II. LE PROGRAMME 183 : DES ÉVOLUTIONS POSITIVES POUR LE DISPOSITIF DE L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT

Placé sous la responsabilité de la direction de la sécurité sociale, le programme « Protection maladie » rassemble les crédits dédiés au financement de l'aide médicale d'État (AME) et à la contribution de l'État au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva).

Pour 2018, le projet de loi de finances fixe les crédits de ce programme à 931,7 millions d'euros contre 823,2 millions en 2017. Cette forte progression résulte intégralement des crédits destinés à l'AME de droit commun, qui représentent près de 99 % des crédits du programme, le montant de la dotation au Fiva étant depuis 2017 réduite de 40 % par rapport à son niveau de 2016.

Évolution des crédits des actions du programme 183 entre 2017 et 2018

(en millions d'euros)

LFI 2017

PLF 2018

Évolution

Action 02 : Aide médicale d'Etat

815,2

923,7

+13,3 %

Action 03 : Fonds d'indemnisation
des victimes de l'amiante

8,0

8,0

-

Total

823,2

931,7

+13,2 %

Source : Projet annuel de performances pour 2018

A. UN EFFORT DE SINCÉRITÉ SUR LES CRÉDITS D'AME POUR 2018

1. Un dispositif qui répond à un double objectif humanitaire et de santé publique

Prévu à l'article L. 251-1 du code de l'action sociale et des familles, l'AME vise à assurer une couverture du risque maladie aux personnes étrangères en situation irrégulière dans un double objectif humanitaire et de santé publique. Elle regroupe trois dispositifs distincts :


L'AME de droit commun, entrée en vigueur le 1 er janvier 2000 parallèlement à la couverture maladie universelle (CMU), permet la prise en charge des soins des personnes résidant en France de façon ininterrompue depuis plus de trois mois et disposant de ressources inférieures à un plafond identique à celui fixé pour le bénéfice de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) 5 ( * ) . Elle est accordée pour la durée d'un an renouvelable. Financé par l'État, le dispositif est géré par la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) qui avance les frais avant leur prise en charge par l'État.


L'AME « soins urgents » concerne les étrangers en situation irrégulière ne justifiant pas de la condition de résidence nécessaire pour bénéficier de l'AME de droit commun et nécessitant des soins urgents « dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne ou d'un enfant à naître ». Sont également considérés comme urgents les soins destinés à éviter la propagation d'une pathologie à l'entourage ou à la collectivité ainsi que les soins liés à la maternité et à l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Les soins sont assurés par les hôpitaux et réglés aux établissements de santé par la Cnam à partir d'une subvention forfaitaire de l'État depuis plusieurs années.


L'AME « humanitaire » est quant à elle accordée au cas par cas, sur décision individuelle du ministre compétent, à des personnes ne résidant pas sur le territoire français de façon habituelle (personnes françaises ou étrangères en situation régulière). Elle représente environ une centaine d'admissions pour soins hospitaliers.

L'action n° 02 du programme 183 regroupe par ailleurs des dispositifs connexes tels que les évacuations sanitaires d'étrangers résidant à Mayotte vers des hôpitaux de La Réunion ou de la métropole et les frais pharmaceutiques et soins infirmiers des personnes gardées à vue.

2. Des prévisions budgétaires passées peu fiables

Au cours des dernières années, les dépenses liées à l'AME de droit commun se sont caractérisées à la fois par une forte dynamique et par une faible fiabilité des prévisions budgétaires.

Depuis 2012, les dépenses d'AME ont en effet progressé de 40 %. La hausse tendancielle des effectifs, qui a plus que doublé depuis la création du dispositif, demeure le déterminant essentiel de cette dépense : entre 2014 et 2015, cette hausse a atteint 7,5 %.

Depuis 2016, les effectifs de bénéficiaires semblent cependant connaître une inflexion : au 31 décembre 2016, le nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun s'élevait à 311 310, contre 316 314 un an auparavant, dont 23 041 en outre-mer. Selon les informations communiquées à votre rapporteure par le ministère des solidarités et de la santé, cette tendance se confirmerait en 2017 .

Au regard du contexte international et de la densification des flux migratoires, cette tendance apparaît contre intuitive ; les services ministériels auditionnés par votre rapporteur n'ont cependant pas pu apporter d'éléments d'explication probants à cette évolution.

Évolution du nombre de bénéficiaires de l'AME depuis 2003

Au 31/12

Nombre de bénéficiaires

Variation annuelle

2003

180 415

+ 17 %

2004

154 971

- 14%

2005

189 284

+ 22 %

2006

202 396

+ 7 %

2007

194 615

- 4 %

2008

202 503

+ 4 %

2009

215 763

+ 6,5 %

2010

228 036

+ 5,7 %

2011

208 974

- 8 %

2012

252 437

+ 21 %

2013

282 425

+ 12 %

2014

294 298

+ 4 %

2015

316 314

+ 7,5 %

2016

311 310

- 1,6 %

Source : Projet annuel de performances pour 2018, page 85

Selon les informations communiquées par le Gouvernement, les bénéficiaires de l'AME sont une population plutôt jeune : 20 % sont des mineurs et 38 % sont âgés de 18 à 35 ans. Les hommes représentent 56 % de l'effectif total.

En 2016, environ 65 % des dépenses d'AME de droit commun résultent de prestations hospitalières. S'agissant des prestations de ville, les honoraires des médecins généralistes et spécialistes représentent 25 % des dépenses et les dépenses de médicaments 43 %.

Depuis toujours, les dépenses exécutées au titre de l'AME restent relativement concentrées sur le territoire. Sur 106 caisses primaires d'assurance maladie (Cpam) ou caisses générales de sécurité sociale, 10 concentrent 64 % de la dépense. La Cpam de Paris représente 22 % de la dépense totale d'AME, les caisses franciliennes 52 % et celle de Cayenne 5 %.

Les dépenses d'AME ont traditionnellement fait l'objet d'une sous-budgétisation récurrente, appelant des abondements de crédits en loi de finances rectificative . De plus, les dotations inscrites dans les lois de finances ne permettant pas de couvrir la totalité des dépenses d'AME, il en est résulté une dette de l'État vis-à-vis de la Cnam . Des apurements de dette ont eu lieu en 2007 (920 millions d'euros) et 2009 (280 millions d'euros). Une dette s'est cependant de nouveau constituée dès 2011. Son montant est passé de 6,2 millions à 57,3 millions d'euros fin 2014. La dette cumulée de l'État vis-à-vis de la Cnam au titre des dépenses d'AME représentait 12,5 millions d'euros fin 2015 et 11,4 millions fin 2016 .

3. Un effort de sincérité dans les prévisions pour 2018

Pour 2018, les crédits ouverts au titre de l'AME s'élèvent à 923,7 millions d'euros, contre 815 millions initialement ouverts en 2017, soit une hausse de plus de 13 % entre les deux exercices. La prévision de dépenses d'AME inscrite dans le projet de loi de finances se décompose comme suit :

- 882 millions d'euros au titre de l'AME de droit commun contre 772,55 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2017. Selon le Gouvernement, cette évolution prend en compte l'évolution tendancielle des effectifs bénéficiaires « consommants de soins » de 5,3 % par an observée jusqu'en 2016 et se fonde sur une « stabilisation du coût moyen des dépenses de santé prises en charge hors inflation » 6 ( * ) ;

- 40 millions d'euros pour l'AME « soins urgents » , une dotation forfaitaire d'un montant identique à celui prévu chaque année depuis 2008 ;

- 1,68 million d'euros pour les autres dépenses d'AME, soit une baisse de 37 % par rapport à 2017. Ce montant correspond au niveau constaté en exécution en 2016.

S'agissant de l'AME « soins urgents », le projet annuel de performances pour 2018 indique que la participation forfaitaire de l'État n'a couvert que 52 % des dépenses de soins à la charge de la Cnam en 2016, après 45 % en 2015. Les dépenses exécutées se sont en effet élevées à 76,9 millions d'euros en 2016 après 88,9 millions en 2015.

S'agissant de l'AME de droit commun, votre rapporteur estime qu'il convient de reconnaître l'effort de sincérité réalisé par le Gouvernement cette année pour mettre fin à la sous budgétisation chronique du programme 204 . Selon les informations qui lui ont été communiquées, la dette cumulée de l'État vis-à-vis de la Cnam au titre des dépenses d'AME serait désormais apurée. Des évolutions positives sont donc en cours.

Des efforts sont également réalisés pour améliorer la maîtrise du dispositif. Au-delà de l'introduction d'un contrôle ciblé sur 10 % des dossiers, soit un taux nettement plus élevé que pour les autres dispositifs, l'instruction de l'ensemble des demandes d'AME en métropole sera, à compter de 2018, centralisée auprès des trois caisses les plus concernées (Paris, Bobigny et Marseille). L'objectif poursuivi est une harmonisation et une sécurité accrues des procédures ainsi qu'une diminution des coûts de gestion.

Il semble en outre que la demande des caisses d'accéder aux informations détenues par le ministère de l'intérieur s'agissant des titres de séjour ait enfin été entendue. Selon les informations transmises à votre rapporteure, une telle possibilité pourrait être ouverte d'ici fin 2018. Votre commission salue cette démarche qu'elle avait elle-même appelée de ses voeux lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016 en déposant un amendement en ce sens 7 ( * ) .


* 5 727 euros mensuels pour une personne seule au 1 er avril 2017 en métropole.

* 6 Projet annuel de performances pour 2018, page 87.

* 7 http://www.senat.fr/amendements/2015-2016/163/Amdt_II-195.html.

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