C. LES MODÈLES ÉCONOMIQUES ALTERNATIFS SE MULTIPLIENT

1. Le coavionnage

Le coavionnage est apparu en France au début de l'année 2015 . Il s'agit d'une nouvelle pratique, inspirée d'initiatives telles que BlaBlaCar ou Uber dans le domaine routier, qui vise à permettre aux pilotes et aux passagers qui souhaitent rejoindre une même destination , ou bénéficier d'une initiation à l'aviation légère , de partager le vol et les coûts qui lui sont associés .

Selon ses promoteurs, ce nouveau modèle d'activité répond à plusieurs objectifs : développer l'aviation générale , offrir une possibilité de déplacement à moindre frais pour le passager, et diminuer le coût des heures de vol pour le pilote. Cependant, il s'avère que la conformité de ce type d'activité avec la réglementation en vigueur et son classement en transport privé ou en transport public sont délicats à apprécier. Le problème majeur est celui de la sécurité : soumettre un pilote amateur à une pression économique (arriver à l'heure à un endroit précis) pourrait le conduire à effectuer de mauvais choix, notamment au regard de l'appréciation des conditions météorologiques. Il n'est d'ailleurs pas garanti qu'un assureur accepte d'intervenir en cas d'accident.

Aux États-Unis, la Federal Aviation Administration (FAA) américaine a interdit le « flight sharing » aux pilotes privés. En Europe, seulement trois pays sont concernés par un fort potentiel d'activité de coavionnage : la France (avec le plus grand nombre de pilotes, d'avions légers et d'aérodromes), le Royaume-Uni et l'Allemagne. Ces deux derniers pays ont permis le démarrage du coavionnage en 2016 : les principales plates-formes de coavionnage françaises Wingly et Coavmi ont donc décidé d'y promouvoir leur activité.

En France, ce n'est pas seulement le cadre réglementaire qui a empêché le démarrage des vols de coavionnage mais surtout la position adoptée par la Fédération Française Aéronautique (FFA), suivie par la quasi-totalité des aéroclubs , d'interdire cette pratique dans leur règlement intérieur, en raison des problèmes de responsabilité et de non couverture par les assurances. Un nouveau cadre réglementaire , applicable depuis le 25 août 2016, a permis de clarifier l'exercice de cette activité :

- pour les vols circulaires réalisés par des pilotes privés, une expérience d' au moins 200 heures de vol est exigée après l'obtention de la licence, ainsi qu'une expérience récente de 25 heures de vol dans les 12 derniers mois : cette disposition est identique à celle concernant les baptêmes de l'air réalisés dans un cadre associatif ;

- pour les vols de navigation , il est en outre exigé, si le pilote ne dispose pas d'une licence de pilote professionnel, la détention d'une qualification de vol aux instruments ou d'une qualification d'instructeur .

Ce nouveau cadre permettra à environ 14 000 pilotes d'effectuer du coavionnage en vols de navigation, soit plus du tiers des pilotes français : ce sont les plus expérimentés. Il devrait encourager un démarrage progressif de cette activité, avec un objectif de maturité à l'été 2017.

2. L'avion-taxi

Le haut-de-gamme du transport aérien, l' aviation d'affaires , fait également l'objet d'innovations, alors que la crise économique a conduit beaucoup d'entreprises et de clients privés à reconsidérer leur politique d'utilisation de jet privés. En France, depuis 2009, la société Wijet propose de prendre un jet avec la même simplicité qu'un taxi, pour un prix fixe de 2 200 euros l'heure de vol avec possibilité de réservation en ligne. La société utilise une flotte standardisée de nouveaux jets bi-réacteurs Cessna Citation Mustang , le «very light jet » le plus vendu dans le monde depuis 2007 : ces appareils rapides (630 km/h) permettent de transporter jusqu'à 4 passagers sur un rayon de 2000 kilomètres / 3 heures de vol .

En septembre 2016, Wijet a racheté Blink , son concurrent principal en Europe, basé à Londres et exploitant le même modèle d'avion d'affaires d'entrée de gamme. La nouvelle entreprise compte désormais une centaine de salariés répartis dans 3 pays dont plus de 65 pilotes et co-pilotes. La flotte totalise 15 appareils , basés sur les aéroports de Paris-Le Bourget, Bordeaux, Lyon, Cannes, Nice, Bruxelles, Luxembourg, Genève et Londres. Wijet dessert plus de 1200 aéroports, contre 300 pour une compagnie classique, permettant ainsi une personnalisation maximale du trajet.

Pour résoudre le problème des vols à vide sur certains trajets retour (ce problème tendant à diminuer à mesure que la taille de la flotte s'accroît et concerne aujourd'hui moins de 25% des vols de Wijet contre 45% pour un jet classique), la société a créé une filiale CoJetage qui commercialise ces places à prix réduit (s'agissant de marge nette). Un partenariat avec Air France existe également depuis juillet 2014 afin d'assurer les liaisons pour sa clientèle de première classe entre les aéroports internationaux et les aéroports plus modestes.

3. Le low-cost long courrier

Longtemps réservé au moyen-courrier, le low-cost se développe désormais sur le long-courrier . Plusieurs compagnies sont déjà positionnées sur ce créneau, à l'instar de French Blue, Eurowings, Wow Air, Norwegian, Scoot ou Air Asia X. Elles offrent en moyenne des trajets 20 à 30 % moins chers que leurs concurrentes historiques, en appliquant les recettes qui ont fait le succès du low-cost sur le moyen-courrier :

- un billet avec des options payantes (bagage, restauration, assurance, choix du siège, télévision, internet) : le passager paie uniquement les prestations qui l'intéressent ;

- des gains de productivité chez les salariés par une application stricte des Flight Time Limitations (FTL) permettant d'accroître le nombre d'heures de vol du personnel, combinée à une rémunération inférieure (à la faveur d'un personnel plus jeune) : chez French Blue, les pilotes et le personnel de cabine voleront 800 heures par an, contre 700 à 750 heures chez leurs concurrents classiques, tandis que la moyenne d'âge est en moyenne dix ans de moins que chez Air France ;

- des coûts de structure faibles grâce à une commercialisation 100 % en ligne, moins onéreuse qu'une vente en agence : le personnel administratif n'est ainsi que de 5 personnes chez French Blue ;

- des avions modernes moins gourmands en maintenance et en carburant, tout en assurant un confort minimum aux passagers : French Blue a ainsi fait le choix de l'A350XWB, financé par fonds propres afin d'en réduire au maximum le coût de détention.

Le carburant bon marché constitue également un atout considérable pour le lancement de ces nouvelles offres : il permet aux compagnies de proposer les meilleurs prix d'appel possibles . La filière devrait connaître un essor dans les années à venir, puisque la clientèle de loisir croît de 7 à 8 % par an , contre 2 % pour la clientèle « business » qui constitue le coeur de cible des compagnies traditionnelles. Or même sur ce marché, des exploitants innovants sont désormais présents : La Compagnie, qui propose des vols en classe affaires à bas coûts sur la ligne Paris-New York, a commencé les opérations en juillet 2014 et a transporté 34 000 passagers en 2015.

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