AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, la commission des affaires sociales du Sénat porte une attention particulière à l'activité de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca). Si les incidences budgétaires en sont limitées, au regard du volume du budget de l'État, de celui de la protection sociale ou même de l'ensemble des moyens consacrés à la lutte contre les addictions par les acteurs concernés, les enjeux sanitaires et sociaux liés à cette politique publique justifient un suivi exigeant de l'action gouvernementale en la matière.

Chargée d' animer et de coordonner les initiatives de l'État en matière de lutte contre l'usage de stupéfiants et les addictions , la Mildeca traverse une période de transition. Après avoir connu un changement à sa tête, le départ à la retraite de sa présidente, Mme Danièle Jourdain-Menninger, le 1 er mars 2017 ayant conduit à son remplacement à cette date par M. Nicolas Prisse, elle doit désormais élaborer, en collaboration avec les ministères compétents, la nouvelle stratégie pluriannuelle qui doit prendre le relais du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017.

La Mildeca voit ses capacités d'action contraintes par son budget , en léger recul en 2018 par rapport à 2017 (- 1,4 %) et qui connaîtra l'an prochain sa sixième année consécutive de baisse. Ses opérateurs , l'observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) et le centre interministériel de formation anti-drogue (Cifad), restent fragilisés après avoir subi ces dernières années une forte diminution de leurs ressources, même si le montant de leurs subventions pour charges de service public est inchangé en 2018. Indispensables et unanimement reconnus dans leurs domaines d'activité respectifs, ces deux organismes doivent être confortés et renforcés .

Cette situation ne doit pas pour autant pousser la Mildeca à renoncer à l' approche intégrée qui caractérise la politique française de lutte contre les addictions et repose tout autant sur la prévention, la réduction des risques et le soin que sur l'application de la loi, c'est-à-dire la sanction de l'usage et du trafic de stupéfiants. Dès lors, il lui appartient de concentrer son action sur les publics les plus à risque et surtout de corriger les insuffisances des politiques menées jusqu'à ce jour.

Ces dernières années, une expérimentation à la portée géographique limitée et concernant une population restreinte, celle de deux salles de consommation à moindre risque (SCMR) à Paris et à Strasbourg, a monopolisé le débat public sur la question des addictions, éclipsant d'autres problématiques liées à la toxicomanie pourtant essentielles en matière de santé publique et de maintien de l'ordre public. Il convient désormais de laisser cette expérimentation se poursuivre jusqu'à son terme et d'améliorer l'efficacité de la politique de lutte contre les drogues.

Cela devrait passer notamment par un changement de paradigme dans la réponse pénale à l'usage simple de stupéfiants , appelé de ses voeux par votre commission depuis plusieurs années. Le caractère dissuasif de la peine d'emprisonnement d'un an accompagnée de 3 750 euros d'amende, en vigueur depuis 1970 1 ( * ) , a disparu, celle-ci n'étant dans les faits pas appliquée et remplacée par des alternatives aux poursuites. La contraventionnalisation de cette infraction permettrait une sanction immédiate de ces comportements et en ferait ressentir à leurs auteurs les conséquences pécuniaires. Alors que le Gouvernement a annoncé engager une réflexion sur ce sujet, il est indispensable qu'elle soit menée dans les meilleurs délais afin de mettre un terme à l'immobilisme sur cette question essentielle.

Votre commission des affaires sociales fonde de grands espoirs dans la future politique interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, telle qu'elle sera prochainement définie par la Mildeca. Alors que les insuffisances des pratiques antérieures sont connues et que les défis à relever sont clairement identifiés, le Gouvernement ne peut se permettre de négliger la lutte contre les addictions ou de reconduire sans changement les stratégies passées. Il lui incombe désormais de traduire, dans le champ des addictions, le discours de rupture tenu au plus haut sommet de l'État.


* 1 Art. L. 3421-1 du code de la santé publique.

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