D. L'AFPA : UNE DOTATION MAINTENUE MAIS DE NOMBREUX DÉFIS À RELEVER EN URGENCE

Issue de la transformation le 1 er janvier 2017 de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) en établissement public industriel et commercial 56 ( * ) , l' Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes bénéficiera l'an prochain de 110 millions d'euros , soit le même montant que celui prévu dans le PLF pour 2017.

En tant que rapporteur sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance qui a modifié le statut de l'Afpa, votre rapporteur pour avis avait considéré que les critères retenus par le ministère pour calculer les compensations afférentes à chaque service d'intérêt économique général (SIEG) devaient être « précis, objectifs et publics », car « si la dotation est trop faible, elle affaiblira l'agence, mais si elle est trop élevée, elle sera assimilée à une surcompensation et la Commission européenne pourrait alors exiger le remboursement du surplus » 57 ( * ) .

Afin d'éviter tout risque de requalification des subventions en aide d'État, l'ordonnance du 10 novembre 2016 interdit toute surcompensation des sujétions liées à l'exercice de missions de service public 58 ( * ) .

Cette dotation aura donc pour but exclusif de financer les missions de service public suivantes de l'agence 59 ( * ) :

- la formation et à la qualification des personnes les plus éloignées de l'emploi et leur insertion professionnelle ;

- l'ingénierie de certification professionnelle pour le compte de l'État (Ministère du travail et autres ministères);

- l'égal accès des femmes et des hommes à la formation professionnelle et la promotion de la mixité des métiers ;

- l'égal accès, sur l'ensemble du territoire, aux services publics de l'emploi et de la formation professionnelle ;

- l'émergence et l'organisation de nouveaux métiers et de nouvelles compétences ;

- l'expertise prospective sur l'évolution des compétences ;

- l'appui au conseil en évolution professionnelle à destination des publics les plus fragiles.

Selon votre rapporteur pour avis, les mois qui viennent seront décisifs pour l'avenir de l'agence en raison de ses difficultés financières. Son chiffre d'affaires devrait atteindre 758 millions d'euros, soit 20 millions de plus qu'en 2016, mais ses frais de fonctionnement et de personnel pourraient s'élever à 770 millions, soit 28 millions de plus que dans le budget prévisionnel. Par conséquent, l'excédent brut d'exploitation sera négatif en 2017 et s'établirait à - 34,8 millions. Par ailleurs, l'agence ploie sous le poids de trois dettes majeures : 82 millions de dette sociales (qui ont donné lieu à un accord pour un paiement échelonné sur dix ans), 110 millions de dettes fiscales liées à l'occupation du domaine public et 200 millions d'obligations associatives, accordées par l'État en 2007 et qui devront être remboursées dans vingt ans.

Votre rapporteur pour avis exprime sa plus vive inquiétude sur l'avenir de l'agence. La transformation de l'association en établissement public était justifiée mais elle est intervenue trop tardivement. Le changement de statut de l'Afpa ne constitue « qu'une condition nécessaire, mais non suffisante , pour assurer la pérennité de l'activité de formation de l'agence » car la nouvelle direction doit « mettre en place très rapidement une stratégie de développement ambitieuse pour répondre aux besoins des entreprises et des régions et rassurer ainsi un personnel échaudé par des années d'incertitude et de tentatives avortées de réforme » 60 ( * ) . A la suite de la démission récente et inattendue de son président Yves Barou, effective depuis le 17 novembre dernier, force est de constater que l'agence n'a toujours pas bâti un plan de développement convaincant . L'ancien président de l'agence considère que son principal désaccord stratégique avec le Gouvernement concerne son modèle économique 61 ( * ) , qui n'a pas encore été trouvé, et qui implique selon lui une remise à plat de l'ensemble des acteurs du service public. Il a également réclamé un investissement accru en matière d'équipement numérique ainsi que le maintien d'un maillage territorial homogène.

Votre rapporteur pour avis forme donc le voeu que la direction de l'agence mette en place un plan de développement ambitieux, en accord avec ses tutelles et après concertation avec les syndicats, afin d'assurer la pérennité de son activité. Pour mémoire, la dotation de l'État ne représente qu'une faible partie du chiffre d'affaires de l'agence : en 2016, pour un chiffre d'affaires de 737 millions, la commande publique passée par les collectivités territoriales et les organismes institutionnels s'est élevée à 447 millions, tandis que le marché des entreprises représentait 65 millions d'euros. Autrement dit, l'agence doit donner la priorité au marché de la formation professionnelle si elle ne souhaite pas être réduite à ses missions de service public.

Au 1 er janvier 2018, avec un semestre de retard, les deux filiales prévues par l'ordonnance du 10 novembre 2016 seront opérationnelles : 358 salariés seront transférés dans la filiale « accès à l'emploi », tandis que 223 seront transférés dans la filiale « entreprises et salariés », les formateurs restant au sein de l'agence. Début 2018, l'agence devra présenter en même temps son modèle de développement et son contrat de performances et d'objectifs, optimiser la comptabilité analytique de ses coûts et se prononcer sur l'avenir de certains de ses 165 centres. La direction devra veiller à convaincre ses ministères de tutelle de la pertinence de ses choix stratégiques puis à les expliquer à son personnel dans un climat social apaisé, pour mener à bien la mue de l'agence, qui est aujourd'hui à la croisée des chemins.


* 56 Ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes.

* 57 Rapport sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2016-1519 du 10 novembre 2016 portant création au sein du service public de l'emploi de l'établissement public chargé de la formation professionnelle des adultes, de Michel Forissier, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, 1 er février 2016, p. 58.

* 58 Art. L. 5315-5 du code du travail.

* 59 L'article L. 5315-5 du code du travail dispose que les dotations de l'État à l'agence « sont calculées pour compenser au plus la charge financière des missions et sujétions de service public résultant de l'application de l'article L. 5315-1 et des 1° à 3° et du a du 4° de l'article L. 5315-2 » du même code.

* 60 Op. cit., p. 60.

* 61 Pour mémoire, les pertes de l'Afpa en 2016 s'élevaient à 63 millions d'euros.

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