atteinte de 80 % de lignes rentables de façon pérenne en 2017 ;  la poursuite de la montée en gamme à bord des appareils et dans les aéroports parisiens ;  1,1 milliard d'euros d'investissements nets en 2016.

• Faute d'accord avec les organisations syndicales sur les conditions d'application du plan Perform 2020 , le nouveau PDG d'Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac a présenté un nouveau projet stratégique Trust Together le 3 novembre 2016. L'objectif du groupe Air France-KLM est d'atteindre en 2020 un chiffre d'affaires d'environ 28 Md€ pour 100 millions de passagers transportés avec une flotte atteignant 435 appareils (hors avions régionaux).

Ce plan prévoit une réduction des coûts unitaires sur la période 2017-2020 supérieure à 1,5% par an, une stricte discipline des dépenses d'investissement (entre 1,7 et 2,2 milliards d'euros par an pour 2017 et 2018), et une maîtrise du ratio d'endettement (qui sera inférieur à 2,5 en milieu de cycle).

Air France prévoit notamment de reprendre l'offensive sur le long-courrier et de lutter contre les compagnies du Golfe. Dans le cadre du projet de reconquête baptisé Boost , la création d'une nouvelle compagnie low-cost long courrier a été annoncée : elle sera c entrée sur les marchés hyper-concurrentiels et permettra au groupe d'être offensif en ouvrant de nouvelles lignes, en rouvrant des lignes fermées car non rentables et en conservant des lignes menacées.

Cette nouvelle compagnie proposera une offre simple, moderne et innovante , tout en conservant des standards comparables à ceux d'Air France en termes de qualité de produit et de professionnalisme des équipes. Elle permettra de développer la capacité d'innovation du groupe sur le produit, le digital et la technologie, la restauration, le design des cabines, les services et parcours client ainsi que les méthodes de travail.

La nouvelle compagnie comptera 10 avions long-courriers d'ici 2020 et exploitera environ 30% de lignes nouvellement créées . Elle s'appuiera sur des pilotes d'Air France volontaires , avec des règles d'utilisation et de rémunération adaptées. Concernant le personnel navigant commercial, une filière de recrutement spécifique sera créée afin de permettre d'opérer cette nouvelle compagnie au niveau de coûts du marché. Les activités au sol, comme la maintenance, seront réalisées dans le cadre d'Air France, en tirant parti des évolutions en cours (digitalisation du passage, projet piste « Ramp Target 2020 »).

En ce qui concerne le court et moyen-courrier, le groupe prévoit de développer les marchés point-à-point au départ des marchés domestiques français et néerlandais. En 2015, Transavia France a augmenté sa flotte de sept avions supplémentaires, accroissant ainsi l'offre de 25 %, et cinq avions supplémentaires sont en cours d'intégration en 2016 14 ( * ) . En parallèle, Transavia Holland a créé une base à Munich, en Allemagne, au printemps 2016 : quatre appareils y sont présents, permettant l'exploitation de 16 destinations à partir de cette ville. Par ailleurs, Air France s'est aussi attachée à parachever le développement de sa filiale Hop! : depuis le 3 avril 2016, les compagnies Régional, Brit Air et Airlinair ont achevé leur processus de fusion et la flotte de ces compagnies a été homogénéisée et réduite de 82 à 77 appareils entre l'été 2014 et l'été 2016.

Votre rapporteure se félicite de cette dynamique offensive d'Air France, qui dispose du deuxième réseau intercontinental au monde , un actif inestimable qu'il faut s'efforcer de préserver . La mise en oeuvre du projet Boost permettra de conserver une connectivité élevée , s'agissant du facteur-clé de succès d'une compagnie de hub.


* 14 Du fait de ce développement rapide, et donc de forts investissements, Transavia France n'a jamais été rentable depuis sa création. Par ailleurs, les attentats en Tunisie et en France sont venus creuser ses pertes. C'est ainsi qu'en 2015 elle a enregistré une perte d'exploitation de 38 millions d'euros, environ 2,5 fois plus importante qu'en 2014.

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