EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 17 janvier 2017, sous la présidence de M. Jean-Pierre Raffarin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Philippe Paul sur le projet de loi n° 263 (2016-2017) relatif à la sécurité publique.

M. Philippe Paul, rapporteur. - Notre commission s'est saisie pour avis des articles premier et 10 du projet de loi relatif à la sécurité publique. Nous avons reçu délégation au fond pour l'article 10 car il concerne le Service militaire volontaire, créé par la loi du 28 juillet 2015 d'actualisation de la programmation militaire.

Depuis deux ans, les forces de l'ordre sont confrontées à une menace terroriste d'un niveau inédit tout en étant très mobilisées par leurs missions de maintien de l'ordre. Dans ce contexte, les imperfections du régime juridique de la légitime défense n'étaient plus acceptables.

La loi du 3 juin 2016 relative à la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, dont j'étais déjà rapporteur pour notre commission, a constitué une première étape indispensable en permettant aux forces de l'ordre et aux militaires de Sentinelle d'user de la force contre des terroristes engagés dans un « périple meurtrier ».

Toutefois, cette loi a laissé subsister un régime juridique à deux vitesses. En effet, d'un côté, les policiers et les militaires des armées relèvent de la légitime défense comme tous les citoyens. De l'autre, les gendarmes peuvent s'appuyer sur des règles spéciales d'ouverture du feu pour défendre le terrain qu'ils occupent, empêcher un criminel de s'enfuir ou arrêter un véhicule.

L'article premier du présent projet de loi harmonise enfin les textes. Désormais, il y aura d'un côté les citoyens, soumis à la légitime défense, et de l'autre l'ensemble des forces de l'ordre : policiers, gendarmes, douaniers et militaires des armés, qui pourront user de la force armée dans cinq situations bien définies. Afin d'assurer la conformité de ces règles à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), il est prévu que, dans tous les cas, l'usage des armes est soumis aux principes d'absolue nécessité et de proportionnalité.

Sur le fond, ces cinq cas d'usage des armes reprennent sensiblement le régime applicable actuellement aux gendarmes : le 1°reprend la légitime défense classique, le 2° concerne la défense d'un terrain ou la protection d'une personne, le 3° permet d'arrêter des personnes qui tentent de s'échapper après deux sommations, le 4° de stopper un véhicule également après sommations et le 5° reprend le cas du périple meurtrier.

Ce texte me semble satisfaisant pour au moins deux raisons. En clarifiant les règles d'usage des armes et en les harmonisant, il améliore considérablement la sécurité juridique pour les forces de l'ordre. Celles-ci seront plus confiantes dans leur capacité à répondre aux agressions sans risquer de se trouver mises en cause. Pour autant, ce régime juridique reste tout à fait conforme à ce que l'on peut attendre en démocratie lorsqu'il s'agit de l'usage d'une force potentiellement létale.

Second point, il n'y a pas de décrochage entre les militaires engagés sur notre territoire et les forces de sécurité intérieure. Les soldats de Sentinelle et de Vigipirate pourront répliquer dans les mêmes conditions que les gendarmes et les policiers. En outre, les soldats qui protègent les installations militaires sont également couverts par le nouveau texte.

Je signale par ailleurs que la Commission des lois va assouplir un peu les points 3° et 4° afin de préciser que la force pourra être utilisée s'il y a des raisons réelles et sérieuses de croire que des violences vont être commises, et non seulement si ces violences sont totalement certaines. En effet, tant le directeur de la gendarmerie nationale que le président de la chambre criminelle de la Cour de cassation ont estimé que la formulation actuelle du texte est un peu trop restrictive pour l'usage de la force.

Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, je vous propose d'approuver cet article premier.

Deuxième article qui concerne notre commission, l'article 10 instaure une nouvelle étape dans l'expérimentation du Service militaire volontaire (SMV), appelée Volontariat militaire d'insertion (VMI).

Je rappelle que le SMV constitue une transposition expérimentale du Service militaire adapté (SMA) en métropole, mise en place par la loi d'actualisation de la programmation militaire pour une durée de deux ans. Il existe actuellement trois centres du SMV à Montigny-lès-Metz, Brétigny-sur-Orge et la Rochelle, et un nouveau centre va ouvrir à Chalon-sur-Saône.

Selon le rapport transmis par le Gouvernement en décembre dernier, le SMV a démontré son efficacité pour permettre à des jeunes « décrocheurs » d'acquérir des diplômes, des formations et de trouver un emploi : le taux de sortie positive avoisine les 70 %, proche de celui du SMA. La formation militaire dispensée par les centres pendant les quatre premiers mois du service permet une structuration très bénéfique pour les volontaires. Les employeurs et les formateurs qui les accueillent par la suite témoignent de la confiance en soi retrouvée, de l'engagement et du dynamisme de ces jeunes.

En outre, cette expérimentation incarne par excellence le renouveau du lien armée-Nation que nous appelons de nos voeux et montre combien une initiative des armées peut apporter à la communauté nationale et au devenir des jeunes les plus en difficulté.

Le projet de loi Egalite et citoyenneté, adopté définitivement par l'Assemblée nationale le 22 décembre dernier, a déjà prolongé l'expérimentation du SMV jusqu'à la fin de 2018, afin de laisser le temps aux centres déjà créés d'aller jusqu'au bout de l'expérimentation.

Le présent projet de loi vise à instaurer un nouvel étage de l'expérimentation, déjà en cours de mise en place à Chalon-sur-Saône. Cette nouvelle phase aura vocation à exister dans toutes les régions où il existera pour ce faire une volonté convergente des acteurs de la formation professionnelle.

Pourquoi cette nouvelle étape ?

Comme notre commission l'avait relevé lors de la création du SMV en juillet 2015, le système présente un inconvénient : les volontaires sont entièrement soumis à l'état militaire et n'ont pas le statut de stagiaire de la formation professionnelle. Dès lors, ils ne peuvent pas entrer dans les dispositifs de formation de droit commun. Ceci oblige les centres à acheter toutes les formations sur le marché alors qu'elles existent et sont financées. Les centres sont de plus entièrement financés par le ministère de la défense, qui fournit les locaux, paie une solde aux volontaires, assure le fonctionnement courant et achète les formations.

Le présent article propose de changer la logique du système en conférant le statut de stagiaire de la formation professionnelle aux volontaires, qui pourront ainsi bénéficier des formations organisées et financées par l'ensemble des acteurs de la formation professionnelle et recevront la rémunération prévue par le code du travail.

En outre, les nouveaux centres seront désormais créés de manière partenariale sur un territoire avec la participation de Pôle emploi, des régions, des organismes consulaires, etc. Le ministère de la défense continuera à fournir l'encadrement militaire et éventuellement les locaux, mais la plus grande partie des coûts de fonctionnement et la rémunération des volontaires sera désormais répartie entre les autres acteurs.

Ainsi, à Chalon-sur-Saône, la région, le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels (FPSPP) et les organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) se sont déjà concertés pour financer des formations qualifiantes permettant à des jeunes d'accéder à des emplois dans la métallurgie, le bâtiment ou encore la sécurité.

Cette nouvelle étape de l'expérimentation, appelée volontariat militaire d'insertion (VMI), est instaurée à titre expérimental, jusqu'au 31 décembre 2018. Le SMV ayant été également prolongé jusqu'à cette date, le législateur devra se prononcer à la fin de l'année 2018 sur la pérennisation ou non d'un dispositif unique. À ce propos, il me semble qu'il sera préférable, in fine, de garder la marque « SMV », car elle constitue un label déjà reconnu et traduit mieux le lien armée-nation et la notion d'engagement qui constituent l'essence du dispositif !

De même, il nous faudra rester vigilant pour que le SMV reste un dispositif militaire et ne connaisse pas la même évolution que l'EPIDE, qui s'est très vite éloigné de la défense. À cet égard, le texte prévoit que le commandement du SMV va être érigé en Service à compétence nationale, placé auprès de la direction du service national et de la jeunesse du ministère de la défense. Ceci devrait permettre d'assurer que la gouvernance du dispositif reste militaire.

Je vous propose donc d'approuver ce nouveau dispositif, qui permettra d'intégrer les volontaires dans les dispositifs de droit commun de la formation professionnelle et suscitera une implication accrue des acteurs locaux. Ceux-ci sont en effet le mieux à même d'identifier les filières en tension et les formations adéquates au niveau régional.

En revanche, nous devrons être vigilants compte tenu du coût élevé du dispositif, de l'ordre de 25 000 euros par jeune et par an. Seule la poursuite des analyses en cours nous permettra de déterminer avec précision le ratio coût /avantage, de faire des comparaisons avec d'autres dispositifs d'insertion et de nous prononcer sur la pérennisation du système à la fin 2018. On peut cependant d'ores et déjà pressentir que le SMV comble un besoin spécifique qui n'est pas satisfait par les autres dispositifs de la formation professionnelle.

M. Gilbert Roger. - Ce dispositif me paraît excellent dès lors qu'il reste bien sous le contrôle des militaires et qu'il ne connaît pas l'évolution qui a été celle de l'EPIDE.

Examen des amendements

M. Philippe Paul, rapporteur. - L'amendement n°5 vise à préciser que le SMV et le VMI sont ouverts aux jeunes à partir de 18 ans et non de 17 ans : les règles applicables pour les mineurs sont trop complexes pour un tel dispositif comprenant un hébergement permanent. L'amendement n°3 tend à clarifier le contrat souscrit par les stagiaires : il ne s'agit pas d'un contrat à durée déterminée (CDD) mais d'un contrat spécifique au VMI. L'amendement n°1 est rédactionnel.

Les amendements n°5, 3 et 1 sont adoptés.

M. Philippe Paul, rapporteur . - L'amendement n°6 tend à supprimer la formulation selon laquelle les stagiaires conservent l'état militaire même pendant la durée de leur présence en entreprise. En effet, le Conseil constitutionnel a souligné dans sa décision QPC du 28 novembre 2014 que les sujétions particulières imposées aux militaires résultent de la nécessité de la « libre disposition de la force armée ». Or, si les volontaires reçoivent bien une formation initiale militaire, ils ne sont pas formés à l'usage des armes et le rapport d'évaluation précise bien qu' « il n'est pas du tout question de confier aux volontaires un rôle lié aux activités de défense ». Lorsque les volontaires sont en entreprise, ils deviennent stagiaires de la formation professionnelle et l'autorité qui s'exerce sur eux n'est plus celle de l'armée mais celle du responsable d'entreprise. Dès lors, il semble juridiquement fragile de préciser qu'ils conservent l'état militaire. En outre, il y aurait là une rupture d'égalité avec les autres stagiaires qui ne viennent pas des centres du SMV/VMI.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Quels sont les éléments de l'état militaire qui devaient s'appliquer en entreprise en l'absence de l'amendement ?

M. Philippe Paul, rapporteur. - Sans doute des restrictions en matière de devoir de réserve et de droits sociaux, mais, comme je l'ai expliqué, il me paraît compliqué de garder cette formulation dès lors que l'autorité est transmise au chef d'entreprise. L'amendement n°2 est rédactionnel. L'amendement n°4 précise le contenu du rapport d'évaluation afin que nous puissions prendre une décision éclairée sur la pérennisation ou non du dispositif.

Les amendements n°6, 2 et 4 sont adoptés.

Le rapport pour avis est adopté.

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